Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Le Gouvernement veut nous « vendre » le CPE - surtout le Premier ministre, qui s'est particulièrement illustré jusqu'ici pour le défendre, même si nous n'avons pas eu l'honneur de le voir au Sénat - en s'appuyant sur les succès du CNE, voté par votre majorité il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre délégué. Vous nous avez dit immédiatement qu'il était à la source d'une augmentation du nombre d'emplois de 280 000.

Nous avons eu l'occasion de vous dire combien ce chiffre paraissait suspect. D'abord, parce que, dans le même temps, 87 000 emplois industriels avaient disparu ; dans le même temps, les ressources de l'UNEDIC baissaient ; dans le même temps, enfin, le nombre de RMIstes croissait de façon assez inquiétante.

J'ajoute que les services de l'État, l'INSEE et la DARES, que vous avez d'ailleurs réprimandés, nous disent qu'il n'y aura finalement que 70 000 créations d'emplois grâce au CNE.

Pour autant, vous ne voulez pas démordre de vos positions, et, même si les résultats ne sont pas probants, vous affirmez que, en tout état de cause, ce qui permet aux entreprises d'embaucher, c'est plus de facilité pour licencier. Vous ajoutez, bien entendu, tant cette affirmation semble suspecte, que les patrons ne licencient pas par plaisir et qu'ils garderont, sauf exception, ceux qu'ils auront embauchés grâce à la facilité que leur donne le Gouvernement.

Donc, avant même d'avoir bien analysé ce qu'il en était de votre CNE, vous vous êtes précipité pour déposer un amendement « CPE » à ce projet de loi sur l'égalité des chances. Vous comprendrez que nous n'apprécions guère la méthode utilisée !

Nous n'avions pas beaucoup de recul, c'est un fait. Or, depuis quelques jours, les premiers résultats tangibles - si je puis dire - des embauches CNE nous parviennent. Ils ne doivent rien à la médisance de la presse qui, contrairement à ce que vous semblez dire, se contente de les relater. Ils nous remontent tout simplement des organisations syndicales saisies par les salariés licenciés, qui pensent, à juste titre, avoir des droits à faire valoir, puisque, jusqu'ici en tout cas, tout licencié pouvait saisir la justice, pour abus de pouvoir.

Ainsi, selon des informations transmises par la CGT, sur vingt-trois personnes embauchées à la fin de l'année à Douarnenez, quatorze ont déjà été licenciées. La CFDT nous a également appris qu'elle recevait en moyenne cinq CNE chaque semaine à sa permanence juridique - je ne compte donc pas les salariés qui consultent d'autres permanences -, ces personnes ayant déjà été licenciées après avoir été embauchées sous CNE au mois de décembre !

Les organisations ont donc, à juste raison, conclu que le CNE avait été un effet d'aubaine pour des recrutements de fin d'année - avec les fêtes, le commerce a besoin de recruter - et que c'en était déjà fini du succès du CNE.

Les salariés licenciés s'adressent aux prud'hommes, ce qui est légitime, vous ne le contestez pas. Mais ne nous y trompons pas : l'affaire qui a donné lieu au jugement des prud'hommes de Longjumeau est vraiment caractéristique d'un abus de pouvoir puisque le CDI sous lequel la personne avait été embauchée s'est transformé, après un tour de passe-passe, en CNE. En revanche, il y a fort à parier que, sur les motifs du licenciement, la justice n'aura pas grand-chose à dire puisque les licenciements n'ont pas à être motivés.

Bien sûr, les recours indisposent le patronat, qui, de toute façon, est indisposé dès qu'il est mis un tant soit peu en cause, et a déjà fait savoir - quelle noblesse ! - qu'au fond il ne voulait pas du CNE et qu'il jugeait inutile de stigmatiser les jeunes. Ce n'est pas joli de stigmatiser les jeunes ! Ce que veut le patronat, et il vous le dit sur tous les tons, c'est un contrat unique qui permette de licencier tout le monde.

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