Monsieur le ministre, il s’agit là, de ma part, d’une question récurrente.
En 2010, puis en 2015, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le dossier de l’illettrisme dans le département de l’Aisne, dont je suis l’élu. Nous sommes en 2018, et il nous faut revenir sur ce sujet sensible pour essayer d’avoir, à tout le moins, une écoute compréhensive, à défaut d’avoir obtenu des réponses rassurantes depuis toutes ces années ! Mais il paraît que nous sommes entrés dans une nouvelle ère…
Je vous cite, monsieur le ministre : « La première inégalité est celle du langage et du vocabulaire. » Or les chiffres de l’illettrisme en région Hauts-de-France, et plus précisément dans le département de l’Aisne, sont catastrophiques et vont croissant d’année en année.
Dans ce département, le taux de jeunes en difficulté de lecture a crû, passant de 8, 3 % en 2009 à 16 % en 2014, avant d’atteindre 16, 73 % en 2015 et 17, 7 % aujourd’hui : ce taux doit être comparé à la moyenne nationale, qui s’élève à 10, 8 %. Ces chiffres émanent des tests menés auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans lors de la journée défense et citoyenneté. Ils sont inacceptables dans une société où l’instruction est obligatoire.
Il apparaît, constat identique depuis plusieurs années, que, plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l’éducation est faible.
Pour l’académie d’Amiens, on avait annoncé « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017 », comprenant notamment « des actions de formation d’envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l’intention des jeunes ».
Le décalage dont souffre la Picardie, et plus particulièrement l’Aisne, par rapport à la situation nationale ne s’est pas estompé en l’espace de quinze ans.
Plus largement, il en est de même pour le niveau des diplômes. En 2013, lors du dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 37 % de la population des Hauts-de-France ne possédait pas de diplôme, et 39 % de ses habitants étaient titulaires du seul baccalauréat.
En septembre 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, a rendu publique une étude passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives, rapport au titre troublant : Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l ’ OCDE ?
Dernière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui seront de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d’assumer dignement l’entretien d’une famille.
N’est-il pas temps de nous inspirer de nos voisins du nord de l’Europe, de l’Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d’illettrisme plafonnent à environ 3, 5 % de la population ? Leurs méthodes sont connues : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, pédagogie tenant compte des différents niveaux dans la même classe, etc.
Monsieur le ministre, je sais qu’après l’élection présidentielle de mai 2017 vous avez aussitôt décidé de dédoubler les classes primaires dans les zones défavorisées, et nous vous en louons.
J’ai bien entendu votre réponse lors de l’examen du budget 2018, pour ce qui concerne la détection et la prévention des élèves atteints de troubles « dys » par une médecine scolaire revalorisée et opérationnelle. Je vous remercie d’ailleurs de nous indiquer l’état de mise en œuvre de cette volonté.
Par ailleurs, il était temps de faire un effort vers les bibliothèques dans ces régions où les difficultés de lecture sont grandes. Le projet de loi de finances pour 2018 nous en donné l’occasion, au Sénat, …