Séance en hémicycle du 16 janvier 2018 à 9h30

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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je vous souhaite une excellente année 2018 !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Le compte rendu intégral de la séance du 20 décembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Guy Besse, qui fut sénateur de l’Indre de 1982 à 1989, et Georges Othily, qui fut sénateur de la Guyane de 1989 à 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant les ordonnances environnementales n° 2016-1058 et 2016-1060 du 3 août 2016, qui s’est réunie le mercredi 20 décembre 2017, est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 117, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les conséquences sur l’emploi de la décision du groupe industriel Nestlé de déménager son centre de recherche et de développement de Galderma, situé à Sophia Antipolis, dans les Alpes-Maritimes.

Après trente-six ans de présence dans ce département, le plus grand centre de recherche du groupe devrait disparaître en septembre prochain. Au total, 550 emplois sont menacés.

Si une centaine d’opportunités professionnelles sont proposées en Suisse à travers un plan de mobilité internationale, nombre de salariés risquent de perdre leur emploi en France. Certains ne pourront évidemment pas accepter la mobilité en Suisse, en raison de leur implantation locale dans les Alpes-Maritimes, où leurs conjoints travaillent et où leurs enfants sont scolarisés.

Le plan actuellement négocié entre la direction et le comité d’entreprise n’apporte pas de réponse satisfaisante, qu’il s’agisse des indemnités, de la formation pour d’éventuelles reconversions ou de la prise en compte de l’ensemble des situations individuelles. Je pense en particulier aux salariés en situation de handicap et aux salariés dits « seniors », qui présentent malheureusement les taux d’embauche les plus faibles.

Si Nestlé a annoncé être prêt à céder la propriété intellectuelle pour faciliter la création de start-up sur le site, ce changement de statut peut se réduire à un mirage : il n’offre pas les mêmes garanties professionnelles qu’une entreprise internationale, surtout pour des scientifiques.

Enfin, la recherche d’un repreneur se révèle plus que nébuleuse. Seule l’arrivée d’une entreprise équivalente, proposant des missions consacrées au même secteur et porteuse d’une dimension sociale forte, limitera les pertes d’emplois.

Monsieur le secrétaire d’État, la décision de Nestlé date de septembre dernier ; je me suis rendue sur le site pour rencontrer les salariés en novembre ; j’ai aussitôt interrogé, à la veille de l’examen du budget, le ministre de l’économie et des finances, qui a exprimé toute l’attention de l’État aux salariés de Galderma. Mais, à ce jour, ces derniers n’ont toujours aucune visibilité au sujet d’éventuels repreneurs.

Pourtant, depuis la loi dite « Florange » de 2014, les entreprises qui cessent leur activité ont des obligations de recherche de repreneur, d’information et de dialogue social. L’État a donc une responsabilité de suivi.

Où en est-on, concrètement, dans la recherche d’un repreneur ? L’État a-t-il des propositions ?

Monsieur le secrétaire d’État, les représentants des salariés ont été reçus à Bercy et au ministère du travail en novembre dernier. La difficulté de trouver un interlocuteur chez Nestlé a alors été soulevée. Où en sont les négociations du Gouvernement avec cette entreprise ? Quelles actions concrètes a-t-on pu engager ?

Je terminerai en saluant les salariés de Galderma, représentants du comité d’entreprise, présents ce matin dans nos tribunes. Ils sont venus spécialement pour écouter votre réponse. Ainsi, ils manifestent leur motivation et leur espoir : que l’État puisse faire respecter le droit et qu’il leur apporte un appui bienveillant, à eux qui, depuis plusieurs semaines, mènent un combat courageux.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Pour la sérénité des débats, j’invite les uns et les autres à respecter leur temps de parole.

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de présenter, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes vœux pour la nouvelle année, à vous-mêmes et à l’ensemble de vos collègues. Je salue également les représentants des salariés présents en tribune.

Madame Estrosi Sassone, la société Galderma, située à Biot, à Sophia Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, œuvre dans le domaine de la recherche et développement. Depuis 2016, elle est propriété à 100 % du groupe Nestlé.

Le projet de réorganisation mondial lié à l’abandon des produits de type « crème » s’accompagne à terme du désengagement du groupe de son site de Sophia Antipolis, avec les conséquences et les inquiétudes que vous avez décrites.

Ainsi, Galderma a ouvert un dossier de plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE. Dans un premier temps, un plan de départs volontaires porte sur 400 postes, l’entreprise proposant seulement 100 postes de reclassement au niveau de son siège, en Suisse. La première consultation du comité d’entreprise a eu lieu le 2 octobre dernier.

À la suite de cette annonce, les représentants du groupe Nestlé ont été reçus à de multiples reprises par le Gouvernement et par les services compétents de l’État, en particulier par les services de Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.

C’est ainsi que M. Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, a reçu la direction de Nestlé France la semaine dernière. À cette occasion, il a répété une fois encore combien le Gouvernement est attaché à la recherche d’un repreneur pour l’ensemble du site et au respect des dispositions de la loi Florange. Ce projet devra aboutir au repositionnement d’activités de pointe, qui sauront tirer parti des compétences de haut niveau dont disposent les salariés du site.

M. Floris poursuit ses discussions avec le groupe Nestlé. Il se rendra dans votre département le 7 février prochain pour faire le point sur les projets de reprise du site avec la direction et les représentants du personnel, que nous lui avons demandé de rencontrer. Si vous le souhaitez, il se tiendra aussi à votre disposition pour s’entretenir avec vous des projets à l’étude et de l’état des discussions.

Par ailleurs, je tiens à le souligner, les salariés du site et leurs représentants font preuve d’un grand sens des responsabilités. Un dialogue social constructif a pu s’engager avec la signature d’un accord de méthode. Cette démarche doit se poursuivre pour donner toutes leurs chances au site et à ses salariés et, ainsi, répondre à l’implication de ceux-ci.

Je puis vous assurer que l’État restera extrêmement attentif à la mise en œuvre de cette réorganisation, à la recherche d’activités nouvelles et aux mesures d’accompagnement qui seront proposées aux salariés. L’ensemble de ces démarches devront être à la hauteur des capacités d’un groupe comme Nestlé.

Nous appelons de nos vœux la prise en compte, dans le cadre des propositions que Nestlé fera, de chacune des spécificités et des spécialités du site et des salariés qui l’ont fait vivre jusqu’à aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Je serai brève, monsieur le président.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de l’annonce de la visite du délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, que j’accueille avec beaucoup d’espoir et de détermination. Je serai évidemment présente le 7 février prochain, comme les salariés et les représentants au comité d’entreprise.

J’attire également votre attention sur la question du crédit d’impôt recherche, le CIR, qui devrait aujourd’hui être encadré. Galderma a perçu plus de 68 millions d’euros au titre de ce crédit d’impôt depuis plusieurs années. Or cette entreprise n’a, d’une certaine manière, de comptes à rendre à personne quant aux nombreux avantages qui lui ont ainsi été consentis. Elle n’a même pas pris la peine de proposer, en amont, un véritable plan permettant aux salariés d’anticiper une éventuelle fermeture du site ! Il y a là un réel problème d’ordre général.

Sans doute le manque d’attractivité, aujourd’hui avéré, dont souffre notre pays, explique-t-il plus largement que des sites de cette nature n’arrivent pas à se maintenir sur notre territoire, même quand ils dépendent d’un groupe qui dégage des chiffres d’affaires très élevés en France, en Europe et dans le monde.

Le Gouvernement doit se pencher sérieusement sur l’ensemble de ces problèmes et, plus généralement, sur la situation de la science et des scientifiques en France ; ces problématiques doivent être beaucoup mieux traitées, car notre pays, et le territoire des Alpes-Maritimes en particulier, ont grand besoin de leurs emplois hautement qualifiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 124, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’importance des investissements exigés de la part des collectivités territoriales pour réhabiliter, mettre aux normes ou créer des équipements structurants et des services aux publics au sein des territoires, notamment en milieu rural, afin d’assurer un véritable maillage territorial et de soutenir l’économie locale.

Ces collectivités territoriales, touchées par la baisse des dotations de l’État, sont confrontées au problème de l’importance de l’autofinancement pour faire aboutir leurs projets.

À la demande de l’État, la Caisse des dépôts et consignations a mis en place des dispositifs de soutien avantageux pour les collectivités territoriales ayant des besoins d’investissement en matière d’équipements publics. Je vous en donnerai trois exemples.

Tout d’abord, des prêts à long terme sont accordés au taux du livret A majoré de 1 %. Ma commune d’Arrens-Marsous, dans les Hautes-Pyrénées, a pu bénéficier de ce dispositif pour réaliser de façon urgente et nécessaire la réhabilitation d’une station d’épuration.

Ensuite, des prêts à taux zéro sont proposés. Le conseil départemental des Hautes-Pyrénées a pu en bénéficier pour acquérir et rénover un bâtiment public destiné à héberger une partie de ses services. Ce projet a permis au département de réaliser des économies de fonctionnement et d’énergie, de répondre aux mises aux normes d’accessibilité et d’offrir de meilleures conditions de travail à ses agents.

Enfin, en 2015, le préfinancement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, a assuré le lissage des trésoreries.

Ces dispositifs sont beaucoup plus intéressants que ceux des banques. Ces dernières proposent des prêts de plus courte durée à des taux bien supérieurs, quand elles ne refusent pas tout simplement de prêter aux collectivités…

Or certains de ces prêts de la Caisse des dépôts et consignations, précieux pour les collectivités territoriales, semblent aujourd’hui menacés. Le sont-ils réellement ? Si tel est le cas, seront-ils remplacés par de nouveaux accompagnements financiers tout aussi avantageux ?

J’insiste encore, monsieur le secrétaire d’État, sur l’importance de ces dispositifs pour les collectivités, soucieuses de maintenir leurs investissements et, partant, l’attractivité de leur territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame Artigalas, le ministère de l’économie et des finances n’a aucunement l’intention de supprimer les prêts du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales.

Au contraire, M. le ministre de l’économie et des finances a récemment confirmé au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations la prolongation jusqu’en 2020 de l’enveloppe de 20 milliards d’euros en faveur du secteur public local.

Une rationalisation des dispositifs publics de financement du secteur public local paraît toutefois nécessaire. En effet, la Cour des comptes a récemment appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité de rationaliser les dispositifs publics locaux de financement, dans un contexte de taux extrêmement favorables pour les collectivités territoriales et de concurrence entre plusieurs dispositifs, parmi lesquels le fonds d’épargne, mais aussi la Société de financement local, la SFIL, dont la Caisse des dépôts et consignations est l’un des actionnaires, et la Banque européenne d’investissement, la BEI.

Dans ces conditions, l’enveloppe de financement sur fonds d’épargne destinée aux collectivités territoriales a vocation à constituer un mécanisme de précaution face à une éventuelle recrudescence de la défaillance du marché du financement du secteur public local.

Je rappelle que, dans ce contexte, l’offre de la SFIL, une offre de marché aujourd’hui très compétitive, est appelée à être le dispositif public pivot de l’offre de prêt.

Pour ces raisons, l’enveloppe est tarifée au taux du livret A assorti d’une marge de 130 points de base et recentrée sur les prêts de long terme, soit vingt-cinq ans et plus, pour lesquels la ressource du fonds d’épargne, qui n’intervient qu’à taux variable, contrairement aux autres dispositifs publics et aux banques commerciales, paraît compétitive dans la durée.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du Grand plan d’investissement, le ministre a souhaité ouvrir, pour cinq ans, une enveloppe de 2 milliards d’euros à taux préférentiel, destinée au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments publics, conformément aux recommandations du rapport établi par M. Pisani-Ferry à la demande de M. le Premier ministre.

Cette enveloppe, qui remplace l’actuelle enveloppe de prêts « croissance verte », sera tarifée au taux du livret A majoré de 75 points de base et pourra financer des projets d’une maturité minimale de vingt ans.

Madame la sénatrice, vous le constatez : avec le maintien des fonds de soutien, l’offre compétitive dont j’ai parlé et cette enveloppe à taux préférentiel, les dispositifs de soutien de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales sont maintenus. Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de les voir supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait tout à fait.

Je tiens simplement à souligner que, face aux difficultés financières qu’ont connues à un moment donné certaines collectivités territoriales, le prêt à taux zéro était le dispositif le plus intéressant pour elles ; il leur a permis de réaliser des équipements structurants, en particulier dans les départements ruraux où – vous n’êtes pas sans le savoir – certaines collectivités territoriales ont du mal, compte tenu de l’évolution des dotations, à boucler leur budget.

M. Xavier Iacovelli le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Je souhaiterais vous entendre insister sur ce fait : les prêts à taux zéro restent les outils les plus intéressants pour les collectivités !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 142, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur les difficultés auxquelles se heurtent certaines collectivités territoriales ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia.

À titre d’exemple, une commune de mon département a contracté auprès de Dexia, en 2007 – l’année est naturellement importante –, un emprunt de 2 millions d’euros à rembourser sur vingt ans au taux fixe de 4, 72 %. Ce dernier est très loin des taux pratiqués à l’heure actuelle, mais il était tout à fait conforme aux conditions pratiquées à l’époque : l’emprunt en question ne pouvait donc pas être considéré comme toxique.

Depuis lors, vous vous en doutez, les communes ayant souscrit à l’époque un tel prêt à taux fixe consacrent tous les ans plusieurs dizaines de milliers d’euros, pris sur leur budget de fonctionnement, au paiement des intérêts de ce prêt. Dans le contexte de financement contraint des collectivités territoriales que vous connaissez bien, la solution pour ces communes a été la suivante : chercher à renégocier leur prêt, afin d’obtenir un taux plus proche des prix actuels.

Or, contrairement aux banques ordinaires, la Société de financement local, la SFIL, qui a repris la gestion des prêts aux collectivités territoriales à la suite de la déconfiture de Dexia, s’en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée véritablement léonine.

Ainsi, pour la commune dont j’ai parlé, la SFIL exige plusieurs centaines de milliers d’euros, correspondant pratiquement à tous les intérêts restant à payer jusqu’à l’échéance du prêt. Cette situation est totalement inacceptable.

Ces communes, déjà mises en difficulté par l’importance de leurs frais financiers, subissent de ce fait une double peine. Au bout du compte, c’est le contribuable qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %.

Comme vous le savez, les particuliers bénéficient quant à eux d’une limitation légale de l’indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû.

Les collectivités territoriales concernées éprouvent un fort sentiment d’iniquité, voire d’injustice, car les collectivités qui, à l’époque, avaient souscrit un emprunt toxique ont bénéficié, elles, de mesures particulières.

Monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de ces éléments, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer les mesures que pourrait prendre le Gouvernement pour permettre à ces collectivités territoriales de sortir d’une situation particulièrement néfaste à leur fonctionnement comme à leur capacité d’investissement future.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur Reichardt, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la gestion de la dette par les collectivités territoriales, selon que l’emprunt est considéré comme à risque ou qu’il a été contracté à taux fixe.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts structurés dits « à risque », l’État a mis en place en 2014 un fonds de soutien. Ce dispositif a permis d’accompagner plus de 578 de ces collectivités territoriales, qui souhaitaient sortir de leur emprunt à risque. Je rappelle que l’État a rehaussé de 1, 5 à 3 milliards d’euros le montant de ce fonds.

Ce sont 5, 6 milliards d’euros d’encours d’emprunts à risque qui ont été refinancés dans ce cadre ou qui, au minimum, ont fait l’objet d’une transaction civile entre l’emprunteur et la banque prêteuse. Ce résultat dépasse de loin l’objectif de 4 milliards d’euros initialement assigné au fonds.

Les annuités sont aujourd’hui versées aux collectivités territoriales sans difficulté, et elles sont garanties jusqu’en 2028 ; nous nous en félicitons.

Au-delà de ces résultats probants, le débat public relatif aux emprunts dits « à risque » semble aujourd’hui plus apaisé. Nous ne le nions pas, certaines collectivités territoriales qui ont refusé l’aide ou qui héritent, du fait par exemple d’une fusion, de prêts toxiques, restent dans une situation délicate. Mais ces difficultés sont considérées comme résiduelles, quelque importantes qu’elles puissent être localement.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des prêts à taux fixe, comme celle à laquelle vous faites référence, la situation est sensiblement différente. Il est important de souligner que les emprunts à taux fixe ne sont pas répertoriés comme à risque. Il est également nécessaire de rappeler que les dispositions applicables aux prêts aux particuliers qui plafonnent le montant des indemnités exigibles ne sont pas applicables aux collectivités territoriales en l’état actuel du droit. Vous l’avez vous-même souligné.

Compte tenu du niveau actuel des taux d’intérêt, les établissements de crédit sont aujourd’hui exposés à des pertes actuarielles potentiellement importantes, ce qui explique le niveau élevé des indemnités de remboursement anticipé qu’ils demandent souvent aux collectivités.

Cette problématique n’est pas propre à la Société de financement local, que vous avez mentionnée à propos de la commune prise en exemple : il s’agit d’une pratique commune à l’ensemble des établissements de crédit.

Bien entendu, le Gouvernement demeure attentif à la santé financière des collectivités territoriales et à la gestion de leur dette. Il appelle de ses vœux des solutions négociées chaque fois qu’elles sont possibles.

Toutefois, l’État n’a pas forcément vocation à s’immiscer dans les relations contractuelles entre un établissement de crédit et un emprunteur. La renégociation éventuelle des contrats en cours demeure, en principe, du ressort des parties prenantes que sont l’établissement de crédit et la collectivité territoriale concernée, dans le respect de leurs intérêts mutuels.

Nous appelons donc au dialogue entre les collectivités territoriales emprunteuses et les banques prêteuses ; mais, en l’état actuel des choses, l’État ne peut pas s’immiscer dans leurs relations contractuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d’État, que votre réponse ne peut pas me satisfaire.

Je salue les mesures prises par le gouvernement de l’époque pour trouver une solution au problème des emprunts toxiques, mais, pour ce qui est des collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à taux fixe, sur lesquelles je vous ai interrogé, votre réponse ne résout rien.

Ces collectivités territoriales, qui se sont très bien comportées, souhaitent simplement ne pas être, si je puis dire, les dindons de la farce.

Le gouvernement d’alors a mis en place le dispositif que vous avez rappelé au bénéfice des collectivités territoriales qui avaient souscrit des emprunts toxiques : pourquoi l’État n’intervient-il pas, au moins sous la forme de recommandations, pour que la SFIL accepte de discuter d’une renégociation des taux particulièrement élevés de l’époque ?

Vous affirmez que cette problématique n’est pas propre à la SFIL. C’est pourtant bien le cas ! Dans le département dont je suis l’élu, toutes les autres collectivités locales qui ont souhaité renégocier des prêts avec la Caisse d’épargne, le Crédit mutuel ou d’autres établissements bancaires que je ne citerai pas ont obtenu satisfaction, à des conditions tout à fait intéressantes. Pourquoi donc la SFIL ne le fait-elle pas ?

Les communes concernées ont le sentiment que, en refusant de renégocier les taux, la SFIL leur fait payer le coût des mesures mises en œuvre pour remédier aux effets des emprunts toxiques. Ce n’est franchement pas acceptable.

Vous nous appelez au dialogue. Chiche ! Mais encore faut-il que le dialogue soit possible ! Je le répète, la SFIL refuse systématiquement d’évoquer une renégociation.

Nous ne demandons pas un emprunt à taux zéro, mais au moins une réévaluation. Entre 4, 70 % et les taux actuels, qui sont en moyenne de 0, 70 %, il y a vraiment un grand écart…

Mme Isabelle Raimond- Pavero acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez certes pas de pouvoir véritable d’influer sur la SFIL, mais nous vous demandons de faciliter le dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Xavier Iacovelli, auteur de la question n° 128, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le secrétaire d’État, depuis le 16 octobre dernier, la direction générale de l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, oblige les déposants de marques, dessins et modèles et d’inscriptions aux registres de propriété industrielle à effectuer leurs formalités uniquement par voie électronique via le site internet de l’institut.

De nombreux usagers seront pénalisés dans leurs démarches par le dépôt électronique rendu obligatoire. En effet, 10 % des marques nationales sont encore déposées sous forme papier, ce qui représente plus de 9 000 dépôts par an.

Tous les dépôts effectués sous forme papier sont désormais renvoyés aux déposants, sans enregistrement, ce qui constitue une violation du traité international sur le droit des marques signé le 27 octobre 1994 et ratifié par la France, ainsi que des dispositions de l’article L. 112-2 et suivants et de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration.

L’INPI devient ainsi le seul office à l’échelle européenne, voire sur le plan international, à rejeter les formalités sur support papier. Or l’article 63 du règlement délégué 2017-1430 de la Commission du 18 mai 2017 complétant le règlement n° 207-2009 du Conseil sur la marque communautaire et abrogeant les règlements n° 2868-95 et n° 216-96 autorise de tels dépôts.

Le Défenseur des droits, dans son rapport du 30 mars 2016 sur l’accès aux droits, rappelle clairement les risques de fracture numérique à l’égard des services publics pratiquant la « tout-numérisation ».

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer si le Gouvernement a l’intention d’agir pour que la continuité du service public de cet établissement soit assurée par la réception, l’enregistrement et le traitement des dépôts sous forme papier de marques, dessins et modèles et d’inscriptions aux registres de la propriété industrielle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur Iacovelli, dans le cadre du programme Action publique 2022, l’accès dématérialisé à tous les services publics est une priorité. L’objectif est de simplifier et de faciliter l’accès de nos concitoyens aux services publics en leur offrant un service plus rapide et plus efficace.

L’Institut national de la propriété industrielle s’inscrit dans cette dynamique commune à tous les services publics.

Grâce aux téléservices mis en place, le dépôt en ligne et la suppression des formalités au format papier sont effectifs pour les indications géographiques et les demandes d’extension des marques à l’international depuis 2015, pour les oppositions de marques depuis 2016 et pour les marques, les dessins et modèles et les inscriptions modificatives depuis octobre 2017.

La dématérialisation complète de ces procédures présente de nombreux avantages. Ainsi, l’utilisation du support électronique rend plus fluide le traitement des dossiers, ce qui bénéficie en retour au déposant, lequel peut obtenir une réponse plus rapide à sa demande. Les téléservices renforcent la qualité des échanges entre l’INPI et les déposants, en permettant notamment à ceux-ci d’avoir accès en temps réel à l’état d’avancement de leurs demandes. Enfin, le dépôt électronique élimine le risque d’erreur de saisie des données et sécurise ainsi la procédure de traitement des dossiers.

Des mesures d’accompagnement ont été prises pour faciliter l’appropriation des téléservices par les utilisateurs. Ainsi, l’institut propose à tous les déposants une assistance téléphonique personnalisée par des spécialistes pour les aider dans leur prise en main. Les équipes des délégations régionales de l’INPI, implantées dans chacune des treize régions métropolitaines, sont également disponibles pour proposer leurs services et fournir tous les renseignements utiles.

L’INPI reçoit annuellement plus de 90 000 demandes de marques françaises, dont 94 % étaient déjà déposées sous un format électronique avant le mois d’octobre dernier ; trois mois après la décision de dématérialisation complète de la procédure, l’INPI reçoit moins d’un dossier par jour par voie papier sur les 400 marques déposées quotidiennement, soit 0, 25 %, ce qui permet d’apporter aux usagers dans cette situation une réponse personnalisée.

Comme vous pouvez le constater, la dématérialisation des procédures n’a donc en rien affecté la continuité du service public.

Il convient évidemment d’encourager cette démarche de dématérialisation et de progrès, tout en prévoyant les mesures d’accompagnement appropriées des agents comme des usagers, afin d’assurer dans les meilleures conditions le passage au format numérique et de répondre aux 0, 25 % de demandes encore présentées sous format papier, que je viens d’évoquer.

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, car elle nous permet de faire un état des lieux sur la démarche du Gouvernement en matière de modernisation des services publics, en particulier de dématérialisation des procédures.

Soyez assuré que nous veillerons scrupuleusement à ce que l’intégralité des dépôts de marques puissent être effectués par l’ensemble des usagers, mais avec l’objectif d’une dématérialisation complète à terme, accompagnée de services de prise en main et d’assistance aux usagers.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me satisfait en grande partie. Néanmoins, nous devons rester attentifs à tous ceux qui ne peuvent pas encore effectuer de dépôt sous forme dématérialisée.

On peut certes aller vers le « tout-dématérialisé », mais un accompagnement reste indispensable. A minima, l’INPI devrait accepter d’enregistrer les dépôts au format papier dans un premier temps, quitte à les rejeter par la suite pour qu’ils soient dématérialisés. C’est la moindre des choses quand on touche à des marques françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 147, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation de certaines collectivités locales, notamment les communes. J’illustrerai mon propos par un exemple pris en Moselle.

Tout à l’heure, on a évoqué la loi Florange, du nom d’une commune de Moselle connue pour ses déboires sidérurgiques ; pour ma part, je citerai la ville de Gandrange.

Depuis plusieurs années, Gandrange est confrontée à une baisse très importante de sa dotation globale de fonctionnement, ou DGF, ainsi qu’à la chute de ses recettes fiscales locales du fait de la déconstruction de l’usine Mittal.

En 2013, cette commune percevait 458 986 euros au titre de la DGF ; elle ne recevait plus que 217 382 euros en 2014, 133 077 euros en 2015 et 44 651 euros en 2016. Enfin, en 2017, Gandrange s’est vu notifier une DGF réduite à zéro.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là : par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, l’État réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Gandrange, qui ne recevait plus rien en 2017, se retrouve ainsi avec une DGF négative !

Dans le même temps, la déconstruction de l’usine Mittal, engagée en 2016, a amputé de moitié le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette dernière est passée de 528 536 euros à 287 413 euros.

Si rien n’est fait, la commune de Gandrange – et bien d’autres communes vivent la même situation ! – se trouvera très vite dans l’impasse et dans l’incapacité de dégager des ressources pour conduire ses investissements. Pis, elle ne sera plus en mesure d’assumer ses dépenses de fonctionnement, lesquelles sont liées à des investissements passés, engagés à l’époque où la sidérurgie était florissante.

Monsieur le secrétaire d’État, vous conviendrez avec moi qu’il y a là un problème. Les élus locaux ont tout simplement l’impression que l’État leur fait les poches.

Bien sûr, je le répète, Gandrange est un exemple parmi d’autres ; mais les élus concernés ont le sentiment que l’État procède à ces ponctions pour assurer son propre fonctionnement, et qu’il les laisse seuls face aux réalités quotidiennes difficiles dont ils ont à connaître dans l’exercice de leurs fonctions.

Envisagez-vous de procéder à une étude approfondie de ces différentes situations, afin d’en évaluer la portée et les conséquences ? Plus encore, comptez-vous engager une réflexion afin d’annuler ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui doivent faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu’elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d’entreprises et, par contrecoup, des diminutions de recettes via la fiscalité sur le foncier bâti ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur Todeschini, comme vous l’avez rappelé, les collectivités territoriales ont été associées à l’effort de redressement des finances publiques.

Compte tenu du poids des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales dans les recettes de celles-ci, soit 22, 5 % de leur montant total en 2015, des mesures ont été prises dès 2008 pour encadrer l’évolution des dotations. En 2010, ces dotations ont été gelées. Puis, à compter de 2014, l’État a décidé de baisser le montant de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités territoriales. A contrario, l’année 2018 marquera le retour à la stabilité de l’enveloppe globale de dotations versées par l’État aux collectivités territoriales.

Depuis 2014, une contribution au redressement des finances publiques, ou CRFP, a ainsi été répartie entre les différentes catégories de collectivités, et ce proportionnellement à la part respective de leurs recettes dans les recettes totales des collectivités territoriales.

Pour les communes, qui ont contribué à hauteur de 4, 2 milliards d’euros entre 2014 et 2017, la répartition de l’effort s’est faite au prorata des recettes réelles de fonctionnement, conformément aux propositions du comité des finances locales. Grâce à cette disposition, chaque commune contribue de manière strictement proportionnelle aux ressources dont elle dispose.

C’est simplement en cas d’insuffisance de la dotation forfaitaire que les communes ont contribué au redressement des finances publiques via un prélèvement sur recettes fiscales. Cette situation concernait 439 communes au total en 2017. Le prélèvement sur la fiscalité ne pouvait donc concerner que des communes pour lesquelles la dotation forfaitaire représente une part faible des ressources.

C’est le cas de la commune de Gandrange que vous avez citée en exemple, pour laquelle la dotation forfaitaire représentait seulement 5 % des recettes en 2014.

Sur le fond, le choix d’un vecteur complémentaire d’imputation de la CRFP a été fait par le législateur dans le souci de garantir l’égalité entre les collectivités. En effet, il aurait été inéquitable que les collectivités territoriales disposant, au titre de leur budget, de ressources fiscales proportionnellement plus élevées que la DGF soient exemptées d’une partie de leur CRFP du seul fait de l’extinction de leur dotation forfaitaire.

C’est également la raison pour laquelle le législateur a fait le choix, à travers l’article 159 de la loi de finances initiale pour 2018, de reconduire à compter de 2018 les prélèvements opérés sur la fiscalité des communes au titre de la CRFP, comme cela était prévu depuis 2014.

Là encore, annuler ces prélèvements après 2017 aurait conduit les communes ayant payé une partie de la contribution sur leurs recettes fiscales à bénéficier d’un avantage sous la forme d’une sorte de « remise à zéro » des compteurs, alors que la contribution a été intégrée dans la base de calcul de la DGF pour l’immense majorité des communes.

J’en viens au second point de votre question.

Les indicateurs financiers utilisés dans le calcul des concours financiers et des fonds de péréquation prennent bien en compte le rétrécissement des bases fiscales lié à d’éventuelles restructurations d’entreprises. Ainsi, dans la mesure où elle se traduit par une perte de bases de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, la fermeture d’une usine entraînera les années suivantes, et toutes choses égales par ailleurs, une diminution du potentiel fiscal de la commune. Cette dégradation des indicateurs financiers d’une collectivité serait susceptible de la rendre éligible soit aux dotations spécifiques soit aux fonds de péréquation.

Enfin, vous nous invitez à étudier en détail les conséquences du prélèvement sur la fiscalité pour les communes à qui l’on demande un montant de CRFP plus élevé que celui de leur dotation forfaitaire.

Une telle analyse a été réalisée par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel l’a reprise dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Je le répète, nous considérons qu’il serait injuste de remettre les compteurs à zéro en annulant les prélèvements sur la fiscalité de collectivités…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… dont on ne mésestime pas les difficultés économiques, mais qui ont des recettes fiscales plus élevées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé l’existence de procédures que je n’ignore pas. Mais ces éléments ne répondent pas à la situation que connaît actuellement la ville de Gandrange : cette dernière a subi une baisse brutale de ses différentes ressources, et ce au cours de la même année.

Je rappelle que, en 2007, la France a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée le 15 octobre 1985 par le Conseil de l’Europe.

Ne pensez-vous pas que la décision d’amputer les ressources propres des collectivités locales, afin d’abonder le budget de l’État et de diminuer son déficit, obère la capacité de ces collectivités à présenter un budget en équilibre, obligation à laquelle celles-ci sont soumises, contrairement à l’État ? N’y a-t-il pas là une incohérence manifeste entre, d’une part, notre législation et, de l’autre, le droit européen applicable, notamment l’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale, en vertu duquel « les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences » ?

Pour conclure, je voudrais parler de ces élus locaux qui ont connu le désastre des restructurations : aujourd’hui, ils ont le sentiment d’être abandonnés. Ils estiment que l’État n’assure pas l’équité entre tous les territoires. Je pense notamment aux élus d’un département comme la Moselle, qui a connu le départ de plus de 5 000 militaires et qui a toujours subi les décisions prises à Paris, quels que soient les gouvernements. Heureusement que le Luxembourg se situe à proximité de ce territoire ! Sur le terrain, les élus locaux se sentent réellement floués.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le secrétaire d’État, l’hôpital Albert-Chenevier, situé à Créteil, dans le Val-de-Marne, appartient au groupement hospitalier, ou GHU, Henri-Mondor de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Cet hôpital est composé de neuf pôles, dont le pôle psychiatrique et d’addictologie, qui regroupe à la fois le service de psychiatrie sectorisée, des centres experts innovants qui travaillent sur la schizophrénie, les troubles bipolaires ou encore le syndrome d’Asperger, un centre de remédiation cognitive et sociale et un service d’addictologie.

D’une capacité de cent lits, le pôle psychiatrique a enregistré 41 000 journées d’hospitalisation en 2017 et se trouve aujourd’hui au bord de l’explosion : unités suroccupées, manque de lits, sous-effectif du personnel, épuisement, turn-over, etc.

Du fait de la suroccupation, certains patients se retrouvent à deux par chambre, sans pour autant que l’équipement suive, avec ne serait-ce qu’une armoire pour ranger leurs effets personnels.

Il s’agit, hélas ! d’une situation que connaissent, sinon tous les établissements psychiatriques, du moins un grand nombre d’entre eux, du fait de la réduction subie par les budgets au fil du temps. Je pense notamment à l’hôpital psychiatrique de Rennes ou au centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, dont on connaît les mobilisations.

L’équipe de direction de l’hôpital Albert-Chenevier a tiré la sonnette d’alarme quant à la dégradation des conditions de travail des soignants et de la prise en charge des patients, lesquels demandent peut-être encore plus que d’autres de l’attention, de la bienveillance, du temps d’écoute et un cadre serein.

Cette situation dramatique et indigne s’explique en partie par la tarification à l’activité, ou T2A, qui est inadaptée au fonctionnement de nos hôpitaux, ainsi qu’à la réforme de l’organisation du temps de travail mise en place par le directeur de l’AP-HP.

Sans vouloir opposer les disciplines les unes aux autres, j’observe que ces difficultés s’expliquent aussi par le fait que la psychiatrie française, après avoir longtemps été très novatrice dans son approche, est aujourd’hui le parent pauvre de notre système de santé. Tous les professionnels que je rencontre, que ce soit en pédopsychiatrie ou en psychiatrie, appellent au secours.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je me fais ici le relais des demandes des professionnels de l’hôpital Albert-Chenevier : nous voudrions savoir si Mme la ministre des solidarités et de la santé, dont je déplore d’ailleurs l’absence, compte intervenir pour débloquer des postes d’aides-soignants et d’infirmiers, ainsi qu’une unité d’hospitalisation supplémentaire avec, là aussi, les équipes nécessaires.

Plus généralement, quels moyens votre gouvernement entend-il consacrer à la psychiatrie, discipline mise à mal depuis des années ? Quelle politique entend-il mener dans ce domaine au cours du quinquennat pour redonner à la psychiatrie française toutes ses lettres de noblesse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame Cohen, permettez-moi tout d’abord d’excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui est retenue ce matin et qui m’a demandé de répondre, en son nom, à la question que vous posez.

Au sein des hôpitaux universitaires Henri-Mondor, l’hôpital Chenevier héberge trois secteurs de psychiatrie : Maisons-Alfort, Créteil et Bonneuil-Boissy-Saint-Léger. Ces secteurs interagissent avec trois groupements hospitaliers de territoire : le GHT 94 Nord, le GHT 94 Est et le GHT 94 Ouest.

Les hôpitaux universitaires Henri-Mondor sont membres associés des deux premiers de ces groupements. Le pôle de psychiatrie a développé, au-delà de l’offre de soins sectorielle, une offre intersectorielle significative qui dépasse son champ traditionnel.

Premièrement, on y trouve un service d’accueil des urgences psychiatriques, qui recense 3 300 passages par an et dessert la quasi-totalité des urgences psychiatriques du Val-de-Marne. Un tiers des passages concerne les secteurs de l’hôpital Chenevier, deux tiers d’entre eux concernent le Val-de-Marne.

Deuxièmement, le pôle développe une psychiatrie de liaison sur l’ensemble de l’hôpital Henri-Mondor.

Troisièmement, le pôle de psychiatrie propose une offre de soins hospitalo-universitaire qui bénéficie d’un financement particulier avec des centres experts pour patients atteints de troubles bipolaires, du syndrome d’Asperger ou de schizophrénie, ainsi qu’un centre de réhabilitation cognitive et sociale.

Quatrièmement et enfin, le pôle mène un ambitieux projet d’institut hospitalo-universitaire soutenu par l’AP-HP.

L’offre d’hospitalisation sectorielle dispose aujourd’hui de quatre-vingt-dix lits situés sur le site de l’hôpital Chenevier et de quinze lits implantés à proximité du service d’accueil des urgences de l’hôpital Henri-Mondor, dont la mission est de prendre en charge les soins intriqués, somatiques et psychiatriques, ainsi que les primo-suicidants. Ce nombre de lits est structurellement faible et le taux, assez bas dès l’origine, est pénalisé par l’accroissement de la population desservie.

Le taux d’occupation est de 95 % ; la durée moyenne de séjour est bonne, mais s’allonge ; le taux des hospitalisations sous contrainte a été multiplié par deux en cinq ans, et le taux de réhospitalisation est de près de 22 %.

La réponse à cette tension dont l’hospitalisation complète fait l’objet se trouve en partie dans le déploiement de structures extra-hospitalières. Le pôle de psychiatrie dispose de trois centres médico-psychologiques, ou CMP, installés à Créteil et à Boissy-Saint-Léger, et d’un dispositif de soins partagés destiné à faciliter le lien avec les médecins généralistes et les spécialistes de ville.

Madame la sénatrice, pour répondre plus précisément à vos interrogations, un dispositif de rappel des primo-suicidants dit « VigilanS » doit être mis en œuvre en 2018 en lien avec le GHT 94 Nord.

En outre, une équipe mobile de soins intensifs permettant d’aller au domicile des patients récemment sortis de l’hôpital ou en phase subaiguë de leur pathologie doit être mise en place.

Les moyens humains notifiés au pôle de psychiatrie ont été substantiellement accrus en 2016 pour faire face à ces missions. Nous souhaitons qu’ils soient maintenus.

Cependant, on note une réelle difficulté dans les recrutements d’infirmiers. Cette situation est née d’un contexte général de recrutements en tension. Le problème est encore plus aigu en santé mentale du fait de la suppression de la filière spécialisée il y a déjà une dizaine d’années.

Mme la ministre des solidarités et de la santé prépare actuellement un plan de santé mentale. Des concertations avec les professionnels ont été engagées à la fin de l’année dernière. Nous espérons que ce plan permettra, dès cette année, d’apporter un certain nombre de réponses et fournira des moyens nouveaux pour répondre aux difficultés que connaissent les hôpitaux que vous avez évoqués et, plus largement, à la situation de la psychiatrie française.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez apporté un certain nombre de réponses et je vous en remercie. Cela étant, vous avez surtout dressé l’état des lieux d’une situation que je connais déjà bien, puisque j’habite le Val-de-Marne !

Je suis très heureuse d’apprendre que Mme la ministre des solidarités et de la santé est en train de préparer un plan de santé mentale : il serait bon que les parlementaires soient associés à ce travail…

Mais je m’étonne : alors que l’on vient de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, texte d’austérité qui va asphyxier encore davantage le système de santé publique d’une manière générale, et les hôpitaux en particulier, la psychiatrie est littéralement laissée pour compte. En définitive, votre intervention ne répond absolument pas au cri d’alarme lancé par les professionnels en pédopsychiatrie et en psychiatrie.

Je parle d’un cri d’alarme, parce que ce secteur est délaissé depuis de nombreuses années et qu’il continue de l’être !

Vous avez parlé des centres médico-psychologiques : quels moyens comptez-vous donner à ces centres ? Là aussi, on observe des regroupements ; là aussi, les professionnels sont en souffrance, qu’il s’agisse des psychologues, des orthophonistes ou de l’ensemble des personnels paramédicaux : on déplore un manque de moyens.

De fait, en regroupant les CMP, on distend les liens de proximité. Je le répète, votre réponse ne correspond absolument pas à la réalité du terrain ou aux besoins en matière de psychiatrie.

Je souhaite également attirer votre attention sur le fait que le manque de moyens a de plus en plus pour effet de faire réapparaître des pratiques de contention et d’isolement, pratiques pourtant dénoncées par Mme la contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cette situation doit nous alerter !

Enfin, je souhaite vous alerter sur la situation de l’hôpital Henri-Mondor, GHU dont le service de chirurgie hépatique est attaqué. J’aimerais bien que la ministre des solidarités et de la santé se penche sur cette question pour que ce centre ne ferme pas : celui-ci répond aux besoins de la population du Val-de-Marne et bien au-delà.

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous pouvez le constater, vos réponses ne me satisfont pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteur de la question n° 130, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation sanitaire très préoccupante que connaît le département du Pas-de-Calais.

Ainsi, sur le plan de la démographie médicale, on note une diminution du nombre de médecins généralistes libéraux et une augmentation significative de leur moyenne d’âge, ce qui entraînera inéluctablement un important mouvement de départs à la retraite dans les prochaines années.

À titre d’illustration, les agglomérations de Lens-Liévin et de Béthune-Bruay apparaissent moins dotées en médecins généralistes et spécialistes que d’autres agglomérations de même importance.

À terme, il existe clairement un risque de désertification médicale. Le taux d’équipement de santé du territoire à l’échelle du pôle métropolitain de l’Artois, par exemple, montre un sous-équipement en centres de médecine préventive et en établissements de court et moyen séjours.

La situation des hôpitaux dans le Pas-de-Calais est très préoccupante : les services des urgences sont saturés et les personnels sont à bout de forces.

Au-delà de ces difficultés conjoncturelles, c’est la situation du centre hospitalier de Lens à l’horizon 2020 qui inquiète les personnels, du fait de la diminution annoncée du nombre de lits.

La disparition du service de pneumologie de cet hôpital est une nouvelle illustration de la crise sanitaire qui affecte le Pas-de-Calais. L’inquiétude est très forte chez les patients concernés par cette fermeture, d’autant qu’ils se retrouvent parfois sans suivi, sans prise en charge, alors même que, dans le département, le nombre d’affections pulmonaires est bien supérieur à la moyenne nationale.

En outre, les menaces pesant sur le service de cardiologie de l’hôpital de Béthune amplifient l’impression ressentie par la population d’être sacrifiée sur l’autel des économies budgétaires dans le domaine de la santé.

Les situations économiques et sociales difficiles ont des conséquences sur les indicateurs sanitaires : plus on est fragile économiquement, moins on se soigne ! Dans le département du Pas-de-Calais, l’espérance de vie est de deux à trois ans plus basse qu’ailleurs.

Je souhaite donc savoir si le Gouvernement a l’intention de renoncer à sa logique purement financière dans le domaine de la santé. Quelles mesures concrètes entend-il mettre en œuvre pour répondre à l’urgence sanitaire affectant le département du Pas-de-Calais ?

Dans un souci d’optimisation, une mutualisation pourrait être envisagée, qui s’appuierait sur le futur centre hospitalier de Lens, dit « hôpital numérique pilote ». Ainsi, un regroupement multipolaire Lens-Béthune-Arras-Douai permettrait d’élargir cette excellence, de voir revenir nos médecins et d’assurer le service qu’attendent nos concitoyens !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame Van Heghe, comme à votre collègue, je vous demande de bien vouloir excuser Mme Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, qui est retenue ce matin et qui m’a chargé de vous répondre.

Comme vous le soulignez, le département du Pas-de-Calais présente une densité de professionnels de santé plutôt inférieure à la moyenne nationale.

Le développement de l’attractivité constitue donc l’un des principaux enjeux de ce territoire pour les cinq prochaines années. Il s’agit pour nous d’accompagner les professionnels de santé tout au long de leur parcours et de les attirer dans les territoires et les disciplines les plus en tension.

Quatre priorités ont été identifiées dans le Pas-de-Calais : tout d’abord, accompagner l’installation des professionnels de premier recours et soutenir les dynamiques de regroupements pluriprofessionnels et de télémédecine, afin de lutter contre l’accentuation des inégalités infra-territoriales – à ce titre, une attention particulière est portée aux zones rurales du Montreuillois, du Ternois, du sud-Arrageois et du sud-Audomarois ; ensuite, diminuer le recours aux services d’urgence en développant les maisons médicales de garde et en communiquant sur la bonne utilisation du système de soins ; en outre, conforter l’offre de formation paramédicale et médicale de proximité ; enfin, améliorer l’attractivité du Pas-de-Calais pour les psychiatres et les pédopsychiatres.

Comme vous le savez, le centre hospitalier de Lens fait l’objet d’un projet autour de la reconstruction du « Nouvel hôpital de Lens – Pôle hospitalier de la Gohelle ». L’établissement actuel continuera à fonctionner sans aucune incidence.

Pour le projet dont je parle, le financement national accordé est de 102 millions d’euros, dont 70 millions d’euros en capital, pour un montant global de 280 millions d’euros.

Au titre des objectifs en matière de chirurgie ambulatoire, une réduction du capacitaire de l’établissement est effectivement prévue. Parallèlement, le capacitaire de l’ambulatoire augmentera de 50 %, pour passer de 90 à 136 lits.

Lors du conseil de surveillance du 17 octobre 2017, la fermeture du service de pneumologie, qui regroupe 15 lits, a été annoncée à compter du 1er novembre 2017. À cette date, il ne restait que deux pneumologues dans l’établissement.

Dans un premier temps, et pour remédier à l’urgence, des décisions ont été prises afin d’assurer la continuité des soins au centre hospitalier de Lens avec une astreinte de pneumologie vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

En parallèle, et pour apporter une réponse à long terme, l’agence régionale de santé, l’ARS, accompagne les pneumologues de Lens et de Béthune pour mettre en place une organisation territoriale de la pneumologie. Un travail comparable est également en cours pour la cardiologie.

Dans la perspective de la constitution de ces deux équipes médicales de territoire, l’ARS a décidé d’allouer un financement exceptionnel de 500 000 euros.

J’ajoute que l’amélioration de l’attractivité de ce territoire pour les professionnels passe par une dynamique partenariale plus forte entre les acteurs au sein des GHT, sans exclure la poursuite des coopérations préexistantes avec les autres partenaires. Les travaux conduits pour l’élaboration des projets médicaux partagés des GHT dans le territoire du Pas-de-Calais témoignent d’ailleurs d’une volonté de travail en commun qui répond à cette exigence et que le Gouvernement souhaite accompagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Monsieur le secrétaire d’État, je suis en partie satisfaite de votre réponse, dans la mesure où le Gouvernement reconnaît l’urgence et la gravité de la situation des hôpitaux, de leur personnel et des malades du Pas-de-Calais.

J’espère que les promesses que vous venez d’annoncer seront suivies d’effet, même si elles ne m’apparaissent pas totalement satisfaisantes. En tout cas, j’invite Mme la ministre des solidarités et de la santé à se rendre chez nous : ainsi, elle se rendra compte de la situation, elle prendra la mesure de la réalité du terrain et des difficultés que nous rencontrons, nous, élus locaux, mais aussi les personnels et les malades du Pas-de-Calais !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 141, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Ma question s’adressait à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture, mais je vous remercie par avance d’y répondre, monsieur le secrétaire d’État.

Ma question porte sur la nécessité pour le législateur, les agriculteurs et les citoyens de pouvoir connaître la dangerosité du glyphosate et, surtout, d’assurer la traçabilité de ce produit.

En effet, face à des études scientifiques contradictoires, il faut appliquer le principe de précaution, comme le Président de la République s’y est engagé. La mise en œuvre de ce principe réduit néanmoins la compétitivité de notre agriculture et n’atteint pas le but visé, à savoir la protection de la santé des consommateurs, si des produits importés contenant du glyphosate restent disponibles. Dans ce cas, les consommateurs français, de même que nos agriculteurs, qui se verraient interdire l’usage du glyphosate sans solution équivalente, seraient floués. Les décideurs publics ne seraient plus crédibles.

Or, si aucun produit de substitution n’est trouvé et si un cadre pour la traçabilité des produits n’est pas mis en place, nous risquons d’aboutir à cette situation dans trois ans, car le Président de la République s’est engagé à interdire le glyphosate en France, alors qu’il restera autorisé ailleurs.

Afin que la protection des consommateurs soit effective et que les agriculteurs ne soient pas les victimes d’un effet d’annonce, je souhaite connaître très précisément, monsieur le secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour assurer la traçabilité du glyphosate dans les produits importés. Selon quelles dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires entendez-vous les prendre, avec quels moyens de contrôle et selon quel calendrier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur Cabanel, le ministre de l’agriculture étant retenu, il m’a chargé d’apporter plusieurs éléments de réponse à votre question.

Le glyphosate est un herbicide très utilisé, en France comme dans le reste du monde.

Comme vous l’indiquez, les divergences quant au caractère cancérogène du glyphosate entre les conclusions des agences d’évaluation européennes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, et l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, d’une part, et celles du Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, d’autre part, ont montré les limites de ces évaluations.

Par ailleurs, l’utilisation massive du glyphosate a des conséquences sur le plan environnemental : on constate la présence de cette substance dans les cours d’eau et dans ses produits de décomposition.

C’est dans ce contexte que le gouvernement français s’est opposé à l’approbation longue proposée par la Commission européenne. Le Gouvernement a souhaité que la durée de réapprobation soit strictement limitée à celle qu’exigent la recherche, l’identification et la diffusion de pratiques alternatives.

À cette fin, il a été demandé à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, de produire un rapport sur les usages du glyphosate et sur ses alternatives. Le rapport remis par l’INRA le 1er décembre 2017 montre que des solutions de substitution existent pour certains usages du glyphosate, mais qu’un important travail de recherche et de diffusion d’alternatives est nécessaire pour d’autres usages.

La feuille de route de sortie progressive des produits phytopharmaceutiques sera finalisée avant la fin du mois de mars 2018. Toutes les parties prenantes seront associées à cette concertation nourrie.

Cette feuille de route intégrera le nécessaire déploiement de ces alternatives, la recherche de solutions pour les autres usages, l’accompagnement des agriculteurs pour le changement des pratiques agricoles, ainsi que le contrôle de la traçabilité que vous avez évoqué.

En outre, les dispositions applicables doivent permettre, non seulement d’assurer la qualité sanitaire des produits importés, mais aussi de prévenir toute distorsion de concurrence entre nos producteurs. Les efforts déployés pour le changement des pratiques agricoles doivent être récompensés et valorisés par une meilleure structuration de l’aval et une plus grande information des consommateurs.

Des contrôles très réguliers des services de l’État, notamment de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, seront menés pour s’assurer que les dispositions sont bien mises en œuvre et pour veiller au contrôle, à l’évaluation et à la publicité de la traçabilité que vous appelez de vos vœux, afin d’éviter ces distorsions.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle m’inspire quelques doutes.

Notre rôle en tant que parlementaires est bien sûr de garantir la santé des consommateurs. Or, dans ce que vous venez d’évoquer, rien ne me permet de penser que, lors de ses achats, le consommateur français bénéficiera d’une transparence totale.

Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai déjà cité, à l’intention du ministre de l’agriculture, l’exemple du citoyen français qui va chercher sa baguette de pain à la boulangerie : comment pourra-t-il être certain que le blé qui a permis de fabriquer sa baguette est un blé français ?

Vous le savez, beaucoup de pays exportent du blé : c’est le cas du Canada, qui exporte aujourd’hui 15 millions de tonnes de blé et avec lequel les échanges vont s’accroître dans le cadre du CETA. Je vois mal comment nous assurerons une transparence totale des achats pour le consommateur. Là est pourtant l’enjeu qui m’importe le plus.

Notre rôle de parlementaire consiste évidemment à garantir la sécurité sanitaire. Or, comme vous l’avez rappelé, l’OMS a classé le glyphosate parmi les cancérogènes probables. En tant que législateur, on nous demandera donc certainement dans trois ans d’interdire ce produit. Pourquoi pas, après tout ? Je suis d’accord sur le principe. Toutefois, la même Organisation mondiale de la santé classe certains produits, comme le tabac, dans la catégorie 1, c’est-à-dire celle des agents cancérogènes : dès lors, pourquoi ne pas demander au législateur d’interdire également le tabac ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Je ne comprends pas du tout cette logique. Ce qui m’inquiète, sans doute comme vous, c’est la sécurité du consommateur. Il faudra effectivement mettre en place une traçabilité cohérente assortie, à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles, d’un arsenal comprenant à la fois des amendes et même des sanctions pénales, pour dissuader ceux qui pourraient chercher à contourner la réglementation française.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 145, adressée à Mme la ministre du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le ministre, alors que les contours de la future réforme de l’apprentissage ont été annoncés dès septembre 2017, ma question prendra plutôt la forme d’un appel à la raison.

L’orientation doit s’entendre tout au long de la vie. Chaque individu est appelé à effectuer plusieurs choix au cours de son parcours scolaire et professionnel. Or, entre le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation, il y a comme qui dirait un trou dans la raquette…

À partir de trente ans, point de reconversion possible ; certes, les formations existent, mais les recruteurs restent bloqués par l’existence des charges afférentes.

Pour plus d’efficacité, il faudrait selon moi créer un statut unique de l’apprentissage en France. Aujourd’hui, il existe des centaines d’accords de branche ; le coût horaire n’est jamais le même, la prise en charge non plus. Cette situation explique aussi la désaffection des chefs d’entreprise pour l’alternance.

Il faudrait également exonérer de toutes les charges patronales et fixer les salaires uniquement en fonction de l’âge. Actuellement, les salaires sont fixés à la fois en fonction de l’âge et de la branche.

Auparavant, le salaire des apprentis était calculé sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC ; désormais, il l’est en fonction des conventions de chaque branche, ce qui a considérablement augmenté le coût pour les entreprises.

Développer l’apprentissage nécessite un engagement collectif de l’État, des régions, des partenaires sociaux et des autres acteurs concernés, dans un contexte où la taxe d’apprentissage, qui finance d’autres formations initiales, professionnelles et technologiques, a été davantage fléchée vers l’apprentissage et non vers une formation continue pour tous et à tout âge.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Madame Bruguière, je répondrai à la place de Mme la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui ne peut être présente ce matin et qui vous prie de bien vouloir l’en excuser.

Vous attirez notre attention sur un problème bien réel, qui fait partie des sujets traités dans le cadre de la concertation actuelle.

Vous le savez, les deux contrats de travail en alternance que sont le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation ne répondent pas aux mêmes besoins et ne visent pas les mêmes buts. En effet, le contrat d’apprentissage répond aux besoins de formation initiale et a pour but l’obtention d’un diplôme ou d’un titre, alors que le contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue, participe à l’insertion ou à la réinsertion dans l’emploi.

Nous constatons aussi des différences notables dans la mise en œuvre de ces deux contrats. Ainsi, la durée du contrat de professionnalisation est stable et s’établit aujourd’hui à 13, 7 mois, alors que le contrat d’apprentissage est de 20 mois.

Les secteurs d’activité sollicitant ces deux contrats diffèrent eux aussi sensiblement. Les secteurs de la banque, des établissements financiers et d’assurances, le commerce, les bureaux d’études et prestations de services aux entreprises et le secteur sanitaire et social font plus appel, en part relative, aux contrats de professionnalisation.

Il convient néanmoins de noter que le plafond d’âge d’éligibilité à ces contrats a été fortement relevé, et ce dans les deux catégories. Ils permettent donc la prise en charge de nombreuses personnes.

En effet, au-delà de l’expérimentation d’entrée en apprentissage jusqu’à trente ans lancée le 1er janvier 2017, il existe des dérogations légales permettant des reconversions plus tardives dans certains domaines. Ainsi, il est possible de signer des contrats d’apprentissage indépendamment de la limite supérieure d’âge pour les personnes dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, pour les personnes souhaitant créer ou reprendre une entreprise, si le projet est subordonné à l’obtention d’un diplôme, ou encore pour les personnes bénéficiant d’un statut de sportif de haut niveau.

De plus, la possibilité d’entrée en contrat de professionnalisation au-delà de vingt-six ans concerne tous les demandeurs d’emploi, sans limite d’âge.

La rémunération de l’apprenti constitue elle aussi un sujet. L’un des enjeux est de la simplifier, au bénéfice tant de l’apprenti que de l’employeur, même si, à ce jour, fort peu de conventions collectives prévoient des grilles particulières. Seuls les apprentis de plus de vingt et un ans sont actuellement soumis à une base de calcul d’un éventuel salaire de base conventionnel.

Comme vous l’avez suggéré, la concertation sur l’avenir de l’apprentissage, lancée le 10 novembre 2017 par la ministre du travail, le Premier ministre et moi-même, doit conduire à des propositions pour refonder notre système d’apprentissage sur les attentes et les besoins des jeunes, des familles et des entreprises.

Pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l’emploi du Conseil économique social et environnemental, le CESE, cette concertation associe l’ensemble des acteurs concernés. Bien entendu, elle a vocation à prendre en compte les préoccupations que vous venez d’exprimer. Elle doit préparer les évolutions nécessaires pour assurer le développement de l’apprentissage, qui se traduiront dans un projet de loi que le Gouvernement présentera au printemps 2018.

La rémunération de l’apprenti, les modalités de gestion du contrat d’apprentissage et une meilleure complémentarité des deux contrats en alternance sont abordées dans le cadre de la concertation, afin que l’alternance puisse bénéficier à tous dans des conditions optimales.

Nous sommes tous persuadés que l’alternance et l’apprentissage font partie des solutions importantes pour lutter contre le chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Pour la seconde fois de la matinée, j’appelle chacune et chacun au respect du temps qui lui est imparti, afin que nous puissions terminer cette séance de questions orales à l’heure convenue. Je vous remercie de votre compréhension.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Sauf erreur de ma part, la concertation devrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois. Je forme le vœu que le diagnostic sur les questions relatives à l’apprentissage et à la formation fasse l’objet d’une large information en direction de tous les publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 27, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le ministre, il s’agit là, de ma part, d’une question récurrente.

En 2010, puis en 2015, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le dossier de l’illettrisme dans le département de l’Aisne, dont je suis l’élu. Nous sommes en 2018, et il nous faut revenir sur ce sujet sensible pour essayer d’avoir, à tout le moins, une écoute compréhensive, à défaut d’avoir obtenu des réponses rassurantes depuis toutes ces années ! Mais il paraît que nous sommes entrés dans une nouvelle ère…

Je vous cite, monsieur le ministre : « La première inégalité est celle du langage et du vocabulaire. » Or les chiffres de l’illettrisme en région Hauts-de-France, et plus précisément dans le département de l’Aisne, sont catastrophiques et vont croissant d’année en année.

Dans ce département, le taux de jeunes en difficulté de lecture a crû, passant de 8, 3 % en 2009 à 16 % en 2014, avant d’atteindre 16, 73 % en 2015 et 17, 7 % aujourd’hui : ce taux doit être comparé à la moyenne nationale, qui s’élève à 10, 8 %. Ces chiffres émanent des tests menés auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans lors de la journée défense et citoyenneté. Ils sont inacceptables dans une société où l’instruction est obligatoire.

Il apparaît, constat identique depuis plusieurs années, que, plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l’éducation est faible.

Pour l’académie d’Amiens, on avait annoncé « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017 », comprenant notamment « des actions de formation d’envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l’intention des jeunes ».

Le décalage dont souffre la Picardie, et plus particulièrement l’Aisne, par rapport à la situation nationale ne s’est pas estompé en l’espace de quinze ans.

Plus largement, il en est de même pour le niveau des diplômes. En 2013, lors du dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 37 % de la population des Hauts-de-France ne possédait pas de diplôme, et 39 % de ses habitants étaient titulaires du seul baccalauréat.

En septembre 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, a rendu publique une étude passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives, rapport au titre troublant : Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l ’ OCDE ?

Dernière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui seront de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d’assumer dignement l’entretien d’une famille.

N’est-il pas temps de nous inspirer de nos voisins du nord de l’Europe, de l’Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d’illettrisme plafonnent à environ 3, 5 % de la population ? Leurs méthodes sont connues : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, pédagogie tenant compte des différents niveaux dans la même classe, etc.

Monsieur le ministre, je sais qu’après l’élection présidentielle de mai 2017 vous avez aussitôt décidé de dédoubler les classes primaires dans les zones défavorisées, et nous vous en louons.

J’ai bien entendu votre réponse lors de l’examen du budget 2018, pour ce qui concerne la détection et la prévention des élèves atteints de troubles « dys » par une médecine scolaire revalorisée et opérationnelle. Je vous remercie d’ailleurs de nous indiquer l’état de mise en œuvre de cette volonté.

Par ailleurs, il était temps de faire un effort vers les bibliothèques dans ces régions où les difficultés de lecture sont grandes. Le projet de loi de finances pour 2018 nous en donné l’occasion, au Sénat, …

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

… où une rallonge de 8 millions d’euros a été annoncée.

Je rappelle un dernier chiffre : plus de 15 % de ces élèves sont en décrochage scolaire.

Ce constat alarmant demande des décisions drastiques et des moyens adéquats. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous en donner la teneur.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur Lefèvre, je sais à quel point le problème que vous soulevez et le diagnostic que vous dressez sont réels. Je suis totalement mobilisé pour y répondre.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres que vous avez cités : ils sont en effet alarmants. L’académie d’Amiens en général, et en particulier le département dont vous êtes l’élu, sont spécialement touchés par le phénomène de l’illettrisme. Nous devons donc placer ce sujet au cœur de nos priorités.

Comme vous le savez, cette question des savoirs fondamentaux, « lire, écrire, compter et respecter autrui », que chaque enfant doit acquérir à l’école primaire, vaut pour toute la France, particulièrement pour les territoires que l’on peut considérer comme étant en retard à ce titre.

La première des réponses, mais ce n’est pas la seule, est – vous l’avez rappelé – le dédoublement des classes de cours préparatoire en REP+.

Dans le département de l’Aisne, dès la rentrée 2017, ces nouvelles dispositions en éducation prioritaire ont représenté le dédoublement de 50 classes de CP en REP+, avec des effectifs moyens de 12 élèves par classe. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 supplémentaires en REP+, ainsi que 100 classes de CP en REP, seront concernées.

Ces chiffres montrent l’importance de l’effort engagé : plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’élèves en bénéficieront. Ainsi, on pourra traiter à la racine les problèmes rencontrés.

En parallèle, plusieurs mobilisations sont prévues, dont certaines étaient mentionnées dans votre question.

L’école maternelle va faire l’objet d’une réflexion et de transformations, afin qu’elle soit, plus encore qu’aujourd’hui, l’école de l’épanouissement et de l’apprentissage du langage. Vous le savez, au mois de mars prochain auront lieu des assises de la maternelle, qui seront présidées par Boris Cyrulnik. §Ces dernières vont nous permettre de prendre, dès la rentrée prochaine, un certain nombre de mesures en faveur de l’école maternelle.

En outre, les évaluations prévues seront des outils au service des progrès des élèves : celle de début de CP permettra notamment de déployer des stratégies personnalisées et adaptées pour chaque élève de CP.

Un ensemble d’outils pédagogiques consacrés à l’apprentissage de la lecture sera bientôt mis à la disposition des enseignants ; un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles sera organisé.

Une action interministérielle, menée notamment avec ma collègue ministre de la culture, sera également mise en œuvre en faveur du livre et de la lecture. Les bibliothèques des écoles, auxquelles vous avez fait référence, doivent bel et bien être renforcées, en partenariat avec les communes concernées.

Vous le savez, l’académie d’Amiens est particulièrement mobilisée sur ces questions. Je m’y suis déjà rendu à plusieurs reprises depuis ma prise de fonctions, avec une priorité clairement affichée, à savoir l’acquisition des savoirs fondamentaux et la prise en charge de la maîtrise de la langue. Cela s’est traduit par l’instauration de modules de formation continue des enseignants. J’ai d’ailleurs tenu à assurer moi-même l’introduction d’un de ces modules.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Nous avons également mis en place le réseau des observatoires locaux de la lecture, ou ROLL, mené par Alain Bentolila, qui regroupe 590 enseignants et dont les premiers résultats sont extrêmement encourageants.

Je citerai enfin l’expérimentation de la Machine à Lire.

Le temps me manque pour vous exposer toutes les actions entreprises en la matière, mais je puis vous assurer de toute mon attention en faveur du département de l’Aisne et de l’académie d’Amiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le ministre, je suis heureux que cette question, posée l’an dernier, vous ait permis de présenter ces différents dispositifs.

Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales, où l’enjeu existe également.

M. le ministre le concède.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Enfin, il importe d’œuvrer à l’attractivité de certaines académies et à la mobilité entre ces dernières. Je relève que, à Amiens, à peine 10 % des enseignants sont agrégés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 127, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

Monsieur le ministre, la décision du Gouvernement de supprimer un nombre très significatif de contrats aidés, près de 40 % par rapport à l’année 2016, suscite de vives inquiétudes dans de nombreuses associations, particulièrement dans le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire.

Certes, une rallonge de 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires a été accordée avant la fin de 2017, mais elle concerne essentiellement le secteur non marchand, tel que l’accompagnement des élèves handicapés, l’urgence sanitaire et sociale, l’outre-mer et les communes rurales en difficulté. Une telle décision n’est pas de nature à rassurer les responsables des centres sociaux, des maisons de quartiers, ou encore des maisons des jeunes et de la culture, les MJC.

Les autres décisions prises durant l’été créent, elles aussi, de grandes incertitudes dans le mouvement associatif : la diminution des dotations aux collectivités territoriales, la suppression de la taxe d’habitation, qui ne permettra plus aux communes de développer une fiscalité propre sur leur territoire, enfin la suppression de la réserve parlementaire, dont 70 % des fonds venaient soutenir des projets associatifs dans les territoires, toutes ces mesures frappent en premier lieu, et directement, les structures associatives.

Ainsi, dans le département de la Loire, plusieurs structures ont dû réduire leur équipe d’animation. Lors des dernières vacances de la Toussaint et de Noël, ces mesures se sont traduites par une réduction du nombre d’enfants accueillis en centres de loisirs et de jeunes en accueil journalier. Cette situation pose de véritables problèmes de garde pour les parents, particulièrement dans les familles les plus modestes.

Or, le secteur associatif, c’est 1, 3 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1, 8 million de salariés qui structurent en profondeur notre pays ; ce secteur représente 85 milliards d’euros de budget, soit 3, 5 % de notre PIB.

On le constate, les associations sont une richesse pour la Nation. Il ne s’agit donc pas d’opposer emploi aidé et emploi qualifié et de ne retenir que le caractère économique pour juger de l’efficacité de ce dispositif. Le tissu associatif est en effet indispensable dans les quartiers pour maintenir le lien social, favoriser le vivre-ensemble et le dialogue civil.

Aussi, alors que, pour la première fois depuis 1957, un ministère de plein exercice ne fait plus référence à la jeunesse et à la vie associative, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte la spécificité du secteur de l’accueil de notre jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur Bonne, la décision prise par le Gouvernement en matière de contrats aidés était difficile ; mais elle ne pouvait être différente pour un gouvernement qui veut changer les mauvaises habitudes consistant à construire des budgets non sincères en début d’année, qu’il faut revoir à mi-parcours et qui, de surcroît, ne permettent pas de conduire des politiques que vous et vos collègues parlementaires votez.

Cette décision a parfois été mal vécue par les associations, qui ont pu y voir un problème pour la mise en œuvre de leur action. Le Gouvernement en est tout à fait conscient. C’est pourquoi nous avons revu le volume des contrats aidés à la hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en dépit du contexte de contrainte budgétaire.

En loi de finances initiale, 280 000 contrats aidés avaient été programmés pour l’année, mais les deux tiers de cette enveloppe annuelle ont été consommés dès le premier semestre. Il faut sans cesse le rappeler, face à un certain nombre de discours discordants.

Le Gouvernement a accordé une rallonge dans le contexte de maîtrise du déficit. Il a ainsi souhaité porter cette enveloppe à 320 000 contrats aidés sur l’année, soit 40 000 emplois de plus que ce qui avait été prévu.

Par ailleurs, de manière opérationnelle, cet effort a conduit le Gouvernement à cibler quatre secteurs prioritaires pour la fin d’année 2017 : l’éducation nationale et plus particulièrement l’accompagnement des élèves en situation de handicap ; l’outre-mer ; l’urgence sanitaire et l’urgence sociale, c’est-à-dire le secours alimentaire et l’hébergement social.

Pour le secteur associatif, les contrats aidés ont donc été concentrés sur l’urgence sanitaire et sur l’urgence sociale, notamment parce qu’en période hivernale l’aide alimentaire, l’accompagnement social ou l’hébergement, en particulier médicalisé, des jeunes enfants, des personnes dépendantes, sans abri ou atteintes d’un handicap sont évidemment des sujets essentiels.

À l’heure actuelle, on comptabilise près de 96 000 contrats aidés conclus, au titre de 2017, par les associations. Ce chiffre n’est pas stabilisé, les employeurs devant transmettre leurs dossiers en fin d’année.

Une politique de l’emploi efficace doit s’appuyer sur le renforcement des politiques de formation et d’accompagnement ciblé, lesquelles permettent des taux de retour à l’emploi durable plus significatifs pour les bénéficiaires.

Ma collègue ministre du travail, Muriel Pénicaud, a confié une mission à M. Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, visant à mobiliser les acteurs de l’insertion autour de nouvelles solutions, au service du parcours de chacun et en particulier de ceux qui sont aujourd’hui les plus largement exclus de l’accès au marché du travail. Les propositions vont lui être remises sous peu. C’est donc une politique efficace de lutte contre le chômage qui est engagée.

En parallèle, le Premier ministre m’a demandé de préparer une nouvelle stratégie pour le quinquennat en faveur de la vie associative. Cette stratégie doit être en harmonie avec le plan pour l’économie sociale et solidaire. Après une réunion de lancement en décembre dernier, avec notamment les acteurs associatifs, les premières réunions de travail se tiennent aujourd’hui même.

Monsieur le sénateur, vous pouvez le constater, votre question et ma réponse sont d’une parfaite actualité.

Une priorité très claire a été fixée : donner un nouveau souffle au mouvement associatif, non avec des instruments anciens, mais avec des outils nouveaux, ce qui passe aussi par des dotations nouvelles.

Vous avez évoqué la réserve parlementaire. Je vous rappelle que 25 millions d’euros ont été votés en fin d’année pour venir en aide aux associations.

Une stratégie est donc élaborée en faveur des associations. Elle se caractérisera par son efficacité au service des plus fragiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais les associations demandent surtout l’ouverture d’une négociation sur l’emploi associatif. Leur préoccupation est de pouvoir rémunérer correctement leurs salariés.

Plus généralement, la mise en œuvre d’une étude d’impact contradictoire sur l’évolution des financements publics aux associations, sur les actions qu’elles mènent et sur les conditions d’emploi de leurs salariés permettrait de renouer le lien entre l’État, les collectivités territoriales et les associations.

J’ai vécu de telles situations dans le département dont je suis l’élu, en tant que président du conseil départemental, et il me paraît très important que ces structures associatives soient averties assez longtemps à l’avance des réductions ou des modifications susceptibles de se produire. En effet, les décisions prises en cours d’année les mettent particulièrement en difficulté. Tel a été le cas au mois de septembre dernier, lorsque les associations ont appris qu’elles allaient connaître une importante diminution de leur personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 143, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention, et celle du Gouvernement, sur les questions que se posent de nombreux maires au sujet du fonds de soutien au développement des activités périscolaires pour les prochaines rentrées scolaires.

Malgré les nombreuses hésitations et plusieurs changements de cap ces dernières années en matière d’organisation du temps scolaire, la semaine de quatre jours et demi reste la règle.

Dans nos territoires, les élus sont confrontés à de nombreuses difficultés, principalement financières, pour maintenir la semaine de quatre jours et demi. Bien entendu, cette situation a des répercussions sur la pertinence, mais aussi sur la qualité des activités périscolaires qui sont proposées aux élèves.

Ainsi, le régime dérogatoire avec l’organisation de la semaine scolaire sur quatre jours dans les écoles maternelles et élémentaires publiques est bien souvent sollicité auprès des directions académiques. Si l’organisation du temps scolaire répond à des objectifs pédagogiques pour permettre aux enfants de mieux apprendre à l’école, les élus doivent pouvoir délibérer en amont pour faire des choix en adéquation avec leur budget communal.

C’est pourquoi le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est indispensable. Des communes continuent à mettre en œuvre la réforme. À cette fin, elles ont organisé des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial.

Les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, voire quasi inexistantes aujourd’hui. Il est donc indispensable d’avoir des certitudes et d’obtenir les informations nécessaires de la part du Gouvernement afin de préparer le budget communal.

Dans notre département de la Loire, les communes ont jusqu’au 10 février 2018 pour se prononcer sur l’organisation du temps scolaire. En conséquence, les élus ont besoin de connaître les modalités pratiques et les montants des aides prévues dans le cadre de ce fonds de soutien spécifique.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous saurais gré de répondre le plus précisément possible à ces questions très importantes pour nos communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur Bernard Fournier, vous m’interrogez quant aux suites d’une mesure très importante de la dernière rentrée scolaire : l’assouplissement de la réforme des rythmes scolaires. L’objectif est simple, il s’agit de donner de la souplesse aux acteurs de terrain dans l’organisation de la semaine scolaire.

Une grande partie des difficultés que vous mentionnez préexistaient à cette réforme, précisément parce que de nombreuses communes, notamment les plus petites, étaient en difficulté face à des rythmes qui, à leurs yeux, leur étaient imposés.

Là où les communautés éducatives et les communes sont satisfaites de l’organisation qu’elles avaient, elles ont pu continuer à fonctionner selon les mêmes modalités. Le fonds a été perpétué pour elles. Là où a émergé un consensus local en faveur d’une autre organisation, une dérogation aux cadres existants a été possible.

Nous sommes convaincus que les rythmes scolaires doivent pouvoir être aménagés et adaptés à la réalité de chaque territoire. C’est, j’en suis persuadé, une aspiration que tous les élus et toutes les communautés éducatives ont en partage, et vous savez, en tant que sénateur, à quel point les réalités locales sont diverses.

Le but n’est donc pas de changer ce qui fonctionne, mais simplement de porter remède à ce qui ne fonctionne pas. De ce point de vue, nous n’avons pas cherché à bouleverser les dispositifs existants. Nous voulons au contraire améliorer la situation, sur le plan tant scolaire que périscolaire.

À l’issue des différentes périodes de concertation qui se sont succédé, des consensus locaux ont émergé pour la prochaine rentrée. Nous voyons progressivement certaines communes passer à quatre jours et d’autres rester à quatre jours et demi.

Les intentions du Gouvernement en matière d’organisation du temps scolaire sont donc très claires. Les modalités pratiques et financières de préparation de la prochaine rentrée sont stabilisées et transparentes. En effet, il est très important que les parties prenantes à l’échelon local disposent de cette visibilité pour préparer sereinement la rentrée.

Les communes qui conserveront une organisation du temps scolaire sur neuf demi-journées par semaine, ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées, continueront à percevoir les aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires.

La pérennité de ce fonds est bel et bien confirmée. En effet, l’article 87 de la loi de finances rectificative pour 2017 a modifié l’article 67 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République en apportant une précision sur l’éligibilité au fonds de soutien « dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées ».

Sur le plan budgétaire, le Gouvernement tient ses engagements.

Les acomptes ont été versés aux communes éligibles il y a quelques semaines et les crédits nécessaires ont été prévus en loi de finances pour 2018. Les montants, tels que définis par l’arrêté du 17 août 2015 fixant les taux des aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, soit 50 euros pour le taux du montant forfaitaire et 40 euros pour le taux de la majoration forfaitaire, sont maintenus.

Nous n’oublions pas le besoin de simplifier chaque fois que possible les procédures de gestion, comme l’ont demandé les communes.

Une mesure d’allégement a été mise en place pour la gestion 2017-2018 à la suite de la modification du décret du 17 août 2015. Ainsi, les acomptes de la campagne 2017-2018 ont été versés, sans demande préalable, aux communes ayant communiqué leurs coordonnées bancaires à l’Agence de services et de paiement, l’ASP.

De plus, je travaille actuellement avec la Caisse nationale d’allocations familiales pour apporter un appui supplémentaire aux communes à la rentrée prochaine. Ce dispositif s’ajoutera aux mesures déjà annoncées.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Enfin, nous préparons un plan Mercredi, qui permettra à chaque commune de France qui le souhaite de conclure un accord avec l’État en vue de mieux préparer les activités périscolaires du mercredi, pour l’après-midi seulement ou pour la journée entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous m’avez apportées et je prends note de la souplesse dont fait preuve le Gouvernement, conformément, d’ailleurs, à ce qu’il avait annoncé.

J’ai relevé avec beaucoup d’intérêt que le fonds évoqué est pérennisé et que ses crédits sont inscrits au budget. Je ne manquerai pas de transmettre toutes ces informations aux communes de mon département.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 109, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention ainsi que celle de Mme la ministre de l’enseignement supérieur sur la reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en France.

Le drame vécu par les réfugiés ne peut naturellement nous laisser indifférents. Il nous appartient de nous mobiliser pour rechercher les meilleures conditions d’accueil.

Tous les réfugiés irakiens ne présentent pas un faible niveau de qualification. À leur arrivée, ils ont même souvent un solide bagage éducatif et académique dans le supérieur. C’est le cas notamment dans le domaine de la santé publique : certains exerçaient dans leur pays les professions de chirurgien, de médecin ou encore de biologiste.

En effet, avant les différentes guerres qui l’ont frappé, l’Irak disposait d’un des systèmes éducatifs les plus performants du Moyen-Orient. Le taux de scolarisation y était excellent, l’école y était gratuite et obligatoire et la scolarisation des filles y atteignait un bon niveau. L’enseignement secondaire y offrait aussi des formations de qualité, particulièrement dans les établissements d’enseignement scientifique et technologique. Le pays comptait plus d’une vingtaine d’universités publiques ainsi que des facultés privées.

Malheureusement, une fois en France, les réfugiés irakiens rencontrent des difficultés à faire valoir leurs diplômes et leurs expériences acquises. Actuellement, il est important de noter qu’il n’existe pas de principe juridique d’équivalence entre les titres et les diplômes obtenus en Irak et les diplômes français. Seule une attestation de reconnaissance d’un certain niveau d’études atteint par comparaison au système français peut être obtenue.

Par ailleurs, selon que le diplôme porte sur l’exercice d’une profession réglementée ou non réglementée, la procédure n’est pas la même. Par exemple, les détenteurs d’un diplôme de docteur en médecine, en chirurgie dentaire, en pharmacie, ou d’un diplôme de sage-femme, obtenu en Irak, ne peuvent exercer sur le territoire français qu’après avoir eu l’autorisation de l’ordre ou du conseil national compétent, ce qui est d’ailleurs logique.

Ces procédures de reconnaissance et de comparabilité sont parfois longues, compliquées et difficilement accessibles aux bénéficiaires d’une protection internationale.

Ces réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles – au demeurant, nous avons souvent besoin d’eux – en se mettant au service du pays qui les accueille, d’être acceptés dans leur nouvel environnement et d’améliorer leur qualité de vie. Aussi, je souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de faire évoluer notre système et de faciliter la reconnaissance des titres et diplômes universitaires irakiens de qualité. Cet enjeu vaut d’ailleurs pour d’autres États que je n’ai pas cités.

Le Gouvernement envisage-t-il d’instaurer une convention bilatérale avec ce pays, qui dispose aujourd’hui d’institutions gouvernementales démocratiques, bref, d’un État, même si tout reste compliqué en Irak ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur Bockel, vous posez une question particulièrement importante, et le Gouvernement est très sensible à la question de l’accueil des réfugiés.

Vous l’avez souligné, plusieurs dispositifs sont mis en œuvre pour répondre à l’urgence de la situation, notamment pour la reconnaissance des diplômes et des talents.

Le Programme national d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil, ou PAUSE, créé en janvier 2017, a pour mission de favoriser l’accueil des scientifiques en situation d’urgence pour permettre leur intégration et assurer la continuité de leurs travaux.

Ce programme, dans lequel se sont investis de nombreux établissements d’enseignement supérieur, réunit aussi de grandes institutions de la recherche telles que le Centre national de la recherche scientifique – le CNRS –, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – l’INSERM –, l’Institut national de la recherche agronomique, – l’INRA –, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique – l’INRIA –, ainsi que le ministère de l’intérieur et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

À ce jour, une centaine de scientifiques ont pu bénéficier de ce dispositif. Pour lui permettre d’atteindre une plus grande ampleur, tous les outils disponibles doivent être mobilisés.

Ainsi, en matière de reconnaissance des diplômes, nous disposons des attestations de comparabilité émises par le centre ENIC-NARIC France abrité par le Centre international d’études pédagogiques, le CIEP. Conformément à la convention de Lisbonne, l’évaluation des diplômes peut être assurée sur la base d’une grille de dix critères, laquelle permet d’établir une comparabilité.

Lorsqu’un diplôme étranger ne peut être comparé à un niveau de diplôme en France, le centre ENIC-NARIC France établit, sous réserve des résultats de l’analyse du dossier, une attestation de reconnaissance d’études ou de formation à l’étranger.

Nous avons veillé à ce que le coût de ces deux procédures reste relativement modeste, afin qu’il ne constitue pas une entrave.

Les professions réglementées font effectivement l’objet d’une procédure spécifique. Pour ce qui concerne le secteur médical, celle-ci est définie par le ministère des solidarités et de la santé ainsi que par les ordres professionnels, afin de concilier la valorisation des compétences acquises avec les standards nationaux. Dans ce cadre, après un test de connaissances, la pratique fait l’objet d’une observation renforcée pendant trois ans, avant que le bénéficiaire puisse voler de ses propres ailes.

Je déduis de votre question qu’il est sûrement nécessaire de mieux faire connaître ces dispositifs, y compris aux publics concernés : il n’est pas certain que toutes et tous puissent faire valoir leurs droits en toute connaissance de cause. Il nous appartient de porter tous ces éléments à leur connaissance, afin que leur nouveau départ en France se fasse sous les meilleurs auspices.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le secrétaire d’État, merci de cette réponse concrète, qui ouvre sur des perspectives d’amélioration.

Pour tout vous dire, j’ai posé cette question à la suite de contacts que j’ai eus, chez moi, à Mulhouse, avec des associations de chrétiens d’Irak. Évidemment, elle ne se limite pas à ce cas spécifique : je l’ai posée de manière générale. Mais, à mon sens, il s’agit là d’un bon exemple de personnes qui se savent durablement déracinées. Même si Daesh a reculé, même si l’Irak est en train de se restructurer, les intéressés savent qu’il serait encore très dangereux de rentrer chez eux, compte tenu des persécutions auxquelles ils s’exposeraient.

Cela ne signifie pas que ces réfugiés ne pourront jamais rentrer en Irak. On peut espérer qu’ils contribueront un jour au développement de leur pays. Mais, aujourd’hui, on voit bien qu’ils sont installés durablement chez nous. Or ils ont souvent un haut niveau culturel, de grandes connaissances et la volonté de s’intégrer en France.

Votre réponse va dans le bon sens, car ces personnes représentent une élite qui peut nous apporter beaucoup. Naturellement, ces pistes ne vont pas à l’encontre de ce que nous devons faire en direction de l’ensemble des réfugiés présents sur notre sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 126, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

J’attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi fondamentale qui vise à définir l’État d’Israël comme le « foyer national du peuple juif ».

Ce texte devrait être examiné prochainement en séance plénière, en première lecture, par la Knesset. Fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il dispose qu’Israël est « l’État-nation du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l’hébreu comme seule langue officielle. Il précise également que le droit à l’autodétermination est réservé au seul peuple juif.

La langue arabe, parlée par au moins 20 % d’Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait ainsi son statut et ne serait plus une des langues officielles de l’État.

Enfin, une disposition de ce texte définit et légalise une ségrégation ethnique en autorisant un groupe d’une même religion à vivre en communauté, séparé des autres. Cette mesure permet l’établissement de communautés exclusivement juives.

Non seulement ce projet de loi risque d’aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d’Israël, mais il va à l’encontre des principes démocratiques et institutionnalise des discriminations raciales.

Aussi, je vous demande de bien vouloir m’indiquer la position du gouvernement français sur ce texte et sur les conséquences internationales qui découleraient de son adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur Gilbert Roger, comme vous l’avez indiqué, un projet de loi sur le caractère juif de l’État d’Israël est actuellement examiné par le législateur israélien.

Il s’agit d’un projet de loi fondamentale en ce sens que ce texte aurait valeur constitutionnelle en cas d’adoption. Il rappelle un certain nombre d’éléments, que vous avez mentionnés. Il introduit notamment la reconnaissance d’Israël comme « foyer national du peuple juif » et accorde à ce dernier l’exclusivité du droit à l’autodétermination dans l’État.

Vous comprendrez qu’il n’appartient pas à la France de se prononcer sur les discussions de parlementaires étrangers. De même, il nous serait sans doute difficile d’accepter le regard d’autres États sur nos propres débats.

Le parlement israélien débat de cette question avec intensité. D’ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Ainsi, je crois comprendre que des progrès sont en train d’être accomplis pour que le statut de la langue arabe ne soit pas remis en cause.

Pour autant, il est vrai que ce texte suscite des préoccupations de notre part.

Notre première préoccupation tient au risque de discrimination à l’encontre des citoyens arabes. À cet égard, je rappelle le profond attachement de la France au principe de non-discrimination, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, à l’instar, d’ailleurs, d’Israël, et conformément au droit international, lequel a vocation à s’appliquer à tous.

Notre seconde préoccupation porte sur la conformité de ce projet à la solution à deux États. En effet, la résolution de cette situation passe par la mise en place des deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie.

Vous connaissez, en outre, la position constante de la France au sujet de Jérusalem. Au mois de décembre dernier, le chef de l’État a dit les choses très clairement. La France est naturellement l’amie du peuple palestinien, comme elle est l’amie du peuple israélien, et ce lien d’amitié nous permet aussi de dire les choses très franchement.

Ainsi, en accueillant le Premier ministre israélien, le Président de la République a pu évoquer un certain nombre de points relatifs, en particulier, à la colonisation. La France ne porte pas ses convictions dans un mouchoir, mais, bien au contraire, sur un étendard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Pour conclure, il importe également de prendre garde au moment. Aujourd’hui, le climat est tendu. Mieux vaut y regarder à deux fois avant de risquer de le tendre un peu plus.

Voilà ce que peut dire le gouvernement français à ce stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Monsieur le secrétaire d’État, merci de votre réponse. Le Sénat, notamment à travers ses deux groupes d’amitié France-Israël et France-Palestine, est extrêmement attentif à cette situation.

Nous avons récemment reçu, à leur demande, des parlementaires de la Knesset, membres de ce que j’appellerais la partie arabe de cette assemblée, alors qu’ils faisaient une tournée européenne. Ils ont également été reçus, me semble-t-il, par l’un des directeurs de votre ministère.

Ces parlementaires nous ont fait part de leurs préoccupations, notamment quant au statut de la langue arabe, car cette réforme risque d’entraîner de grandes complications pour un certain nombre de citoyens israéliens de langue arabe. Ils ont exprimé la même inquiétude auprès des instances de l’Union européenne.

Nous devons donc rester dans notre rôle – vous l’avez rappelé avec raison – et, en même temps, nous montrer extrêmement positifs, afin que de telles lois ne puissent pas remettre en cause les relations internationales et les règles internationales que les pays se donnent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 146, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’avoue, j’aurais préféré ne pas avoir à vous poser cette question en cette rentrée parlementaire, mais notre compatriote Salah Hamouri est aujourd’hui enfermé dans les geôles israéliennes. Il y est prisonnier depuis maintenant 147 jours.

Après avoir connu l’emprisonnement pendant sept longues années, il fait face, une nouvelle fois, à une décision arbitraire.

Salah Hamouri a été arrêté chez lui au petit matin le 23 août dernier et placé en détention administrative pour six mois sur ordre du ministère de la défense israélien.

Or la détention administrative ne permet ni à Salah Hamouri ni à ses avocats d’avoir accès à son dossier, pas plus que de connaître les raisons ou les preuves supposées qui ont conduit à son incarcération.

Vous le savez, la détention administrative est contraire au droit international. Elle a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver des opposants politiques, des résistants pacifiques et, plus largement, de nombreuses citoyennes et de nombreux citoyens de la protection légale à laquelle ils ont droit.

Emprisonné sans pouvoir se défendre ni savoir ce qu’on lui reproche : telle est la situation de notre compatriote depuis 147 jours !

Depuis cet été, la France n’est pas restée inactive.

Le Quai d’Orsay a dénoncé « l’utilisation abusive et systématique de la détention administrative ». La France a « espéré » sa libération avant de la « demander » en décembre dernier.

Nous savons aussi que le Président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué la question lors de la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Paris, le 10 décembre dernier, comme il l’a écrit à de nombreuses associations.

Pourtant, depuis lors, la situation de notre compatriote ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Le 31 décembre dernier, par mesure de rétorsion, l’administration pénitentiaire a déplacé notre compatriote de la prison du Neguev à celle de Megiddo, à la suite de l’interview qu’il a accordée à un grand quotidien national.

Cette situation est inacceptable, et la France ne peut l’accepter.

Chaque jour supplémentaire que Salah Hamouri passe en prison est un jour de moins passé avec sa femme, son fils et sa famille, qui ont déjà trop souffert.

Chaque jour supplémentaire est une offense faite à la France et aux droits de l’homme les plus élémentaires.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple et directe : quels gestes nouveaux notre diplomatie va-t-elle accomplir pour obtenir enfin la libération immédiate de notre jeune compatriote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur Fabien Gay, je suis bien d’accord avec vous : nous aurions également souhaité que la situation soit résolue à l’heure où vous posez cette question.

Notre compatriote Salah Hamouri a été arrêté par les autorités israéliennes le 23 août 2017 et placé en détention administrative pour une durée de six mois. Nous suivons cette situation avec la plus grande attention. Ce n’est pas une clause de style : j’ai eu à en connaître personnellement à plusieurs reprises.

Naturellement, Salah Hamouri bénéficie, comme l’ensemble des Français emprisonnés à travers le monde, de la protection consulaire, conformément à la convention de Vienne. Il a pu recevoir à ce titre plusieurs visites de nos autorités consulaires depuis le début de sa détention. La dernière en date, effectuée par notre consul à Haïfa, remonte au 8 janvier dernier, soit il y a quelques jours.

Il est vrai que le régime de détention administrative est d’une nature particulière. Il ne permet pas à Salah Hamouri d’avoir accès aux charges retenues contre lui ; nous ne les connaissons pas non plus. J’ai eu l’occasion de m’en ouvrir à l’ambassadrice d’Israël en France pour lui redire tout notre attachement à la résolution de cette situation.

La position de la France à ce sujet est claire, et je la rappelle : nous condamnons l’utilisation abusive de la détention administrative, qui porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Tel est le message que nous ne cessons de passer. Dans ces conditions, nous continuons à demander le plein respect des droits de notre compatriote et à espérer sa libération rapide. Dans l’immédiat, et de manière urgente, nous réitérons notre souhait que sa famille puisse lui rendre visite.

Nos échanges à ce sujet avec les autorités israéliennes sont très réguliers, ils ont lieu dans le cadre des liens qui, de longue date, unissent la France à Israël, et nous attendons toujours des réponses aux questions que nous avons posées. Pour le moment, nous n’avons rien entendu.

Vous m’offrez l’occasion de le redire aujourd’hui officiellement : il n’est jamais trop tard pour agir, et nous demandons vraiment, en ce début d’année, que la situation évolue dans un sens favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui, sauf erreur de ma part, contient un petit lapsus : le Quai d’Orsay « n’espère » pas, mais « demande » cette libération. Il me semble toutefois que nous sommes d’accord sur le fond.

Vous savez qu’un certain nombre de citoyens et de citoyennes sont mobilisés dans beaucoup de comités locaux et nationaux. Plus de mille élus, de tous bords politiques, ont exigé ensemble cette libération.

Nous espérons qu’elle aura lieu au plus vite. Nous espérons que de nouvelles procédures seront mises en œuvre au plus tard le 23 février prochain, date à laquelle la détention administrative doit prendre fin.

Vous savez toutefois que celle-ci peut être prolongée indéfiniment. Certains prisonniers politiques palestiniens sont ainsi en détention administrative depuis huit ans ! Il importe donc ne pas attendre la date du 23 février pour prendre des initiatives : vous l’avez souligné vous-même.

Enfin, je tiens à rappeler que Salah Hamouri n’est pas le seul dans cette situation. Citons, par exemple, le cas de la jeune Palestinienne Ahed Tamimi, qui émeut les démocrates et les progressistes partout dans le monde et en faveur de laquelle la mobilisation citoyenne grandit. Je pense, plus largement, aux 7 000 prisonniers politiques retenus à travers le monde.

Lors de la précédente mandature, le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a demandé au Gouvernement de reconnaître enfin l’État palestinien, avec Jérusalem-Est comme capitale. Vous œuvrez comme nous pour une paix juste et durable en Palestine. Il faut maintenant assurer cette reconnaissance. Ces remarques font d’ailleurs écho à la question que vient de poser M. Roger.

Dans les semaines et les mois à venir, il faut que ce débat se tienne à nouveau dans cet hémicycle et que le Gouvernement reconnaisse enfin l’État palestinien dans ses frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 140, adressée à Mme la ministre du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Ma question s’adressait à Mme le ministre du travail, dans la mesure où elle porte sur l’accès à la formation professionnelle continue des pâtres. Mais, en la matière, l’enjeu est également la transition écologique et solidaire, madame la secrétaire d’État, puisque les bergers saisonniers sont des acteurs majeurs du pastoralisme, activité vitale pour la sauvegarde de la biodiversité dans nos montagnes.

Les pâtres exercent un métier qui, lorsqu’ils sont salariés, repose sur des contrats de travail saisonnier, dont les durées sont celles des estives, lesquelles varient de trois à six mois. Durant ces périodes, pendant lesquelles ils sont sous contrat de travail, ils ne peuvent bien sûr pas s’absenter, en raison de la nature même de leur métier.

Ils souhaitent accéder à la formation professionnelle continue, mais ils en sont exclus, alors même que leurs employeurs cotisent à un organisme paritaire collecteur agréé : le Fonds national d’assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles, le FAFSEA.

Cette exclusion s’explique par le fait que les droits associés aux contrats de travail pour ces travailleurs saisonniers, parmi lesquels celui de l’accès à la formation, ne sont reconduits que lorsque ces contrats sont renouvelés, à chaque nouveau début de saison.

De fait, durant les périodes d’intersaison, alors que les travailleurs seraient généralement disponibles, ils ne peuvent activer ces droits associés, car ils ne sont précisément plus sous contrat.

Pour pallier cette difficulté, le FAFSEA a bien proposé aux employeurs de salarier leurs pâtres quelques jours avant la montée en estive afin de leur permettre de se former avant leur prise de poste.

Cette solution ne peut, hélas ! être envisagée au regard de la réalité des contraintes propres du métier. Vous le comprenez, le démarrage de la saison est fortement lié aux conditions météorologiques. Dès lors, les dates des contrats de travail ne peuvent être arrêtées longtemps à l’avance.

Je souhaite vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur les mesures qu’entend prendre le Gouvernement pour permettre aux pâtres de bénéficier de l’accès à la formation. Il s’agit là d’un droit légitime, qui ne pourra que renforcer l’attractivité de ce métier.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Alain Duran, je vous réponds à la place de Mme la ministre du travail, qui ne peut malheureusement pas être présente ce matin.

Vous avez souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés d’accès à la formation professionnelle continue des pâtres, qui, en raison des particularités de leur métier, ne peuvent être disponibles pour suivre une formation pendant la durée de leur contrat de travail saisonnier.

Vous nous faites part du fait que, durant les périodes d’intersaison, les pâtres n’étant plus sous contrat de travail, ils ne peuvent bénéficier d’aucun programme de formation, alors même que leurs employeurs s’acquittent de la contribution à la formation professionnelle continue auprès du FAFSEA.

La solution proposée par le FAFSEA semble résulter de l’application de l’article L. 6321-13 du code du travail, lequel prévoit un dispositif de formation particulier destiné aux salariés occupant un emploi saisonnier et ne pouvant se libérer pour une action de formation au cours de leur contrat.

Cet article permet, sous certaines conditions, à l’employeur d’un salarié saisonnier qui s’est engagé à reconduire son contrat pour la saison suivante, de conclure un contrat de travail à durée déterminée pendant la période d’intersaison.

Ce contrat a pour objet de permettre au salarié de participer à une action de formation prévue au plan de formation de l’entreprise, et sa durée est égale à celle qui est prévue pour l’action de formation. Celle-ci est alors prise en charge par l’organisme paritaire collecteur agréé, ou OPCA, compétent.

Nous prenons toutefois acte du fait que cette solution pratique proposée à l’heure actuelle par le FAFSEA ne permet pas de répondre aux enjeux de la formation professionnelle des pâtres : je vous remercie d’avoir attiré l’attention de Mme la ministre du travail sur ce point. Ses services se rapprocheront de ceux du FAFSEA pour étudier les pistes d’amélioration susceptibles d’être suivies.

Par ailleurs, il convient de vous préciser que, lors des périodes d’intersaison, le pâtre, qui revêt le statut de demandeur d’emploi, a aussi la possibilité d’accéder à l’ensemble des dispositifs de formation dédiés aux salariés privés d’emploi, financés notamment par Pôle emploi et par les régions.

Enfin, dans le cadre de la future réforme de la formation professionnelle, une attention particulière sera portée sur les difficultés soulevées par la formation professionnelle continue des travailleurs saisonniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Merci, madame la secrétaire d’État, de toutes ces pistes, que nous allons examiner avec la plus grande attention.

Vous l’avez compris, à travers cette question, qui porte sur les formations destinées aux pâtres, je souhaite surtout contribuer à assurer l’attractivité d’un métier très particulier et bien difficile. En effet, le métier de pâtre s’inscrit complètement dans l’avenir du pastoralisme, auquel je suis très attaché, dans toutes les montagnes de France et d’ailleurs.

Cette activité est vitale pour préserver la biodiversité de nos montagnes : je me permets d’insister sur ce point, puisque vous êtes présente ce matin au Sénat. Vous connaissez toutes les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui en la matière, face à l’ensemble des prédateurs : mais je ne vais pas vous poser une nouvelle question !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

En tout cas, je vous remercie de votre réponse et de toutes ces pistes de réflexion que vous nous indiquez, concernant les articles qui régissent aujourd’hui ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 144, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Madame la secrétaire d’État, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a structuré ce secteur et a contribué à sécuriser le financement du monde associatif.

Malheureusement, certaines décisions récentes ont conduit à affaiblir les réseaux associatifs locaux. La plupart des associations subissent à la fois la baisse importante de leurs financements et la réduction du nombre des emplois aidés. Elles sont victimes de la contraction des finances publiques locales et nationales et subissent la baisse de l’aide à l’emploi. Pour certaines d’entre elles, cela signifie purement et simplement la fin de leur activité.

En Bretagne, l’économie sociale et solidaire représente 14, 3 % de l’emploi salarié ; dans le département dont je suis l’élu, le Finistère, ce chiffre atteint même 16 %.

Madame la secrétaire d’État, les associations dans nos territoires fonctionnent souvent avec des bénévoles très volontaires, qui payent parfois même de leur poche, et des salariés souvent engagés. Leur importance est considérable sur un territoire comme le nôtre. Elles jouent un rôle de lien social fort, même lorsqu’elles sont directement concurrencées par le secteur marchand lucratif.

La réduction des contrats aidés met en péril, par exemple, l’activité de l’association « Projets, échanges et développement » de Plougasnou, petite commune littorale du Finistère, en raison de la non-reconduction à son poste de la secrétaire comptable.

L’activité de l’association de développement des circuits courts alimentaires par la distribution de paniers bio et la mise en relation des producteurs et des consommateurs de Brest est compromise par la mise en danger de trois des quatre salariés de cette structure.

Je partage avec vous l’idée selon laquelle l’économie sociale et solidaire doit pouvoir changer d’échelle et passer un cap de développement. Les derniers signaux envoyés aux acteurs ne me semblent pourtant pas de nature à rassurer le monde associatif et le monde de l’économie sociale et solidaire.

Avec le Haut-Commissaire à l’économie sociale et solidaire, vous avez lancé quelques pistes en matière de développement. À ce jour, le monde associatif n’en demeure pas moins en attente d’un accompagnement fort de la puissance publique, non seulement en termes de moyens économiques, mais également en matière de sécurisation financière, ainsi, me semble-t-il, que de stabilisation de la politique économique en faveur des associations dont l’activité pourrait être compromise par la mise en concurrence de la commande publique ou par l’insécurité liée aux variations de subventions.

Madame la secrétaire d’État, quelles sont vos intentions en matière de sécurisation de l’activité associative de notre pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Jean-Luc Fichet, vous avez interrogé M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant malheureusement être présent ce matin, il m’a chargée de vous répondre.

Bien entendu, la diminution du nombre d’emplois aidés et la suppression de la réserve parlementaire auront des conséquences pour les associations. Toutefois, l’État agit sur plusieurs fronts pour les aider à fortifier leur assise économique et pour les rendre moins sujettes aux variations conjoncturelles, comme tel a pu être le cas ces dernières années avec les emplois aidés.

Tout d’abord, le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ou CITS, sera maintenu en 2018. Il représente un gain annuel de 500 millions d’euros pour les associations, qui en sont les principales bénéficiaires.

En 2019, à l’instar du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à destination des entreprises, le CITS sera relevé de deux points et converti en réduction pérenne de cotisations patronales afin d’encourager l’emploi et de consolider structurellement le modèle économique de toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Si l’on ajoute à cela l’effet du dispositif « zéro charge patronale pour le SMIC », lequel entrera en vigueur le 1er janvier 2019, c’est 1, 4 milliard d’euros de marges de manœuvre annuelles qui seront libérés au bénéfice des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Ensuite, le fléchage, en 2018, de 25 millions d’euros supplémentaires vers le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, dont les moyens seront ainsi quasiment quadruplés, vient conforter le soutien à la vie associative. L’augmentation de cette ligne budgétaire est une demande récurrente des représentants associatifs depuis de nombreuses années.

Nous travaillons actuellement à faire évoluer ce fonds vers un renforcement des dispositifs d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement des associations de terrain, mais aussi de formation, voire d’expérimentation de dispositifs innovants ou d’installation de dispositifs éprouvés. Ce travail se fera bien entendu en concertation avec les réseaux associatifs, qu’ils soient nationaux, régionaux ou de proximité.

Sur ce point, nous travaillons actuellement avec les opérateurs du dispositif local d’accompagnement, le DLA, afin qu’ils développent dans les plus brefs délais une offre de services spécifique en direction des associations ayant disposé ou disposant d’emplois aidés au titre de la période 2017-2018.

De manière plus globale, le plan de développement de l’économie sociale et solidaire, que le Gouvernement souhaite impulser à partir de cette année, aura un impact direct sur les associations, lesquelles représentent plus de 80 % des entreprises du secteur.

Enfin, puisque la vie associative ne peut se résumer aux politiques de l’économie sociale et solidaire, le Gouvernement a lancé le 13 décembre dernier une concertation très large, incluant l’ensemble des forces associatives nationales ainsi que les différents services de l’État et les associations représentant les collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

L’objet de cette concertation est précisément d’écouter spécifiquement les problématiques associatives pour les prendre en compte dans un plan de développement associatif, qui sera distinct, mais complémentaire, du plan de développement de l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de toutes ces précisions. Permettez-moi cependant de souligner que la question de la vie de nos associations se pose brutalement à la suite de la décision de réduire le nombre de contrats aidés dans le budget pour 2018.

Les différentes dispositions qui sont prises contribueront certainement à développer l’économie sociale et solidaire, je n’en doute pas, mais elles s’étalent dans le temps et ne sont pas aujourd’hui des éléments qui rassurent. Peut-être s’agit-il d’un simple problème de communication ou d’information…

À l’occasion de cette période de vœux, tous les militants associatifs de mon territoire m’ont fait part de leurs inquiétudes et de leur souhait d’une plus grande visibilité. C’est le maintien de leur activité dans les semaines et les mois à venir qui est en jeu. C’est pourquoi je souhaite que, très rapidement, des messages leur soient adressés pour les rassurer sur leur financement et les moyens qui seront mis à leur disposition pour pallier ce « double effet Kiss Cool », à savoir la réduction des aides locales et nationales et la baisse des emplois aidés.

Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour vos réponses, que je ne manquerai pas de relayer auprès des associations qui m’ont interrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 136, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, je souhaite vous alerter sur les difficultés engendrées par la classification des cours d’eau et, plus généralement, sur les dérives liées à l’inflation des normes.

La loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016 a fixé trois critères cumulatifs pour définir de manière claire un cours d’eau : ce doit être un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. Or les directions départementales des territoires et l’Agence française pour la biodiversité surinterprètent ces critères en se référant à des éléments complémentaires élaborés par l’administration de votre ministère. Des écoulements se retrouvent alors injustement qualifiés en cours d’eau et, encore plus grave, en cas de doute, cette qualification est même devenue automatique !

Les règles applicables à un cours d’eau étant bien plus contraignantes et coûteuses, les conséquences sont graves pour les collectivités territoriales, et les contentieux les plus ubuesques se multiplient. À titre d’exemple, dans mon département du Territoire de Belfort, le maire de la commune de Lebetain a été condamné récemment à une amende de 500 euros avec sursis pour avoir procédé au nettoyage du lavoir communal. Que lui reproche-t-on ? Eh bien, d’avoir réalisé des travaux d’entretien imposés par la loi sans détenir le récépissé de déclaration de la DDT ! Seulement, pour obtenir ce récépissé, ce maire aurait dû débourser 27 000 euros pour constituer le dossier environnemental obligatoire.

Dans le contexte actuel de baisse des concours financiers de l’État, cette commune de 450 habitants, dont le budget annuel de fonctionnement est de 235 000 euros, n’est évidemment pas en mesure de s’acquitter d’une telle somme. Notez d’ailleurs que ce montant lui est réclamé pour chaque entretien de l’édifice ! Cette opération de curage est pourtant indispensable pour prévenir les inondations. Ce maire a donc été condamné alors qu’il agissait dans le respect de son obligation générale de prévention des accidents naturels.

C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de quelle manière vous entendez éclaircir juridiquement la classification des cours d’eau, qui pose beaucoup de problèmes dans le milieu rural. Quelles mesures sont-elles prises par le Gouvernement pour réduire les coûts obligatoires à la charge des collectivités en matière environnementale ? Enfin, comment orienter un maire de bonne foi, tiraillé entre les différentes obligations qui sont les siennes et qui, comme en l’espèce, s’opposent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Cédric Perrin, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, M. le ministre d’État m’a chargée de vous répondre.

Vous avez appelé mon attention sur la réglementation relative à l’entretien des cours d’eau et son articulation avec les responsabilités des élus. Votre question me permet, tout d’abord, de rappeler que les cours d’eau sont des écosystèmes fragiles qu’il faut impérativement préserver au travers d’un entretien adapté, permettant l’écoulement naturel des eaux. Cela est primordial pour éviter l’aggravation des inondations, à l’amont comme à l’aval.

Afin de lever les incompréhensions qui subsistent sur le terrain, l’instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l’identification des cours d’eau et à leur entretien a permis la diffusion de guides déclinés localement, à l’attention des propriétaires riverains de cours d’eau, sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour préserver les milieux aquatiques. Cet entretien, qui est une obligation, consiste en l’enlèvement des embâcles, débris et atterrissements et l’élagage ou recépage de la végétation des rives. Il n’est soumis à aucune procédure préalable. Les fossés sont, quant à eux, des ouvrages artificiels dont le maintien en bon état de fonctionnement n’est pas non plus soumis à une procédure préalable.

Les interventions sur les cours d’eau, qui vont au-delà de cet entretien, peuvent avoir des impacts importants sur les écosystèmes et sur les autres riverains. Elles sont donc soumises à une procédure préalable pour en vérifier le bien-fondé et les potentiels inconvénients. Les agents de la police de l’environnement, dont ceux de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, sont chargés de veiller à la bonne application de la réglementation. Leurs actes sont soumis au contrôle du juge.

Dans l’exemple que vous citez, la réalisation de travaux sans titre a abouti à une condamnation pénale du maire par le tribunal de police de Belfort. Selon les informations portées à ma connaissance, les services de l’AFB ont alerté à plusieurs reprises l’élu sur les conséquences de l’opération et sur la nécessité de déposer une déclaration au titre de la loi sur l’eau, à un coût bien moindre que celui indiqué.

Enfin, depuis le 1er janvier 2018, la compétence dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, la GEMAPI, est une compétence obligatoire des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à fiscalité propre. Issue d’un travail de concertation dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a permis d’adapter les modalités de mise en œuvre de la réforme et d’en faciliter l’appropriation par les élus locaux. Les dispositions du code de l’environnement et celles du code général des collectivités territoriales ne présentent donc pas de contradictions.

Sachez que le Gouvernement œuvre pour que les collectivités locales disposent des outils adaptés pour prendre en compte les enjeux de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations à la bonne échelle et selon l’organisation la plus adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions.

Que l’écosystème soit fragile, personne n’en doute. Je pense que chacun, dans cet hémicycle, a conscience de la nécessité de le préserver. Reste que vous n’avez pas vraiment répondu à ma question, ou alors nous ne vivons pas tout à fait dans la même France. Le milieu rural souffre de ces difficultés ! C’est pourquoi, je le répète, il est nécessaire de faire extrêmement attention à la surinterprétation par l’administration des critères de définition des cours d’eau. Dès lors qu’une petite rigole est classée en cours d’eau, la réglementation que vous avez énoncée s’applique. Or les problèmes engendrés par cette classification sont majeurs pour de nombreux agriculteurs et pour un certain nombre de collectivités, qui se voient imposer des obligations et interdire des travaux.

Dans leur immense majorité, les élus locaux sont soucieux de l’intérêt général et du respect de la bonne application des règles. Il n’en demeure pas moins que, dans l’exemple ubuesque que je vous ai cité, si le maire n’avait pas fait nettoyer le lavoir du village, il aurait risqué l’inondation. Or s’il avait subi une inondation, il aurait été condamné pour ne pas avoir réalisé ces travaux de nettoyage !

Il me semble important que l’administration fasse preuve de discernement et de pragmatisme dans son interprétation des normes. Je vous appelle à y réfléchir, parce que cette classification des cours d’eau pose de vraies difficultés dans le milieu rural. En outre, le chiffre que j’ai indiqué pour le dépôt d’un dossier en préfecture visant à demander l’autorisation de réaliser les travaux de nettoyage est exact. Le maire et moi-même disposons d’un devis !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 132, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la secrétaire d’État, les élus savoyards ont été particulièrement sensibles à l’intérêt porté par trois ministres – le ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre chargée des transports et la ministre des solidarités et de la santé – à la situation de la vallée de l’Arve en septembre dernier et aux annonces faites à cette occasion en prévision de la feuille de route de mars 2018. La pollution de l’air est en effet devenue la troisième cause de mortalité dans notre pays. Cette situation ne peut évidemment que nous préoccuper.

Ces annonces ont eu lieu le lendemain même du jour où le Président de la République confirmait les engagements de l’État vis-à-vis du Lyon-Turin lors du sommet franco-italien de Lyon. Le Lyon-Turin se trouve ainsi au cœur des enjeux énergétiques et environnementaux grâce à l’ambition du report du transport de marchandises de la route vers le rail.

L’ambition du département de Savoie a toujours été d’enlever le trafic ferroviaire de marchandises qui longe le lac du Bourget, premier lac naturel de France, et traverse les agglomérations d’Aix-les-Bains et de Chambéry. Or, dans le même temps, le volume de marchandises transportées par la route de la France vers l’Italie a progressé de 1 % par an entre 2006 et 2016.

Alors qu’entre la France et l’Italie le volume de marchandises transportées par le rail n’arrive pas à progresser faute d’infrastructures et de services adaptés, dans le même temps le volume de marchandises transportées par le rail entre la Suisse et l’Italie a progressé de 5 % par an. Ainsi, en 2016, le trafic de marchandises entre la France et l’Italie a été de 40 millions de tonnes, soit identique à celui entre la Suisse et l’Italie.

En revanche, malgré la hausse du trafic, la Suisse est passée pour la première année en dessous de un million de poids lourds, alors que, avec presque trois millions de poids lourds, le trafic routier continue de progresser en France. Or l’AFA, l’autoroute ferroviaire alpine, qui devait traduire l’ambition du report modal de la France, soit le transfert de un million de poids lourds, ne permet d’atteindre aujourd’hui qu’un peu moins de 3 % de cet objectif, qui ne bénéficie d’aucune véritable impulsion politique.

L’appel d’offres en cours concernant la plateforme dite de « l’est lyonnais » a été décidé en 2009 et n’est toujours pas attribué. Ainsi, la société MSSA, située dans la vallée de la Tarentaise, qui a un besoin impératif pour ses matières dangereuses de 500 unités de transport par an, ne peut bénéficier de la part de l’AFA que d’une capacité de 400 unités.

À l’heure où le Gouvernement souhaite afficher des ambitions fortes et s’engager dans une dynamique volontariste, encore convient-il que des mesures concrètes et urgentes soient prises à l’instar des politiques du transport de marchandises chez nos voisins européens.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous indiquer quels engagements le Gouvernement compte prendre pour être à la hauteur de ce défi, qui est autant un défi économique qu’écologique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Jean-Pierre Vial, Nicolas Hulot s’est rendu fin septembre en Savoie avec Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, et Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Ils ont pu constater combien les problématiques de transport routier, de report modal et de qualité de l’air sont essentielles dans l’arc alpin.

La mise en service du tunnel ferroviaire Lyon-Turin a pour objectif de limiter la congestion et les nuisances sonores et atmosphériques liées au trafic routier de poids lourds, d’améliorer le cadre de vie des riverains, en particulier dans la vallée de la Maurienne, et de lutter contre le changement climatique. À titre d’exemple, l’ouverture du tunnel permettra d’économiser en moyenne trois millions de tonnes de CO2. Le sommet franco-italien du 27 septembre dernier a d’ailleurs confirmé l’engagement des deux États en faveur de la réalisation de cette nouvelle infrastructure, qui est centrale pour la stratégie de report modal dans la traversée des Alpes.

Le report modal repose également sur une politique volontaire pour valoriser l’autoroute ferroviaire alpine, qui permet dès maintenant d’offrir une alternative au transport routier de marchandises. Le trafic de l’autoroute ferroviaire alpine est en progression de plus de 25 % pour l’année 2017 et pourrait dépasser ainsi les 35 000 poids lourds transportés.

Après la France en 2010, l’Italie a ratifié, le 22 novembre 2017, l’accord du Luxembourg, signé en 2009, permettant la mise en concession de ce service. Le 1er août dernier, un avis de concession a été publié au Journal officiel de l’Union européenne. La procédure binationale devrait donc aboutir à une mise en concession courant 2019.

Dans ce contexte, le protocole conclu en 2014 avec la collectivité d’Aiton permet effectivement de garantir la mise à disposition du terminal français nécessaire à la continuité du service de ferroutage indispensable au développement de la société que vous avez citée.

Je tiens à vous assurer de la mobilisation de la totalité des services du ministère de la transition écologique et solidaire pour assurer la continuité du service actuel et son développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Bien évidemment, les mots seront pesés en fonction de la réalité du terrain.

Pour ne pas tenir des propos vains, je reprendrai simplement le chiffre que vous avez indiqué : le trafic a été en hausse de 25 % lors de l’année écoulée. Je n’avais pas connaissance de ce chiffre, mais on m’avait indiqué que l’année 2017 avait été une très bonne année.

J’ai bien retenu que l’ambition du Gouvernement était au moins de un million de poids lourds, c’est-à-dire le tiers de ce qui passe actuellement. Je l’ai dit précédemment : nous sommes actuellement à un peu moins de 3 % ; avec l’augmentation que vous nous avez indiquée, nous serons à un peu plus de 3 %…

Je souhaite très sincèrement que l’enthousiasme et l’engagement de M. le ministre Hulot, dont je ne conteste absolument pas la volonté, puissent se traduire dans les faits. La société que j’ai citée comme exemple sera une bonne illustration de la capacité que l’on a ou non de faire monter en puissance cette infrastructure, dont, je le rappelle, l’Europe avait décidé, lors du sommet d’Essen en 1993, qu’elle était prioritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 131, adressée à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Ma question porte sur les difficultés à réserver une place dans le train Intercités Paris-Briançon.

Comme vous le savez, ce train a été classé en 2015 parmi les trains d’équilibre du territoire, puisqu’il n’existe pas d’offre ferroviaire alternative entre l’Île-de-France et le département des Hautes-Alpes. Or force est de constater que les difficultés de réservation pour le Paris-Briançon sont récurrentes, alors que ce mode de transport correspond à un réel besoin et répond aux attentes, notamment des touristes franciliens.

Pour les dernières vacances de fin d’année, la réservation a été ouverte deux semaines avant les premiers départs. À ce jour, il est impossible de réserver un billet pour les vacances de printemps, qui débuteront le 14 avril, puisque ce train n’apparaît même pas sur le site de la SNCF. Si l’on voulait dissuader les voyageurs d’utiliser le Paris-Briançon, on ne s’y prendrait pas autrement !

Je tiens à préciser que, en période de vacances, ce produit est majoritairement utilisé par les familles, qui peuvent ainsi accéder aux stations de sports d’hiver de Serre-Chevalier ou de Vars-Risoul, par exemple, sans rupture de charge avant la gare d’arrivée, ce qui n’est pas négligeable, notamment pour les personnes voyageant avec de jeunes enfants.

Madame la secrétaire d’État, face aux difficultés récurrentes de réservation et en l’absence de dispositions efficaces de la part de SNCF Mobilités, je vous serais reconnaissante de bien vouloir m’indiquer quelles dispositions ont été prises pour que la SNCF honore son contrat avec l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame Morhet-Richaud, vous m’interrogez sur les problèmes de réservation qui ont touché la ligne de nuit Paris-Briançon et vous m’alertez sur leurs conséquences sur l’économie touristique.

L’ouverture tardive des ventes a résulté d’une difficulté technique à tracer des sillons exploitables pour les trains de nuit et compatibles avec les différentes plages de travaux opérés par SNCF Réseau.

Afin de régulariser au plus vite les difficultés rencontrées pour les périodes des fêtes de fin d’année 2017 et la haute saison hivernale 2018, la ministre chargée des transports a demandé à SNCF Réseau et SNCF Intercités de trouver des solutions permettant de garantir la circulation d’un maximum de trains durant ces périodes primordiales pour les Hautes-Alpes. Ce travail a porté ses fruits, puisque, à de très rares exceptions, tous les trains ont été ouverts jusqu’au 16 mars.

Par ailleurs, malgré l’ouverture tardive de la vente des billets, cette offre de transport a été plébiscitée par les vacanciers, et les trains ont affiché complet pour les vacances de Noël. C’est également le cas pour les week-ends de départ des vacances d’hiver des académies franciliennes, les vendredi 16 et samedi 17 février, et le vendredi 23 février. Cela prouve l’importance de ce service pour l’économie touristique des Hautes-Alpes et du Briançonnais en particulier.

Enfin, afin de pallier l’arrêt de la pointe neige, dispositif qui était extrêmement coûteux ramené au voyageur, la ministre chargée des transports a demandé que la composition des trains soit renforcée pour les week-ends des vacances de février pour offrir des places supplémentaires nécessaires à la bonne desserte de ce territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État, qui ne me satisfait toutefois que partiellement.

Les réservations sont effectivement ouvertes pour les vacances de février, mais elles ne le sont pas pour les vacances d’avril. Le département des Hautes-Alpes est déjà pénalisé par une voie ferrée unique et par une autoroute qui n’a jamais été terminée. Je regrette que la destination Hautes-Alpes ne bénéficie pas d’une desserte ferroviaire qui, à défaut d’être performante, soit au moins opérationnelle comme c’est le cas pour d’autres territoires de montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Josiane Costes, auteur de la question n° 134, adressée à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les dysfonctionnements des lignes aériennes dites d’aménagement du territoire, gérées par la compagnie Hop !, filiale d’Air France.

Plusieurs villes de province, notamment Aurillac, Brive, Castres, Agen, sont desservies au niveau aérien par ces lignes dans le cadre d’obligations de service public, les OSP, bénéficiant du concours financier de l’État, qui s’ajoute aux subventions apportées par les collectivités locales. Ces concours financiers publics représentent jusqu’à deux tiers du coût du fonctionnement de ces lignes, le prix payé par les passagers n’étant pas, pour autant, très abordable.

Malgré ces efforts financiers considérables, il s’avère que le fonctionnement quotidien de ces lignes, considérées comme concédées à la compagnie Hop !, filiale d’Air France, est de plus en plus problématique – c’est un euphémisme ! En effet, le service se dégrade considérablement, avec des retards extrêmement fréquents et des annulations de vols, pour des raisons dites techniques. La situation a clairement empiré depuis le mois de septembre, avec souvent plusieurs annulations de vols chaque semaine. Cela est d’autant plus problématique que, sur ces lignes, il n’y a déjà aucun vol les samedis, dimanches matin et jours fériés. Une telle dégradation du service public est inacceptable et ne fait qu’aggraver la fracture dont pâtissent des territoires déjà très excentrés, mettant en danger leur vie économique.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation devenue intolérable et contraindre la compagnie Hop !, filiale d’Air France, à assurer enfin un service public digne de ce nom ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame Costes, je vous réponds au nom de la ministre chargée des transports, qui n’a malheureusement pas pu être présente aujourd’hui.

La desserte aérienne des territoires, notamment des plus enclavés, est un enjeu majeur de la politique française des transports. La ministre chargée des transports suit d’ailleurs avec beaucoup d’attention la situation actuelle des liaisons opérées par la compagnie Hop ! Cette dernière, issue de la fusion de trois compagnies régionales du groupe Air France, a récemment été confrontée à un déficit du nombre de pilotes, lié à une évolution des carrières de ces derniers au sein du groupe, et à une succession de pannes techniques sur ses appareils de type ATR 42. De septembre à décembre 2017, certaines lignes ont ainsi connu un nombre d’annulations exceptionnel, allant jusqu’à diminuer de 10 % le nombre de vols réalisés par rapport à la même période en 2016.

Sur l’ensemble de l’année 2017, près de 6 % des vols reliant Paris à Aurillac, Brive, Castres et Agen ont été annulés pour des causes directement imputables à la compagnie, alors que la tolérance en termes d’obligations de service public ne s’élève qu’à 3 %.

La qualité de service et la ponctualité des vols réalisés par la compagnie se sont en outre trouvées affectées par d’autres facteurs, tels que les travaux engagés à l’aéroport de Paris-Orly, nécessaires à la mise en conformité de la plateforme aux règles européennes de sécurité aérienne.

Les retards et les annulations que connaissent les vols du réseau opéré par Hop ! ne sont pour autant acceptables ni pour les passagers ni pour les territoires concernés. Il n’est pas admissible qu’ils puissent remettre en cause l’amélioration de l’équilibre économique et l’augmentation de trafic globalement observées en 2017 sur ces liaisons d’aménagement du territoire.

La Direction générale de l’aviation civile est mobilisée pour accompagner les territoires à faire valoir auprès de la compagnie le préjudice économique subi, en la pénalisant financièrement dans les conditions prévues par les conventions signées. Mais il est avant tout primordial que Hop ! retrouve au plus vite des conditions opérationnelles plus robustes.

La compagnie a assuré la ministre chargée des transports de sa volonté de rester un acteur majeur du désenclavement et de l’aménagement des territoires et lui a confirmé avoir mis en place un plan d’actions spécifique de maintenance préventive afin de limiter les indisponibilités techniques de ses appareils. Hop ! accélère également les recrutements et les formations de pilotes pour faire face aux nombreux départs et respecter ses engagements dans le cadre des délégations de service public en vigueur.

Le ministère chargé des transports continuera de porter une attention particulière à ce sujet et demandera un compte rendu régulier à Hop ! des actions menées et de leur impact concret sur le fonctionnement quotidien des lignes concernées, tant que la desserte aérienne n’aura pas retrouvé un niveau de qualité de service conforme aux attentes légitimes des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie. Vous l’avez bien compris, ces dysfonctionnements portent un préjudice très grave à nos territoires déjà très enclavés, qui connaissent des difficultés tant pour le transport par voie ferrée que routier. Il n’est pas supportable de mettre sept heures, huit heures ou dix heures pour rejoindre Paris depuis Aurillac en avion en transitant par Toulouse ou ailleurs. Cette situation n’est plus acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 135, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Ma question porte sur l’avenir des communes rurales.

Le plan Action cœur de ville, doté de 5 milliards d’euros sur cinq ans, que le Gouvernement a récemment présenté à Rodez, a pour ambition d’encourager la revitalisation des centres-bourgs des villes moyennes. Ces mesures vont dans le bon sens tant il y a à faire dans ce domaine ; elles semblent cependant donner la priorité aux villes moyennes et exclure les communes les plus rurales de notre territoire.

En effet, seules les communes ayant un « rayonnement régional » ou toutes celles jouant un rôle de « centralité pour leur bassin de vie » seront éligibles au financement. Ainsi, dans les faits, les villes de moins de 8 000 habitants auront peu de chances d’y avoir accès. C’est fort regrettable, par exemple pour mon département, la Mayenne, où 44 % des 255 communes comptent moins de 500 habitants et où seules cinq communes ont plus de 8 000 habitants. Peut-être considérez-vous que cette strate a déjà bénéficié de l’appel à manifestation d’intérêt « centres-bourgs » en 2014 ? Je vous informe que, à l’époque, aucun dossier présenté par mon département n’avait été retenu.

La situation devient donc préoccupante pour ces communes rurales : désengagement de l’État, baisse des dotations et des ressources financières, dépossession progressive des compétences – eau et assainissement, urbanisme, carte d’identité –, fermeture des commerces de proximité, tels que les cafés, les supérettes, les salons de coiffure, les bureaux de poste…

Quelle est votre vision de la commune rurale de demain ? Les maires ruraux sont nombreux à exprimer leurs interrogations et leurs inquiétudes à l’occasion des cérémonies de vœux. Ayez-en bien conscience !

Les élus locaux et les habitants sont attachés à l’entité communale traditionnelle, parce que celle-ci crée du lien social et favorise la proximité. Les élus se battent pour préserver leur territoire et le faire vivre. En Mayenne, de nombreuses initiatives innovantes ont été prises. Ainsi, à Fontaine-Daniel, dans le nord du département, un collectif a permis la création d’une épicerie coopérative de proximité ou encore la chambre de commerce et d’industrie de la Mayenne a pris l’initiative de proposer, avec le projet CARRÉ, un concept modulable de commerce rural très original.

Madame la secrétaire d’État, que fait l’État pour soutenir les élus ruraux et favoriser l’attractivité des communes rurales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Chevrollier, je répondrai à la place du ministre de la cohésion des territoires, qui n’a pu être présent ce matin.

La valorisation des territoires ruraux, qui, je le rappelle, représentent 35 % de la population sur 70 % du territoire, est bien entendu essentielle et primordiale à nos yeux. C’est pourquoi le Gouvernement confirme et conforte le soutien aux projets d’investissement dans les communes et les intercommunalités rurales. Il promeut également toute forme de coopération locale entre différents territoires, en vue d’instaurer une plus grande cohésion au sein des bassins économiques et de vie.

Le nouvel outil de développement local qu’est le contrat de ruralité, créé en 2016, a rencontré un franc succès. Ainsi, plus de 450 contrats ont été signés en 2016 et en 2017 dans tous les départements et, à terme, près de 500 contrats seront signés. Un tiers des départements ont leur territoire rural, hors des EPCI urbains, intégralement couvert par des contrats.

En 2017, des crédits de l’État à hauteur de 425 millions d’euros environ, dont 145 millions d’euros au titre de la DSIL, ont été programmés pour soutenir plus de 5 000 actions.

Ces contrats de ruralité ont pour objet d’encourager les projets des communes rurales au sein des EPCI et des PETR. Cette première génération de contrats sera mise en œuvre jusqu’en 2020, avec un engagement de cofinancement de la DETR et de la DSIL dans le budget quinquennal de l’État.

En 2018, afin de soutenir les capacités d’investissement, la DETR est maintenue à hauteur de plus de 1 milliard d’euros, soit le montant financier le plus élevé de l’histoire de cette dotation, en augmentation de 50 millions d’euros par rapport à 2017.

La DSIL se chiffre, quant à elle, à 615 millions d’euros, ce qui permet d’assurer notamment le cofinancement de projets prêts à démarrer en 2018 et inscrits dans les plans d’action des contrats de ruralité.

De plus, avec l’engagement, cette année, du plan Action cœur de ville, annoncé les 14 et 15 décembre dernier, des communes centres d’un bassin de vie à dominante rurale exerçant une fonction de « ville moyenne » seront accompagnées et soutenues financièrement dans leur projet de requalification de leur centre-ville, au bénéfice de l’attractivité et des habitants du territoire.

Par ailleurs, si, dans un objectif de maîtrise des finances publiques, l’État contractualisera avec les 340 plus grandes collectivités afin que la hausse de leurs dépenses de fonctionnement n’excède pas les 1, 2 % par an, il en découle que 99 % des collectivités ne seront pas concernées par cette contractualisation, parmi lesquelles figurent toutes les communes rurales.

Poursuivre les efforts majeurs engagés ces dernières années en faveur des ruralités dans tous les domaines reste également une priorité. En particulier, la couverture numérique des territoires par les réseaux fixes et mobiles est une priorité du Gouvernement. Vous connaissez les annonces récentes en la matière.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Je rappelle les ambitions du Président de la République, qui, en juillet dernier, a annoncé son souhait d’accélérer les programmes en cours, en fixant pour objectif l’accès à du bon haut débit pour tous les Français dès 2020.

Le Gouvernement souhaite aussi travailler, en coconstruction avec les élus, à trouver de nouvelles orientations en faveur des territoires ruraux : des démarches s’engageront dès ce mois de janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

J’entends bien les propos du Gouvernement : la ruralité est essentielle. C’est bien dans les discours, mais encore faut-il honorer les contrats de ruralité. Sachez que le Sénat sera vigilant à la mise en application effective d’un certain volet de ces contrats.

Il n’en demeure pas moins que nos territoires ruraux ont connu une diminution de la dotation relative au FISAC, qui était utile pour relancer le commerce, ainsi que la suppression de la réserve parlementaire.

Dans le contexte actuel, les élus des petites communes ne se sentent toujours pas soutenus par les pouvoirs publics. Ils subissent notamment des contraintes normatives, en particulier réglementaires. Certes, ces mesures peuvent favoriser les grands ensembles organisés avec les services administratifs. Mais pensez aux communes plus petites ! J’ai évoqué précédemment les communes de moins de 500 habitants, au sein desquelles les bénévoles présents sur le terrain attendent des contrats, un soutien, mais aussi des actes forts, en vue de les aider à assumer pleinement leurs missions au service de leurs concitoyens. Croyez-le bien, certains d’entre eux sont assez moroses. Ils attendent un engagement fort du Gouvernement. Aussi, j’espère que ma question permettra de vous sensibiliser à cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 110, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question porte sur les conditions d’accès à la protection universelle maladie, dite PUMa, en particulier pour les Français de l’étranger qui viennent s’installer en France.

Aux termes du décret du 24 février 2017, « les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé […] doivent produire un justificatif démontrant […] qu’elles relèvent de l’une ou l’autre des catégories suivantes », parmi lesquelles les « membres de la famille […] qui rejoignent ou accompagnent pour s’installer en France un assuré y séjournant dans les conditions prévues » par le décret, d’autres membres de la famille ou une personne pacsée.

Il semble que la plupart des caisses d’assurance maladie méconnaissent les effets de ce décret et indiquent aux conjoints des assurés sociaux, à leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un PACS que, à défaut d’être eux-mêmes assurés, ils sont soumis au critère de résidence et, donc, au délai de carence de trois mois pour pouvoir être affiliés à la sécurité sociale. Il s’agit d’un préjudice pour ces personnes.

Aussi pouvez-vous nous confirmer que ces personnes peuvent bien bénéficier de la prise en charge des frais de santé sans délai de carence ? Dès lors, serait-il possible d’envisager de rappeler, par circulaire, aux caisses d’assurance maladie le contenu de ce décret ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur Yung, vous avez appelé l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur des difficultés d’application du décret du 24 février 2017 relatif au contrôle des conditions permettant de bénéficier de la protection universelle maladie, dite PUMa. Vous signalez des situations dans lesquelles des personnes arrivées en France pour rejoindre leur conjoint, déjà assuré social, se voient opposer un délai de carence de trois mois pour pouvoir bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé.

La protection universelle maladie, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2016, garantit à toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière un droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie.

Pour l’ouverture du droit à la prise en charge de ces frais, le critère de stabilité est réputé satisfait lorsque la personne présente un justificatif démontrant qu’elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

Pour autant, et comme vous l’indiquez, je vous confirme que ce délai de trois mois ne s’applique pas aux conjoints, concubins et partenaires de pacte civil de solidarité qui rejoignent ou accompagnent, pour s’installer en France, un assuré y séjournant lui-même de façon stable et régulière. Ces personnes bénéficient donc de la prise en charge de leurs frais de santé sans délai de carence, à la condition qu’elles soient en situation régulière au regard de la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers et du droit d’asile.

À la suite de votre alerte, les services du ministère des solidarités et de la santé se sont rapprochés de ceux de la Caisse nationale de l’assurance maladie pour lui demander que cette dernière effectue un rappel à la règle dans les plus brefs délais aux caisses de son réseau pour garantir la bonne application de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État de cette réponse positive. Je me félicite que les services du ministère des solidarités et de la santé se soient rapprochés de ceux de la Caisse nationale de l’assurance maladie pour évoquer l’interprétation du décret. Cela sera de nature à faciliter la vie des personnes qui viennent sur le territoire français.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 125, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la délocalisation envisagée du centre de régulation des appels du SAMU 58 à Dijon. En effet, l’agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté évoque, à l’occasion de l’élaboration de son projet régional de santé, la fermeture du centre 15 du SAMU 58 pour le transférer au centre hospitalier universitaire de Dijon. Cette annonce inquiète énormément la population, qui craint que cette décision n’ait un impact direct sur la prise en charge des patients nivernais.

Je tiens à rappeler que la Nièvre est un département rural, touché par une désertification médicale galopante, alors même que sa population est particulièrement fragile en raison de son vieillissement.

Comme vous le savez, le centre 15 gère plusieurs missions : les urgences vitales, mais aussi les missions de conseil aux patients. Les conseils représentent d’ailleurs une part importante de l’activité, surtout pour les personnes isolées.

Du fait d’un plus grand nombre d’appels sur la plateforme régionale, qui, je vous le rappelle, devrait gérer huit départements, il y a de grands risques d’abandons d’appels sans pouvoir identifier les appelants ou encore un repli systématique des patients vers les structures d’urgence des hôpitaux déjà surchargées. Cette décision aurait également un impact sur les liens de proximité tissés au fil des années avec certains personnels médicaux, notamment dans le Morvan et le Nivernais central.

Au-delà de la situation propre aux médecins, ce transfert poserait la question du devenir des assistants de régulation, qui sont les premiers interlocuteurs des appelants.

Plus généralement, la question de la présence médicale dans nos départements ruraux devient de plus en plus cruciale. De très nombreuses communes, dans la France entière, sont confrontées à un déficit dramatique de médecins et de spécialistes, tant libéraux qu’hospitaliers.

Dans les cinq ans à venir, la Nièvre sera le département le plus touché par le départ à la retraite de généralistes. S’agissant des spécialistes, le département souffre également d’un manque criant de personnels dans certaines spécialités telles que la néonatologie, la pédopsychiatrie ou encore la psychomotricité. Or le droit d’être soigné constitue le premier des services que la collectivité doit rendre à ses concitoyens. L’égalité des soins constitue l’une des déclinaisons du principe d’égalité, qui est l’un des piliers de notre devise républicaine.

Dans ce contexte, il est inimaginable d’envisager la disparition d’un service médical dans ce département. Une telle décision apparaîtrait comme un désengagement supplémentaire de l’État. Aussi quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à la situation de l’urgence médicale dans le département de la Nièvre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Monsieur Patrice Joly, vous interpellez Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le problème de l’accès aux soins. Cette question est, vous le savez, l’une des priorités de Mme Buzyn, qui a annoncé, le 13 octobre dernier, aux côtés du Premier ministre, un plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.

Dans le cadre des plans régionaux de santé, nous souhaitons améliorer l’accès aux soins de différentes façons.

Votre question porte plus particulièrement sur le département de la Nièvre, notamment sur le transfert du centre 15 de la Nièvre, qui est en effet prévu dans le futur plan régional de santé. J’insiste sur le fait qu’il s’agit juste de la régulation des appels, le personnel et le matériel restant sur place, dans la Nièvre.

La région a une solide expérience. Cette organisation est d’ores et déjà en place en Franche-Comté où le centre 15 du CHU de Dijon assure avec efficacité la régulation des appels du 15 des quatre départements franc-comtois : le Doubs, le Jura, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort. Cette régulation téléphonique au travers d’une plateforme unique nous permet de redéployer sur le terrain les urgentistes, ressource particulièrement rare dans la Nièvre, dans les services des urgences du territoire, donc auprès des malades.

Aussi, je tiens à vous rassurer, sur l’ensemble des sites, il restera un SMUR H 24, un service mobile d’urgence et de réanimation fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Se pose uniquement la question de l’organisation en nuit profonde, de vingt-deux heures à neuf heures du matin, des services d’urgence, avec une fermeture éventuelle sur un créneau à déterminer selon la réalité de l’activité de chaque site.

Le ministère des solidarités et de la santé soutient la demande du préfet concernant le besoin d’un hélicoptère civil. Vos inquiétudes sont parfaitement légitimes. Actuellement, l’ARS travaille à améliorer globalement la desserte en transports sanitaires héliportés de toute la région.

Nous souhaitons intensifier le recours aux moyens héliportés actuellement disponibles sur le territoire régional, et ce afin de libérer du temps pour les équipes médicales au sol. Cela passera par la définition d’une doctrine régionale d’emploi des moyens héliportés et une gestion mutualisée des appareils disponibles pour que ce soit bien, à chaque instant, l’appareil le mieux placé qui intervienne indépendamment de son site de rattachement.

Monsieur le sénateur, j’espère avoir pu lever certaines de vos inquiétudes ; Mme la ministre des solidarités et de la santé pourra vous rassurer sur l’ensemble des points évoqués lors de sa visite dans votre département au début du mois de février pour les états généraux de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Permettez-moi de vous proposer une solution alternative qui consiste à centraliser le centre de régulation des appels de Dijon à Nevers. Cette solution techniquement possible permettrait de renforcer l’attractivité du centre hospitalier de Nevers et constituerait de ce fait un élément de réponse à la difficulté de recruter des médecins. Aujourd’hui, il manque plus de cinquante médecins dans les effectifs de l’hôpital.

Par ailleurs, permettez-moi d’insister encore sur les grandes difficultés dans lesquelles se trouvent les Nivernais pour accéder à certains services indispensables.

Prenons l’exemple des femmes enceintes. Au mois de décembre dernier, la population a vu la fermeture précipitée de la maternité de Cosne-sur-Loire après celle des maternités de Decize et de Clamecy. Aujourd’hui, sur un département de plus de 7 000 kilomètres carrés, nous n’avons qu’une maternité. Nous sommes loin des objectifs de garantir à la population un accès, en moins de trente minutes, à une structure d’urgence.

Le projet de suppression des urgences de nuit au centre hospitalier de Clamecy dans la période horaire dite de nuit profonde, que vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, est une menace supplémentaire à la permanence des soins. Cette suppression créera en outre un transfert de charges insupportable vers les services d’incendie et de secours déjà très fortement sollicités. Les pompiers constituent souvent le dernier recours sur nos territoires.

Il paraît donc essentiel, au regard de notre démographie médicale déficitaire, de mettre rapidement en place une étude identifiant les risques de n’avoir personne sur certaines zones géographiques.

Enfin, il faut tenir compte de la spécificité des territoires ruraux auxquels appartient le département de la Nièvre pour définir d’autres critères que ceux qui sont habituellement exigés par l’agence régionale de santé en vue de maintenir des activités de soins. Nous avons plus que jamais besoin d’un service de santé organisé autour des hôpitaux de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteur de la question n° 129, adressée à Mme la ministre des armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

« Jeunesse. L’âge du possible », écrivait Ambrose Bierce.

Si cette étape de la vie est marquée du sceau de l’insouciance, elle n’en demeure pas moins importante, tant par les expériences, les découvertes que par les décisions qui en résultent. Toutefois, la situation de certains jeunes de notre pays demeure aujourd’hui préoccupante : chômage encore trop élevé, précarisation liée à un faible pouvoir d’achat, perte de repères. Il devient urgent de mettre en œuvre une politique publique résolument ambitieuse pour cette génération.

Aussi, parallèlement aux réformes économiques et sociales envisagées, le service national universel constituerait un tremplin d’émancipation et de solidarité, ce creuset de la cohésion nationale. En outre, les armées permettraient de recréer ce lien de confiance entre la République et la Nation. Elles ont ainsi un rôle majeur. Or, madame la secrétaire d’État, le parcours citoyen, tel qu’il a été dernièrement présenté par les députés, ne demeure pas satisfaisant sur la forme, et le fond et ne serait pas à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, la question de la durée est au cœur des débats. Un mois, initialement envisagé par le Président de la République, puis, désormais, une semaine par an paraissent insuffisants. En effet, cette durée ne permettrait pas de sensibiliser correctement les intéressés aux règles civiques et républicaines, de les accompagner avec efficacité dans leurs projets et de les préparer convenablement au monde de la défense nationale. C’est pourquoi il serait préférable d’envisager une période de six mois, tout en tenant compte des problématiques liées au calendrier universitaire, à la signature de contrats de travail ou d’alternance.

Surtout, faire dans la demi-mesure coûterait cher pour peu de résultats. Si nous voulons donner à ces jeunes les moyens de réussir, alors allons jusqu’au bout, avec un budget adéquat. Certes, les contraintes budgétaires sont réelles, mais il s’agit avant tout d’un effort pour la Nation, un choix d’avenir.

Enfin, je tiens à le souligner, il existe des dispositifs qui fonctionnent très bien dans notre pays. Je pense aux centres du service militaire volontaire, en particulier celui de Brétigny-sur-Orge, qui opèrent un travail remarquable au niveau de l’insertion professionnelle et offrent ainsi une seconde chance à ces filles et ces garçons. Il pourrait donc être intéressant, une fois les objectifs déterminés, de s’orienter vers ce type de mesure, où l’association du militaire et du civil fonctionne parfaitement, où la mixité est rendue possible au travers, notamment, d’échanges avec des élèves issus de grandes écoles. Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d’État, les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Madame Guidez, le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation concernant l’avenir de nos jeunes et le lien entre la jeunesse et la Nation.

Comme vous l’indiquez dans votre question, le Président de la République s’est engagé à renforcer le lien entre l’armée et la jeunesse et, plus largement, à développer le sentiment d’appartenance à la Nation de notre jeunesse par la création d’un service national universel, qui sera marqué du sceau de l’engagement. Aussi, le Premier ministre a nommé en septembre dernier une mission interministérielle composée des inspections générales des ministères concernés pour dresser un état des lieux des nombreux dispositifs existants – ils sont très nombreux –, les évaluer et formuler des propositions. Le rapport a été remis au début du mois de novembre.

D’autres travaux menés parallèlement par les députés et les sénateurs vont permettre d’enrichir la réflexion du Gouvernement.

À ce stade, certains présupposés paraissent incontournables : le dispositif aura vocation à contribuer à la résilience de la Nation et à permettre un brassage social de la jeunesse ; il revêtira un caractère interministériel au regard des nombreuses contributions dont il bénéficiera ; il permettra de développer l’esprit de défense, de valoriser les métiers des armées et d’en renforcer l’attractivité ; il s’agira d’un dispositif en adéquation avec les objectifs et les moyens de l’État ; l’engagement des jeunes au profit de la société sera valorisé.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un projet de société d’envergure – on compte, je le rappelle, 800 000 jeunes par tranche d’âge –, qui nécessite du temps et une concertation avec tous les acteurs directement intéressés.

Même si nous n’en sommes qu’au début du processus d’élaboration du service national universel, la durée de six mois que vous évoquez, je vous le dis, n’est pas envisagée à l’heure actuelle.

Enfin, comme vous, le Gouvernement est mobilisé pour l’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi le dispositif du service militaire volontaire sera préservé dans son format actuel et inscrit dans la loi de programmation militaire, qui sera bientôt examinée par la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je serai très attentive à la suite de ce projet, qui m’intéresse beaucoup. Je vous fais entièrement confiance : je sais que nous avancerons dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Pascal Allizard, auteur de la question n° 102, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais faire état devant vous des conséquences de la crise migratoire dans le Calvados.

Ainsi, je rappelle que le démantèlement des campements près de Calais et le renfort des effectifs pour sécuriser les accès au tunnel sous la Manche n’ont pas pour autant fait disparaître les migrants, les conduisant à se déplacer.

Dans le Calvados, des communes littorales comme Ouistreham, petite ville portuaire, voient arriver de plus en plus de clandestins candidats au départ pour l’Angleterre – uniquement à cette fin ! –, surtout depuis le démantèlement de la « jungle » calaisienne et le rétablissement des contrôles aux frontières. Il s’agit de jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan ou d’Érythrée, désireux de s’embarquer par tout moyen sur les navires de la liaison maritime entre Ouistreham et Portsmouth assurée par la compagnie Brittany Ferries.

Des groupes d’individus, démunis, sont régulièrement signalés, errant en ville ou cachés sur des chantiers, dans des jardins ou sous des haies. Ils survivent dans des conditions précaires, en particulier durant la période hivernale. Ce flux de migrants, en augmentation croissante ces derniers mois, crée tensions et inquiétudes auprès de la population. La situation n’est satisfaisante sur le plan ni humanitaire ni sécuritaire. Quant à l’économie locale, elle se détériore par la baisse des ventes dans les commerces de la ville. De plus, des ventes de commerces et de biens immobiliers ainsi que des réservations d’hébergements touristiques sont annulées.

À Ouistreham, beaucoup ont en mémoire la détresse des habitants de Calais face au marasme de leur ville et craignent une crise migratoire qui s’installe dans la durée.

Il est impératif de mettre un terme à cet odieux trafic d’êtres humains sur notre territoire et de ne pas laisser se créer de nouveaux points de fixation.

Madame la secrétaire d’État, quels sont les résultats concrets obtenus à l’encontre des réseaux de traite des êtres humains opérant dans ou vers le Calvados ? Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour lutter plus efficacement contre les organisations criminelles et aider les collectivités territoriales débordées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Monsieur Allizard, les routes et les modes opératoires utilisés par les migrants souhaitant se rendre illégalement au Royaume-Uni, souvent guidés par des réseaux de passeurs sans scrupule, vous l’avez dit, varient. En conséquence, les autorités françaises adaptent leurs réponses afin de lutter contre les filières d’immigration irrégulière, de prévenir les franchissements illicites de la frontière et de garantir l’ordre public sur l’ensemble du territoire national.

Afin de contrecarrer l’activité des réseaux de passeurs, un travail impliquant l’ensemble des services de police et de gendarmerie est mené avec l’institution judiciaire. Dans l’ensemble de la zone de défense « ouest », quinze filières ont ainsi été démantelées de janvier à septembre 2017, soit une progression de plus de 36 % par rapport à la même période en 2016.

La pression migratoire constatée dans le Calvados, et plus particulièrement au port de Ouistreham, s’est en effet accrue au cours des dernières semaines. L’action des forces de sécurité intérieure a été orientée en conséquence : trente-huit militaires du groupement de gendarmerie du Calvados interviennent quotidiennement pour empêcher les tentatives d’intrusion dans l’emprise du port et contrôler la régularité du droit au séjour des personnes interpellées, avec le renfort de seize réservistes opérationnels, de seize gendarmes mobiles et le soutien d’un demi-escadron de gendarmes mobiles qui sera maintenu tant que cela sera nécessaire. Les militaires de l’opération Sentinelle interviennent également en soutien.

Enfin, il importe de dissuader les tentatives de franchissement illégal de la frontière franco-britannique par une sécurisation accrue des emprises portuaires. À cette fin, le Gouvernement a sollicité et obtenu du gouvernement britannique une contribution financière au renforcement des infrastructures de plusieurs ports de la Manche. Dans ce cadre, 2, 44 millions d’euros sont alloués à la sécurisation du port de Ouistreham, notamment pour l’acquisition de systèmes de détection, la création d’un hangar d’inspection filtrage ainsi que l’installation de clôtures, de portails et de systèmes de vidéosurveillance. Ces travaux de sécurisation seront engagés au cours des prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Toutefois, je souhaite rappeler que les collectivités territoriales se retrouvent à devoir gérer matériellement une situation anormale, qu’il s’agisse notamment du ramassage des détritus, du nettoyage ou de l’accroissement des patrouilles de police municipale. Rien que pour une petite ville comme Ouistreham, le coût supplémentaire s’élevait à 100 000 euros pour 2017, à un moment où les dotations de l’État aux collectivités diminuent.

Par ailleurs, et vous l’avez souligné, les stratégies des réseaux de passeurs sont de plus en plus élaborées, ce qui rend les opérations de police d’autant plus compliquées. Ce qui nous inquiète également, c’est que des trafics s’organisent désormais sur nos aires d’autoroutes la nuit, mettant en péril la sécurité tant, certes, des migrants que des usagers ; c’est un fait avéré.

Des migrants ont déjà été condamnés en correctionnelle à Caen pour des violences sur les forces de l’ordre. La situation déborde d’ailleurs largement sur Caen et sa proche périphérie, où se créent des points de regroupement de migrants dans lesquels les trafics et la misère prospèrent. Nous souhaiterions que l’État en prenne toute la mesure. La seule augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, que je salue par ailleurs – elle était nécessaire –, ne pourra pas tout résoudre.

Au-delà de la France, c’est bien, je le crois, l’Union européenne qui est face à une crise migratoire qu’elle a laissé s’amplifier. Une plus grande fermeté et un meilleur respect des règles d’entrée et de séjour dans l’Union européenne, ainsi probablement qu’une plus grande coopération pour le développement avec les pays d’origine seraient nécessaires. Peut-être faudrait-il également que le Royaume-Uni s’implique davantage – vous avez évoqué les 2, 44 millions d’euros, information que nous partageons – dans la résolution de la crise migratoire et dans la prise en charge des migrants.

Je souhaite que le sommet franco-britannique prévu jeudi traite également de ce sujet. Je crois que nous n’échapperons pas à une réflexion sur la remise en cause ou, en tout cas, sur la renégociation des accords du Touquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.