Dans la grande bataille qui est au coeur de la mondialisation, entre ceux qui veulent réduire les protections des salariés et ceux qui veulent les ajuster et les renforcer, vous avez choisi votre camp. Vous avez choisi de vous en prendre au coût du travail, à la durée du travail, à la protection et à la représentation du travail, s'agissant notamment des salariés de moins de vingt-six ans, qui ne comptent plus dans le calcul des seuils déterminant la représentation du personnel. La ligne de clivage qui nous sépare intrinsèquement justifie l'opposition de fond qui nous mobilise aujourd'hui.
Si nous devions vous suivre, la réponse, paradoxale, qu'il serait juste d'apporter à la précarisation des conditions de vie serait une précarisation accentuée des conditions de travail, et la meilleure façon, non moins paradoxale, de favoriser l'entrée des jeunes les plus fragiles dans l'entreprise serait justement d'en faciliter l'exclusion.
C'est une politique qui réduit consciencieusement, concrètement, les droits des salariés, la place de la négociation collective et la portée de la norme sociale. Et c'est bien dans ce cadre et sous cet éclairage qu'il faut examiner le CNE comme le CPE, que l'on pourrait ainsi résumer en quelques mots : « moins de droits pour moins d'emplois », c'est-à-dire un recul pour les droits, mais sans le moindre progrès pour l'emploi. Voilà le slogan que nous pourrions attacher à la réforme que vous nous proposez !
S'il ne fait aucun doute que les résultats du CNE et les perspectives du CPE ont bien pour conséquence inéluctable de retirer aux salariés embauchés les protections que leur garantit aujourd'hui le code du travail, on peut en revanche exprimer les plus grandes réserves sur l'efficacité pour l'emploi de ces mesures.
Non seulement le passé ne plaide pas pour vous, non plus que votre bilan, et, de l'avis même de tous les économistes, les effets d'aubaine et de substitution seront massifs, mais, surtout, votre dispositif révèle une erreur de diagnostic, un vice de conception. Vous semblez persuadés que c'est le niveau de protection de l'emploi qui freine l'embauche, alors que celui-ci est en réalité la condition de la cohésion sociale et, par conséquent, de l'efficacité économique.
Le contrat première embauche ne peut être examiné indépendamment de la politique que vous avez conduite et qui vise à favoriser une dérégulation de plus en plus poussée du marché du travail.
C'est en effet un autre modèle social qui se dessine progressivement au travers des différentes législations que vous avez fait approuver par cette assemblée depuis quatre ans et, plus encore, depuis l'installation du gouvernement de M. de Villepin, selon une méthode aussi éprouvée que contestable.
Votre dernière initiative est de proposer aux jeunes de moins de vingt-six ans un véritable contrat disciplinaire puisque, pendant deux années, ils seront susceptibles d'être licenciés à tout moment et sans motif. Compte tenu du marché de l'emploi, des difficultés que rencontre tout un chacun pour trouver un travail, gageons que les jeunes recrutés en CPE ne s'autoriseront pas à réclamer le paiement de leurs heures supplémentaires et encore moins à prendre contact avec un syndicat, par crainte d'être licenciés !