Intervention de Hélène Luc

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Une première condamnation par les prud'hommes est déjà intervenue et, avec le CPE, ce sera pire ! Il y a manifestement un effet d'aubaine dont bon nombre d'entreprises sauront tirer profit au maximum, alors que vous tentez de faire croire que cette flexibilité qui leur est offerte aura pour contrepartie de nouvelles garanties accordées aux salariés.

Nous ne nous y trompons pas : vous entendez apporter à notre société une transformation majeure, à savoir diminuer le coût du travail grâce à la précarité.

Mme Parisot a dit sa conviction que les difficultés traversées par l'économie française résidaient dans le coût du travail jugé encore trop élevé par les patrons.

Vous allez achever de désespérer les jeunes au sujet de leur avenir. Vous ne proposez que du travail précaire à ceux qui ont des diplômes - bac + 3, bac + 4 -, des stages, l'apprentissage et le travail de nuit à ceux qui ont quatorze ans et qui sont en échec scolaire.

Comment pouvez-vous dire que le CPE constitue une nouvelle chance pour les jeunes en difficulté ? Si le Gouvernement et vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, aviez la volonté d'aider les jeunes à exercer un métier qu'ils ont choisi, d'obtenir un travail qu'ils pratiquent avec goût en ayant des garanties, en un mot, si vous aviez la volonté de motiver les jeunes pour l'innovation, vous lutteriez pour la réussite scolaire des garçons et des filles de notre pays jusqu'à seize ans, comme l'exige la loi !

Au lieu de cela, vous tablez sur l'échec scolaire pour mettre les jeunes en apprentissage et vous proposez une précarité humiliante à ceux d'entre eux qui ont obtenu des diplômes au prix d'un travail leur ayant imposé de lourds sacrifices.

Les syndicats, les associations, les familles, tout le monde sait que la précarité est responsable du développement de la pauvreté et que les femmes et les jeunes filles sont les plus touchées.

Aujourd'hui, on peut avoir un emploi et être pauvre. Or que faites-vous en instituant un tel dispositif, sinon accroître la précarité pour les jeunes ?

Ces jeunes iront grossir les rangs sans cesse plus fournis des nouveaux exclus, de ceux qui, malgré leur travail, dorment dans des foyers, quand ce n'est pas dans des voitures ou dans les locaux du marché international de Rungis - c'est le cas d'une femme seule et de ses trois enfants ! - parce que leur travail partiel et précaire, leurs stages abusifs, leurs intérims, leur ôtent toute possibilité de vivre normalement, dignement.

Ce système tue l'espoir, et une société qui tue l'espoir est condamnée ! Est-ce cela que vous voulez pour notre jeunesse ? C'est une véritable condamnation ! Pas de logement, pas de ressources fixes : comment penser à créer une famille ? Comment peut-on s'insérer dans la société sans la moindre projection dans un avenir meilleur ? C'est l'angoisse permanente !

Prenons le droit fondamental du logement. Quelle régie acceptera de louer un logement à une personne pouvant être licenciée du jour au lendemain ? Qui acceptera de consentir un prêt à un couple en double précarité ?

Mme Procaccia parlait tout à l'heure des prêts de banques. Peut-elle me citer le nom de banques à Vincennes qui accepteraient de consentir des prêts à des jeunes ?

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