Intervention de Anne Courrèges

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 janvier 2018 à 15h00
Audition de Mme Anne Courrèges candidate à son renouvellement à la direction générale de l'agence de la biomédecine

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

L'Agence de la biomédecine va produire un certain nombre de documents dans la perspective des États généraux de la bioéthique. D'abord, le rapport d'information sur l'état des sciences et des connaissances sera actualisé, tout comme le document sur l'encadrement national des activités de biomédecine. On apprend de ce qui se fait à l'étranger. Ainsi le protocole Maastricht III, très performant, s'est nourri d'expériences antérieures et ce sont maintenant les autres pays qui s'en inspirent.

Nous travaillons également à des éléments d'application de la précédente loi pour ce qui entre dans les compétences de l'Agence : en effet, ses activités sont bien le coeur historique de la loi de bioéthique mais ne l'épuisent pas, ainsi des questions relatives à l'intelligence artificielle. Ces éléments d'application nourriront les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, des États généraux de la bioéthique et le rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Ils contiendront enfin des pistes de réflexion sur plusieurs sujets.

Nous serons évidemment amenés à contribuer à la réflexion parlementaire, notamment à travers les auditions. Nous travaillons étroitement avec le Gouvernement et le CCNE ; ce dernier, dans le cadre du pilotage des États généraux, peut être amené à solliciter notre expertise. Je participerai enfin au Forum européen de bioéthique qui se tiendra début février à Strasbourg, ainsi qu'à d'autres manifestations.

Vous m'avez interrogé sur les pistes d'évolution en matière de bioéthique. Prenons l'exemple du don d'organes qui a beaucoup mobilisé l'Agence ces derniers mois. Je rejoins entièrement les propos de Jean-Louis Touraine devant l'Assemblée nationale : dans ce domaine, nous avions besoin d'établir la confiance et de construire dans la durée. La législation doit par conséquent être stabilisée.

La question qui préoccupe l'Agence, d'ordre technique, est l'activité de donneurs vivants que le législateur, en 2011, a souhaité développer. Un quasi-doublement des dons a été obtenu en cinq ans mais la croissance a connu ces deux dernières années un certain ralentissement, voire un tassement. C'est pourquoi nous cherchons à identifier les freins et les leviers dans cette activité qui présente une forte marge de progression. La solution réside peut-être dans des mesures de simplification de la procédure de dons. Les exigences éthiques, depuis la loi de 2011 qui encadre ce type de dons, ont été pleinement intégrées et nous disposons du recul nécessaire pour faire un bilan.

Autre domaine d'évolution possible, le don croisé, variante du don de personne vivante. Cette procédure peut être appliquée lorsqu'une impasse immunologique rend incompatible le couple donneur-receveur. Dans ce cas, on peut identifier un autre couple présentant la même incompatibilité mais où le donneur est compatible avec le receveur du premier couple et inversement. La loi de 2011 limitait le don croisé à deux paires et imposait la simultanéité des deux greffes. Faut-il réexaminer la procédure, autoriser plus de deux paires, comme cela se fait dans certains pays ? La simultanéité doit-elle être maintenue ? Vous, parlementaires, aurez à trancher ces questions. Pour le moment, le programme de dons croisés évolue en deçà des attentes. Nous tentons de mettre en place des échanges, notamment avec les Suisses, pour augmenter le vivier de paires disponibles.

Autre sujet évoqué dans vos questions, l'Europe. L'Union européenne réglemente l'activité en matière d'organes, de tissus et de cellules, surtout sous l'angle de la sécurité et de la qualité du produit. L'Agence de la biomédecine apporte son éclairage au Gouvernement dans le cadre de l'élaboration des directives mais aussi de leur transposition au niveau national.

Le Conseil de l'Europe joue un rôle presque aussi important que l'Union européenne, en tant que lieu de la discussion sur les sujets éthiques - notamment dans le cadre des contentieux potentiels portés devant la Cour européenne des droits de l'homme mais aussi plus en amont : ainsi de la convention d'Oviedo qui pose les grands principes en matière de don d'organes - notamment la gratuité et l'anonymat - ou de la lutte contre les trafics qui réclame un travail au niveau européen.

Enfin, nous sommes engagés dans des partenariats de pays à pays. C'est notamment le cas avec l'Alliance du Sud qui regroupe l'Italie et l'Espagne, ou encore avec la Suisse.

L'Agence de la biomédecine, je le rappelle, est tout à fait unique : c'est la seule agence en Europe et, me semble-t-il, dans le monde qui regroupe l'ensemble des champs de compétence relevant de ce domaine. Dans d'autres pays, des agences peuvent s'occuper du don d'organes mais pas de l'assistance médicale à la procréation. Dans d'autres, cette dernière n'est pas régulée par une instance publique. Les législations européennes sont donc très variables. Il est important de définir un socle de valeurs partagées en matière de don d'organes, en l'absence duquel les citoyens sont tentés de faire leur marché dans les différents systèmes légaux.

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