Intervention de Jean-Marc Janaillac

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 janvier 2018 à 11h15
Audition de M. Jean-Marc Janaillac président-directeur général du groupe air france-klm

Jean-Marc Janaillac, Président-directeur général du groupe Air France-KLM :

L'année 2017 s'est terminée sur un bilan globalement positif pour le groupe Air France-KLM avec une croissance à la fois de l'activité et du chiffre d'affaires. Sans être en mesure de vous transmettre des chiffres précis - les résultats du groupe ne seront rendus publics que le 15 février prochain -, je peux vous annoncer une forte augmentation des résultats opérationnels et un recul bienvenu de la dette, dont le montant constituait un élément préoccupant de fragilité. La situation économique et financière du groupe bénéficie en outre d'une amélioration de sa valorisation boursière : d'1,5 milliard d'euros en juillet 2016, elle s'établit désormais à 6 milliards d'euros, niveau qui demeure toutefois inférieur à la valorisation d'environ 12 milliards d'euros de sociétés concurrences comme Lufthansa ou International Airlines Group (IAG).

Des avancées stratégiques majeures ont également marqué l'année 2017, notamment la mise en oeuvre du plan Trust together - pardonnez cette entorse à la francophonie : l'anglais est la langue partagée par les salariés français et néerlandais du groupe -, qui signe notre volonté de retrouver une croissance rentable, en particulier chez Air France. Nous avons renforcé notre offre de vols grâce à une meilleure utilisation de la flotte, choix plus économique qu'une augmentation du nombre d'appareils. Des partenariats - vous en avez évoqué certains, monsieur le président - ont été approfondis sur le long-courrier. Ainsi, Delta Airlines est entré au capital du groupe à hauteur de 10 %, en contrepartie d'une participation de 31 % d'Air France-KLM dans Virgin Atlantic. Le joint-venture constitué de Delta Airlines, Virgin Atlantic et Air France-KLM, avec 30 % de parts de marché, domine le transport aérien entre l'Europe et les États-Unis. Nos liens avec China Eastern, également présent à hauteur de 10 % au capital du groupe, nous permettent d'occuper la position de leader européen à l'aéroport de Shanghai et de nous positionner favorablement dans la perspective de l'ouverture, en 2019, du futur aéroport de Daxing près de Pékin. Enfin, nous nous sommes également rapprochés de Jet Airways, première compagnie indienne, qui offre à Air France-KLM une position privilégiée sur un marché prometteur. Fruit d'une longue et délicate négociation avec les syndicats de pilotes, la création de Joon nous permet, par ailleurs, d'être plus compétitifs face notamment aux compagnies du Golfe. À compter du mois de mai, des destinations long-courrier, comme les Seychelles, qui avaient été fermées il y a quelques années en raison d'une trop faible rentabilité face à la concurrence, viendront compléter l'offre actuellement moyen-courrier de Joon.

En 2019, de nouveaux Airbus 350 seront intégrés à la flotte du groupe Air France-KLM, qui comprend déjà depuis peu plusieurs Boeing 787, dont la consommation par siège au kilomètre est inférieure de 20 % à celle des avions de taille comparable.

Je conclurai mon bilan de l'année 2017 en vous indiquant que l'offre de Transavia a augmenté d'environ 12 %. Cette croissance devrait se poursuivre en 2018 pour atteindre 18 %, avec une fréquentation satisfaisante et de bons résultats économiques.

L'année se clôt donc pour le groupe sur un sentiment de reprise offensive et de dynamisme face à la concurrence, même si des réformes restent à mener pour améliorer encore notre compétitivité. Certes, le résultat opérationnel du groupe avoisine 6 %, mais il reflète une importante disparité entre celui d'Air France (4 %) et de KLM (9 %), ce dernier niveau étant identique à Lufthansa et proche de celui de British Airways. Les efforts doivent également être poursuivis en matière de performance opérationnelle et de régularité des vols, notamment à l'aéroport de Roissy, même si les responsabilités sont souvent extérieures au groupe lorsqu'elles sont le fait de l'allongement des contrôles de la police de l'air et aux frontières ou des performances erratiques de la gestion des bagages. La faute est, en revanche, plus directement interne sur les vols domestiques, en particulier ceux réalisés par notre filiale Hop.

L'année 2017 a bénéficié, reconnaissons-le, d'un climat particulièrement favorable à ce que nos initiatives soient couronnées de succès : la demande, que la crise économique puis les attentats en Europe avaient atrophiée, a renoué avec le dynamisme, tandis que la concurrence demeurait modérée et que le prix du pétrole restait raisonnable.

Malheureusement, il est probable que l'année 2018 soit moins favorable. Déjà l'on observe, depuis quelques semaines, une remontée des cours de pétrole et, surtout, une pression exacerbée de la concurrence avec de nouvelles offres des compagnies du Golfe, de Turkish Airlines et des compagnies asiatiques, mais aussi l'arrivée du low cost sur le long courrier - avec une dizaine de Boeing 787, Norwegian propose désormais plus de vols vers l'Amérique du nord qu'Air France, tandis que la filiale low cost d'IAG proposera prochainement des vols pour les Antilles depuis Orly, qu'Easy Jet renforce son offre et que Ryanair annonce son retour en France. Air France travaille, avec ses partenaires, à répondre à cette concurrence. À titre d'illustration, se tenait hier une réunion de 1 200 vendeurs à l'international, en présence des présidents de Delta Airlines et de China Eastern, afin de définir une nouvelle politique tarifaire vers l'Amérique du nord. Tout en maintenant un service gratuit de restauration à bord, il s'agit de se rapprocher des prix de la concurrence pratiqués pour un aller simple sans bagage ni repas. La rentabilité de certains tarifs proposée est d'ailleurs loin d'être assurée : Norwegian est ainsi considérablement endettée. Air France-KLM a également engagé une réflexion sur le low cost sur le marché domestique, où la place de la compagnie et de ses filiales représente un enjeu majeur ; un plan d'action à moyen terme sera présenté au conseil d'administration du mois de juin.

Quelle que soit l'intensité des efforts que nous pourrions réaliser, j'attire votre attention sur le fait que de nombreux de facteurs extérieurs, liés en particulier à l'environnement juridique et fiscal français, pèsent sur notre compétitivité. Air France réalise 60 % de son chiffre d'affaires à l'international. En situation de concurrence sur la totalité des lignes exploitées, la société emploie 97 % de ses salariés sous contrat français, notoirement coûteux en termes de charges sociales. Pour une compagnie concurrente comme Lufthansa, les cotisations patronales s'établissent à 25 % des rémunérations et sont plafonnées pour les salaires supérieurs à 100 000 euros par an, tandis qu'elles atteignent 46 % pour Air France sans plafonnement. Cette différence représente un delta d'environ 400 millions d'euros par an. Certes, d'autres compagnies aériennes françaises pâtissent de cette réglementation défavorable mais elles demeurent moins concernées par la concurrence internationale sur les lignes qu'elles exploitent, essentiellement tournées vers l'Outre-mer. Enfin, nous nous acquittons de redevances élevées auprès d'Aéroport de Paris (ADP) et de taxes sur le transport aérien dont le niveau a de multiples fois été critiqué par le Parlement et la Cour des comptes. Vous comprendrez combien nous attendons des prochaines assises du transport aérien qu'elles proposent des évolutions de notre environnement social et fiscal.

Vous m'avez enfin interrogé, monsieur le président, sur les actions que notre groupe entend mener en faveur de l'environnement. J'ai cité il y a un instant la moindre consommation en carburant de nos nouveaux avions ; j'ajouterai que la nuisance sonore qu'ils induisent est inférieure de 40 % à celle des plus anciens appareils. Par ailleurs, avec le ministère de la transition écologique et solidaire, Total, Safran et d'autres partenaires, nous avons signé une convention relative au développement et à l'utilisation de biocarburants. Nous sommes également partie à l'accord international Corsia, qui prévoit, pour le transport aérien, une croissance nulle des rejets en CO2 à compter de 2020 et leur recul à hauteur de 50 % en 2050 sur la base des émissions enregistrées en 2005. D'autres initiatives sont enfin prises en interne, comme le calcul de trajectoires de vol moins consommatrices de carburant, l'utilisation de moteurs électriques avant le décollage ou l'attention portée au poids des équipements meublants à l'intérieur des appareils.

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