Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 18 janvier 2018 à 11h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France-KLM, étant arrivé avec une ponctualité extraordinaire, digne de celle des avions de sa compagnie, je vous propose de commencer dès à présent cette audition, devenue en quelque sorte un rendez-vous annuel - nous vous avions entendu au mois de novembre 2016 - permettant à notre commission d'être régulièrement informée de la situation économique du pavillon français.

Les assises du transport aérien, qui se tiendront vraisemblablement au début du mois de mars, seront l'occasion, je l'espère, de faire émerger de nouvelles propositions pour soutenir le développement du secteur aérien et améliorer la compétitivité des entreprises françaises de transport. Ces propositions pourront, le cas échéant, être intégrées dans le futur projet de loi d'orientation des mobilités.

L'année 2017 a été, pour Air France, particulièrement positive, avec notamment le nouveau plan stratégique Trust together qui s'est accompagné de la création d'une nouvelle compagnie baptisée Joon, qui cible la clientèle des 18-35 ans et dessert, depuis le mois de décembre dernier, quatre destinations européennes. Par ailleurs, le groupe Air France-KLM a mené plusieurs opérations capitalistiques en vue de renforcer ses partenariats vers l'Atlantique nord et la Chine, avec l'entrée à son capital des compagnies Delta Airlines et China Eastern, pour 10 % chacune, dans le cadre d'une augmentation de capital.

Pour autant, la situation économique du pavillon français demeure fragile, en raison d'un différentiel de compétitivité persistant avec les compagnies low cost, qui proposent pour certaines des vols entre Paris et New York à moins de 130 euros, comme avec les compagnies du Golfe, qui bénéficient d'un environnement juridique, social et fiscal attractif avec lequel il est difficile de rivaliser. Ainsi, malgré le dynamisme du trafic aérien, qui a progressé de plus de 7 % au niveau mondial et de 4 % au niveau national l'année dernière, la part de marché du pavillon français ne cesse de reculer.

Au regard de ces différents éléments, quelles seraient à vos yeux les mesures nécessaires pour soutenir la compétitivité du transport aérien ? Quelles sont à cet égard vos attentes vis-à-vis des prochaines assises du transport aérien ? Quelle stratégie de développement poursuivrez-vous pour Air France dans les prochaines années et quelle sera la place des différentes compagnies du groupe au sein de celle-ci ?

J'aimerais enfin vous interroger sur la contribution des compagnies aériennes à la lutte contre le changement climatique, qui intéresse également notre commission. Si le transport aérien n'est pas partie prenante de l'Accord de Paris sur le climat, l'Organisation de l'aviation civile internationale a néanmoins adopté, en 2016, une résolution visant à mettre en oeuvre un mécanisme mondial de compensation des émissions de CO2 à compter de 2021. Quel regard portez-vous sur cette initiative et sur les modalités de sa mise en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Janaillac, Président-directeur général du groupe Air France-KLM

L'année 2017 s'est terminée sur un bilan globalement positif pour le groupe Air France-KLM avec une croissance à la fois de l'activité et du chiffre d'affaires. Sans être en mesure de vous transmettre des chiffres précis - les résultats du groupe ne seront rendus publics que le 15 février prochain -, je peux vous annoncer une forte augmentation des résultats opérationnels et un recul bienvenu de la dette, dont le montant constituait un élément préoccupant de fragilité. La situation économique et financière du groupe bénéficie en outre d'une amélioration de sa valorisation boursière : d'1,5 milliard d'euros en juillet 2016, elle s'établit désormais à 6 milliards d'euros, niveau qui demeure toutefois inférieur à la valorisation d'environ 12 milliards d'euros de sociétés concurrences comme Lufthansa ou International Airlines Group (IAG).

Des avancées stratégiques majeures ont également marqué l'année 2017, notamment la mise en oeuvre du plan Trust together - pardonnez cette entorse à la francophonie : l'anglais est la langue partagée par les salariés français et néerlandais du groupe -, qui signe notre volonté de retrouver une croissance rentable, en particulier chez Air France. Nous avons renforcé notre offre de vols grâce à une meilleure utilisation de la flotte, choix plus économique qu'une augmentation du nombre d'appareils. Des partenariats - vous en avez évoqué certains, monsieur le président - ont été approfondis sur le long-courrier. Ainsi, Delta Airlines est entré au capital du groupe à hauteur de 10 %, en contrepartie d'une participation de 31 % d'Air France-KLM dans Virgin Atlantic. Le joint-venture constitué de Delta Airlines, Virgin Atlantic et Air France-KLM, avec 30 % de parts de marché, domine le transport aérien entre l'Europe et les États-Unis. Nos liens avec China Eastern, également présent à hauteur de 10 % au capital du groupe, nous permettent d'occuper la position de leader européen à l'aéroport de Shanghai et de nous positionner favorablement dans la perspective de l'ouverture, en 2019, du futur aéroport de Daxing près de Pékin. Enfin, nous nous sommes également rapprochés de Jet Airways, première compagnie indienne, qui offre à Air France-KLM une position privilégiée sur un marché prometteur. Fruit d'une longue et délicate négociation avec les syndicats de pilotes, la création de Joon nous permet, par ailleurs, d'être plus compétitifs face notamment aux compagnies du Golfe. À compter du mois de mai, des destinations long-courrier, comme les Seychelles, qui avaient été fermées il y a quelques années en raison d'une trop faible rentabilité face à la concurrence, viendront compléter l'offre actuellement moyen-courrier de Joon.

En 2019, de nouveaux Airbus 350 seront intégrés à la flotte du groupe Air France-KLM, qui comprend déjà depuis peu plusieurs Boeing 787, dont la consommation par siège au kilomètre est inférieure de 20 % à celle des avions de taille comparable.

Je conclurai mon bilan de l'année 2017 en vous indiquant que l'offre de Transavia a augmenté d'environ 12 %. Cette croissance devrait se poursuivre en 2018 pour atteindre 18 %, avec une fréquentation satisfaisante et de bons résultats économiques.

L'année se clôt donc pour le groupe sur un sentiment de reprise offensive et de dynamisme face à la concurrence, même si des réformes restent à mener pour améliorer encore notre compétitivité. Certes, le résultat opérationnel du groupe avoisine 6 %, mais il reflète une importante disparité entre celui d'Air France (4 %) et de KLM (9 %), ce dernier niveau étant identique à Lufthansa et proche de celui de British Airways. Les efforts doivent également être poursuivis en matière de performance opérationnelle et de régularité des vols, notamment à l'aéroport de Roissy, même si les responsabilités sont souvent extérieures au groupe lorsqu'elles sont le fait de l'allongement des contrôles de la police de l'air et aux frontières ou des performances erratiques de la gestion des bagages. La faute est, en revanche, plus directement interne sur les vols domestiques, en particulier ceux réalisés par notre filiale Hop.

L'année 2017 a bénéficié, reconnaissons-le, d'un climat particulièrement favorable à ce que nos initiatives soient couronnées de succès : la demande, que la crise économique puis les attentats en Europe avaient atrophiée, a renoué avec le dynamisme, tandis que la concurrence demeurait modérée et que le prix du pétrole restait raisonnable.

Malheureusement, il est probable que l'année 2018 soit moins favorable. Déjà l'on observe, depuis quelques semaines, une remontée des cours de pétrole et, surtout, une pression exacerbée de la concurrence avec de nouvelles offres des compagnies du Golfe, de Turkish Airlines et des compagnies asiatiques, mais aussi l'arrivée du low cost sur le long courrier - avec une dizaine de Boeing 787, Norwegian propose désormais plus de vols vers l'Amérique du nord qu'Air France, tandis que la filiale low cost d'IAG proposera prochainement des vols pour les Antilles depuis Orly, qu'Easy Jet renforce son offre et que Ryanair annonce son retour en France. Air France travaille, avec ses partenaires, à répondre à cette concurrence. À titre d'illustration, se tenait hier une réunion de 1 200 vendeurs à l'international, en présence des présidents de Delta Airlines et de China Eastern, afin de définir une nouvelle politique tarifaire vers l'Amérique du nord. Tout en maintenant un service gratuit de restauration à bord, il s'agit de se rapprocher des prix de la concurrence pratiqués pour un aller simple sans bagage ni repas. La rentabilité de certains tarifs proposée est d'ailleurs loin d'être assurée : Norwegian est ainsi considérablement endettée. Air France-KLM a également engagé une réflexion sur le low cost sur le marché domestique, où la place de la compagnie et de ses filiales représente un enjeu majeur ; un plan d'action à moyen terme sera présenté au conseil d'administration du mois de juin.

Quelle que soit l'intensité des efforts que nous pourrions réaliser, j'attire votre attention sur le fait que de nombreux de facteurs extérieurs, liés en particulier à l'environnement juridique et fiscal français, pèsent sur notre compétitivité. Air France réalise 60 % de son chiffre d'affaires à l'international. En situation de concurrence sur la totalité des lignes exploitées, la société emploie 97 % de ses salariés sous contrat français, notoirement coûteux en termes de charges sociales. Pour une compagnie concurrente comme Lufthansa, les cotisations patronales s'établissent à 25 % des rémunérations et sont plafonnées pour les salaires supérieurs à 100 000 euros par an, tandis qu'elles atteignent 46 % pour Air France sans plafonnement. Cette différence représente un delta d'environ 400 millions d'euros par an. Certes, d'autres compagnies aériennes françaises pâtissent de cette réglementation défavorable mais elles demeurent moins concernées par la concurrence internationale sur les lignes qu'elles exploitent, essentiellement tournées vers l'Outre-mer. Enfin, nous nous acquittons de redevances élevées auprès d'Aéroport de Paris (ADP) et de taxes sur le transport aérien dont le niveau a de multiples fois été critiqué par le Parlement et la Cour des comptes. Vous comprendrez combien nous attendons des prochaines assises du transport aérien qu'elles proposent des évolutions de notre environnement social et fiscal.

Vous m'avez enfin interrogé, monsieur le président, sur les actions que notre groupe entend mener en faveur de l'environnement. J'ai cité il y a un instant la moindre consommation en carburant de nos nouveaux avions ; j'ajouterai que la nuisance sonore qu'ils induisent est inférieure de 40 % à celle des plus anciens appareils. Par ailleurs, avec le ministère de la transition écologique et solidaire, Total, Safran et d'autres partenaires, nous avons signé une convention relative au développement et à l'utilisation de biocarburants. Nous sommes également partie à l'accord international Corsia, qui prévoit, pour le transport aérien, une croissance nulle des rejets en CO2 à compter de 2020 et leur recul à hauteur de 50 % en 2050 sur la base des émissions enregistrées en 2005. D'autres initiatives sont enfin prises en interne, comme le calcul de trajectoires de vol moins consommatrices de carburant, l'utilisation de moteurs électriques avant le décollage ou l'attention portée au poids des équipements meublants à l'intérieur des appareils.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je donne d'abord la parole à Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis des crédits du transport aérien au sein de notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Je vous remercie, monsieur Janaillac, pour votre présentation extrêmement complète de la situation du groupe Air France-KLM. Je vous souhaite, ainsi qu'à l'ensemble de vos équipes, une année 2018 à la hauteur de vos ambitions et de vos espérances.

Notre commission s'intéresse de près à la question de la compétitivité du transport aérien. Cette thématique a déjà fait l'objet de multiples rapports et de nombreuses propositions. Certaines pistes restent à explorer pour alléger les charges qui pèsent sur les entreprises françaises de transport. Je pense en particulier à l'élargissement de l'assiette de la taxe de solidarité ou à la réforme des modalités de financement des dépenses de sûreté dans les aéroports. J'espère que les prochaines assises du transport aérien seront l'occasion de progresser sur ce sujet.

J'aimerais également avoir votre point de vue sur les redevances aéroportuaires que paient les compagnies du groupe Air France KLM, en particulier dans les aéroports parisiens. Pour l'année 2018, le groupe ADP a proposé une hausse des redevances de 2,1 %. Cette proposition tarifaire a été rejetée le 24 novembre dernier par la commission consultative économique des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly, et a été critiquée par la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM). ADP fait valoir que cette hausse est mesurée, qu'elle permet de financer des investissements de développement des aéroports parisiens, qui profiteront à terme aux compagnies aériennes, et qu'elle ne représente qu'une part marginale de l'augmentation des coûts d'exploitation entreprises de transport. Quelle est votre position sur cette question ? La détermination des redevances aéroportuaires pose également la question de la régulation tarifaire. La création d'une nouvelle autorité de supervision indépendante (ASI) en 2016 a constitué un progrès par rapport à la situation antérieure sur ce point. Certains considèrent cependant que cela reste insuffisant. Que pensez-vous, à cet égard, de la proposition de l'Arafer d'exercer les fonctions de régulation du transport aérien et de contrôle de la fixation du montant des redevances ?

J'aimerais également vous interroger sur l'éventuelle privatisation du groupe ADP. Dans une tribune au sein du journal Le Monde parue le 7 décembre dernier, vous avez exprimé des réserves quant à ce projet qui, je vous cite, « ne saurait se concevoir dans une logique budgétaire ». Je partage cette préoccupation, d'autant plus qu'une telle opération, certainement lucrative à court terme, priverait l'État des dividendes annuels versés par ADP. Quelles sont, selon vous, les conditions qui permettraient de concevoir une privatisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

L'année 2017 fut positive, pour Air France comme pour les autres compagnies, en termes économiques comme en matière de sécurité aérienne, puisqu'aucun indicent majeur n'a heureusement été déploré. Ce bilan satisfaisant est-il à porter au crédit d'un meilleur entretien des appareils, d'un effort de renouvellement des flottes ou, simplement, à un favorable concours de circonstances ? L'Airbus A380 enregistre de mauvais résultats commerciaux. Quelle en est selon vous la raison : son coût, sa consommation ? Ma dernière question porte sur la saturation des terminaux de l'aéroport de Roissy. Des discussions sont en cours avec ADP s'agissant de la construction éventuelle d'un nouveau terminal. D'autres solutions sont-elles envisagées ? Alors que les nuisances sonores atteignent leurs limites à Orly, ne pourrait-on pas songer à développer les infrastructures aéroportuaires existantes dans une proximité raisonnable avec Paris, comme Beauvais ou Châteauroux ? Les compagnies aériennes telles que la vôtre seraient-elles prêtes à les exploiter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Je partage les interrogations de notre collègue Rémy Pointereau. Il semblerait que Ryanair puisse prochainement faire de Nantes-Atlantique son hub européen. Air France serait-elle prête à se développer à son cours depuis des aéroports régionaux ? Comment, par ailleurs, jugez-vous la privatisation de ces aéroports ? Observez-vous les résultats escomptés ? Enfin, votre compagnie rencontre-t-elle des difficultés à recruter ses pilotes ? J'ajouterai une brève remarque : une délégation de notre commission s'est rendue en Israël en novembre dernier dans un Airbus A320 d'Air France, sans aucun équipement destiné au visionnage de vidéos pour un voyage de cinq heures. Cela manquait pour le moins de confort...

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Le contexte concurrentiel sur vous subissez va s'aggraver avec le Brexit. Ryanair, vous l'avez mentionné, a d'ores et déjà annoncé son retour en France sur quatre sites en 2019. La très grande majorité de vos salariés sont français : quel dommage d'avoir choisi de nommer votre dernier plan Trust together ! Plus sérieusement, comment jugez-vous le dialogue social dans votre société, après les tensions rencontrées lors des négociations relatives au projet Boost ? S'agissant du renouvellement de votre flotte, après les investissements réalisés pour le long-courrier (cinq Boeing 787 et dix Airbus A380), quelles sont les perspectives au profit du moyen-courrier dont les appareils sont souvent vieillissants ? Quelle est, enfin, votre opinion sur la décision gouvernementale d'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

En matière de transport aérien, d'autres énergies que le pétrole sont-elles, à terme, imaginables ? Les aéroports se rapprochent, à bien des égards, des ports maritimes. Ces derniers toutefois, exception faite du cas des bateaux de croisière et des ferrys, accueillent plus de marchandises que de passagers. Cette remarque me conduit à vous interroger sur le niveau de votre activité de fret. Pour poursuivre l'analogie, vous n'êtes pas sans savoir que les compagnies de transport maritime de marchandises bénéficient d'une exonération sur certaines cotisations sociales patronales. Cet avantage ne pourrait-il pas être étendu aux compagnies aériennes ? Enfin, quelle est la part de l'intelligence artificielle dans les progrès technologiques réalisés par votre société ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Votre compétitivité pâtit évidemment des contraintes et des coûts induits par la réglementation sociale et fiscale des 97 % de contrats français que compte Air France. Notre collègue Jérôme Bignon le mentionnait à l'instant : la loi du 20 juin 2016 sur l'économie bleue a introduit en droit français la pratique du net wage, afin de limiter les coûts salariaux du transport maritime, dispositif maintenu à grand peine lors de la discussion du dernier projet de loi de finances. Cet avantage pourrait-il être appliqué aux personnels des compagnies aériennes françaises ? Lors de l'annonce de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, le Premier ministre a annoncé que l'État encouragerait à la fois le développement des aéroports de Brest, Rennes et Nantes-Atlantique et le renforcement des liaisons ferroviaires entre Paris et les villes de l'Ouest de la France. Ne vous semble-t-il pas paradoxal de soutenir les aéroports régionaux tout en accroissant la concurrence entre les transports ferroviaires et aériens par la multiplication des jonctions par rail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

L'évolution de la part modale du transport aérien peut être comparée à celle de l'automobile au début du vingtième siècle. Comment imaginez-vous, compte tenu des enjeux liés à la pollution, que pourront se développer à l'avenir les aéroports ? La délégation sénatoriale à la prospective travaillera justement en 2018 sur les nouvelles formes de mobilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Les questions de sécurité dans les grands aéroports internationaux seront abordées lors des Assises du transport aérien. Quel est sur ce sujet votre niveau de collaboration avec les services concernés de l'État ? Lors du déplacement en Israël évoqué par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, nous avons eu l'opportunité de visiter les installations de l'aéroport Ben Gourion et de rencontrer les responsables de la sécurité. Leur organisation est impressionnante ! Vous inspirez-vous de telles expériences ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Dans un contexte de croissance continue du trafic aérien, le projet de Notre-Dame-des-Landes représentait une alternative à la construction d'un troisième aéroport parisien. Quelles infrastructures seront amenées à remplacer ce projet ? De nouveaux hubs seront-ils développés en régions, voire à l'étranger ? Il y aurait en effet un paradoxe à centraliser le transport aérien à Paris à l'heure où chacun reconnaît l'utilité de fluidifier les déplacements. Il n'en reste pas moins que l'Ouest de la France, façade de notre pays vers l'Amérique du Nord, regrette profondément la décision du Gouvernement d'abonner le projet de Notre-Dame-des-Landes.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Vous avez créé Hop, une compagnie à bas coûts. J'emprunte régulièrement le vol Paris-Brive la Gaillarde, et de nombreux vols ont été retardés ou annulés. Les passagers sont alors redirigés vers l'aéroport de Toulouse, à 2h30 de bus. Existe-t-il un protocole pour les vols retardés ? Quelles réponses apportez-vous à vos clients ? La SNCF rembourse les billets en cas de retard, ce n'était pas le cas avec Hop...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Élue du département de la Gironde, j'ai vu arriver la ligne à grande vitesse mettant Bordeaux à deux heures de Paris depuis le mois de juillet. Quelle est votre stratégie face à cette concurrence très attractive ? Quels sont les chiffres de la fréquentation ? Nous percevons déjà une réduction du nombre de vols...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il y a deux ans, nous nous sommes rendus sur le chantier de l'aéroport de Daxing, qui progressait à une vitesse impressionnante. Nous avions conscience qu'il ne faudrait pas cinquante ans pour le faire - ou ne pas le faire...

Je ne suis pas dans le coeur de cible de la compagnie Joon. Qu'est-ce qui la différencie des autres compagnies de votre groupe ?

Les passagers arrivant à Roissy ont parfois des difficultés à récupérer leurs bagages, ce qui est très pénible, et Aéroports de Paris et Air France se renvoient la balle. Des améliorations sont-elles prévues ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Janaillac, Président-directeur général du groupe Air France-KLM

Madame Bonnefoy, depuis 2005, l'inflation a augmenté de 12 %, les redevances de l'aéroport Charles-de-Gaulle de 36,7%, alors que celles de l'aéroport d'Amsterdam ont diminué de 4 %...

Je me suis déjà exprimé sur la privatisation d'Aéroports de Paris, après avoir envoyé mes réflexions au ministre concerné et au Premier ministre. Le cahier des charges d'une éventuelle privatisation doit faire la part des choses entre le souci de l'État de récupérer des capitaux à investir dans d'autres secteurs et une vision à moyen terme du secteur aérien français. L'organisation actuelle pose problème, en raison de la présence de deux caisses : une caisse, régulée, finance les activités aéroportuaires, et est abondée par les compagnies aériennes. La deuxième caisse est abondée par les bénéfices réalisés par les commerces et les parkings de l'aéroport, et Aéroports de Paris peut l'utiliser comme bon lui semble. Elle finance notamment des opérations de développement à l'international. Air France tient à ce que la plateforme aéroportuaire se développe et que le coût des redevances soit maîtrisé.

Dans mes précédentes fonctions, j'ai travaillé avec l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), qui fonctionne efficacement et de manière responsable. Il ne m'appartient pas de choisir l'autorité de régulation pour l'aérien...

La sécurité est un ensemble de facteurs : les avions deviennent de plus en plus fiables, grâce à l'informatique embarquée. Toutes les compagnies font un effort de formation des personnels navigants et techniques pour éviter au maximum les turbulences. Certes, il reste des concours de circonstances ou des événements extérieurs pouvant aboutir à des situations dramatiques, mais même les compagnies de pays n'accordant pas beaucoup d'importance historiquement à la sécurité améliorent leur organisation. Il y a une véritable prise de conscience.

Nous avons peu d'Airbus A 380 car les Boeing 787 et les A 350 ont un coût du siège par kilomètre inférieur aux A 380. Notre compagnie est donc moins incitée à les utiliser : il faudrait remplir l'avion pour qu'il soit rentable. C'est intéressant uniquement dans des aéroports qui ont peu de slots - où les compagnies ne peuvent faire que peu de vols.

Nous sommes très favorables à la réalisation du nouveau terminal 4 de l'aéroport Charles-de-Gaulle, car le trafic s'accroît. C'est aussi le fondement de notre plan stratégique Trust together, de retrouver une dynamique. Pour les prochaines années, nous prévoyons une croissance des vols long-courriers entre 3,8 et 4,5 %, chiffre relativement faible mais largement supérieur aux 0 à 1% connus ces dernières années. Nous souhaitons l'ouverture d'un nouveau terminal sur l'emprise foncière de l'aéroport Charles-de-Gaulle, et non la création d'un troisième aéroport parisien afin d'éviter toute dispersion. Sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, 45% de notre trafic est en correspondance, que ce soit avec des longs ou des moyens courriers. Si nous éclatons ces flux, l'efficacité du hub sera remise en cause et le modèle économique d'Air France fragilisé. Cela n'aidera pas au développement d'un transporteur français fort à l'international. Dans ce cas, certaines lignes ne seront plus rentables et seront fermées. Certes, des liaisons directes peuvent être réalisées à partir d'autres aéroports, mais nous avons besoin de cette unité.

M. de Nicolaÿ, Ryanair a annoncé la création de bases en France. Cette compagnie, très présente en France, comme à Beauvais ou à Marseille, n'a pas, pour l'instant, d'équipages basés en France. La justice française avait estimé que cela n'était pas possible car elle payait ses cotisations sociales en Irlande - soit 10 %, alors qu'elles sont de 46 % en France... La compagnie voudrait revenir dans le droit chemin, nous l'attendons et sommes prêts à affronter sa concurrence si elle respecte les mêmes règles sociales que nous.

À l'échelle mondiale, il semble impossible de former suffisamment de pilotes pour répondre aux besoins. C'est difficile à comprendre. En France, nous n'avons aucun souci de recrutement de pilotes, grâce à des conditions d'emploi favorables. Nous recrutons de nombreux pilotes de Ryanair ou de compagnies du Golfe. Mais il y a quatre ans, nous avons signé un accord stipulant que sur dix pilotes recrutés par Air France, trois devaient provenir de Hop. Cette règle possible pour 100 recrutements annuels est désormais plus compliquée avec 200 recrutements annuels... Les compagnies asiatiques ont davantage de difficultés à recruter.

Les avions moyen-courrier qui font la liaison avec Israël font aussi d'autres liaisons. Prévoir de les équiper avec des écrans ne serait pas très économique, mais nous trouvons d'autres solutions. Sur Joon, nous permettons aux passagers de télécharger une application qui leur permet de visionner des séries ou des films.

Actuellement, nous n'observons pas de différence particulière entre les aéroports publics et les aéroports privatisés.

Monsieur Chevrollier, le nouveau plan à moyen terme concerne à la fois Air France et KLM. Il est difficile de trouver un nom compréhensible à la fois par les Français et les Néerlandais, d'où l'utilisation de l'anglais. Le dialogue social au sein des compagnies aériennes est difficile, mais nous ne sommes pas les seuls à y être confrontés. Nous avons signé un accord avec les pilotes pour la création de Joon, et un accord collectif avec le personnel navigant pour les prochaines années. Malgré des sujets de friction, le dialogue est constant. La semaine dernière, nous avons réuni l'ensemble des organisations syndicales pour préparer les assises du transport aérien, les écouter et échanger pour trouver des positions communes.

Les anciens Boeing 777 et les A 340 sont en cours de remplacement par des Boeing 787 et des A 350 pour les long-courriers. Nous allons lancer un appel d'offres pour renouveler une partie de la flotte de Hop, KLM et Transavia auprès des constructeurs français, canadien, américains et brésilien, afin de trouver la solution au meilleur coût, grâce à l'émulation. Le cahier des charges sera défini au premier trimestre, avant une décision à la fin de l'année.

Il y a deux mois, j'ai inauguré notre nouvelle agence commerciale à l'aéroport de Nantes-Atlantique. Même si nous passons de 40 à 10 agences commerciales, elles seront plus visibles et utiliseront davantage de nouvelles technologies, pour un meilleur conseil et une meilleure image. J'ai ainsi rencontré la maire de Nantes et le président de la chambre de commerce et d'industrie. Il était essentiel que l'État décide rapidement du sort de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, car les conditions d'accueil des passagers de l'aéroport de Nantes sont inacceptables. À moyen terme, nous vivrons avec un aéroport rénové. Les efforts doivent porter davantage sur l'aérogare que sur la piste. Le trafic augmente fortement, et Air France ouvre des lignes internationales. À mon arrivée, nous avons ouvert la ligne Nantes-Hambourg, notamment pour les salariés d'Airbus. Nantes est la deuxième base de Transavia après Orly, avec trois avions positionnés. Nous voulons continuer à investir là-bas.

Monsieur Bignon, le fret est une activité importante, qui se restructure fortement. Il y a une vingtaine d'années, Air France-KLM disposait d'une vingtaine d'avions tout cargo. Nous n'en avons plus que trois et demi aujourd'hui, en raison de la forte concurrence du transport maritime et d'un taux d'occupation faible, de 50%. Désormais, la nouvelle génération des Boeing 777 permet d'embarquer un gros volume de fret dans des avions de ligne. Nous réservons le tout cargo à des liaisons spécifiques. Depuis six mois, la situation s'améliore : les volumes transportés en fret augmentent et les prix unitaires se réduisent.

Oui, nous sommes intéressés par le modèle appliqué au transport maritime, afin de réduire le coût des cotisations sociales. Mais le nombre de personnes concernées et les niveaux de rémunérations ne sont pas du même ordre...

Nous sommes très attentifs à l'environnement : la consommation de carburant et les rejets de dioxyde de carbone sont les facteurs les plus importants. Nous avons un plan dédié et une directrice de l'environnement au sein d'Air France, et de même chez KLM, qui travaillent avec l'ensemble des services de la compagnie sur le bruit, le recyclage de la nourriture - délicat à bord en raison des questions sanitaires - et de l'eau, dans les avions et sur les installations terrestres. Notre rapport annuel vous fournira des informations plus précises sur les actions engagées depuis plusieurs années.

J'ai été surpris de l'importance de l'intelligence artificielle à mon arrivée chez Air France-KLM, groupe en avance par rapport à ses concurrents sur le digital. Le groupe est très présent dans les médias sociaux, comme WeChat en Chine, et on peut désormais acheter son billet Air France-KLM sur WhatsApp. J'ai découvert une équipe de recherche et développement rassemblant des personnes très brillantes qui travaillent sur l'intelligence artificielle. Cette équipe a développé en interne le système de revenue management Carmin, très performant, et a travaillé sur des outils de maintenance prédictive qui permet de déterminer, à partir d'informations envoyées par les avions, après combien d'heures de vol il faudra remplacer certaines pièces. Le travail au sein d'une équipe néerlando-française est particulièrement efficace dans ce domaine, car les ingénieurs et les mathématiciens français sont excellents, tandis que les Néerlandais sont plus innovants, ce qui donne de très bons résultats.

Monsieur Mandelli, nous développons des liaisons entre Nantes et d'autres villes étrangères. Le TGV affaiblit nos lignes aériennes s'il arrive à Montparnasse, mais pas à Roissy. Madame Cartron, le trafic aérien entre Paris et Bordeaux s'est réduit de 30%, passant de 14 à 10 vols vers Orly par jour. Si le trafic se réduit encore, nous ne pourrons maintenir ces 10 vols quotidiens, mais la ligne vers l'aéroport Charles-de-Gaulle, avec 6 vols par jour, n'est pas affectée car elle concerne surtout des vols en correspondance avec des longs-courriers. Sur la ligne Paris-Strasbourg, nous avions 16 liaisons quotidiennes, 12 vers Orly et 4 vers Charles-de-Gaulle. Désormais, nous n'en avons plus. Nous avions 35 vols par jour de Marseille à Orly, nous en avons désormais 14. Le trafic est important entre Bruxelles et l'aéroport Charles-de-Gaulle par le Thalys qui bénéficie aux vols long courrier. Nous essayons de développer nos vols vers l'étranger.

Monsieur Jacquin, il est difficile d'avoir une vision à long terme ; cela dépend à la fois de la demande et de l'offre. La demande augmentera dans plusieurs pays en croissance économique - Chine, Inde, Brésil - dont les habitants auront davantage envie ou besoin de voyager. Ces pays connaissent une augmentation impressionnante du nombre de voyageurs, tant dans leur zone géographique que pour les longs courriers. Tous leurs habitants souhaitent se rendre un jour en Europe ou à Paris... La croissance de l'offre dépend des constructeurs. Airbus et Boeing travaillent sur des avions électriques ou des avions dont la consommation énergétique est plus neutre. Cela prendra une dizaine d'années, en commençant par des avions hybrides, et des petits avions, avant de concerner les gros porteurs. À l'heure actuelle, il faudrait remplir un Boeing 787 ou un A 350 de batteries électriques pour réussir à les faire décoller.

Nous assistons également au retour des avions supersoniques, prônés par Elon Musk - qui développe aussi l'Hyperloop, moyen de déplacement par tube - et des drones téléguidés pourraient transporter des passagers sur des petites distances. Nous sommes à l'aune de bouleversements considérables qui modifieront profondément la situation d'ici 25 ans...

Madame Tocqueville, la sécurité relève de la responsabilité des autorités de l'État, au travers des forces de police présentes dans et autour des grands aéroports. Les agents des compagnies aériennes et des aéroports sont contrôlés par les gendarmes. Auparavant, nous risquions des prises d'otages classiques ; le 11 septembre 2001 a montré la possibilité d'attaques suicides. Désormais que les cockpits des avions sont fermés, le risque s'est déplacé dans les aéroports, comme l'a montré l'attentat de Bruxelles. Lorsque la sécurité est insuffisante, nous intervenons dans certains aéroports étrangers en recrutant des agents de sécurité privés pour un contrôle supplémentaire que nous maîtrisons - ce qui est parfois difficile à gérer avec les autorités locales.

Madame Préville, je comprends votre mécontentement et vous présente mes excuses au nom de la compagnie Hop. La compagnie est dans une situation compliquée : de nombreux pilotes sont partis vers Air France, rendant difficile l'organisation du planning. Hop a fusionné trois compagnies disparates avec des flottes d'avions différents : les pilotes ne sont parfois pas certifiés sur tous les avions... Les avions sont généralement positionnés sur les aéroports de province pour effectuer les premiers vols tôt à Paris, mais la maintenance est réalisée à Paris. Il n'y a pas de base de Hop en province. Certains avions fonctionnent très bien, d'autres moins. La direction générale de Hop a mis en place un plan industriel pour un meilleur suivi opérationnel des avions et forcer le constructeur à mettre davantage de moyens. Nous avons mis en place davantage d'équipes volantes pour résoudre les difficultés. Je vous le concède, cette situation est anormale. Sachez que les règles européennes imposent une compensation sur le prix du billet en cas de retard ou d'annulation qui n'est pas due à un phénomène climatique ; je regrette qu'on ne vous l'ait pas dit plus clairement...

Nous avons créé Joon pour des raisons économiques, afin d'avoir une meilleure structure de coûts et lutter plus efficacement contre nos concurrents. Nous aurions pu créer un Air France bleu, blanc ou rouge ou un Air France bis, mais avons procédé différemment pour des raisons sociales et après une enquête auprès de nos clients. L'image d'Air France n'est pas assez positive chez les jeunes adultes par rapport au reste de la population ; nous souhaitions modifier cette image. Le coût de cette compagnie est inférieur, l'image correspond davantage à la façon de vivre de la jeune génération. Nous y testons aussi de nouvelles idées de services, de prix, de marketing, comme l'application de téléchargement de films et séries que je vous citais, qui est très appréciée. Il n'y a désormais plus de repas gratuits sur les liaisons européennes. Nous innovons également en proposant des tarifs aller simple et non seulement aller-retour. Monsieur le président, rassurez-vous, il n'est pas interdit aux plus de 35 ans de voler avec Joon ; vous bénéficierez de leur accueil serviable et efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Merci de vos réponses précises et complètes.

La réunion est close à 12 h 45.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.