Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 décembre 2017 à 15h05
Situation de jérusalem et processus de paix au proche-orient — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, président :

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition sur un sujet majeur : la situation de Jérusalem et le processus de paix au Proche-Orient.

Ce sujet s'est trouvé, pour un moment, relégué à l'arrière-plan des nombreuses crises du Proche-Orient, même si la France, en janvier 2017, a pris l'initiative d'une importante conférence, à Paris, visant à « réanimer » le processus de paix israélo-palestinien alors au point mort, en créant un consensus international. Nous nous interrogeons sur le succès de cette démarche.

Les initiatives du président Trump viennent de replacer le dossier, assez brusquement, au tout premier plan des préoccupations.

Je rappelle que, de façon unilatérale, les États-Unis, le 6 décembre dernier, ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël. Le président Trump, en conséquence, a donné l'instruction de déplacer à Jérusalem l'ambassade américaine, située actuellement à Tel-Aviv. Cette relocalisation à Jérusalem, promis par les présidents américains successifs, était un engagement de campagne. Toutefois, la relative brusquerie de sa mise en oeuvre a surpris. Alors que le vice-président américain a annulé sa tournée dans la région, un plan américain pour la paix israélo-palestinienne serait préparé pour les prochains mois.

Monsieur le ministre, vous rentrez de Washington : quels ont été les ressorts des décisions de M. Trump ? Que peut-on à présent attendre des États-Unis quant à un plan de paix ? Quelles concessions M. Netanyahou, en visite à Paris le 10 décembre dernier, serait-il prêt à faire pour faire avancer la paix ?

M. Trump a-t-il surtout voulu satisfaire un électorat, ou encore créer un « électrochoc », prétendument pour relancer le processus de paix, en s'attaquant d'emblée, avec Jérusalem, au point le plus épineux du problème ? Ou bien, au contraire, a-t-il compris que le vrai problème pour ses alliés régionaux était l'Iran et les milices chiites ? Une alliance objective semble exister entre l'Égypte, l'Arabie saoudite et Israël sur ce dossier.

Les réactions ont bien sûr été nombreuses. Israël s'est naturellement réjoui des décisions américaines, tandis que l'Autorité palestinienne les condamnait. Le Hamas a quant à lui appelé à une nouvelle Intifada. Le président turc, M. Erdogan, a appelé à reconnaître Jérusalem-Est comme « capitale de la Palestine » et l'Organisation de la coopération islamique, réunie à Istanbul la semaine dernière, a condamné les décisions américaines, de même que l'Égypte, l'Arabie saoudite, l'Iran et la Jordanie.

Les décisions de M. Trump ne vont-elles pas, paradoxalement, renforcer l'influence régionale de l'Iran, en restaurant son aura de champion de la cause palestinienne ?

On notera que le roi Salmane d'Arabie saoudite a déclaré que les Palestiniens avaient « le droit de faire de Jérusalem-Est la capitale de l'État auquel ils aspirent », alors même que le prince héritier, Mohammed ben Salmane, aurait récemment proposé au président Abbas d'y renoncer. La Russie et la Chine ont exprimé leurs inquiétudes. L'Union européenne a pour sa part réitéré son soutien à la solution des « deux États », et la plupart de ses États membres ont à tout le moins regretté les décisions américaines. Les 14 membres du Conseil de sécurité ont d'ailleurs soutenu la résolution égyptienne rejetée, avant-hier, du fait du veto américain.

Quels sont, monsieur le ministre, les développements possibles, à court terme, de cette crise, évidemment des plus dangereuses, au Proche-Orient et au-delà ?

La France, pour sa part, a exprimé son regret, à juste titre. Les décisions prises par le président américain apparaissent en effet contraires aux précédentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et au consensus international sur Jérusalem. Ces décisions se heurtent à la ligne diplomatique traditionnelle de la France, qui prône la solution des « deux États », Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières reconnues et sûres, avec Jérusalem comme capitale de chacun des deux États.

En outre, les initiatives de M. Trump ne servent pas la cause de la paix et de la stabilité régionales. En particulier, comme l'a signalé le Premier ministre Édouard Philippe devant l'Assemblée nationale, « il est fort probable qu'elles n'améliorent pas la sécurité d'Israël ».

Monsieur le ministre, que peut désormais faire, très concrètement, notre diplomatie face à cette situation ? Certes, le Président de la République a appelé le Premier ministre Netanyahu, qu'il rencontrait à Paris le 10 décembre, à « des gestes courageux envers les Palestiniens », en citant par exemple le gel de la colonisation dans les territoires palestiniens occupés, et ce tout en condamnant « toutes les formes d'attaques » contre Israël. La France se dit prête, évidemment, à accompagner « toutes les initiatives constructives ».

Quelles seraient les chances de succès, dans le nouveau contexte créé par M. Trump, d'une initiative américaine qui, dans les prochains mois, demanderait des concessions à chacune des parties ?

Israël serait prêt à des concessions, mais sous réserve, notamment, d'être reconnu comme État juif par les Palestiniens, sans retour des réfugiés. De son côté, le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a estimé que les États-Unis n'avaient plus de rôle à jouer dans le processus de paix. Un déblocage est-il désormais possible ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion