Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 20 décembre 2017 à 15h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • américaine
  • israël
  • jérusalem
  • paix
  • trump
  • États-unis

La réunion

Source

Photo de Pascal Allizard

Je vous remercie.

La réunion est close à 11 h 20.

- Présidence de M. Pascal Allizard, vice-président -

La réunion est ouverte à 15 h 05

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition sur un sujet majeur : la situation de Jérusalem et le processus de paix au Proche-Orient.

Ce sujet s'est trouvé, pour un moment, relégué à l'arrière-plan des nombreuses crises du Proche-Orient, même si la France, en janvier 2017, a pris l'initiative d'une importante conférence, à Paris, visant à « réanimer » le processus de paix israélo-palestinien alors au point mort, en créant un consensus international. Nous nous interrogeons sur le succès de cette démarche.

Les initiatives du président Trump viennent de replacer le dossier, assez brusquement, au tout premier plan des préoccupations.

Je rappelle que, de façon unilatérale, les États-Unis, le 6 décembre dernier, ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël. Le président Trump, en conséquence, a donné l'instruction de déplacer à Jérusalem l'ambassade américaine, située actuellement à Tel-Aviv. Cette relocalisation à Jérusalem, promis par les présidents américains successifs, était un engagement de campagne. Toutefois, la relative brusquerie de sa mise en oeuvre a surpris. Alors que le vice-président américain a annulé sa tournée dans la région, un plan américain pour la paix israélo-palestinienne serait préparé pour les prochains mois.

Monsieur le ministre, vous rentrez de Washington : quels ont été les ressorts des décisions de M. Trump ? Que peut-on à présent attendre des États-Unis quant à un plan de paix ? Quelles concessions M. Netanyahou, en visite à Paris le 10 décembre dernier, serait-il prêt à faire pour faire avancer la paix ?

M. Trump a-t-il surtout voulu satisfaire un électorat, ou encore créer un « électrochoc », prétendument pour relancer le processus de paix, en s'attaquant d'emblée, avec Jérusalem, au point le plus épineux du problème ? Ou bien, au contraire, a-t-il compris que le vrai problème pour ses alliés régionaux était l'Iran et les milices chiites ? Une alliance objective semble exister entre l'Égypte, l'Arabie saoudite et Israël sur ce dossier.

Les réactions ont bien sûr été nombreuses. Israël s'est naturellement réjoui des décisions américaines, tandis que l'Autorité palestinienne les condamnait. Le Hamas a quant à lui appelé à une nouvelle Intifada. Le président turc, M. Erdogan, a appelé à reconnaître Jérusalem-Est comme « capitale de la Palestine » et l'Organisation de la coopération islamique, réunie à Istanbul la semaine dernière, a condamné les décisions américaines, de même que l'Égypte, l'Arabie saoudite, l'Iran et la Jordanie.

Les décisions de M. Trump ne vont-elles pas, paradoxalement, renforcer l'influence régionale de l'Iran, en restaurant son aura de champion de la cause palestinienne ?

On notera que le roi Salmane d'Arabie saoudite a déclaré que les Palestiniens avaient « le droit de faire de Jérusalem-Est la capitale de l'État auquel ils aspirent », alors même que le prince héritier, Mohammed ben Salmane, aurait récemment proposé au président Abbas d'y renoncer. La Russie et la Chine ont exprimé leurs inquiétudes. L'Union européenne a pour sa part réitéré son soutien à la solution des « deux États », et la plupart de ses États membres ont à tout le moins regretté les décisions américaines. Les 14 membres du Conseil de sécurité ont d'ailleurs soutenu la résolution égyptienne rejetée, avant-hier, du fait du veto américain.

Quels sont, monsieur le ministre, les développements possibles, à court terme, de cette crise, évidemment des plus dangereuses, au Proche-Orient et au-delà ?

La France, pour sa part, a exprimé son regret, à juste titre. Les décisions prises par le président américain apparaissent en effet contraires aux précédentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et au consensus international sur Jérusalem. Ces décisions se heurtent à la ligne diplomatique traditionnelle de la France, qui prône la solution des « deux États », Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières reconnues et sûres, avec Jérusalem comme capitale de chacun des deux États.

En outre, les initiatives de M. Trump ne servent pas la cause de la paix et de la stabilité régionales. En particulier, comme l'a signalé le Premier ministre Édouard Philippe devant l'Assemblée nationale, « il est fort probable qu'elles n'améliorent pas la sécurité d'Israël ».

Monsieur le ministre, que peut désormais faire, très concrètement, notre diplomatie face à cette situation ? Certes, le Président de la République a appelé le Premier ministre Netanyahu, qu'il rencontrait à Paris le 10 décembre, à « des gestes courageux envers les Palestiniens », en citant par exemple le gel de la colonisation dans les territoires palestiniens occupés, et ce tout en condamnant « toutes les formes d'attaques » contre Israël. La France se dit prête, évidemment, à accompagner « toutes les initiatives constructives ».

Quelles seraient les chances de succès, dans le nouveau contexte créé par M. Trump, d'une initiative américaine qui, dans les prochains mois, demanderait des concessions à chacune des parties ?

Israël serait prêt à des concessions, mais sous réserve, notamment, d'être reconnu comme État juif par les Palestiniens, sans retour des réfugiés. De son côté, le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a estimé que les États-Unis n'avaient plus de rôle à jouer dans le processus de paix. Un déblocage est-il désormais possible ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Vous m'avez demandé, voilà quelques jours, de réagir aux décisions du président Trump. Du fait de mon emploi du temps très contraint, j'irai à l'essentiel. Vous m'y aidez, monsieur le président, car vous avez quasiment tout dit !

La question de Jérusalem est un problème diplomatique ancien, complexe et épineux. Les récentes décisions du président Trump en ont rappelé l'importance et l'actualité. Il y a un siècle, le 9 décembre 1917, le général Allenby entrait dans Jérusalem, par la porte de Jaffa, après en avoir chassé les Ottomans. Par respect pour cette ville sainte, le commandant des forces britanniques au Levant avait rompu avec les traditions militaires pour y entrer à pied, comme un pèlerin, plutôt qu'à cheval, comme un conquérant. Cela est symbolique de l'importance de la question de Jérusalem.

Le président Trump s'en est saisi de manière fracassante. Sa décision a suscité une condamnation quasi unanime de la communauté internationale et des manifestations de protestation au-delà même du monde arabe ou du monde musulman. Les violences sont certes restées circonscrites, mais elles ont déjà causé des morts, notamment dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas.

La décision de M. Trump est double : il s'agit, d'abord, de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël et, conséquence logique à ses yeux, d'y transférer l'ambassade américaine.

Ces annonces rompent avec la pratique constante des États-Unis depuis 1947. Elles contredisent le droit international, tel qu'il résulte des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et prennent le contre-pied d'un consensus international bien établi, dans lequel s'inscrit d'ailleurs la position de notre pays. Ces annonces peuvent contribuer à attiser l'instabilité dans cette région qui, honnêtement, n'avait pas besoin de cela.

La France a regretté cette décision et a fait part aux États-Unis de sa réprobation. Quelques jours auparavant, au cours d'un entretien avec M. Trump, le Président de la République avait fait valoir les inconvénients et les risques d'une telle démarche. Nous avons été consultés, mais pas entendus. La position de la France est claire et constante : il ne peut y avoir d'issue au conflit israélo-palestinien que par une solution « à deux États », Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières reconnues et sûres, avec Jérusalem comme capitale des deux États. C'est ce que dit le droit, et c'est la seule issue réaliste et équitable à ce conflit. Vous avez rappelé que j'étais à Washington avant-hier. J'ai eu l'occasion d'y faire connaître cette position à mes interlocuteurs.

Pourquoi cette décision, pourquoi une telle rupture de la part des États-Unis ? Pour le comprendre, il faut revenir à la campagne électorale de M. Trump, à sa pratique de la diplomatie depuis son accession à la présidence et à l'évolution des débats de politique étrangère américains sur Jérusalem et, plus généralement, le processus de paix.

Cette décision obéit avant tout, selon moi, à des considérations de politique intérieure. Elle se veut la réalisation d'une promesse de campagne, que M. Trump n'est pas le premier à avoir formulé, mais qu'il est le premier à effectivement mettre en oeuvre. Les lignes bougent, aux États-Unis : la solution « à deux États », naguère consensuelle, a été retirée de la plateforme électorale du parti républicain en 2016.

À l'origine de cette affaire, on trouve la loi, adoptée par le Congrès américain à une large majorité en 1995, qui prévoit le transfert à Jérusalem de l'ambassade des États-Unis auprès de l'État d'Israël. Au regard des rapports de force actuels au sein du Congrès, ce texte recueillerait sans doute aujourd'hui une majorité encore plus large. Cette loi comporte un dispositif, caractéristique du droit américain, qui permet au pouvoir exécutif de surseoir au transfert de l'ambassade pour des raisons relevant de l'intérêt supérieur des États-Unis. La notification de ce sursis doit être donnée au Congrès tous les six mois. Depuis 1995, l'ensemble des présidents y ont eu recours, y compris ceux qui, comme Bill Clinton ou George W Bush, avaient inscrit ce transfert dans leur programme : ils ont en effet toujours pris en considération les réactions qu'une telle décision n'aurait pas manqué de susciter au Proche-Orient.

M. Trump, lui, saute le pas, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, ce n'est pas la première fois que le président américain rompt avec le consensus international sur une question diplomatique majeure. En témoignent le retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, ou encore la fin de la certification de l'accord sur le programme nucléaire iranien. Ces décisions ont un dénominateur commun : à chaque fois, il s'agissait de promesses de campagne. Leurs conséquences négatives, pourtant réelles, n'affectent pas immédiatement les États-Unis. Le président Trump les met en oeuvre suivant un calendrier qui se veut indifférent aux contraintes de l'agenda international.

Ces décisions traduisent aussi une défiance envers le multilatéralisme, ses principes et ses institutions. C'est l'une des marques de fabrique de la présidence Trump. Cette orientation a un caractère irréaliste, voire dangereux : le Président de la République l'a souligné lors de son discours devant l'Assemblée générale des Nations Unies, en septembre dernier, et j'ai eu l'occasion de le faire lorsque j'ai présidé le Conseil de sécurité en octobre.

La question israélo-palestinienne est au coeur de cette prise de distance vis-à-vis de la diplomatie multilatérale. C'est ainsi qu'ont été, en grande partie, justifiés le retrait américain de l'Unesco et les coupes budgétaires demandées à l'ONU : selon l'administration Trump, ces institutions sont en effet animées d'un biais anti-israélien.

Le président Trump fait montre d'un intérêt tout particulier pour ce conflit, dont il s'est saisi dès le début de sa campagne électorale. Cet intérêt ne s'est pas démenti depuis son élection. Donald Trump se voit d'abord comme un négociateur et un businessman. Il ne cache pas son ambition de conclure le « deal des deals », pour reprendre son expression, c'est-à-dire un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. C'est pourquoi il a confié le dossier à des personnalités de confiance, au premier rang desquels son gendre, M. Jared Kushner, son collaborateur de vingt ans, M. Jason Greenblatt, qui a multiplié les navettes dans la région ces derniers temps, et son avocat, M. David Friedman, qu'il a nommé ambassadeur en Israël. Ces trois personnalités jouissent d'un accès direct au président américain, en dehors des circuits habituels du Département d'État, du Pentagone ou du Conseil national de sécurité.

Ces trois émissaires travaillent, dans la plus grande discrétion, à une initiative de paix qui pourrait être présentée dans les prochaines semaines. Je me suis entretenu avec M. Kushner avant-hier à ce sujet. Personne ne sait grand-chose de cette initiative. Elle est en préparation ; il faudra donc la juger sur pièces, une fois qu'elle aura été exposée clairement, et ce dans un esprit lucide, critique, mais constructif. Toute initiative de paix, à nos yeux, mérite d'être considérée ; encore faut-il qu'elle soit sur la table ! Je ne souhaite pas sur un tel sujet apprécier avant de connaître avec précision. .

Toujours est-il que, en abattant d'emblée ses cartes sur Jérusalem, le président Trump pourrait avoir, dès à présent, quelque peu affaibli ce projet. Autant il faut saluer le principe de sa mobilisation sur le dossier israélo-palestinien et sa volonté d'agir, autant sa propension à s'affranchir de l'acquis du processus de paix peut en compliquer la résolution et amoindrir sa capacité à construire une voie de sortie acceptable par tous.

Quelles sont les conséquences de la décision du président Trump ? Il s'agit d'une décision unilatérale, qui n'engage que l'administration américaine et ne modifie ni les paramètres d'un règlement de paix ni la méthode nécessaire pour y parvenir. Elle ne s'impose pas aux autres États, qui, dans leur très grande majorité, l'ont condamnée ou s'en sont distanciés, même si certains - pour l'instant, je n'en connais que deux, le Guatemala et les Philippines - ont évoqué à leur tour la possibilité de déplacer leur ambassade à Jérusalem.

L'administration américaine, en l'occurrence M. Tillerson, qui était à Paris la semaine dernière, a pris soin de préciser que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël ne préjugeait pas des limites de la ville, qui doivent être agréées par la négociation entre les parties. Elle a par ailleurs fait savoir que le transfert de l'ambassade serait un processus long et complexe : aucun site n'a même été identifié, à ce stade, pour l'accueillir. En fonction de la localisation de la future ambassade - à l'ouest, à l'est ou dans le no man's land -, la signification politique de ce transfert ne sera pas la même.

Cela étant, en dépit de ces précautions, la réprobation internationale a été quasi unanime. La Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique, mais aussi la plupart des États européens, ont pris leurs distances. Dans ces conclusions du 15 décembre, le Conseil européen a rappelé, dans des termes très clairs, son attachement à la solution des « deux États ». Le Conseil de sécurité des Nations unies a été saisi, à la demande de plusieurs de ses membres, dont la France. Il s'est réuni hier et ses travaux ont abouti au vote que vous connaissez : une résolution condamnant unanimement la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël a reçu 14 voix sur 15, mais les États-Unis y ont mis leur veto.

Ces réactions tiennent à la singularité de Jérusalem, ville sainte pour les trois grands monothéismes. Les lieux saints - mur des Lamentations, esplanade des mosquées et Saint-Sépulcre - sont concentrés dans la vieille ville ou à proximité ; je pense là au tombeau du roi David, au Cénacle, à l'église de Gethsémani ou au mont des Oliviers.

C'est pourquoi Jérusalem fait l'objet d'un traitement diplomatique particulier. La résolution 181 de novembre 1947 prévoyait d'en faire un corpus separatum, c'est-à-dire une entité distincte et démilitarisée, placée sous la tutelle des Nations unies. Ce projet n'a jamais abouti en raison des conflits successifs qui ont eu Jérusalem pour enjeu. En 1948, les Israéliens se sont emparés de la partie ouest de la ville ; les Jordaniens, de la partie est, y compris la vieille ville et la plupart des lieux saints, d'où le fait que le roi Abdallah soit aujourd'hui leur garant. En 1967, à l'issue de la guerre des Six Jours, Israël a occupé Jérusalem-Est, annexé dès le 27 juin 1967 et rattaché à la municipalité israélienne. La loi de Jérusalem, adoptée par la Knesset le 30 juillet 1980, proclame la ville « capitale éternelle et indivisible de l'État d'Israël ». La plupart des institutions israéliennes, que ce soit la Knesset, la présidence, la primature et les ministères, à l'exception de celui de la défense, y ont été transférés. Cette annexion a été rejetée par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations unies.

L'approche française, qui est partagée par la majeure partie de la communauté internationale, insiste sur le fait que le statut de Jérusalem ne peut être déterminé que par un accord négocié entre les parties au conflit. En l'absence d'un tel accord, aucune souveraineté ne peut être reconnue sur la ville, et la doctrine du corpus separatum continue de faire référence. C'est pourquoi, jusqu'à présent, Jérusalem n'a accueilli aucune ambassade étrangère. Il ne s'agit de nier ni la vocation de Jérusalem à devenir la capitale de l'État d'Israël ni le lien entre la ville et le judaïsme, comme une résolution ambiguë adoptée par l'Unesco pouvait le laisser croire ; le Premier ministre Manuel Valls avait d'ailleurs apporté alors les clarifications nécessaires sur la position française. Il s'agit de définir une méthode pour parvenir à un accord sur le statut de Jérusalem, sur lequel les négociations de paix ont achoppé à plusieurs reprises, en particulier à Camp David en juillet 2000 et, en 2003, dans le cadre de la feuille de route du quartet qui a pour mission de suivre le processus de paix.

Avec 900 000 habitants - 62 % de juifs et 37 % d'Arabes -, dont 200 000 colons israéliens vivant dans la partie orientale de la ville, normalement dévolue à un futur État palestinien, Jérusalem est au quotidien un foyer de tensions. Cela s'est encore vérifié l'été dernier lorsque des incidents ont eu lieu à la suite de l'installation de portiques de sécurité. L'accélération, depuis le début de l'année 2017, des programmes de logement à Jérusalem-Est, annoncée par les autorités israéliennes, n'est pas non plus de nature à susciter l'apaisement.

Dans ces conditions, la décision du président Trump appelle une réponse concertée de notre diplomatie. Il faut réaffirmer les principes, que j'ai rappelés tout à l'heure, dans lesquels devra s'inscrire le statut de Jérusalem. Le Président de la République a réagi en ce sens. Les Européens doivent faire front commun sur ce dossier ; c'est le cas. La position de l'Union européenne est claire, et elle continuera de la défendre sur la scène internationale, tout en apportant une aide considérable pour améliorer la situation humanitaire dans les territoires palestiniens. C'est sur la base de ces paramètres que l'Union européenne et la France examineront les initiatives américaines. Les décisions contestées du président Trump créent un trouble dans la région, mais ne modifient pas le droit existant.

Nous souhaitons également appeler au calme, pour éviter que la violence ne vienne s'ajouter à la confusion. Heureusement, en dépit de violences et, même, de morts à Gaza, jusqu'à ce jour, l'embrasement ou l'intifada évoqués par certains n'ont pas eu lieu.

Nous devons en même temps continuer de travailler avec les pays arabes modérés, les pays donateurs et les bailleurs pour continuer de privilégier les actions concrètes. Nous appuyons les efforts égyptiens pour la réconciliation interpalestinienne, de même que les efforts entrepris par l'Union européenne pour aider les Palestiniens à mettre en oeuvre une administration. Il faudrait aussi qu'Israël fasse les gestes nécessaires pour que la situation soit plus sereine. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité qu'Israël prenne des initiatives : il l'a dit devant le Premier ministre Netanyahou.

Nous estimons nécessaire d'exprimer clairement notre désaccord. Nous jugeons également que l'initiative de paix américaine, si elle arrive, méritera d'être regardée avec la plus grande attention pour essayer de la rendre constructive. Cette initiative n'est toutefois pas encore sur la table des négociations. Le chemin est étroit ; la vigilance doit être permanente pour éviter tout risque d'incident. La France reste active et mobilisée dans cet esprit auprès de ses partenaires. C'est pourquoi le Président de la République a reçu, hier après-midi, le roi de Jordanie et qu'il recevra après-demain M. Mahmoud Abbas, afin d'évoquer avec eux la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Je considère la déclaration de M. Trump comme une provocation. Au forum transatlantique de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, à Washington, où j'étais récemment, tous les représentants des pays européens présents ont exprimé leur préoccupation.

Nous avons noté le poids terrible des évangélistes dans la politique intérieure américaine, notamment chez des parlementaires républicains. Pour eux, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël va de soi, d'abord en raison de la loi de 1995, mais surtout parce que Dieu a dit à Jacob qu'il s'appellerait désormais Israël ; il n'y a pas besoin d'autre justification à leurs yeux !

Depuis François Ier, la France est gardienne des lieux saints de la chrétienté. Les treize autorités religieuses concernées ont fait part de leur très grande inquiétude. Nous devons les rassurer.

Sachant que le président américain a été capable d'appliquer une loi de 1995, qu'est-ce qui empêche le Président de la République de mettre en oeuvre les résolutions adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat tendant à la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la France ? Cela permettrait d'avoir des discussions d'État à État, en non plus d'occupant à occupé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

À part les États-Unis, tout le monde a condamné la déclaration de M. Trump.

Nous sommes très inquiets pour l'avenir de la Palestine ; Israël procède à un morcellement constant via les colonies, ce qui rend plus difficile la solution avec deux États. Comment inciter le gouvernement israélien à demander aux colons de respecter les frontières prévues dans les accords ?

Vous avez raison de prôner une initiative de paix et d'appeler au calme. Mais, malgré mon pacifisme, j'ai de plus en plus de mal à y croire.

La France et l'Union européenne ont des accords d'association avec Israël. Pourquoi ne pas commencer à envisager des sanctions économiques à l'égard de certaines personnalités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Mohammed ben Salmane dit vouloir révolutionner le Royaume d'Arabie saoudite. Il se dit prêt à « détruire » les positions extrémistes, même s'il cherche en même temps à couper les ailes à l'Iran et au chiisme. Pensez-vous qu'il soit aujourd'hui un allié pour la France ? Est-il capable d'engager un certain nombre de changements, qu'il s'agisse de l'islam, du Moyen-Orient ou des positions sur Jérusalem ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

La France a été très claire sur la déclaration de M. Trump. Mais je ne suis pas certain que tous les États membres de l'Union européenne soient tous sur la même position.

Si, lors de sa rencontre avec les Vingt-huit, M. Netanyahou s'est vu signifier par Mme Federica Mogherini qu'il n'était pas question pour l'Union européenne de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, je doute que la Hongrie, la Pologne ou la République tchèque, dont les gouvernements sont très atlantistes, nous soutiendraient si nous étions un jour amenés à prendre une décision.

J'aimerais également savoir si, lors de cette rencontre, les infrastructures - écoles, eau, électricité - que l'Union européenne finance en Cisjordanie et qu'Israël détruit régulièrement ont été évoquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

La décision de M. Trump ne fait-elle pas partie du futur plan américain, que nous ne connaissons pas, mais qui pourrait comporter une contrepartie pour les Palestiniens ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je me pose également cette question.

Lors de la venue de M. Netanyahou à Bruxelles, on pouvait avoir le sentiment qu'il y avait bien la recherche d'une solution à deux États, mais à deux États différents, avec des souverainetés différentes ; bref, le risque d'une sorte de « Canada Dry » de solution à deux États !

Le plan Kushner aura lieu. Je pense qu'il n'est pas encore abouti.. Mais, dès lors qu'un plan est en préparation, il serait malvenu pour la France ou l'Union européenne de décider d'une initiative unilatérale ; respectons la démarche en cours. Cela étant, il faudrait qu'elle aboutisse assez rapidement. Les appels au calme ont été honnêtement relayés par nombre d'acteurs arabes, y compris lors de la discussion du Caire. Nous examinerons l'initiative de paix avec un a priori favorable. Mais il faudra qu'elle ne soit pas une provocation et permette d'engager un processus.

Chacun sait que la a gouvernance américaine est parfois surprenante . Au moment de la déclaration de M. Trump, il semble que ni le Pentagone ni le département d'État n'étaient pleinement informés !

Si Mohammed ben Salmane veut moderniser et ouvrir l'Arabie saoudite, sortir de la rente et rompre de fait l'accord historique entre le wahhabisme et la monarchie, nous ne pouvons que l'encourager et souhaiter son succès. Certes, nous pouvons avoir des questions. Certains détenus ont été libérés contre forte caution, sous les applaudissements de la jeunesse saoudienne sur les réseaux sociaux. Mohammed ben Salmane semble très proche des positions américaines, mais il a eu un vrai dialogue et une bonne relation avec le Président de la République.

Je me rendrai en Israël au premier trimestre de l'année prochaine et j'aborderai la question des infrastructures, qui est effectivement très irritante.

Le Conseil des chefs d'État et de gouvernement européens - gouvernement hongrois compris ! - a adopté vendredi une position, d'ailleurs conforme à la position constante de l'Union européenne. Il peut y avoir des nuances entre les pays, mais, dès lors qu'une position a été adoptée, il n'y a pas à y déroger.

Il ne me paraît pas opportun de prendre une initiative susceptible de rendre la situation encore plus compliquée. Comme je l'ai dit, nous attendons d'abord l'initiative américaine. Au cours des derniers mois, voire des dernières années, la question palestinienne est passée un peu au second plan derrière les crises syrienne, iranienne ou libanaise. Mais elle revient aujourd'hui au premier plan.

À mes yeux, l'inconvénient majeur de l'initiative du M. Trump est de pousser les Palestiniens en attente d'une initiative de paix vers les mouvements les plus extrémistes. C'est d'autant plus difficile à comprendre qu'un rapprochement initié par les Égyptiens et validé par les Israéliens était en cours entre Mahmoud Abbas et le Hamas. Il faut éviter que ce mouvement pour la paix ne soit remis en cause par la décision du M. Trump.

Parmi les Palestiniens, le plus gêné est évidemment Mahmoud Abbas, qui sera d'ailleurs reçu par le Président de la République vendredi matin. Le risque est que sa marge de manoeuvre actuelle ne se limite à une intervention aux Nations unies, ce qui ne serait pas l'idéal en ce moment...

Le chemin est étroit. La France maintient sa position. Comme cela a été rappelé, notre pays a une responsabilité sur les lieux saints depuis 1536, responsabilité assurée aujourd'hui par des congrégations catholiques, en particulier les franciscains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Au nom des membres de notre commission, je vous remercie de la qualité de ces échanges et de la franchise de vos propos.

Nous étions récemment en Chine et au Pakistan : nos interlocuteurs ministériels, parlementaires ou issus de la société civile ont salué de manière très positive la position de la France sur la question de Jérusalem.

La commission nomme rapporteur M. René Danési sur le projet de loi n° 62 (2017-2018) autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord du 9 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières concernant l'emploi transfrontalier d'aéronefs.

La commission désigne comme candidats proposés à la nomination du Sénat :

Bruno Sido pour siéger en tant que membre titulaire au sein de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;

Richard Yung pour siéger en tant que membre titulaire au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ;

Gilbert Bouchet pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD) ;

Jean-Marie Bockel pour siéger en tant que membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD), en remplacement de Mme Sylvie Goy-Chavent, démissionnaire.

La commission désigne comme candidats :

Ronan Le Gleut pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de Campus France ;

Isabelle Raimond-Pavero pour siéger en tant que membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence française d'expertise technique internationale ;

Raymond Vall pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de l'Institut français.

La commission désigne rapporteurs dans les missions suivantes :

Dispositif Barkhane au Sahel : MM. Christian Cambon, Ladislas Poniatowski, Rachid Temal et Oliver Cigolotti ;

Pré-positionnements français à Djibouti : MM. Philippe Paul, Hugues Saury, Gilbert-Luc Devinaz et Bernard Cazeau ;

Évolution de la situation en Libye : MM. Cédric Perrin et Rachel Mazuir comme co-rapporteurs, ainsi que M. Jean-Pierre Vial et Mme Christine Prunaud comme missionnaires ;

Mission ONU (New York) : Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Noël Guérini et Mme Gisèle Jourda.

En outre, M Joël Guerriau sera chargé du suivi des réunions PESD-PSDC réunissant les parlements de l'Union Européenne ; un sénateur Les Républicains et un sénateur socialiste se joindront à lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Mes chers collègues, la gendarmerie nationale propose aux sénateurs de la commission des visites ou stages de 1 à 3 jours ; vous allez recevoir dans les jours qui viennent un courrier en ce sens : il faudra s'inscrire directement auprès de la gendarmerie nationale.

La réunion est close à 16 h 05.