Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’une des toutes premières actions du gouvernement d’Édouard Philippe fut de publier, au début de l’été 2017, une feuille de route pour rénover notre modèle social.
Marquer une telle ambition dès les premiers jours du quinquennat a immédiatement fait réagir, suscitant à la fois craintes et espoir.
L’épisode malheureux de la loi El Khomri était naturellement dans tous les esprits, qu’il s’agisse du manque de préparation du texte, de l’absence de concertation avec les partenaires sociaux, du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ou encore des très importantes manifestations et autres blocages. Les premières annonces du Gouvernement au sujet de sa réforme du droit du travail ont ravivé ces souvenirs et fait craindre de revivre des semaines de graves perturbations.
Le Gouvernement l’a compris, vous l’avez compris, madame la ministre, et vous vous êtes organisée en conséquence.
Vous avez d’abord été très claire quant aux ambitions de votre première réforme et sur le fait qu’elle s’intégrait dans un projet cohérent que vous résumiez ainsi : libérer l’énergie des entreprises et des actifs, tout en donnant de nouveaux moyens concrets à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de construire son parcours professionnel.
Les ordonnances pour le renforcement du dialogue social sont la première étape de la mise en œuvre d’un plan qui se poursuivra, au printemps prochain, par la réforme de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Le droit du travail est donc assoupli, simplifié, sa définition ramenée au sein des entreprises, échelon le plus pertinent. En parallèle, la protection des salariés est renforcée afin qu’eux aussi puissent s’adapter aux transitions professionnelles liées à une économie en constante mutation. Ce sera l’objectif suivant, qui sera atteint grâce à la modernisation de l’offre de formation professionnelle et de l’apprentissage, mais également par le biais de la réforme de l’assurance chômage.
Vous avez ensuite mis en œuvre une méthode : celle du dialogue et de la concertation. En réunissant les partenaires sociaux tout au long de l’été 2017, vous avez cherché des points d’accord et œuvré à réduire les désaccords. Forte de ce travail et malgré ces désaccords persistants, vous avez présenté au Parlement, en juillet dernier, un projet de loi d’habilitation.
Le recours aux ordonnances n’est pas du goût des parlementaires que nous sommes, vous l’avez bien compris, mais vous avez fait le choix de la réactivité pour relancer notre économie ; nous respectons ce choix. Nous avions passé des semaines à discuter de la loi El Khomri, et nous avons validé les contours des ordonnances que vous nous demandez maintenant de ratifier.
Vous vous êtes saisie d’un outil que vos principaux détracteurs n’ont jamais hésité à utiliser, et vous avez envoyé rapidement un premier signal fort. Vos prochaines réformes suivront la procédure classique, et nous aurons de très nombreuses heures de séance publique pour nous exprimer et exercer pleinement notre droit d’amendement.
J’en viens plus précisément au projet de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui.
Parmi les principales mesures que je tiens à mettre en exergue figure la réorganisation de l’architecture conventionnelle au profit des accords d’entreprise. Vous permettez enfin aux entreprises d’adapter les règles à leur activité. Les branches ne sont pas pour autant oubliées, bien au contraire, puisque leur rôle est clarifié et conforté. Elles pourront prendre en compte les besoins spécifiques des petites et moyennes entreprises. Cela est primordial : rappelons que les artisans constituent le premier employeur de France.
La loi, quant à elle, continuera de définir l’ordre public qui s’impose à l’ensemble des règles conventionnelles, sécurisant ainsi les relations de travail. L’ensemble est rendu moins rigide, pas moins protecteur.
La définition des règles à l’échelon de l’entreprise se fera dans le cadre d’un dialogue social rénové, donnant plus de place à la consultation des salariés. Les possibilités sont nombreuses, en fonction de la taille de l’entreprise et de la présence ou non de représentants élus du personnel ou de délégués syndicaux. L’objectif est clair : encourager le dialogue et la définition concertée des règles de travail.
Je salue également la création du comité social et économique, issu de la fusion des délégués du personnel, du CHSCT et du comité d’entreprise. Les prérogatives de chacune de ces institutions ne seront pas réduites ; il s’agit au contraire de les renforcer grâce à une plus forte visibilité. Les entreprises n’auront plus la crainte de franchir le seuil fatidique des 50 salariés.
L’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations du travail comporte sans doute les mesures les plus controversées de cette réforme : le plafonnement des indemnités prud’homales et la rupture conventionnelle collective.
Le plafonnement des indemnités prud’homales avait cristallisé les oppositions à la loi El Khomri, conduisant le gouvernement d’alors à renoncer et à ne proposer qu’un barème indicatif. Votre réforme, madame la ministre, va jusqu’au bout de la logique, tout en prévoyant les verrous nécessaires. Elle offrira à la fois de la visibilité pour les employeurs et la garantie d’une justice protectrice pour les salariés.
La rupture conventionnelle collective, particulièrement médiatisée et caricaturée ces derniers temps, offre également de la souplesse aux entreprises dans la gestion de leur masse salariale et évitera les licenciements massifs issus d’un défaut d’anticipation.
J’aurai l’occasion, lors de la discussion des articles, de revenir sur d’autres dispositions.
Il me faut toutefois exprimer un regret. À l’heure où nous parlons de prévention et de protection des salariés contre les maladies professionnelles, la question de la médecine du travail, qui en est le bras armé, est toujours abordée de manière parcellaire, sans vision d’ensemble.
Non seulement cette filière subit une importante perte d’attractivité, mais son intérêt n’est pas non plus compris, voire admis, par les entreprises, qui, rappelons-le, la financent. La médecine du travail doit pourtant être vue non plus comme une contrainte pour les entreprises, mais bien comme une alliée de la productivité de leurs salariés. En outre, elle s’intègre parfaitement dans la responsabilité sociale des entreprises.
Madame la ministre, le groupe Union Centriste soutient ce qui n’est qu’une première étape de votre réforme de notre modèle social. Nous demeurerons néanmoins attentifs et surtout particulièrement exigeants quant à la mise en œuvre des mesures de protection et d’accompagnement des salariés.