Intervention de Roger Madec

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité, amendement 148

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Cet argument-là ne marche pas avec moi ! S'il se passait n'importe quoi dans cette maison auparavant, c'est votre problème et non le mien ! Je représente les Français au même titre que vous !

J'en reviens à l'amendement n° 148. Le CPE, tel qu'il est conçu, présente au moins deux grands défauts.

Il cible les jeunes de manière spécifique, alors que ce niveau de généralité peut et doit être discuté.

Il existe certes une spécificité du chômage des jeunes. Hormis ceux qui sont en milieu scolaire, les jeunes connaissent en effet un taux de chômage presque deux fois supérieur à celui du reste de la population. Il faut cependant aller plus loin, car l'évolution du chômage des jeunes répond en réalité à un double facteur.

D'abord, le chômage des jeunes surréagit à la conjoncture. Lorsque l'on ne crée pas d'emploi et que le chômage s'aggrave, les jeunes en sont les premières victimes, car, souvent embauchés sur des contrats précaires, ils sont licenciés. À l'inverse, lorsque la conjoncture reprend, que le chômage baisse et que l'emploi devient positif, les jeunes sont les premiers à en profiter, car ils sont les premiers et les plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.

La première réponse à apporter réside donc dans le soutien à la croissance et à la création d'emplois. C'est ainsi que l'on pourra trouver une solution au chômage des jeunes.

Ensuite, le second facteur du chômage des jeunes est l'évolution à long terme du marché du travail. On peut penser que les formes d'emploi des jeunes sont une anticipation des pratiques d'embauche des entreprises. Les jeunes sont aujourd'hui les plus nombreux à avoir des contrats précaires. Depuis vingt ans, les entreprises ont en effet eu de plus en plus recours à de tels contrats pour procéder à une première embauche. Les jeunes se présentant pour une première embauche ont ainsi été, si j'ose dire, les premiers à en bénéficier.

Cela montre la limite de votre CPE. Celui-ci n'aura pas pour effet de limiter la précarité, qui est déjà la réalité chez les jeunes. Il ne fera que l'accompagner et il n'apportera aucune solution concrète.

On est en droit de se demander si les jeunes sont concernés par un problème qui leur serait totalement spécifique ou s'ils ne sont pas au contraire les premières victimes des pratiques d'embauche précaire. Dans cette hypothèse, cela signifierait que la seconde action à engager devrait porter non seulement sur la croissance, mais également sur le comportement de recrutement des entreprises. Il faudrait notamment combattre le recours au contrat précaire, grâce par exemple à la modulation des cotisations sociales en fonction des comportements d'embauche des entreprises. Nous proposons un tel dispositif.

Par ailleurs, outre que votre mesure est trop ciblée et qu'elle ne prend pas en compte la réalité du marché du travail, elle repose sur erreur d'appréciation : elle tend à globaliser la jeunesse en recherche d'emploi et à lui appliquer une mesure générale, alors que les situations sont bien différentes, en particulier selon le niveau de qualification.

Faut-il rappeler à cet égard que 660 000 jeunes quittent chaque année l'école avec au mieux un brevet et que 90 000 en sortent sans aucun diplôme ?

Le CPE s'appliquera à l'ensemble des jeunes, les surdiplômés comme les sous-diplômés. Son unique conséquence sera d'étendre la précarité. L'effet de substitution et l'effet d'aubaine joueront à plein. À partir du moment où vous prévoyez une exonération des charges sociales pour un jeune au chômage depuis six mois, les entreprises seront nécessairement tentées de reporter le recrutement du jeune à l'issue de cette période plutôt que de l'embaucher directement à son entrée sur le marché du travail. Vous aggraverez ainsi la précarité.

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