Il est indéniable que vous cherchez à imposer une mesure générale en invoquant divers prétextes et en ignorant les situations particulières.
Les données fournies par vos propres services, le CEREQ, la DARES et l'INSEE, reconnaissent que la situation de précarité est extrêmement grave pour une partie de la jeunesse. Si la situation est grave pour beaucoup de jeunes, elle n'est pas aussi noire pour nombre d'autres jeunes. Il faut d'ailleurs s'en féliciter, car, sans cela, ces jeunes et, d'une manière générale, tous les salariés auraient réagi d'une tout autre manière.
Dans son étude sur la « Génération 2001 », le CEREQ a suivi l'évolution des jeunes pendant trois ans. Ainsi, 270 000 d'entre eux bénéficient d'un CDI dès leur premier emploi, ce qui signifie que la majorité n'en a pas. Avec le CPE, ces 270 000 jeunes qui entraient jusqu'à présent dans l'emploi avec un CDI y entreront désormais avec un CPE. Autrement dit, au lieu de bénéficier des garanties qu'offre le CDI, ils subiront la précarité inhérente au CPE. Est-ce ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ? En quoi cela aura-t-il fait évoluer la situation des 160 000 jeunes les plus en difficulté qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification ?
Vos services nous permettent de travailler sur de bonnes bases : l'INSEE vient en effet de publier son rapport de janvier 2006 sur la situation des jeunes : en 2003, 58 % des jeunes actifs ont bénéficié d'un CDI quatre trimestres d'affilée, soit beaucoup moins que la moyenne des salariés. Ces 58 % de jeunes seront demain condamnés au CPE. Quant aux 42 % restant, ils ne bénéficieront pas d'une insertion professionnelle, le CPE n'étant pas en mesure de faciliter celle-ci.
Vous voulez nous faire croire que ces jeunes, qui ne maîtrisent parfois même pas les connaissances fondamentales, pourront entrer directement dans l'entreprise par le biais du CPE. Vous avez déjà tenu ce raisonnement s'agissant du contrat jeunes. Celui-ci n'ayant pas fonctionné, vous avez été contraint de le modifier à deux reprises. En 2002, vous avez instauré un contrat réservé aux jeunes de moins de vingt-deux ans de niveau 5 bis et 6, soit aux moins qualifiés d'entre eux. Vous avez dû ensuite porter cette limite d'âge à vingt-cinq ans. Vous avez reconnu que les emplois étaient plutôt occupés par des jeunes qualifiés, ceux-là mêmes à qui vous destinez le CPE. Aucune solution n'est en revanche apportée à ceux qui ne sont pas qualifiés.
Dans le meilleur des cas, vous commettez une erreur de diagnostic, laquelle vous conduit à déroger au droit du travail et à commettre une faute vis-à-vis des jeunes.
Avec le CPE, vous allez précariser tous ceux qui ne le sont pas ? vous noircissez le tableau à dessein ?, sans offrir de solution à ceux qui connaissent le plus de difficultés et pour qui des dispositifs spécifiques, associant une protection, une rémunération, un accompagnement et une formation, seraient nécessaires.