Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Au mois d'août dernier, le Premier ministre avait justifié la création du CNE en le limitant aux entreprises de moins de vingt salariés. Aujourd'hui, le CPE prévoit également une période d'essai de deux ans pour les jeunes de moins de vingt-six ans.

Force est de reconnaître que votre démarche est transparente ! Vous attaquez le CDI de tous les côtés, prétextant un jour les difficultés des petites entreprises, le jour suivant les difficultés d'emploi de la jeunesse.

Cet amendement vise donc à réserver le CPE aux petites entreprises - telle est d'ailleurs la logique du Gouvernement s'agissant du CNE -, les grandes entreprises en ayant encore moins besoin que les petites.

Cet amendement charitable vise à donner au moins un semblant de cohérence à la politique du Gouvernement. S'il n'y a pas de créations d'emplois, ce serait, selon vous, parce que les salariés prennent trop d'argent à ces pauvres petites entreprises.

Avec 12 milliards d'euros de bénéfices en 2005, pensez-vous vraiment que Total a besoin du CPE ? Jusqu'où allez-vous céder aux demandes du MEDEF ?

Le CPE, pas plus que le CNE, ne permettra pas de créer d'emplois. Les CNE se substituent à d'autres contrats, à des CDI ou à des CDD. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer de suivre d'autres logiques ? La société, l'économie souffrent aujourd'hui d'un partage des richesses entre travail et capital qui asphyxie les investissements et la consommation.

On le sait, l'écologie, si elle est populaire, peut créer des emplois. Les énergies renouvelables relèvent par nature d'un fonctionnement plus décentralisé, plus riche en gisements d'emplois de toutes sortes. De même, les transports en commun exigent deux fois plus d'emplois et deux fois moins d'énergie que la voiture pour un même nombre de kilomètres-passager.

De plus, les économies d'énergie, par exemple sur l'eau, permettent d'autofinancer les emplois de demain qui les génèrent, qu'il s'agisse d'économies de flux, de techniciens de maintenance, d'animateurs, de pédagogues, d'architectes... Au lieu de gaspiller des ressources naturelles, on utilise des ressources humaines, ce qui est bon pour l'emploi et pour l'environnement.

Un plan d'isolation des logements permettrait de réaliser des économies d'énergie substantielles et constituerait un investissement permettant que les Français paient moins de ces charges qui étouffent les ménages modestes. Voilà comment rendre l'écologie populaire.

Historiquement, nous sommes porteurs, au nom de la solidarité et de la diminution de l'empreinte écologique, d'une revendication historique, d'un choix de civilisation dont nous sommes fiers : le partage des revenus et du temps de travail.

La durée du travail, pour un emploi normal, a très peu baissé : avec les heures supplémentaires, la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38, 8 heures en moyenne pour un emploi à plein temps. C'est donc un « partage du travail » assez sauvage qui s'est mis en place, car 3 millions de personnes - les chômeurs - ne travaillent pas du tout, tandis que 19 millions travaillent à temps plein et 4 millions à temps partiel.

Nous avons besoin d'un traité social européen. En effet, l'absence de droit social commun implique mécaniquement un alignement vers le bas si les gouvernants ne sont pas soucieux de la sécurité des salariés. La différence, aujourd'hui, c'est qu'alors que la France avait jusqu'à présent suivi le mouvement de dumping en traînant plus ou moins les pieds elle en est désormais l'initiatrice ! Elle est à la tête du moins-disant social.

Même les Britanniques, après avoir expérimenté une telle période d'essai, ont fait marche arrière, car cela ne fonctionne pas. Mais je vous parle de projet européen, alors que, depuis le 29 mai 2005, votre seul projet pour l'Europe, c'est la baisse du taux de la TVA pour les restaurateurs !

Créer des emplois n'est pas tout, encore faut-il qu'ils soient de qualité. Pour réduire la précarité de l'emploi, il faut négocier, branche par branche, un système de bonus-malus qui incite les entreprises à transformer en emplois stables les emplois précaires. Dans un autre domaine, un tel dispositif de bonus-malus a permis de diviser par deux le nombre d'accidents du travail. Dans le même esprit, pourquoi ne pas encourager les entreprises à « déprécariser » leur organisation ?

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