Cet amendement vise à limiter les effets particulièrement nocifs du contrat première embauche en supprimant le II de cet article 3 bis, qui porte sur les modalités de licenciement qui s'attachent à ce type de contrat.
Nous savons que la possibilité de licenciement sans justification ni motif au cours des deux premières années de ce contrat n'est pas conforme aux législations et règlements nationaux et internationaux.
L'article 24 de la Charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999, prévoit que « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur des nécessités de fonctionnement de l'entreprise (...). »
Le projet de création du CPE est donc en parfaite contradiction avec cette disposition.
Si elle n'est pas reconnue d'applicabilité directe - cela signifie qu'un salarié ne peut pas s'en prévaloir devant un juge -, elle s'impose néanmoins au Gouvernement français puisqu'elle s'applique aux États qui ont ratifié la charte.
Mais ce n'est pas tout. En effet, une autre question doit être soulevée, à savoir la conformité du CPE avec la convention n° 158 de l'OIT. Cette dernière a en effet multiplié les conventions qui tendent à protéger les salariés. En l'occurrence, la convention précitée porte sur la cessation de la relation de travail sur l'initiative de l'employeur.
Dans son arrêt du 19 octobre 2005, le Conseil d'État a reconnu que cette disposition était d'effet direct dans l'ordre juridique interne. Cela signifie que des contentieux pourraient être déclenchés par les salariés eux-mêmes en contestation de la rupture des contrats de travail.
Or cette convention dispose qu' « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement » -nous y revenons sans cesse- « lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (...). »
Sur ce point non plus, le texte qui nous est proposé n'est pas conforme à cette règle internationale.
Par ailleurs, au moment du passage de l'ordonnance créant le contrat nouvelles embauches devant le Conseil d'État, ce dernier n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge puisqu'il a retenu la notion d'abus de droit, revenant à la législation de 1973.
Une telle analyse pose question au regard de la rédaction de la convention de l'OIT, qui dispose qu'il doit exister un motif de licenciement. Cette existence ne devrait elle pas être appréciée au moment de la rupture plutôt qu'à celui de la contestation devant le juge ?
De plus, en laissant ainsi au jeune salarié le soin de prouver que son licenciement est abusif, vous préparez les jeunes d'une façon un peu particulière à l'entrée dans le monde du travail.
Dans le journal Le Monde du 11 février dernier, des juristes ont clairement affirmé que « l'ignorance du motif de licenciement va contraindre le salarié pour le connaître à assigner presque systématiquement en justice son employeur. »
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la formulation retenue dans le II de l'article pour caractériser les deux premières années qui suivent la signature du contrat.
Le Gouvernement a employé l'expression « période de consolidation » et non « période d'essai ». La seule explication en est probablement que cette formulation permet d'échapper à la condamnation que ne manquerait pas de provoquer la comparaison de cette période d'essai - et du peu de garanties qu'elle présente - avec la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
En effet, son article 2 subordonne la dérogation au caractère raisonnable de la période d'essai. Or, si la convention n° 158 ne donne pas de définition précise de cette durée raisonnable, la jurisprudence de la Cour de cassation, quant à elle, l'a fait.
Or au moment de la présentation de ce texte, il avait bien été fait état d'une période d'essai. L'amendement qui a été présenté par le Gouvernement sur cet article montre bien, monsieur le ministre, que vous avez senti que cette notion de période d'essai était fragile.
On peut penser, sans trop s'avancer, que la Cour conclura au caractère « non raisonnable » d'une période d'essai de deux ans.
Vous justifiez aujourd'hui le CPE par la difficulté des jeunes à être embauchés. On peut donc considérer que leur période d'essai devrait normalement assurer leur protection et non celle de l'employeur, ce à quoi tend votre proposition.
En précarisant de la sorte les jeunes travailleurs, non seulement vous compromettez leur chance d'insertion dans la vie sociale et professionnelle, mais vous opérez une véritable « régression juridique » pour notre pays, à l'encontre de sa tradition et de son histoire en matière de droit.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons la suppression du II de cet article.