Selon l'indice Eurostat, 7, 2 millions de personnes vivent avec moins de 720 euros mensuels. La dernière enquête annuelle du Secours catholique indique que, sur une courte période, le nombre de pauvres qui ont recours à cet organisme n'est pas plus important, mais que la pauvreté s'aggrave. Le revenu mensuel moyen, qui était de 718 euros en 2002, n'est plus que de 705 euros.
C'est notamment le cas pour 10 % de ces personnes, qui sont des travailleurs pauvres. Ceux qui vivent uniquement de transferts sociaux, soit près de la moitié des personnes secourues, ne disposent en moyenne que de 653 euros. Seuls ceux qui parviennent à cumuler un travail et des transferts - 25 % des personnes - parviennent à atteindre 938 euros en moyenne.
À ces difficultés s'ajoute le problème du logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : SDF, habitat provisoire ou insalubre, squats, etc. Et 1, 3 million de personnes sont officiellement en attente d'un logement social. Le « reste à vivre mensuel » des personnes en logement précaire - hôtels, caravanes, centres d'hébergement est ainsi tombé de 304 euros en 2002 à 261 euros en 2004.
Après avoir enregistré une baisse, modeste mais quasi ininterrompue depuis 1996, le nombre de pauvres est reparti à la hausse en 2003.
Cette inflexion de tendance est mise en évidence dans le quatrième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté, dont la publication, mercredi 22 février, n'a pas donné lieu à une conférence de presse, contrairement aux précédentes éditions.
Il y a trois ans, 6, 3 % des ménages, soit près de 3, 7 millions de personnes, se situaient sous le seuil de pauvreté - 645 euros par mois pour une personne seule -, contre 5, 9 % en 2002, soit 3, 43 millions de personnes.
Pressentie par l'Observatoire dans son précédent rapport, cette progression ne constitue pas une surprise : en 2003, l'emploi salarié marchand s'était contracté dans des proportions inédites depuis dix ans - 53 000 postes en moins.
Ces personnes sont de plus en plus fragiles. Cette évolution n'est pas uniquement imputable à une conjoncture morose. Elle découle aussi de décisions prises par les partenaires sociaux ou par le Gouvernement : réforme de l'assurance chômage à la fin de 2002, qui a durci, pendant un temps, les conditions d'accès aux Assedic et réduit la durée d'indemnisation ; diminution du volume des contrats aidés dans le secteur non marchand en 2003-2004.
Autre « effet pervers » relevé par l'Observatoire : le développement de formes d'emploi de mauvaise qualité ou à faible rémunération, qui nourrit le phénomène de travailleurs pauvres.
Pourquoi ces remarques, monsieur le ministre ? Pour souligner simplement que l'Observatoire de la pauvreté confirme ce que nous voyons et répétons sans cesse.
L'accroissement de la pauvreté en France est largement le résultat de votre politique, qui conjugue le basculement des chômeurs de longue durée vers le RMI et l'encouragement à la création d'emplois à temps très partiel ou de mauvaise qualité, mal rémunérés, pourvu que cela améliore les statistiques.
Le CPE, comme le CNE, va immanquablement faire partie de ces emplois de mauvaise qualité, parce qu'il engendre une précarité absolue. Si, en plus, l'employeur peut embaucher des jeunes en CPE à temps partiel, voire très partiel, cela veut dire que l'on se situera encore un cran en dessous du CDD à temps partiel.
Un licenciement possible à tout moment sans procédure ni motivation, un bas salaire, puisqu'il s'agit d'un jeune inexpérimenté, et un temps partiel : le CPE est fait pour habituer nos jeunes à devenir des travailleurs pauvres et précaires. Ils sauront, dès leur entrée dans le monde du travail, ce qui les attend.
Quelle que soit la qualification ou les efforts accomplis pendant les études, un emploi ne suffit pas. Comme aux États-unis ou dans les pays en voie d'industrialisation, il faudra cumuler deux emplois pour parvenir à survivre.