Intervention de Gérard Collomb

Réunion du 25 janvier 2018 à 10h30
Application du régime d'asile européen — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Gérard CollombGérard Collomb :

J’en viens au deuxième axe de cette proposition de loi.

L’article 1er transpose en droit interne la possibilité ouverte par l’article 28 du règlement Dublin de placer en rétention administrative un étranger pendant la phase de détermination de l’État responsable de la demande d’asile, ce qui répond à l’avis du Conseil d’État du mois de juillet dernier.

Cet article permet également d’étendre les critères d’appréciation du risque non négligeable de fuite lorsque le placement en rétention administrative intervient alors que l’étranger était assigné à résidence et qu’il n’a pas respecté les prescriptions de cette dernière.

Je tiens à préciser que des garanties complémentaires ont été apportées lors de l’examen par l’Assemblée nationale. Ainsi, un décret devra préciser les modalités de prise en compte de la vulnérabilité des « dublinés » et, le cas échéant, de leurs besoins particuliers.

De même, le présent texte indique désormais que l’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile et, le cas échéant, à l’exécution d’une décision de transfert.

Au-delà de nombreuses améliorations rédactionnelles et de précisions juridiques, votre commission des lois a, pour sa part, souhaité apporter des compléments au texte de cette proposition de loi. Je comprends les préoccupations que ces compléments traduisent, même si certains d’entre eux pourraient soit paraître éloignés de l’objet de la proposition de loi, soit être d’une efficacité relative.

Ainsi, votre commission a introduit un nouveau motif caractérisant le risque non négligeable de fuite applicable si l’étranger refuse de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou s’il altère volontairement ces dernières pour empêcher leur enregistrement.

Pour ma part, je suis sensible au réel problème que pointe cette modification, problème qui, du reste, dépasse la seule question des étrangers soumis au règlement Dublin.

Actuellement, en effet, le refus pour l’étranger de se soumettre à une prise d’empreintes constitue un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Toutefois, ces peines sont très peu appliquées ; elles sont donc dénuées de caractère dissuasif. Le Gouvernement a la volonté de remédier à cette situation. Il envisage de faire des propositions visant à rendre applicable à ce délit la peine d’interdiction du territoire français, dans le cadre du projet de loi Asile et immigration, lequel est actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État.

Un autre complément est proposé par votre commission des lois : la réduction du délai de recours juridictionnel de la décision de transfert Dublin.

Actuellement, cette décision peut être contestée dans un délai de quinze jours devant le juge administratif. Votre commission des lois a prévu de ramener ce délai à sept jours, au motif que cette proposition est reprise par la Commission européenne dans son projet de refonte du règlement Dublin, lequel est en cours de discussion. Il s’agit évidemment d’une disposition sensible, mais le Gouvernement comprend le souci d’efficacité qui l’anime.

Votre commission des lois a par ailleurs prévu de porter de quatre à six jours la durée de validité des ordonnances prises par les juges des libertés et de la détention autorisant des visites domiciliaires chez les étrangers assignés à résidence.

Ces visites ont pour objet de s’assurer de la présence de l’étranger à son lieu d’assignation à résidence et de le conduire, le cas échéant, à ses rendez-vous administratifs.

Le Gouvernement partage, là aussi, le souci d’amélioration de l’efficacité de ce dispositif introduit dans notre droit par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, même si cette proposition n’est pas directement en rapport avec la problématique des étrangers relevant de l’application du règlement Dublin.

Enfin, a été introduit dans la proposition de loi un article 3 visant à tirer les conséquences de la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité du 30 novembre 2017, par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, à compter du 30 juin 2018, les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, en vertu desquelles l’assignation à résidence des étrangers ayant été condamnés à la peine d’interdiction du territoire français, mais dont l’éloignement est impossible, n’était pas limitée dans le temps.

Le Gouvernement considère d’un œil positif cet ajout, qui comble un vide juridique et opérationnel, dans la mesure où la date du 30 juin 2018 approche à grands pas, même si cet article est lui aussi éloigné de l’objet de la présente proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement relève que, dans leur totalité, les apports voulus par les députés n’ont pas été remis en cause au terme de l’examen du texte par votre commission des lois, en particulier les compléments ou garanties supplémentaires qu’ils ont apportés.

L’analyse du texte élaboré par la commission conduit le Gouvernement à ne pas s’opposer aux ajouts décidés, même si je relève que certaines de ces questions seront traitées dans le cadre du projet de loi Asile et immigration.

Nous appelons donc la Haute Assemblée à voter cette proposition de loi dans les termes qui sont proposés par la commission des lois du Sénat.

Surtout, nous estimons désormais urgent de pouvoir disposer, dans les meilleurs délais, du cadre juridique adapté pour reprendre l’application du règlement Dublin, afin de retrouver notre capacité à procéder à des transferts d’étrangers vers les États responsables de l’examen de leur demande d’asile. Comme je l’ai dit en commençant, il s’agit là d’une problématique majeure dans le contexte migratoire que je vous ai exposé.

Je veux, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier.

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