Intervention de André Reichardt

Réunion du 25 janvier 2018 à 10h30
Application du régime d'asile européen — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nécessité fait loi. Plus que jamais, cet aphorisme latin, fondement de notre construction juridique, est illustré aujourd’hui dans la proposition de loi que nous discutons.

Depuis septembre dernier, cela a été rappelé précédemment, l’autorité administrative ne peut plus placer en rétention un demandeur d’asile dit « dubliné » lorsque son transfert vers le pays de premier enregistrement est demandé.

Le cadre juridique d’intervention est donc réduit, et notre vote d’aujourd’hui est d’autant plus important.

Si cette proposition de loi ne résout aucun problème lié à la politique migratoire de notre pays, notamment la situation d’afflux massif de demandeurs d’asile et de demandes de titres de séjour auquel nous sommes confrontés, elle permet de traiter le sort des migrants sous statut Dublin.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, que je souhaite une fois de plus remercier de son expertise précise de la situation, le règlement Dublin III est une pierre angulaire de la politique européenne d’asile et un gage de respect du cadre de l’espace de libre circulation.

Cela a été dit à de nombreuses reprises, nous sommes aujourd’hui confrontés à la nécessité de faire évoluer au niveau européen notre système d’asile. Pour sauvegarder le principe de l’asile des réfugiés politiques, il est indispensable que nous ayons le courage d’assumer un système d’éloignement effectif des ressortissants étrangers dont les démarches pour intégrer notre nation ont échoué et qui n’ont donc plus le droit de se maintenir en France.

Mes chers collègues, une politique ferme en matière d’immigration n’est viable que si elle est fondée sur des piliers solides, sans ambiguïté dans leur mise en œuvre. Si nous voulons vraiment sauvegarder le système d’asile, ce à quoi, au sein du groupe Les Républicains, nous sommes profondément attachés, il faut parallèlement avoir un système d’instruction efficace des dossiers de demande, puis un système de renvoi réel, afin de ne pas laisser persister l’espoir suivi de désillusion.

Nous restons à cet égard dans l’attente attentive, monsieur le ministre d’État, du projet de loi sur l’asile et l’immigration que vous nous annoncez. Il est en effet nécessaire de changer rapidement de paradigme en la matière.

Ainsi, en matière d’immigration régulière, les circulaires Valls de 2012, qui ont permis d’augmenter les régularisations de près de 32 % en quatre ans, sont toujours en application.

Par ailleurs, la politique d’intégration elle-même est en souffrance, ne permettant pas de donner les clés nécessaires aux étrangers souhaitant vivre dans notre pays : le contrat d’intégration républicaine, par exemple, mis en place en 2016, est en panne du fait de la baisse du nombre d’heures de formation linguistique.

Quant à la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, dont vous nous dites faire une priorité, le budget pour 2018 lui donne à notre sens peu de chances d’être effectivement mise en œuvre. Nous notons une baisse de 7 % des crédits dédiés à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, lesquels permettront d’effectuer seulement 14 500 éloignements forcés en 2018, alors que 15 161 exactement ont été exécutés en 2014 et 15 485 en 2015.

La Cour des comptes l’a relevé sévèrement : l’exécution des mesures d’éloignement est trop faible. Ainsi, en 2016, moins de 18 % des mesures d’éloignement prononcées ont été réellement exécutées, c’est-à-dire que 75 500 personnes se sont maintenues sur le territoire sans en avoir le droit, dont 53 600 déboutés du droit d’asile.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les moyens humains sont insuffisants pour assurer les éloignements nécessaires et les centres de rétention administrative sont sous-budgétisés pour assumer la rétention des personnes dont l’avenir n’est pas en France.

Malgré cette réalité chiffrée préoccupante, la proposition de loi que nous allons adopter établit la possibilité de rétention dès avant la décision de transfert d’un demandeur d’asile sous procédure Dublin, contrairement au droit commun actuel de la rétention administrative qui impose une décision de transfert.

Nous sommes satisfaits que le refus de donner ses empreintes ou leur altération volontaire soient un critère supplémentaire permettant de caractériser le risque de fuite et donc la mise en rétention.

Nous nous satisfaisons également que tout élément dissimulé dans la narration du parcours migratoire soit pris en compte dans la décision de possible mise en rétention.

Enfin, sans revenir sur l’historique de la disposition, et pour prévenir tout risque de fuite, il est en effet impératif de redéfinir le régime de l’assignation à résidence des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, bien au-delà de la question des demandeurs asile « dublinés », dont la France connaît aujourd’hui plus que jamais la réalité, ce sujet est préoccupant pour nos concitoyens et pour tout responsable politique.

Émigrer de son pays, quelles qu’en soient les raisons, est naturellement toujours une souffrance pour celui qui est contraint de partir. Mais la France, pays d’accueil, doit aussi savoir définir des règles dans le cadre européen pour le système Dublin. Ce dernier repose sur une idée simple : une personne étrangère à l’Union européenne qui demande l’asile dans un État de l’Union n’a pas vocation à le demander ensuite dans un autre pays de l’Union.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains votera bien entendu la proposition de loi en discussion.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion