Intervention de Nikolaus Meyer-Landrut

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 janvier 2018 à 15h00
Institutions européennes — Audition de Mm. Nikolaus Meyer-landrut ambassadeur d'allemagne jean-dominique giuliani président de la fondation robert schuman et guntram wolff directeur de l'institut bruegel en commun avec la commission des affaires étrangères

Nikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne :

Messieurs les présidents, merci de votre invitation qui nous permet d'échanger sur la relation franco-allemande et d'approfondir certains points. Le contexte est important et conditionne les actions à venir. Nous vivons un grand moment de changements, notamment géopolitiques, avec des conflits militaires en Ukraine et en Europe, des afflux majeurs de réfugiés et migrants et des attentats terroristes en Europe. Face à ces phénomènes, la Russie réfléchit et agit plus en termes d'influence que de coopération. Nous assistons également à des conflits régionaux ayant des conséquences directes sur notre situation. Par ailleurs, la situation en Turquie se révèle préoccupante. Avec le Brexit, nous ne pouvons accepter, lors des négociations futures, ce qui pourrait détricoter le marché unique. Quant à la situation américaine depuis l'élection de M. Trump, elle nous plonge dans l'incertitude.

Des changements majeurs affectent d'autres sphères sans faire l'objet d'autant d'insistance. Je pense aux changements climatiques, à la digitalisation, à la modification de nos économies et de nos sociétés en profondeur, qui sont autant de défis à relever.

Dans ce contexte, il nous semble fondamental de préserver et de faire avancer l'ordre européen tel qu'il a été créé par les différents traités, ainsi que les principes et valeurs sur lesquels il repose, notamment l'État de droit dans toutes ses dimensions.

S'agissant de la relation franco-allemande, nous souhaitons que le nouveau gouvernement allemand soit formé le plus rapidement possible, ce qui devrait intervenir au mois de mars compte tenu de toutes les procédures impliquées dans le processus. Outre la CDU et le SPD, les Verts et le FDP ont aussi souscrit à la déclaration commune adoptée par le Bundestag et l'Assemblée nationale, ce qui montre que les partis majoritaires au Parlement ont la même vision des choses.

C'est une opportunité et une responsabilité majeure de faire avancer la construction européenne avec la France, comme en témoignent les premiers pourparlers entre le SPD et la CDU. Selon une volonté politique commune, les questions européennes ont été placées en tête de leur accord. Les responsables des deux partis ayant négocié cet accord savent que la législature qui a commencé sera adossée à un sujet majeur : la suite de l'intégration européenne. Cela étant, il faut reconnaître que, lors des récents débats du SPD, les questions européennes étaient beaucoup moins présentes qu'un certain nombre de sujets de politique intérieure. Mais absence de débat ne veut pas nécessairement dire absence de soutien en faveur de cette orientation.

Pour favoriser une négociation et un accord entre la France et l'Allemagne, cette dernière ne doit pas fixer les derniers détails de sa position pour former un gouvernement, qui constitueraient autant de limites dans la négociation avec les partenaires. Dans le même temps, tous les sujets sont abordés, y compris les questions financières comme l'augmentation des ressources de l'Union européenne, même s'ils ne sont pas clos. Cela donne une base de négociation pour l'ensemble des sujets évoqués par le Président français dans son discours.

Le travail franco-allemand comporte aujourd'hui trois volets. Le volet international a commencé dès le départ et continue d'être actionné de façon constante. Il englobe les grands sujets internationaux et les différents sommets qui ont eu lieu au printemps et à l'automne. À ce sujet, la coordination a été étroite et a permis l'adoption de positions souvent communes. Une vraie volonté de coopérer se manifeste en la matière. Le deuxième volet est plus bilatéral et comporte deux expressions de cette volonté de coopérer. D'une part, lors du conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet dernier, la partie défense et le projet de coopération en matière d'armement ont été longuement abordés. De plus, malgré l'échéance électorale en Allemagne et les pourparlers qui ont lieu en ce moment pour former un gouvernement, des travaux extrêmement intenses entre les deux ministères de la défense, y compris les ministres elles-mêmes, ont eu lieu tout au long de l'automne. Le travail de fond repose sur cette action continue et produira bientôt des résultats. Certaines décisions relèveront du nouveau gouvernement, mais le travail de préparation est avancé. D'autre part, les déclarations adoptées en début de semaine sur le traité de l'Élysée, aussi bien au sein de l'Assemblée nationale et du Bundestag que par les deux chefs d'État et de gouvernement, ont montré leur volonté de rénover ce traité.

Trois éléments doivent être soulignés. Premièrement, le traité de l'Élysée tel qu'il a été conclu en 1963 ne doit pas être supprimé, car il conserve une valeur symbolique pour la mise en place des institutions et constitue une base de coopération. Il reste évidemment en vigueur.

Deuxièmement, il est important de savoir, parmi les domaines de coopération qui n'étaient pas au coeur du traité de l'époque, ceux qui représentent le défi de demain et qui requièrent un approfondissement de la coopération. Quant aux différentes déclarations à ce sujet, un travail de tri et de précision doit être opéré pour les concrétiser, y compris en matière économique, de digitalisation ou s'agissant des agences pour les innovations de rupture. Ce travail de fond prendra un peu de temps, mais il peut commencer, car la volonté est très claire et les paramètres sont maintenant définis ensemble.

Troisièmement, un travail doit être réalisé au niveau européen. Quand on se penche sur le discours de M. Macron, on s'aperçoit que des actions sont déjà en cours sur de nombreux sujets. Je citerais le Fonds européen de défense, adopté en décembre et qui représente une avancée majeure, ou la réforme du droit d'asile et de l'immigration. En l'espèce, ces sujets réunissent d'autres partenaires que la France et l'Allemagne, même s'il est important que nos deux pays définissent en commun leur approche.

Des décisions ont également été prises en décembre concernant les universités en Europe et la formation.

Ce qui est le plus important pour l'opinion publique, c'est l'avenir de la gouvernance de la zone euro. J'y insiste, l'Allemagne est prête à organiser la prochaine étape, et un travail de fond devra être effectué. Il faut bien définir les risques contre lesquels on veut se prémunir, mais il n'y a aucun doute sur la volonté des deux parties d'engager les négociations pour construire la prochaine étape.

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