Intervention de Michèle Benbunan

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 31 janvier 2018 à 11h30
Audition de Mme Michèle Benbunan présidente-directrice générale de presstalis

Michèle Benbunan, présidente-directrice générale de Presstalis :

J'ai intégré la société le 20 novembre, après 28 ans passés chez Hachette Livre.

La situation à mon arrivée était bien pire que celle qui m'avait été présentée au mois de juillet, avec un déficit d'exploitation d'au moins 20 millions d'euros. Presstalis s'est ainsi retrouvée face à un trou de trésorerie de très grande ampleur. Il n'est pas faux de dire que la société était alors en cessation de paiement, ce qui m'a contrainte à retenir le quart du chiffre d'affaires issu des ventes que nous aurions dû verser aux éditeurs jusqu'à fin janvier 2018.

Plusieurs raisons expliquent l'impasse dans laquelle se retrouve la société :

- des investissements malencontreux, en particulier dans le numérique ;

- une extrême dilution des rôles, qui a conduit l'ensemble des partenaires à fuir leurs responsabilités et à prendre des décisions financièrement hasardeuses, dans un marché en attrition ;

- la création de niveaux de regroupement intermédiaires entre le national et le régional, sans logique économique dans un marché en baisse, et qui a représenté un coût de 50 millions d'euros ;

- l'échec très coûteux du schéma directeur des rachats en région, pour 20 millions d'euros et du plan informatique au niveau de l'interprofession, pour 50 millions d'euros ;

- les coûts successifs des plans de départ volontaire, qui pèseront encore à hauteur de 30 millions d'euros sur les exercices 2018 et 2019.

C'est tout le système qui doit être remis en cause. Le secteur est en grande souffrance et en danger. Si la baisse de 5 à 10 % par an se poursuit, la presse est morte. Et ce sont les petits qui vont souffrir. Il est absolument urgent de déréguler le niveau 3. Faut-il rouvrir ce marché ? Faut-il faire en sorte que les titres puissent être disponibles dans tous les points de vente ?

Ce marché est également contraint en termes d'organisation. Le vrai sujet est d'apporter les titres jusqu'à un point de vente pour que le consommateur puisse les trouver. La question de savoir s'il s'agit d'un dépositaire indépendant n'est pas un enjeu majeur.

Nous avons des flux froids comme pour le livre. Pourquoi s'interdire d'aller directement du niveau 1 au niveau 3 ? Pourquoi faut-il passer par une exclusivité géographique ? Pourquoi transiter par un circuit intermédiaire alors qu'il existe des plateformes interprofessionnelles de transport ? Le débat ne doit pas porter sur la structure mais plutôt sur la manière d'atteindre les points de vente de la façon la plus économique et la plus efficace possible. Or pour les flux froids, ce n'est pas évident.

Nous avons forcément des schémas alternatifs. Il faut être très pragmatique ! Malheureusement, nous sommes dans une ambiance de « campagne électorale » entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP).

Si vous regardez l'expérience américaine, la messagerie de presse assure la prospection commerciale, le flux de trésorerie et de cash et l'information du système. En revanche, tout le flux logistique est assuré par les transporteurs.

Le monde du transport a subi une révolution majeure depuis la Seconde Guerre mondiale. En France, il existe aujourd'hui un système de transport très efficace. Je pense que l'on pourrait se rapprocher des structures de transport existantes pour éviter de passer par nos propres plateformes locales afin de faire des économies et gagner en efficacité.

Les réflexions à engager sont multiples. C'est pour cela que je suis contre le fait de promouvoir un schéma plutôt qu'un autre. J'essaie d'être pragmatique !

J'en viens au plan de transformation que je compte mettre en place. Il faut rester le plus ouvert possible car le monde bouge, la logistique bouge, les transports bougent...

Nous avons actuellement 17 dépôts avec une couverture semi-nationale et des effectifs significatifs. Le plan de transformation vise à alléger tout cela. Le réglage se fait par les éditeurs. On va alléger un certain nombre d'effectifs. Certaines plateformes n'ont pas une rentabilité suffisante. Nous allons les vendre à des dépositaires indépendants. Presstalis va essayer de se désengager d'une dizaine de régions tout en gardant la maîtrise sur les grandes villes où l'on va essayer d'impulser ce développement commercial. Un peu moins de 250 personnes devraient quitter l'entreprise dans le cadre d'un PSE.

Je suis favorable à la transparence. Les salariés et les organisations syndicales sont au courant. Je n'ai pas caché que la société était à la limite de la liquidation. J'ai également étudié la possibilité d'un redressement judiciaire qui, selon tous les experts judiciaires que j'ai sollicités, n'est pas envisageable. C'est la liquidation ou le maintien en activité. Les conditions ne sont pas actuellement réunies pour organiser proprement une liquidation. Toute une économie s'écroulerait en cascade dont il faudrait assumer la conséquence. Si certains pensent que c'est envisageable, les voilà prévenus.

Les éditeurs ont payé leur quote-part afin de renflouer les caisses de Presstalis. Mon plan vise à atteindre un résultat positif de 15 millions d'euros en exploitation d'ici la fin 2019 sur la base de toutes les économies que l'on a pu chiffrer. Ce plan nécessite de trouver 50 millions d'euros pour passer d'un déficit de 20 millions à un excédent de 15 millions en 18 mois, en plus des 140 millions d'euros nécessaires pour apurer la situation, soit 190 millions d'euros en tout. Gérard Rameix, ancien président de l'autorité des marchés financiers et chargé par la ministre de la culture d'une mission sur la distribution de presse, l'a qualifié « d'audacieux mais jouable ».

Ce plan a été, bien entendu, audité. Les chiffres sont fiables. Il reste la situation intercalaire à financer. Nous demandons aux pouvoirs publics de faire un « bridge », de nous avancer une partie de l'argent au fur et à mesure de la réalisation du plan. Si cela se passe bien, l'argent est débloqué régulièrement sinon on arrête tout ! Il y a une certaine urgence à avoir la réponse car sinon je ne peux pas payer les salaires de février.

Nous sommes donc désormais à la croisée des chemins !

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