Intervention de Pierre Mathiot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 31 janvier 2018 à 14h30
« un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles » — Audition de M. Pierre Mathiot professeur des universités en science politique à sciences po lille

Pierre Mathiot, professeur des universités, auteur du rapport « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles » :

Le baccalauréat professionnel, souvent stigmatisé, a connu une réforme qui doit encore être évaluée. Ses spécificités, comme la pédagogie inductive, le distinguent fortement des baccalauréats général et technologique sur lesquels porte en premier lieu notre mission. La certification numérique des langues que je propose n'est pas destinée à se substituer aux épreuves orales plus classiques. Afin de compléter la première évaluation reposant sur les notes, les compétences devraient figurer, de manière à la fois systématique et rigoureuse, dans le supplément au diplôme. Notre rapport accorde de nombreux développements à la question de l'orientation. La réduction au nombre de quatre des épreuves terminales du baccalauréat n'implique pas la disparition des disciplines classiques, puisqu'il sera possible aux élèves de les choisir comme majeures. À titre individuel, en ma qualité d'ancien directeur d'un institut d'études politiques, il me semble que les Parcoursup devraient être améliorés en décalant les dates de saisie des voeux et en réinstaurant leur hiérarchisation. Le dispositif proposé induit un durcissement des attendus locaux des universités et la modification que je préconise éviterait que les facultés n'en profitent pour organiser la rareté de leurs places. Si je suis contre la sélection à l'entrée de l'université, je reste, en revanche, en faveur d'une orientation réussie ! L'accompagnement effectif des élèves, dans la durée, devrait régler les problèmes de mauvaise orientation que connaissent surtout les élèves issus des milieux populaires. La régulation du système serait également favorisée par l'attribution en priorité des places en institut universitaire de technologie (IUT) aux élèves de baccalauréat professionnel ou technologique. J'ai bon espoir que la mise en oeuvre de la réforme réponde aux intérêts supérieurs de l'éducation nationale et ce, davantage que Parcoursup qui me semble avant tout répondre à la crise ponctuelle du tirage au sort. Les attendus des universités devraient être généralistes afin de restituer au baccalauréat sa valeur de tremplin vers l'enseignement supérieur et ne plus tenter de capter les meilleurs élèves du secondaire. Les premiers lauréats de ce nouveau baccalauréat sont attendus pour 2021 et la seconde devrait être modifiée dès la rentrée prochaine, avant le changement des épreuves et des programmes des élèves de première prévu pour 2019. En effet, de nouveaux types d'épreuves, comme la note de synthèse, permettront de mieux préparer l'insertion dans l'enseignement supérieur. Ce calendrier contraint nous oblige à l'efficacité !

Le groupe-classe ne fait pas l'unanimité. Notre réforme entend le préserver, sauf dans la partie unité de complément et d'approfondissement, pendant la majeure partie du temps scolaire, comme c'est aujourd'hui le cas. Afin de prévenir l'accroissement des inégalités, l'offre des majeures doit être avant tout nationale, quitte à être déclinée au niveau des établissements. Les volumes horaires du lycée demeureront inchangés, options facultatives comprises ; nous avons donc raisonné à « lycée constant ». L'annualisation ne me paraît possible qu'à la condition d'informer, comme à l'université, les enseignants de leur emploi du temps dès le début de l'année scolaire. Si la semestrialisation a du sens pour les élèves, encore faut-il sécuriser la situation et garantir les heures supplémentaires des professeurs ! Tout changement de mineure devrait ainsi intervenir en début d'année afin de garantir l'information des enseignants. Les professeurs ont un service à acquitter et l'offre d'enseignement, via la définition d'un nombre de places par cours, est de nature à structurer la demande des élèves. Le baccalauréat demeure le diplôme à la fois de la fin des études secondaires et d'entrée dans l'enseignement supérieur. Il doit ainsi garder sa valeur nationale.

Afin de répondre à l'exigence de standardisation des épreuves, le contrôle continu pourrait être organisé sous la forme de bacs blancs, en recourant à une banque nationale de sujets et en assurant la circulation de copies entre les établissements publics et privés.

Dès sa création, l'organisation du baccalauréat a cherché à répondre à un critère d'équilibre : d'abord entre les épreuves orales et écrites, puis entre les matières littéraires et scientifiques. Je partage l'opinion du ministre de l'éducation nationale qui considère le calcul et le français comme les connaissances de base requises pour l'entrée en seconde. Il ne faut pas remplacer les compétences mathématiques par d'autres, mais veiller à ce que le choix des filières du lycée n'obère pas l'orientation post-bac. L'allégement du tronc commun, qui permet de dégager des volumes horaires destinés à l'approfondissement, nous a conduit à proposer en majeure ou en mineure des matières afin à la fois d'en maintenir la même quotité horaire et de répondre aux attentes des élèves les plus motivés. Les élèves scientifiques pourront choisir une mineure culture humaniste et un enseignement commun « culture et démarche scientifiques » à vocation pluridisciplinaire sera dispensé à l'ensemble des étudiants de classe terminale. Prenons cependant garde à ce que ces nouveaux enseignements pluridisciplinaires n'entrainent pas une régression vers les disciplines, à l'instar de ce qui a pu se produire avec l'enseignement moral et civique (EMC) ! Les associations des enseignants de mathématiques, physique-chimie et de SVT ont accepté de concevoir ensemble ce nouveau cours de culture scientifique. Si la réforme devrait induire une nette diminution des mentions et des notes au-dessus de 20/20, elle ne devrait pas modifier le seuil de 80 % d'une classe d'âge, qui reste atteint grâce aux effectifs du baccalauréat professionnel.

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