Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 31 janvier 2018 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • baccalauréat
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  • enseignants
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La réunion

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La réunion est ouverte à 14 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mes chers collègues, nous sommes réunis pour entendre M. Pierre Mathiot, professeur des universités, ancien directeur de l'institut d'études politiques de Lille et président du collegium des grandes écoles publiques de Lille. Vous êtes l'auteur d'un rapport intitulé « un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles » qui s'inscrit dans le projet du président de la République de réformer le baccalauréat. L'intérêt que suscite votre rapport est d'autant plus fort au sein de notre commission que celle-ci s'y intéresse de longue date. Dès 2008, elle avait publié un rapport sur le sujet - « À quoi sert le baccalauréat ?» - avec pour auteur le président Jacques Legendre. Plus récemment, nous avons travaillé sur l'orientation scolaire. Toute réforme du baccalauréat présente également une portée symbolique et s'avère une entreprise hardie. Nous examinons, en ce moment même, le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui implique également un changement majeur du positionnement du lycée.

Debut de section - Permalien
Pierre Mathiot, professeur des universités, auteur du rapport « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles »

L'engagement d'Emmanuel Macron, durant la campagne présidentielle, de simplifier et de dynamiser le baccalauréat, constituait le point de départ de la mission qui m'a été confiée. Il vise à réduire le nombre des épreuves du baccalauréat et d'y instiller une dose de contrôle continu. Tel est également le contenu de la lettre de cadrage confirmée par le Premier ministre, lors de son discours de politique générale du 4 juillet dernier.

De nombreux rapports ont été consacrés à la réforme du baccalauréat et certaines de mes préconisations tirent les leçons des échecs essuyés par les réformes précédentes.

Notre équipe, composée également de quatre inspecteurs généraux et épaulée par les équipes de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), a organisé une centaine d'auditions et des déplacements dans les académies de Marseille, Lille et Besançon. Concomitamment, le ministère a lancé une consultation nationale à laquelle 46 000 lycéens ont répondu. Notre examen a également porté sur les conditions de délivrance, à l'étranger, de l'équivalent du baccalauréat et certaines de nos propositions, comme le grand oral, s'inspirent de ces pratiques. Le baccalauréat contribue à notre visibilité internationale et de nombreux élèves le préparent dans les lycées de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou de la Mission laïque française. Il fallait ainsi être vigilant à ce que cette réforme ne ruine pas l'attrait du baccalauréat « à la française » auprès de ces élèves étrangers.

Le lycée est totalement organisé en fonction du baccalauréat qui se déroule durant le mois de juin de la classe de terminale. Réformer le baccalauréat est ainsi l'étape initiale d'une réforme en profondeur du lycée. Fort de ma culture de chef d'établissement, j'ai été très attentif au réalisme de nos propositions. Le baccalauréat serait organisé en quatre épreuves finales, durant l'année de terminale, et une épreuve anticipée, en classe de première. Cette démarche marque l'aboutissement d'une réflexion sur les épreuves et les programmes. Ainsi, la préparation de l'épreuve de français accorde actuellement une part trop importante aux épreuves techniques, au détriment de la littérature. Celle-ci devrait n'être plus composée que d'un oral et d'un écrit, comptant tous deux pour une note. Parmi les quatre épreuves terminales proposées, les élèves en passeraient deux correspondant à leur spécialité au retour des vacances de Pâques, afin que leurs résultats soient portés à la connaissance de Parcoursup. Les deux autres épreuves - une de philosophie et le grand oral - seraient passées en juin ; ces cinq épreuves, français inclus, compteraient pour 60 % de la note finale. Les 40 % restant pourraient consister soit en des épreuves organisées ponctuellement en première et terminale, au risque de transférer les charges administratives dégagées en juin à d'autres moments de la scolarité ; soit en la prise en compte des bulletins de notes, avec comme contrepartie la fin du critère d'anonymat que ne respecte pas non plus l'admission dans les filières post-bac sélectives. L'égalité des chances y gagnerait, puisque les critères de notation s'avèrent souvent plus drastiques dans les établissements situés en centre-ville. Enfin, une troisième possibilité plus médiane, qui a reçu l'aval des syndicats, consisterait à pondérer à hauteur de 30 % les épreuves ponctuelles et à 10 % les bulletins, afin de garantir l'assiduité des élèves jusqu'à la fin du mois de juin. L'exécutif devra trancher cette question.

Le diplôme se verrait aussi doté d'un supplément. Aujourd'hui, sur Parcoursup, les élèves ont la possibilité de fournir des informations sur leur cursus, ainsi qu'une lettre qui est bien souvent rédigée par leurs parents. Un tel dispositif me semble accroître les disparités sociales. Le supplément au diplôme fournirait un document officiel, collationnant les compétences acquises et retraçant l'ensemble des activités accomplies durant le lycée. Ce document officiel serait ainsi transmis à Parcoursup. Enfin, l'épreuve de rattrapage serait transformée en examen du livret scolaire et de l'assiduité à l'issue duquel le jury serait souverain pour délivrer le baccalauréat. Les lycées y gagneraient six jours de fonctionnement. Cette réorganisation, permettant de financer la numérisation des copies et des convocations des élèves, contribuerait également à la modernisation de l'organisation de l'épreuve. Cette réforme répondrait en outre à un impératif moral ; le rattrapage, dans sa configuration actuelle, ne bénéficiant actuellement guère aux élèves besogneux, issus des milieux modestes, qui ne peuvent obtenir des résultats supérieurs à la moyenne durant cette épreuve, conviendrait à des élèves dont les notes, tout au long de l'année scolaire, étaient faibles mais qui ont obtenu une note supérieure le jour du bac.

Le baccalauréat actuel ne compte en rien pour l'orientation vers l'enseignement supérieur. Près de la totalité des élèves reçoivent leur notification d'admission dans le supérieur avant même le début des épreuves terminales du baccalauréat ! Il faudrait à l'inverse que près de 75 % des résultats au baccalauréat des élèves soient connus des instances de l'enseignement supérieur au moment de leur décision. La valeur certificative du baccalauréat est une priorité : il est illogique que les élèves, qui y ont pourtant obtenu une mention, échouent dans le supérieur !

Cette réforme peut être conduite de manière autonome, sans modifier structurellement l'organisation du lycée. La préparation au baccalauréat se composerait de trois unités de formation réparties sur six semestres. Outre la mise en oeuvre d'un tronc commun jusqu'à la fin de la terminale, les élèves à la fin de la seconde pourront choisir une unité d'approfondissement et de complément, en bénéficiant d'un droit à l'erreur sans être pour autant pénalisés dans Parcoursup. Cette unité modulaire permettrait également aux élèves d'élever leur niveau dans les disciplines de leur choix et de prendre une certaine avance dans la filière qu'ils comptent rejoindre, une fois leur baccalauréat obtenu. Mais ce n'est pas parce qu'un élève s'est spécialisé en sciences durant son lycée qu'il ne pourra pas étudier en faculté de droit ! Une troisième unité, qui serait une sorte d'accompagnement personnalisé revisité et consacré à l'accompagnement, permettrait de mieux préparer les élèves à l'entrée dans l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, les élèves n'y sont que très marginalement préparés, faute d'une information sur les orientations. Cette information doit être internalisée pour que le lycée réussisse sa mission d'émancipation de tous ! Cette unité aurait également vocation à préparer les élèves aux méthodes de travail de l'enseignement supérieur et à l'autonomie. Aujourd'hui moins de 50 % des élèves d'aujourd'hui demandent leur inscription en année de licence et le secteur privé à but lucratif est désormais très prisé, y compris par les milieux populaires ! En outre, les quatre filières les plus demandées - STAPS, psychologie, médecine et droit - ne sont pas enseignées au lycée. Initier par des enseignements ponctuels les élèves à ces quatre disciplines, dès la seconde, permettrait, en amont, de réguler les flux et d'éviter les abandons dès la première année universitaire ! L'accompagnement à l'orientation est un pari à relever, afin de lutter contre l'échec en licence et l'accroissement des inégalités dans l'enseignement supérieur. Enfin, dans le cadre de cette unité serait sanctuarisé un volume horaire pour améliorer l'expression orale. Une certification en langues étrangères, visée par le ministère de l'éducation nationale, serait aussi délivrée. L'apprentissage de deux langues étrangères ne me paraît nullement une nécessité, comme l'on connaît le niveau préoccupant des personnes qui, quelques années après leur sortie du système scolaire, n'en possèdent plus aucun rudiment ! J'ai proposé qu'un test de positionnement, dans une première langue vivante autre que l'anglais, devienne la condition de l'apprentissage d'une seconde ; cette proposition contournant l'opposition initiale du ministère des affaires étrangères et des professeurs de langues à un critère de conditionnalité pour l'apprentissage des langues étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le baccalauréat doit être adapté aux exigences de notre société. S'il représentait, jusqu'aux années 1950, un aboutissement, il n'est plus désormais qu'un sésame vers l'enseignement supérieur. Cette massification induit de nombreuses conséquences sur l'organisation logistique de cette épreuve, voire sur l'ensemble du segment du secondaire. Alors que l'année scolaire n'est que de 144 jours, soit la plus courte d'Europe, perdre une dizaine de jours supplémentaires n'est pas sans incidence sur les cursus. Il faut donc réformer le baccalauréat, en suivant les préconisations que vous formulez, et non le supprimer, car il s'agit d'un rituel pour la jeunesse. Cependant, votre volonté de réduire la suprématie de la filière S n'est-elle pas illusoire ? Si je partage également votre intérêt pour le grand oral dont l'enjeu dépasse la scolarité des élèves, son jury ne pourrait-il pas s'ouvrir à d'autres personnalités extérieures à la communauté éducative, comme des élus ou des représentants du monde socio-professionnel ? Enfin, votre rapport ne semble pas concerner le baccalauréat professionnel qui a connu récemment une réforme. Son occultation ne porte-t-elle pas le risque de sa dévalorisation ?

Debut de section - Permalien
Pierre Mathiot, professeur des universités, auteur du rapport « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles »

Le jury du grand oral devrait comprendre un troisième membre extérieur au lycée. Les critères de sa désignation font pour l'heure débat. Une mission sur le baccalauréat professionnel, conduite par la députée Céline Calvez et le chef étoilé Régis Marcon, doit rendre ses conclusions le 16 février prochain. Si les passerelles existent en France au niveau juridique, elles ne sont guère empruntées par les élèves, qui ne souhaitent pas changer d'établissement. Le lycée polyvalent serait une solution à la fois pour l'organisation des passerelles et des formations partagées. En ce sens, les établissements en projet, dans les régions présentant une forte démographie scolaire, pourraient suivre ce modèle. Aujourd'hui, la filière S représente 52 % des effectifs de la voie générale et n'est nullement, en tant que telle, une filière d'élite, mais elle garantit l'accès à l'ensemble des filières de l'enseignement supérieur. 40 % des élèves qui s'y trouvent n'ont d'ailleurs aucune volonté de poursuivre ultérieurement des études scientifiques. Il s'agit donc d'une filière de sécurité permettant de reporter un choix d'orientation. On peut obtenir un bac S avec moins de 5/20 en mathématiques et en physique, grâce au jeu des coefficients des matières littéraires ! Aujourd'hui, la filière S est considérée comme l'était jadis la filière C ; l'actuelle valeur de référence attribuée à cette filière dissuadant nombre d'élèves de suivre les cours qui leur tiennent réellement à coeur. Il faut ainsi mettre fin à cette logique punitive et réorienter le flux des élèves !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

Que le baccalauréat professionnel soit hors du champ de votre mission est révélateur ! Vous proposez une certification numérique du niveau des langues vivantes. L'évaluation orale n'est-elle pas, pour ces matières, à privilégier ? Vous semblez préconiser la prise en compte des relevés de notes, sans réellement prendre en compte les compétences dans le choix des cursus. Vous ne consacrez qu'un seul paragraphe de votre rapport à l'orientation, sans proposer d'autres pistes que l'intervention d'enseignants extérieurs ou professionnels. Cette démarche, certes louable, me paraît insuffisante. Enfin, pourquoi ne proposez-vous pas, parmi les disciplines retenues pour les épreuves majeures, des épreuves telles que la physique et SVT ou la chimie et SVT ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Vos propositions permettront de reconnaître la variété des profils des étudiants et ainsi de mieux les orienter dans l'enseignement supérieur. Quel sera l'impact de votre réforme sur les dispositions du projet de loi sur l'orientation et la réussite des étudiants que le Parlement examine actuellement ? Comment adapter l'un ou l'autre dispositif pour assurer une articulation cohérente entre le baccalauréat et l'enseignement supérieur ? Les professeurs devront-ils imposer aux élèves des filières technologiques ou professionnelles une orientation ou leur laisseront-ils le choix des matières étudiées? La classe de seconde bénéficiera-t-elle d'un tronc commun ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Les décisions qui seront prises sur le fondement de votre rapport m'inquiètent. La simplification du baccalauréat ne manquera d'induire de nombreuses conséquences, parmi lesquelles l'aggravation des inégalités entre les élèves, la disparition de la classe comme cadre de référence, la suppression de quelque vingt-mille postes et l'annualisation du temps scolaire. Les enseignants risquent de devenir les VRP de leur matière, à l'instar de ce que sont aujourd'hui les professeurs d'allemand. Votre réforme ne manquera pas de renforcer la prédominance de l'anglais en collège et lycée. Ne risque-t-elle pas de causer la perte de la valeur nationale du baccalauréat, qui donne pourtant aux enfants des classes populaires un premier objectif et demeure un socle de culture commune ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Nous partageons votre vision républicaine de l'éducation qui vise à élever la totalité de la population vers plus de connaissances. Pour autant, à vous entendre, on se demande pourquoi le Gouvernement vient de commencer la réforme de l'éducation par Parcoursup ! Tout montre que nous aurions dû logiquement débuter notre réflexion avec le baccalauréat, alors que nous nous apprêtons à valider, la semaine prochaine, un système venant à l'encontre de vos propositions. Demain, la fiche avenir deviendra la véritable voie d'accès à l'université ! Or, le baccalauréat est à la fois un rite de passage et un outil fabuleux de la démocratisation de l'enseignement. Un quotidien vient de publier les distorsions phénoménales que connaissent les territoires en matière d'accès à l'université. Le système, dans lequel nous allons basculer, va renforcer ces inégalités territoriales. Rappelons qu'Edgar Faure considérait, en 1968, que l'éducation scientifique et mathématique participait à la démocratisation de notre enseignement, à l'inverse de la sélection par les humanités - le latin et le grec - qu'il estimait trop élitistes. Si les choses ont changé depuis, veillons à ce que le prochain dispositif soit équilibré !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

La réforme que vous proposez implique-t-elle l'abandon de certaines disciplines et la réduction du nombre de postes d'enseignants ? Avec l'instauration d'un contrôle continu, le seuil de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat ne devient-il pas inatteignable ? Quelle est l'échéance réaliste de la mise en oeuvre de cette réforme ?

Debut de section - Permalien
Pierre Mathiot, professeur des universités, auteur du rapport « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles »

Le baccalauréat professionnel, souvent stigmatisé, a connu une réforme qui doit encore être évaluée. Ses spécificités, comme la pédagogie inductive, le distinguent fortement des baccalauréats général et technologique sur lesquels porte en premier lieu notre mission. La certification numérique des langues que je propose n'est pas destinée à se substituer aux épreuves orales plus classiques. Afin de compléter la première évaluation reposant sur les notes, les compétences devraient figurer, de manière à la fois systématique et rigoureuse, dans le supplément au diplôme. Notre rapport accorde de nombreux développements à la question de l'orientation. La réduction au nombre de quatre des épreuves terminales du baccalauréat n'implique pas la disparition des disciplines classiques, puisqu'il sera possible aux élèves de les choisir comme majeures. À titre individuel, en ma qualité d'ancien directeur d'un institut d'études politiques, il me semble que les Parcoursup devraient être améliorés en décalant les dates de saisie des voeux et en réinstaurant leur hiérarchisation. Le dispositif proposé induit un durcissement des attendus locaux des universités et la modification que je préconise éviterait que les facultés n'en profitent pour organiser la rareté de leurs places. Si je suis contre la sélection à l'entrée de l'université, je reste, en revanche, en faveur d'une orientation réussie ! L'accompagnement effectif des élèves, dans la durée, devrait régler les problèmes de mauvaise orientation que connaissent surtout les élèves issus des milieux populaires. La régulation du système serait également favorisée par l'attribution en priorité des places en institut universitaire de technologie (IUT) aux élèves de baccalauréat professionnel ou technologique. J'ai bon espoir que la mise en oeuvre de la réforme réponde aux intérêts supérieurs de l'éducation nationale et ce, davantage que Parcoursup qui me semble avant tout répondre à la crise ponctuelle du tirage au sort. Les attendus des universités devraient être généralistes afin de restituer au baccalauréat sa valeur de tremplin vers l'enseignement supérieur et ne plus tenter de capter les meilleurs élèves du secondaire. Les premiers lauréats de ce nouveau baccalauréat sont attendus pour 2021 et la seconde devrait être modifiée dès la rentrée prochaine, avant le changement des épreuves et des programmes des élèves de première prévu pour 2019. En effet, de nouveaux types d'épreuves, comme la note de synthèse, permettront de mieux préparer l'insertion dans l'enseignement supérieur. Ce calendrier contraint nous oblige à l'efficacité !

Le groupe-classe ne fait pas l'unanimité. Notre réforme entend le préserver, sauf dans la partie unité de complément et d'approfondissement, pendant la majeure partie du temps scolaire, comme c'est aujourd'hui le cas. Afin de prévenir l'accroissement des inégalités, l'offre des majeures doit être avant tout nationale, quitte à être déclinée au niveau des établissements. Les volumes horaires du lycée demeureront inchangés, options facultatives comprises ; nous avons donc raisonné à « lycée constant ». L'annualisation ne me paraît possible qu'à la condition d'informer, comme à l'université, les enseignants de leur emploi du temps dès le début de l'année scolaire. Si la semestrialisation a du sens pour les élèves, encore faut-il sécuriser la situation et garantir les heures supplémentaires des professeurs ! Tout changement de mineure devrait ainsi intervenir en début d'année afin de garantir l'information des enseignants. Les professeurs ont un service à acquitter et l'offre d'enseignement, via la définition d'un nombre de places par cours, est de nature à structurer la demande des élèves. Le baccalauréat demeure le diplôme à la fois de la fin des études secondaires et d'entrée dans l'enseignement supérieur. Il doit ainsi garder sa valeur nationale.

Afin de répondre à l'exigence de standardisation des épreuves, le contrôle continu pourrait être organisé sous la forme de bacs blancs, en recourant à une banque nationale de sujets et en assurant la circulation de copies entre les établissements publics et privés.

Dès sa création, l'organisation du baccalauréat a cherché à répondre à un critère d'équilibre : d'abord entre les épreuves orales et écrites, puis entre les matières littéraires et scientifiques. Je partage l'opinion du ministre de l'éducation nationale qui considère le calcul et le français comme les connaissances de base requises pour l'entrée en seconde. Il ne faut pas remplacer les compétences mathématiques par d'autres, mais veiller à ce que le choix des filières du lycée n'obère pas l'orientation post-bac. L'allégement du tronc commun, qui permet de dégager des volumes horaires destinés à l'approfondissement, nous a conduit à proposer en majeure ou en mineure des matières afin à la fois d'en maintenir la même quotité horaire et de répondre aux attentes des élèves les plus motivés. Les élèves scientifiques pourront choisir une mineure culture humaniste et un enseignement commun « culture et démarche scientifiques » à vocation pluridisciplinaire sera dispensé à l'ensemble des étudiants de classe terminale. Prenons cependant garde à ce que ces nouveaux enseignements pluridisciplinaires n'entrainent pas une régression vers les disciplines, à l'instar de ce qui a pu se produire avec l'enseignement moral et civique (EMC) ! Les associations des enseignants de mathématiques, physique-chimie et de SVT ont accepté de concevoir ensemble ce nouveau cours de culture scientifique. Si la réforme devrait induire une nette diminution des mentions et des notes au-dessus de 20/20, elle ne devrait pas modifier le seuil de 80 % d'une classe d'âge, qui reste atteint grâce aux effectifs du baccalauréat professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Votre rapport évince tout jargon et ne stigmatise ni l'école ni les professeurs, au gré de son analyse qui est pourtant sans concession. Le baccalauréat est un moment républicain, mais peut scléroser l'innovation pédagogique tandis que se distendent ses liens avec l'enseignement supérieur. Toutes les pratiques pédagogiques sont ainsi arc-boutées sur la préparation du baccalauréat aux dépens de toutes les innovations possibles. Cet examen certifie la fin d'un cycle mais n'est nullement une fin en soi. L'équilibre entre le contrôle continu et le contrôle final me paraît de nature à simplifier le baccalauréat. Évitons toutefois l'écueil que rencontrent les lycées professionnels qui organisent, à leur échelle, un véritable baccalauréat-bis, dans le cadre du contrôle continu ! On lance les réformes sans former les enseignants ! Comment comptez-vous éviter un débat entre disciplines ? Je me souviens, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, des vicissitudes de l'histoire-géographie en terminale, rendue optionnelle puis redevenue obligatoire. Tout n'est pas à mettre dans l'unité générale ! Il faut également autoriser des parcours modulaires et reconnaître le choix d'appétence des élèves. Je crains cependant que votre préconisation d'une liste nationale de majeures n'entraîne le rétablissement des filières et la primauté de la filière S ! Enfin, les plus belles réformes s'enlisent dans la réalité des établissements qui sont très hétérogènes ! On ne peut construire des parcours modulaires sans réfléchir à la mise en réseau des établissements. Votre réforme implique alors celle de la gouvernance des lycées. Grâce à votre rapport, le ministre dispose d'une méthode pour réformer efficacement le lycée, en se focalisant sur le parcours des lycéens et non sur la place des disciplines ou le confort des enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Le baccalauréat doit être mieux articulé avec l'enseignement supérieur. Or, nous sommes à contretemps avec la parution de votre rapport ! Quel est le continuum de la première année d'université avec le lycée ? Parcoursup n'est qu'un outil algorithmique d'affectation, alors qu'il pourrait devenir un outil d'orientation et modifier la première année d'université dans un sens plus généraliste et formateur. Alors qu'il nous faut nous prononcer prochainement sur le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, nous ne disposons pas d'une idée claire du parcours d'un jeune depuis le collège jusqu'à l'université ! Comment conduire une réflexion de fond dans de telles conditions ? En 2021, un baccalauréat nouveau sera mis en oeuvre et Parcoursup devra sans doute être modifiée. Au-delà des considérations techniques, le baccalauréat me paraît changer de valeur intrinsèque avec votre réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Le ton de votre rapport est très libre et j'espère qu'il sera suivi d'effet. Au-delà du baccalauréat, votre rapport révolutionne le paradigme de l'enseignement dans sa globalité, du primaire au supérieur. Au-delà de ces calendriers qui ne coïncident pas toujours, 850 000 étudiants attendent d'entrer à l'université et le tirage au sort ne saurait perdurer. Comment le lycée va-t-il préparer aux attendus de l'enseignement supérieur ? Le développement du contrôle continu ne va-t-il pas induire des disparités, sinon des inégalités, entre les établissements et les élèves ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

De nombreux établissements suivent des critères de notation extrêmement stricts et certains élèves peuvent être pénalisés par le contrôle continu, comme à l'occasion du brevet des collèges. Une telle réforme ne va-t-elle pas conduire à un changement des mentalités et porter un terme au culte de la notation drastique ? Je trouve également dommage que les options, comme les langues anciennes ou les activités artistiques, ne bénéficient plus des coefficients favorables qui ont permis leur maintien dans l'enseignement secondaire. Enfin, pourquoi ne pas avoir repris l'initiative de la reconquête du mois de juin qui mettait fin à la réquisition systématique des établissements scolaires comme lieux des examens ? Cette démarche permettait pourtant de continuer à travailler avec les élèves au cours de ce troisième trimestre particulièrement émietté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Il serait salutaire de remédier au désintérêt patent des lycéens pour les enseignements qui leur sont prodigués. Si le contrôle continu et l'assiduité constituent, selon vous, des solutions, encore faut-il s'assurer que le contenu des cours réponde à l'intérêt des élèves. Mais le choix éclairé de l'enfant doit avant tout être favorisé par l'accompagnement, le plus éclairé possible, des enseignants, quitte à prévaloir sur celui des parents. Sans l'élaboration d'un véritable parcours d'orientation, l'appétence pour les disciplines est impossible. Les lycéens doivent apprendre les méthodes de travail de l'enseignement supérieur : l'oral, la mémorisation, la hiérarchisation des idées et la structuration de la pensée, font souvent défaut au lycée. Le choix véritable des élèves permettra également de redonner aux filières technologique et général leur intérêt qui est de répondre à des désirs de formation et d'orientation distincts. Enfin, les jeunes Français devraient apprendre systématiquement l'anglais comme première langue et le codage informatique devrait devenir une discipline à part entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Finalisant un rapport sur l'éducation au, par et avec le numérique, j'ai pris connaissance avec intérêt de vos préconisations. Le numérique est notre nouvel écosystème et la réflexion sur l'évolution du baccalauréat doit en compte ses conséquences sur l'apprentissage et l'évolution des compétences. Plus que jamais, l'exercice d'un esprit critique est nécessaire dans notre monde de surabondance informationnelle et l'éducation au numérique s'avère essentielle, afin d'éviter la domination sans partage d'une élite acculturée à cette technologie.

Debut de section - Permalien
Pierre Mathiot, professeur des universités, auteur du rapport « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles »

La réforme que nous préconisons concerne une génération et prend nécessairement en compte le numérique pour lequel j'appelle au lancement d'un nouveau Plan Marshall. Dans ce secteur, un grand manque d'enseignants et la très forte disparité d'équipements informatiques dans les établissements et selon les régions est manifeste. Manquer le virage du numérique et de l'informatique en 2018 serait catastrophique ! Outre la formation proprement dite des enseignants, en l'absence notamment d'une agrégation en informatique, il faut déplorer un manque de formation dans ces nouvelles techniques d'enseignement qui reposent, pour le moment, sur le bon vouloir des enseignants. Le choix des élèves fait également débat et l'idée d'un « lycée personnalisé accompagné » me paraît de nature à favoriser son expression, sans perturber l'organisation des établissements. Le « lycée des possibles » prend une double dimension : s'il faut faire confiance aux élèves, les enseignants, en seconde, doivent expliquer clairement les tenants et les aboutissants des options qui leur sont proposées. Il s'agit là d'une exigence démocratique. Il faut davantage inciter qu'imposer la mise en réseau d'établissements proposant des majeures communes et la semestrialisation qui existent déjà à titre expérimental. À la différence de la réforme du baccalauréat qui s'inscrit dans la durée, celle du supérieur est plus ardue et urgente, puisque les étudiants sont déjà dans les filières. Certes, l'inversion du calendrier de la réforme eût été salutaire, mais vous pourrez amender le projet de loi en prévoyant d'évaluer et de modifier le fonctionnement de Parcoursup en 2021.

La rareté des épreuves terminales renforce la valeur symbolique du baccalauréat. La France a besoin de rituels collectifs républicains comme le baccalauréat. Les élèves se souviendront de leur grand oral qui devrait s'inspirer de l'épreuve des travaux personnalisés encadrés (TPE) ou de l'oral du bac technologique, et impliquer une préparation spécifique. Il faut gérer une tension entre le lycée, moment d'acquisition d'une culture commune, et l'unité d'approfondissement destinée à préparer l'accession individuelle à l'enseignement supérieur. Les élèves doivent ainsi réaliser en commun les mêmes choses, tout en se singularisant. Le contrôle continu implique des disparités, mais son instauration peut conduire à l'éviction de la culture de la notation destructrice qui est parfois pratiquée dans les lycées de centre-ville et ne prépare guère à la société de confiance de demain. Mais il me paraît pour autant difficile d'adapter le système anglo-saxon, en lettres et pourcentages, compte tenu de l'émoi qu'une telle proposition suscite dans la communauté éducative !

La plupart des parents font étudier le latin à leurs enfants en raison du fort coefficient de l'épreuve susceptible de garantir l'obtention d'une bonne mention au baccalauréat. Comme l'a démontré une étude du Conseil d'évaluation du système scolaire (CNESCO), le choix des options est directement lié au milieu d'origine et favorise les élèves des milieux aisés. Une majeure « langue et civilisation antiques » sera néanmoins proposée comme épreuve terminale avec une importance plus grande accordée aux aspects civilisationnels. La nouvelle organisation des épreuves du baccalauréat dégagerait ainsi une quinzaine de jours, sans compter le grand oral. Pourquoi ne pas faire passer le bac dans des salles municipales ou dans les zéniths, sous la surveillance de retraités de l'éducation nationale ? Cette démarche garantirait le fonctionnement des lycées et permettrait aux enseignants, soit de faire cours ou de suivre des formations. Les élèves de seconde pourraient alors bénéficier de cette période pour découvrir l'enseignement supérieur ou faire des stages en entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les réformes à venir doivent impliquer un réel examen des notions d'orientation et d'accompagnement des élèves sur lesquels portent depuis longtemps les travaux de notre commission. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'évoquer ces sujets avec le ministre de l'éducation nationale.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 16 h 35.