La réforme que nous préconisons concerne une génération et prend nécessairement en compte le numérique pour lequel j'appelle au lancement d'un nouveau Plan Marshall. Dans ce secteur, un grand manque d'enseignants et la très forte disparité d'équipements informatiques dans les établissements et selon les régions est manifeste. Manquer le virage du numérique et de l'informatique en 2018 serait catastrophique ! Outre la formation proprement dite des enseignants, en l'absence notamment d'une agrégation en informatique, il faut déplorer un manque de formation dans ces nouvelles techniques d'enseignement qui reposent, pour le moment, sur le bon vouloir des enseignants. Le choix des élèves fait également débat et l'idée d'un « lycée personnalisé accompagné » me paraît de nature à favoriser son expression, sans perturber l'organisation des établissements. Le « lycée des possibles » prend une double dimension : s'il faut faire confiance aux élèves, les enseignants, en seconde, doivent expliquer clairement les tenants et les aboutissants des options qui leur sont proposées. Il s'agit là d'une exigence démocratique. Il faut davantage inciter qu'imposer la mise en réseau d'établissements proposant des majeures communes et la semestrialisation qui existent déjà à titre expérimental. À la différence de la réforme du baccalauréat qui s'inscrit dans la durée, celle du supérieur est plus ardue et urgente, puisque les étudiants sont déjà dans les filières. Certes, l'inversion du calendrier de la réforme eût été salutaire, mais vous pourrez amender le projet de loi en prévoyant d'évaluer et de modifier le fonctionnement de Parcoursup en 2021.
La rareté des épreuves terminales renforce la valeur symbolique du baccalauréat. La France a besoin de rituels collectifs républicains comme le baccalauréat. Les élèves se souviendront de leur grand oral qui devrait s'inspirer de l'épreuve des travaux personnalisés encadrés (TPE) ou de l'oral du bac technologique, et impliquer une préparation spécifique. Il faut gérer une tension entre le lycée, moment d'acquisition d'une culture commune, et l'unité d'approfondissement destinée à préparer l'accession individuelle à l'enseignement supérieur. Les élèves doivent ainsi réaliser en commun les mêmes choses, tout en se singularisant. Le contrôle continu implique des disparités, mais son instauration peut conduire à l'éviction de la culture de la notation destructrice qui est parfois pratiquée dans les lycées de centre-ville et ne prépare guère à la société de confiance de demain. Mais il me paraît pour autant difficile d'adapter le système anglo-saxon, en lettres et pourcentages, compte tenu de l'émoi qu'une telle proposition suscite dans la communauté éducative !
La plupart des parents font étudier le latin à leurs enfants en raison du fort coefficient de l'épreuve susceptible de garantir l'obtention d'une bonne mention au baccalauréat. Comme l'a démontré une étude du Conseil d'évaluation du système scolaire (CNESCO), le choix des options est directement lié au milieu d'origine et favorise les élèves des milieux aisés. Une majeure « langue et civilisation antiques » sera néanmoins proposée comme épreuve terminale avec une importance plus grande accordée aux aspects civilisationnels. La nouvelle organisation des épreuves du baccalauréat dégagerait ainsi une quinzaine de jours, sans compter le grand oral. Pourquoi ne pas faire passer le bac dans des salles municipales ou dans les zéniths, sous la surveillance de retraités de l'éducation nationale ? Cette démarche garantirait le fonctionnement des lycées et permettrait aux enseignants, soit de faire cours ou de suivre des formations. Les élèves de seconde pourraient alors bénéficier de cette période pour découvrir l'enseignement supérieur ou faire des stages en entreprise.