Intervention de Sandrine Rousseau

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 janvier 2018 : 1ère réunion
Audition de Mme Sandrine Rousseau présidente de l'association parler

Sandrine Rousseau :

Je vous remercie de me recevoir. Mon propos introductif sera volontairement court, afin de favoriser le dialogue avec les membres de la délégation.

Pour répondre à votre question sur les réactions moins nombreuses à la suite de l' « affaire Baupin » que dans le sillage de l'« affaire Weinstein », je pense effectivement qu'il est plus difficile de parler après que les affaires sont sorties du milieu politique que du milieu du spectacle, qui a quelque chose de beaucoup plus consensuel. C'est une explication parmi d'autres. En France, je pense qu'il est assez difficile de faire émerger des affaires dans des sphères autres que la politique. On a entendu quelques dénonciations issues du militantisme politique, quelques-unes aussi dans le milieu journalistique, mais cela reste encore assez limité.

Pourquoi ai-je décidé de fonder l'association Parler et d'écrire l'ouvrage que j'ai intitulé de la même manière ? Pour répondre à cette question, il faut que je revienne un peu en arrière. Quand on a été confronté comme moi à une violence sexuelle, on vit souvent une période durant laquelle on essaie de faire avec, en se disant que ce n'est pas si grave, qu'on a fait face. Pendant cette période, on peut avoir des moments de bonheur et de joie, on ne pense pas forcément en permanence à l'agression, qui n'est pas nécessairement obsessionnelle. Malgré tout, ce souvenir reste toujours présent dans un coin de notre tête. Donc, on en parle quand même, pour essayer de faire évoluer les choses. En ce qui me concerne, j'en ai parlé au sein du parti dans les minutes qui ont suivi mon agression, je n'ai même jamais cessé d'en parler, mais je me suis heurtée à la surdité du monde politique. Personne n'a vraiment voulu entendre !

À partir du moment où l'on parle officiellement, que ce soit dans les journaux ou en allant déposer plainte à la gendarmerie ou au commissariat, on traverse une sorte de révolution personnelle, qui nous assaille pour le meilleur et pour le pire. Cela bouleverse totalement notre monde personnel. Aujourd'hui, en France, parler est vraiment un parcours extrêmement compliqué et douloureux. Voilà pourquoi j'ai écrit ce livre. Je n'ai pas trouvé beaucoup de littérature sur ce sujet, dans un moment où cela m'aurait beaucoup aidée. Il existe des livres sur le traumatisme du viol, mais très peu sur les violences sexuelles en général et sur le parcours d'une victime après la libération de sa parole. On peut avoir l'impression de devenir folle. Dans ces situations, seules les autres victimes, les femmes qui sont passées par là, peuvent constituer un soutien, alors que même vos proches ne vous comprennent plus.

J'ai donc voulu créer l'association Parler, une association de victimes, pour leur permettre de parler ensemble et leur offrir un espace de complète liberté de parole, pour échanger et leur montrer qu'elles ne sont pas seules. À la suite de la publication de mon livre, du lancement de l'association et de mon passage à l'émission On n'est pas couchés qui a suscité une polémique, j'ai reçu des milliers de témoignages de femmes. Toutes, elles disent la même chose. Il est vraiment frappant de voir à quel point leurs discours se ressemblent et à quel point leurs parcours sont communs, alors même qu'elles se sentent si seules et isolées.

Forte de mon vécu, je voudrais vous soumettre plusieurs propositions pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences sexuelles.

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