Bonne question ! Que faire de ce matériau accumulé au cours de sept années de préparation ? Pour y réfléchir, nous réunirons nos partenaires financiers cette semaine, et les représentants des dix-sept territoires engagés à nos côtés la semaine prochaine. Il y a aussi les travaux du millier de jeunes qui, depuis deux ans, font vivre la candidature française dans leur pays, et dont une centaine, désignés comme ambassadeurs par les réseaux sociaux, sont venus à Paris il y a trois mois.
Nous avons beaucoup réfléchi à la nouvelle architecture, ou encore aux systèmes immersifs. Ainsi, nous avons travaillé avec Wikipédia pour faire que les contenus proposés par un pays ne représentent plus seulement les États-Nations mais la population mondiale. Le pavillon des nations, un globe, aurait exposé des données envoyées par des communautés de populations de chaque pays, ce qui aurait donné à voir la communauté mondiale, afin de retrouver l'esprit des grandes Expositions universelles. Nous avions beaucoup étudié les comportements des visiteurs, et le plan des 110 hectares préfigurait les flux d'une nouvelle urbanité.
Je proposerai à nos partenaires de reprendre tous ces travaux dans le cadre d'un colloque sur la préparation d'une Expo universelle au vingt-et-unième siècle.
Au fond, cet échec révèle un État qui a du mal à anticiper et à innover et qui manifeste une aversion au risque, même quand ce n'est pas lui qui le supporte. Les Expositions les plus folles furent celles du XIXe siècle : 1851 à Londres, 1855 à Paris... Elles n'étaient pas organisées par les États ni réglementées par le BIE, qui date de 1928 et apparaissaient comme le résultat d'une sorte de génération spontanée, faite d'artistes, d'inventeurs, d'entrepreneurs, d'ingénieurs, qui ont eu l'audace de construire le Grand Palais ou la Tour Eiffel ... C'est là qu'ont démarré la moitié des grandes emprises françaises : Peugeot, Renault, Guerlain, Vuitton... Toutes ces marques sont nées d'artisanats du XIXe siècle, médaillés aux Expositions universelles et qui sont devenus les grands succès économiques qui ont fait la France du XXe siècle.
N'avons-nous pas perdu cette audace et cette logique ? La situation actuelle résulte d'un refus de l'audace par un Premier ministre comptable et non stratège. Ce sont les notes d'une équipe de fonctionnaires qui ont arrêté le projet. Or la France ne peut pas se priver de l'audace, au risque d'être réduite à sa démographie dans une mondialisation de sept milliards d'individus. Sans rayonnement en direction des nouvelles générations, nous n'aurons plus qu'à nous concentrer, en effet, sur notre comptabilité publique... Nos grandes entreprises le savent bien, qui voyaient dans ce projet l'occasion de reprendre l'initiative.
Quant à la blockchain et aux nouveaux grands systèmes collaboratifs, ils doivent être à la base d'un projet d'Exposition universelle du XXIe siècle. Éric Orsenna disait qu'il fallait réveiller la folie de la France. Pour cela, nous devons nous affranchir d'un État par trop régulateur. C'est le sujet politique majeur pour notre pays.
Que faire ? Nous sommes très motivés pour continuer. Comment ? Là, c'est une question d'innovation. L'annulation n'a pas été notifiée, puisque notre candidature figure toujours sur le site internet. Si les sénateurs interpellent le gouvernement - car dix-sept territoires sont prêts à continuer - le dossier a peut-être encore une chance d'être rouvert !