Bienvenue au Sénat. Vous êtes secrétaire général du groupe Carrefour depuis le mois de septembre, après avoir exercé diverses fonctions au Conseil d'État, au Conseil constitutionnel, dans l'administration ainsi que dans les médias, au sein du groupe Canal +. Notre commission est chargée, entre autres, des questions relevant du commerce et des questions agroalimentaires.
Depuis que nous avons convenu de cette audition, il y a deux mois, l'affaire Lactalis a mis en lumière certains dysfonctionnements des procédures d'alerte et de retrait de produits en matière de sécurité alimentaire qui mettent en cause votre groupe - comme d'autres acteurs de la grande distribution. Cela fera l'objet le 14 février prochain d'une audition des différents acteurs de la distribution, dans le cadre d'une démarche conjointe de notre commission et de la commission des affaires sociales. Votre groupe y sera représenté ; je souhaite donc, dans la mesure du possible, que cette question soit abordée dans le cadre de l'audition à venir, et non pas aujourd'hui.
C'est votre groupe qui a lancé en France, il y a plus de 50 ans, à Sainte-Geneviève-des-Bois, le concept d'hypermarché et qui a construit - comme d'autres acteurs, et notamment Edouard Leclerc et la famille Mulliez - une vaste gamme de produits distributeur, notamment dans le domaine de l'alimentaire. Aujourd'hui, le Groupe Carrefour est présent dans plus de trente pays, avec près de 12 000 magasins qui se déclinent en plusieurs formats : hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité et même cash & carry.
Beaucoup d'acteurs et d'experts du commerce et de la distribution insistent sur les fortes mutations du commerce, notamment sous la pression des acteurs du numérique, qui orchestreraient la fin des hypermarchés tout en favorisant la désertification commerciale de nos centres-villes et centres-bourgs et, plus généralement, le déclin du commerce physique. Quelle est la stratégie de Carrefour face à ces évolutions ? Comment réagissez-vous à ces prédictions pessimistes ? Votre résultat opérationnel courant a connu une baisse de 15 % à taux de change courant et, manifestement, l'intégration du réseau de proximité Dia, racheté en 2014, est financièrement difficile.
Le groupe vient de présenter, le 23 janvier dernier, un plan de transformation prévoyant un investissement massif de trois milliards d'euros sur cinq ans dans le développement du digital et le renforcement de l'offre en produits biologiques, ainsi qu'une alliance avec des intervenants chinois. Mais cette transformation se fait au prix de 2 400 suppressions d'emplois, notamment au siège, et de la cession d'une partie de vos actifs, dont le réseau Dia. Au-delà de ce plan, quelle est votre vision prospective de l'avenir de la distribution alimentaire ? Face à l'offensive d'acteurs tels qu'Amazon, quel est l'avenir du commerce physique ?
Le modèle de la grande distribution a fait naitre une législation très spécifique en matière de relations commerciales et d'urbanisme commercial. Cette législation est souvent décriée, soit parce qu'elle entraverait trop l'action des acteurs, soit, à l'inverse, parce qu'elle serait insusceptible de protéger les plus faibles, qu'il s'agisse des producteurs ou des petits distributeurs. En particulier, la tenue des négociations avec les producteurs agricoles est souvent un moment de forte tension, qui atteint chaque année son paroxysme en février, au moment où s'ouvre le salon de l'agriculture. Et les pratiques de négociation des grands distributeurs sont souvent mises en cause.
Quelle est votre appréciation, en général, sur cette législation ? En particulier, la charte de bonne conduite négociée récemment vous parait-elle de nature à améliorer durablement la situation et à favoriser une meilleure répartition de la valeur et des efforts entre distributeurs et producteurs ? Les états généraux de l'alimentation ont également donné lieu à certaines préconisations. Que vous inspirent-elles ? Je souligne d'ailleurs que le projet de loi sur l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire est présenté aujourd'hui en conseil des ministres.
De même, la législation sur l'urbanisme commercial, malgré les dernières réformes, reste accusée de favoriser la déshérence commerciale des centres-villes, notamment dans les villes moyennes. Quel est votre constat en la matière et, le cas échéant, quelles sont vos suggestions ?