Intervention de Jacques Bigot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 1er février 2018 à 16h15
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice sur la situation des prisons

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Les prisons n'intéressent pas les Français. Je ne suis pas certain qu'elles intéressent beaucoup les politiques. Vous en prendrez la mesure lorsqu'il vous faudra faire appel aux élus locaux pour trouver des terrains afin d'y construire de nouveaux établissements. J'en ai fait l'expérience à Strasbourg. Telle est la réalité, et il faut sans doute des crises comme celle que nous venons de vivre pour nous faire réagir, même au Parlement. J'espère que nous saurons nous en souvenir lorsque vous nous présenterez le prochain texte de loi.

On constate une inflation du nombre de peines d'incarcération prononcées, et cela valait déjà sous le gouvernement précédent. La détention préventive est également très utilisée, si bien que les prisons se remplissent de plus en plus. Le monde judiciaire reste parfaitement indifférent à ce qui peut s'y passer et l'administration pénitentiaire connaît un isolement très fort.

Il est temps de faire évoluer notre vision du système pénitentiaire. Nous savons bien, monsieur le président de la commission de lois, que la contrainte pénale a fait débat entre nous. Pour autant, nous ne changerons pas la situation sans recourir à des peines alternatives, qui seront intégrées à la réflexion sur la construction des nouveaux lieux de détention. Un certain nombre de personnes pourrait déjà être placé en détention dans des établissements moins sécuritaires. Les quartiers de préparation à la sortie, moins rigides, pourraient facilement accueillir ceux qui sont condamnés à des peines courtes ou qui subissent une sanction pour ne pas avoir respecté des jours d'amende. En outre, les élus accepteront sans doute beaucoup plus facilement de vous trouver un terrain s'il s'agit de construire un établissement moins sécuritaire. Les délais peuvent être longs - je l'ai constaté dans le Haut-Rhin avec Lutterbach - et je vous souhaite de ne pas mettre autant de temps qu'il en a fallu pour décider qu'on ne construirait pas d'aéroport à Notre-Dame des Landes.

Après avoir visité l'établissement où une tentative d'assassinat a eu lieu, vous avez promis un plan en dix points. Comme sénateurs, nous visitons tous les établissements qui se trouvent dans notre circonscription et nous savons combien, partout, les besoins sont importants. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté les a relevés. Il est urgent de dégager des moyens supplémentaires. Nous sommes disposés à vous soutenir auprès du Gouvernement et de Bercy pour faire en sorte que l'amélioration de la situation des prisons devienne une priorité. L'idée ne sera pas forcément populaire, mais c'est à nous, élus, de faire comprendre à nos concitoyens que la peine d'emprisonnement attendue par les victimes pour éloigner le délinquant ne l'empêchera jamais de revenir. Il faut avoir le courage de le dire, de même qu'il faut dire aussi que les courtes peines qui conduisent à l'encombrement de nos maisons d'arrêt ne sont pas une solution. Elles ne font que créer une difficulté supplémentaire pour le personnel pénitentiaire qui, privé de toute latitude pour mener un travail d'accompagnement, se trouve réduit à faire de la simple surveillance et de la garde. Or, les surveillants pénitentiaires ont un vrai travail social à accomplir. En Scandinavie, puisque vous parlez de comparaisons internationales, madame la ministre, il y a un surveillant pour trois détenus !

Si nous voulons changer de modèle, cela suppose que nous cherchions ensemble, dans le consensus, une autre manière d'envisager la peine et son exécution, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas de peine.

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