Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 1er février 2018 à 16h15
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice sur la situation des prisons

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Si les établissements de détention ont pu continuer à fonctionner pendant cette crise qui a duré une douzaine de jours - et l'on sait combien la continuité du service public est essentielle dans l'administration pénitentiaire, ce qui justifie d'ailleurs le statut spécial accordé aux agents - c'est grâce au personnel d'encadrement qui s'est énormément investi dans des conditions particulièrement difficiles, grâce aux agents qui ont accepté de continuer leur service, mais aussi grâce aux forces de sécurité intérieure. Je les en remercie.

Au niveau national, on ne recense que 3 % de femmes détenues, qui sont accueillies dans des quartiers qui leur sont réservés à elles et à leurs enfants. J'ai récemment visité celui de Fleury et je voudrais aller à Rennes. Les capacités d'accueil à Fleury sont largement suffisantes.

La situation des malades psychiatriques est un vrai sujet. Dans le protocole d'accord que nous avons signé avec les organisations syndicales, il est mentionné que nous devons développer une prise en charge particulière à leur intention. Nous y travaillerons avec Agnès Buzyn. Actuellement, 186 psychiatres et 315 psychologues exercent dans nos établissements pénitentiaires. Partout où je vais, on me dit que ce n'est pas suffisant pour prendre en charge les détenus malades qui se plaignent de ne pas pouvoir voir un médecin assez rapidement, tandis que les médecins regrettent de ne pouvoir réaliser qu'une prise en charge partielle pour répondre à l'urgence. Les malades peuvent être soignés au sein de l'établissement ou être hospitalisés à l'extérieur. Quoi qu'il en soit, l'offre de santé mentale reste insuffisante, conséquence sans doute de la situation extrêmement tendue dans laquelle se trouve la psychiatrie au niveau national.

Mettre en place un TIG suppose qu'une collectivité ou un entrepreneur acceptent de prendre en charge le détenu, que nous puissions assurer leur rémunération et que les magistrats soient informés précisément de l'existence et de la disponibilité de ces chantiers. Nous avons confié une mission parlementaire à votre collègue député Didier Paris et à M. David Layani afin de déployer une plateforme numérique qui garantisse une meilleure prise en charge des TIG.

On a enregistré 113 suicides de détenus en 2015 et autant en 2016. Le taux de suicide est de 15,7 % pour 10 000 détenus. Il a diminué, car il était à 18 % en 2008, alors que la surpopulation carcérale s'est accentuée. Il s'explique bien sûr par les conditions très difficiles dans lesquelles vivent les détenus. Une grande violence sévit effectivement dans les prisons. Il n'est qu'à voir le film de l'agression qui a eu lieu à la prison de Borgo : cela dure plus d'une minute et le surveillant est agressé sauvagement. Sans préjuger des résultats de l'enquête, la personnalité du détenu incriminé semblait poser problème à l'administration. Il s'agissait d'un détenu de droit commun qui n'était pas entré pour radicalisation, mais qui peut-être se radicalisait. L'enquête nous en dira plus. Quoi qu'il en soit, la violence n'est effectivement pas uniquement le fait des détenus radicalisés.

Lorsque je me suis rendue à Fleury, j'ai discuté avec des surveillants qui avaient en charge les très courtes peines. C'était avant les événements. Ces personnes étaient fatiguées et nourrissaient une forme de colère due au manque de respect des détenus et à la remise en cause constante de leur autorité.

J'ai une position très pragmatique au sujet des passe-menottes et des moyens ultra-sécuritaires. Il faut assurer la sécurité du personnel pénitentiaire et dans certaines situations des équipements particuliers seront utiles. Lors de la tentative d'assassinat à Vendin-le-Vieil, les surveillants étaient quatre pour faire sortir le détenu de sa cellule car ils avaient des doutes sur son comportement - le détenu avait appris la veille qu'il allait être extradé aux États-Unis. Dans un cas comme celui-ci, les surveillants auraient pu utiliser un passe-menottes pour sécuriser le déplacement. Pour autant, le respect des droits restent une ligne infranchissable. Le protocole d'accord indique que ces équipements de sécurité seront adaptés à une situation particulière ou à des quartiers spécifiques.

Les conseillers d'insertion et de probation jouent un rôle majeur. Nous devrons nous appuyer sur eux si nous voulons faire évoluer le sens de la peine et garantir son efficacité. Ils mènent d'ailleurs aujourd'hui une journée nationale d'action pour dénoncer le fait que le protocole d'accord signé avec le gouvernement précédent a été décalé d'un an, comme c'est le cas pour l'ensemble des protocoles d'accord de ce type dans la fonction publique. Pour faire évoluer et pour clarifier les missions de ces conseillers d'insertion et de probation, le directeur de l'administration pénitentiaire a récemment publié un référentiel des métiers. La loi de programmation augmentera le nombre d'emplois dans cette branche sur cinq ans. Pas moins de 150 emplois supplémentaires seront créés dès cette année. Nous souhaitons que la progression se maintienne, car le rôle de ces agents est essentiel pour l'efficacité de la peine.

L'évaluation de la radicalisation est confiée à un personnel pluri catégoriel. Il s'agit non pas de surveillants pénitentiaires, mais de psychologues, de sociologues, de médecins et, le cas échéant, de référents dans le domaine religieux.

Monsieur Bigot, vous avez raison il faut d'abord réfléchir au sens de la peine avant de la définir. Toute notre démarche consiste à garantir l'individualisation de la peine, principe fondamental de notre droit, car chaque détenu est dans une situation spécifique et doit être traité de manière particulière, avec des évolutions pendant la peine. Les quartiers de préparation à la sortie impliquent des exigences en termes de sécurité moindres que des prisons comme Vendin-le-Vieil ; ils pourront donc être construits à un rythme plus rapide. Vous avez évoqué les 10 engagements que j'ai annoncés lors de ma visite de la maison centrale de Vendin-le-Vieil...

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