Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui autour d’un sujet de première importance : la protection de la santé des Français face à la dangerosité de certains produits phytopharmaceutiques.
En 2012, une mission sénatoriale, présidée par notre collègue Sophie Primas et dont vous avez été, madame Bonnefoy, la rapporteur, avait alerté notre hémicycle sur l’urgence de ces sujets et proposé une centaine de recommandations pour lutter contre les pesticides cancérigènes. Ses travaux trouvent aujourd’hui une expression concrète au travers de cette proposition de loi.
Le rapport Pesticides : vers le risque zéro, publié en octobre 2012, avait été, je crois que cela mérite d’être rappelé, voté à l’unanimité. La question dépasse en effet les clivages partisans. Après sept mois d’auditions, la mission avait conclu à une sous-évaluation des dangers relatifs aux pesticides, à une insuffisante prise en compte du suivi des produits après leur mise sur le marché et à un manque de prise en compte des problématiques de santé dans les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles.
Ce rapport avait été un véritable signal d’alarme pour le précédent gouvernement : l’Institut national de la santé et de la recherche médicale s’était saisi du sujet, publiant lui-même un rapport en juin 2013, et la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt d’octobre 2014 avait mis en place un dispositif de phytopharmacovigilance. Cette loi avait aussi marqué un tournant important de notre approche de ce sujet, en reconnaissant les hémopathies en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides comme des maladies professionnelles.
Les auteurs de la présente proposition de loi entendent aller plus loin. En complétant ce dispositif avec une prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, ils souhaitent que soient reconnus les dangers de ces produits et la réalité de ces pathologies.
Comme cela fut le cas en leur temps pour les victimes de l’amiante ou les vétérans des essais nucléaires, la création d’un fonds d’indemnisation permettra de reconnaître la réalité de la maladie et de sensibiliser la population à ce problème récurrent. Aujourd’hui encore, devant les tribunaux, de nombreux salariés agricoles plaident pour faire reconnaître leurs pathologies comme des maladies professionnelles. Il faut à mon avis les accompagner dans ce combat de tous les jours.
C’est le cas de deux ex-salariés de la coopérative agricole Nutréa-Triskalia, atteints d’hypersensibilité aux produits chimiques à la suite de leur surexposition, déclarés inaptes au travail et finalement congédiés. En septembre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc avait jugé la coopérative coupable d’une faute inexcusable pour l’intoxication de ses employés en 2010. La décision avait fait grand bruit.
En décembre 2017, encore, le conseil des prud’hommes de Lorient a déclaré leur licenciement sans cause réelle et sérieuse. En réaction, le commissaire européen chargé de la santé et de la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, a demandé la tenue d’un audit sur les pratiques des entreprises agroalimentaires bretonnes au printemps 2018. L’adoption de la proposition de loi, mes chers collègues, devrait nous permettre de répondre à ce genre de situation.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants attire votre attention sur l’importance de cette proposition de loi dans la reconnaissance de l’un des fléaux modernes du monde agricole : la dangerosité des produits utilisés. Elle recueille son soutien.
Elle répond à une inquiétude de terrain, dont de nombreux agriculteurs ont fait la désagréable expérience, et elle a, jusqu’à présent, fait l’objet d’une relative unanimité dans nos débats.
Madame la ministre, j’ai bien entendu les remarques que vous venez de formuler et qui, bien évidemment, doivent être prises en compte. J’en retiendrai trois.
En premier lieu, vous évoquez l’incertitude qui pèse sur le lien de causalité actuel de telle ou telle molécule. Je comprends le problème de la charge de la preuve qui peut s’y attacher. Néanmoins, le débat actuel me rappelle celui sur l’amiante et sur les radiations nucléaires, et j’estime que c’est au travers de ce genre d’arguments que le temps du constat est différé.
On peut compter, je dois le dire, sur les industriels et sur les lobbies pour faire en sorte que les preuves de toxicité reculent et que tout cela prenne autant de temps que pour l’amiante ou les radiations nucléaires.