Cette période est depuis appelée « période de consolidation », selon la terminologie du MEDEF. C'est d'ailleurs aussi une manière intéressante de dire les choses, puisque l'on peut se demander ce qu'il y a à consolider !
Cela signifie que vous créez une zone de non-droit juridique, de même qu'existent déjà des territoires de non-droit. Vous inventez ainsi au profit du patronat ce que vous reprochez par ailleurs aux jeunes des banlieues ; l'analogie est intéressante.
En fait, cette période de consolidation est juridiquement innommable, sauf à tomber sous le coup de la convention n° 158 de l'OIT, reprise par l'article 24 de la charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999 et reconnue par ailleurs d'application directe par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.
Voici donc l'article 4 de la convention n° 158 : « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ».
S'agissant du CNE, au sujet duquel il a été saisi, le Conseil d'État a considéré que le licenciement peut toujours être contesté devant un juge, sur le terrain de l'abus de droit, la charge de la preuve incombant au salarié. On pourra alors, mais un peu tard, savoir s'il y a, ou non, un motif sérieux de licenciement. Ce n'est que si l'abus de droit est constaté que le salarié peut prétendre à réparation.
On peut imaginer que le Conseil d'État en jugera de même pour le CPE. Mais on ne peut négliger le fait que l'article 7 de la même convention n° 158 impose l'existence d'une procédure contradictoire en cas de licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié. La procédure judiciaire a posteriori peut-elle en tenir lieu ?
En ce qui concerne la période d'essai, la même convention de l'OIT prévoit qu'un État peut exclure du champ de certaines dispositions de la convention les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas l'ancienneté requise. Le présent projet de loi pourrait donc a priori entrer dans ce champ, d'autant plus que le code du travail ne prévoit aucune durée précise pour les périodes d'essai.
La jurisprudence de la Cour de cassation a néanmoins donné un certain nombre d'indications sur la durée raisonnable d'une période d'essai en fonction des différentes professions qu'elle a eues à considérer. Sont excessives une période d'essai de trois mois pour un coursier, de six mois pour un chargé de mission, de un an pour un cadre, etc. Il serait intéressant de savoir comment la Cour de cassation qualifiera cette période de deux ans, hors droit du travail puisque sans procédure ni motif de licenciement, si elle considère, le cas échéant qu'une période d'essai peut durer deux ans.