Intervention de Martin Vanier

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 1er février 2018 à 8h31
Audition de M. Martin Vanier géographe professeur à l'école d'urbanisme de paris

Martin Vanier, géographe :

Merci de votre accueil. Ce type de débat, informel et ouvert, n'est finalement pas si fréquent. Je passe mon temps dans les trains à sillonner nos territoires - et à intervenir au sein de maintes collectivités territoriales - et je me réjouis de voir beaucoup d'entre eux représentés autour de moi ce matin ! Vous m'avez donné pour mon intervention des mots-clés. Accessibilité et mobilité, d'abord. Ces deux notions forment un couple indissociable, et nous verrons comment elles évoluent à l'heure de la révolution numérique et digitale. Densité, ensuite - et, plutôt que de villes et de campagnes, nous parlerons de rapport entre espaces de densités différentes. Fracture, enfin ; le conseil régional de Centre-Val de Loire vient de lancer une initiative pour animer les territoires. En la matière, il me semble que la réciprocité est la vraie promesse de réduction de la fracture.

Que changent la révolution numérique et l'irruption de l'intelligence artificielle à notre rapport au déplacement ? Il y a longtemps que les prospectivistes, notamment à la Datar, réfléchissent à la question, dans le cadre des plans France 2015, France 2020 puis Territoires 2040. Ils ont fini par se forger - ce qui n'est pas si fréquent - une conviction durable : l'accès à distance ne se substitue pas aux pratiques de mobilité. Au contraire, il les équipe et les développe. Dans les années 1990, la priorité était au remplacement du déplacement par l'accès à distance. Mais rien de tel ne s'est produit, sinon à la marge, chez quelques ménages qui sont devenus des virtuoses de l'accès à distance. Dans l'ensemble, le numérique a accru la capacité de mobilité de notre société. Il rend même la mobilité de plus en plus désirable et intense, en remplissant de contenus les temps de déplacement. Par exemple, je ne travaille plus que dans les trains - et j'observe à chaque parcours que je ne suis pas le seul à tirer ainsi parti de mes déplacements !

Les vitesses de déplacement ne montrent aucune tendance à la baisse et, sur le long terme, le temps de la mobilité stagne - d'où l'inexorable étalement urbain que nous constatons. Le développement irrépressible de multiples engins hybrides, constitutifs de ce que j'appelle la société à roulettes, brouille la frontière entre mobilités actives - la marche, le vélo - et mobilités assistées. Pour aller d'un point à un autre, le temps de parcours devient constamment plus fluide et plus court - sinon, cela nous exaspère. Du coup, et quoi qu'on en pense, la dispersion n'est nullement en train de se réduire.

Notre société bénéficie globalement de plus en plus de moyens de choisir sa mobilité, et a de moins en moins à la subir. La rengaine « métro-boulot-dodo », qui exprimait dans les années 1960 et 1970 l'asservissement à la nécessité de se déplacer, appartient désormais au passé. On constate un culte du plaisir de la mobilité, orchestré notamment par les annonces publicitaires des constructeurs automobiles. Se déplacer est un plaisir, auquel nous pouvons accéder au moins de temps en temps. D'ailleurs, le surplus dégagé par l'accroissement de l'efficacité de nos déplacements est consacré... à nous déplacer davantage, alors même que notre société vieillit. Il est vrai qu'entre 60 et 80 ans, nous avons encore de beaux jours devant nous...

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