Intervention de Martin Vanier

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 1er février 2018 à 8h31
Audition de M. Martin Vanier géographe professeur à l'école d'urbanisme de paris

Martin Vanier, géographe :

Ce n'est pas un calvaire, puisque c'est un moment de plaisir. Sinon, on y renonce.

Quant aux contraintes qui ont été évoquées, ce sont celles que l'on se donne. Les ménages choisissent leur implantation en fonction d'un équilibre financier qui résulte d'un arbitrage entre le coût du logement et celui des déplacements. Ils choisissent ce qu'ils vont subir, qui ne leur est pas imposé autoritairement. En Isère, le temps de loisir est passé de préférence en montagne, ce qui requiert de faire une heure de route, dont on s'accommode. La société décide de se déplacer toujours plus et d'accroître l'intérêt et l'efficacité de ses déplacements, en s'appuyant pour cela sur un système qu'on lui vend pour en accroître le plaisir.

Jusqu'où aller avec les grandes infrastructures ? Jusqu'à ce que le calcul économique ne les justifie plus - même si ce dernier n'est pas toujours bien accepté dans notre pays. C'est ainsi qu'on voit réclamer une ligne de TGV vers une ville trop petite pour le justifier, ou des infrastructures routières à des endroits où seul l'argument de la sécurité, porté à son extrême, parvient à leur donner un semblant de justification. La limite est posée par l'alignement de la rationalité politique sur la rationalité économique. Mais chez nous, le système de promesses de grandes infrastructures flotte au-dessus de la rationalité - et nous avons quelques chantiers assez stupéfiants.

La société des choix est-elle une société restreinte ? Je ne le crois pas. Elle marginalise et exclut, certes, entre 10 % et 20 % des ménages, qui n'ont vraiment pas beaucoup de choix, sinon celui d'aller prendre d'assaut Intermarché pour des promotions de Nutella. Le taux officiel de pauvreté est de 14 %. Mais pour la grande majorité de nos contemporains, les choix éducatifs, culturels, de consommation, de loisir, se sont ouverts. Je ne partage pas l'idée selon laquelle la société vivrait moins bien en 2018 qu'en 1988. Simplement, l'amélioration globale s'est accompagnée, hélas, d'une marginalisation insupportable d'une fraction de la population, supérieure à celle observée dans les années 2000.

Que faire de la France étalée ? Vous avez parlé de multipolarité, et la réponse tient en la capacité à fabriquer des accroches. Nous nous éloignons de la mobilité pour évoquer la capacité à recréer des lieux de vie et à les rendre désirables. En pratique, les SCoT se contentent d'accompagner mollement une activité foncière qui consiste plutôt à évider nos centres et à reporter leurs fonctions essentielles sur les périphéries. La parade est de renverser cette tendance en dispersant les équipements - et pourquoi pas, en installant le siège de la communauté de communes au fond de la zone d'activités !

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