Cet amendement vise à supprimer plusieurs alinéas du 2° de l'article 3 bis, de manière à maintenir la procédure de licenciement de droit commun pour ce contrat.
Monsieur le ministre, notre République est fondée sur un corpus de valeurs communes partagées, dans lequel figure, entre autres choses, l'équilibre des contrats. Il ne peut y avoir de déséquilibre manifeste entre les contractants.
Un contrat n'est valable que lorsque les termes de l'échange sont de valeur équivalente. Or le CPE ouvre la possibilité pour l'une des parties contractantes de résilier ce contrat sans motif. C'est du jamais vu dans les contrats commerciaux ou de travail.
Le CPE met en cause nos compromis sociaux et l'équilibre des contrats en instaurant, au-delà des liens de subordination existant entre employeur et salarié, des liens de soumission qui mettent en situation l'une des parties de signer un contrat contraire à ses intérêts propres. C'est un système pervers et léonin, puisque le salarié signe de facto un contrat journalier reconduit chaque jour.
Le CPE, tout comme le CNE, est très illustratif de la politique sociale menée par le Gouvernement. Monsieur le ministre, si, d'un côté, vous voulez réduire le cadre et le champ des accords, affaiblir les négociations collectives et contourner les partenaires sociaux, vous cherchez, de l'autre, à réduire les protections offertes aux salariés en matière de licenciement.
Vous l'avez déjà fait pour le licenciement économique, en abrogeant la loi de modernisation sociale, sans rien lui substituer qui soit véritablement satisfaisant du point de vue de la protection des travailleurs.
Vous parachevez à présent votre oeuvre en matière de protection des salariés face au licenciement individuel : vous avez créé d'abord le contrat nouvelles embauches pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés, puis le contrat première embauche réservé, dans toutes les entreprises, aux jeunes de moins de vingt-six ans ; bientôt - c'est « chronique d'un contrat annoncé » -, vous appliquerez un contrat unique à tous les salariés, de tous âges, dans toutes les entreprises, aux mêmes conditions, c'est-à-dire sans protection pendant une période de deux ans.
L'objectif affiché de ces contrats n'est autre que de réduire la complexité prétendue des modalités de licenciement, présentée d'ailleurs sans aucun élément d'appréciation, comme une entrave au travail et à l'embauche.
Quarante-neuf articles de notre code du travail relatifs à la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée sont ainsi suspendus pour un temps, puisqu'il y est explicitement dérogé, avant qu'ils ne soient, dans la période du contrat unique, purement et simplement abrogés.
Ces dérogations auront en réalité pour effet moins de favoriser l'emploi que d'accentuer encore la précarisation des salariés, sans d'ailleurs apporter aux employeurs les garanties juridiques espérées.
La précarisation du contrat de travail est à la base même du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche, qui ne peuvent être assimilés à des CDI qu'au prix d'une méprise ou d'une provocation. Ce qui caractérise le contrat à durée indéterminée, c'est, par définition, la durée indéterminée de l'emploi et les protections qu'il assure : on ne peut le rompre sans motif, et il faut respecter une procédure contradictoire, à savoir l'entretien préalable, la notification.
Toutes ces garanties sont précisément celles que le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche ont pour objet d'écarter. Ces contrats présentent donc, intrinsèquement, les caractéristiques d'un contrat précaire, et c'est bien pour réduire ces garanties que vous les avez mis en place. On peut d'ailleurs considérer que c'est par un abus de langage juridique que vous les classez parmi les contrats à durée indéterminée. C'est au contraire une vraie dynamique de précarisation que vous mettez en place.
Pourquoi les entreprises ne saisiraient-elles pas cette occasion d'effectuer tous les recrutements avec ces contrats ? Elles y sont directement encouragées, puisque ces contrats n'opèrent aucune distinction entre les salariés, entre ceux qui sont en difficulté d'embauche ou d'insertion et les autres.
Ainsi, le jeune recruté à sa sortie d'une école d'ingénieurs pourra se voir proposer un CPE, comme le jeune en difficulté scolaire embauché à l'issue d'une période chaotique dans un quartier difficile. Telle est la réalité de ce contrat.
Monsieur le ministre, pour assurer l'égalité des chances, encore faut-il assurer, d'abord, l'égalité des contrats.