Même si l'on veut bien admettre la bonne foi de certains membres de la majorité, elle ne résiste pas devant une telle déclaration. C'est pour ce type d'employeurs que le CPE constitue un formidable cadeau. Pour eux, le CPE est non pas un « débloqueur » d'emplois, mais un « débloqueur » de licenciements.
Je vous rappelle qu'en droit commun le salarié licencié sait ce que l'employeur lui reproche. Il peut donc, en connaissance de cause, décider de saisir le juge, ce qui se fait d'ailleurs assez rarement, contrairement à une idée largement répandue chez les employeurs.
Devant le juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Avec le CPE, la lettre de licenciement sera non motivée. La charge de la preuve incombera donc au salarié, qui devra démontrer que son licenciement n'est fondé ni sur l'insuffisance professionnelle ni sur un motif économique. Perversion du système, l'ignorance du motif du licenciement va contraindre le salarié, pour connaître ce motif, à assigner presque systématiquement en justice son employeur. Osera-t-il le faire ?
D'une manière plus générale, la nouvelle réglementation va contraindre les salariés et, à leur suite, les juridictions du travail à revenir à une jurisprudence de 1872, maintenue en vigueur jusqu'à la loi du 13 juillet 1973, selon laquelle le salarié licencié n'a pas droit à réparation, même lorsque la rupture du contrat a lieu sans juste motif, mais peut y prétendre si l'employeur commet une faute, un abus dans l'exercice de son droit de résiliation unilatéral.
Alors, effectivement, le CPE, présenté aux employeurs comme une invitation à embaucher, dans la mesure où il est surtout une facilité à licencier, recèle en réalité - et j'ai essayé de le démontrer - de lourdes incertitudes juridiques.