Intervention de Dominique Watrin

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 février 2018 à 18h05
Audition de Mme Marie-Anne Montchamp présidente de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie Mme Anne Burstin directrice générale et M. Simon Kieffer directeur des établissements et services médico-sociaux sur la situation dans les ehpad

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Mesdames, vous soulignez les efforts accomplis depuis dix ans. J'ajouterai des bémols. Bien sûr, des places ont été créées dans certains départements, mais pas dans tous. Alors que l'on nous dit que le besoin est de 500 000 places, seules 7 500 seront créées en 2018. Pour soulager les aidants, à propos desquels le Sénat a débattu dernièrement, il faut créer des places d'accueil de jour et d'accueil temporaire.

Vous soulignez la création de 50 000 à 60 000 postes. J'aurais aimé entendre une donnée : le taux de dépendance des résidents, qui a considérablement augmenté. De ce point de vue, on ne note aucune amélioration.

Avec ma collègue Laurence Cohen, nous faisons le tour de France des Ehpad. Même dans les établissements les plus favorisés, rattachés à un hôpital, les employés disent devoir faire des choix en matière de bientraitance. Soit ils respectent le sommeil et servent le petit-déjeuner au réveil de la personne, soit ils l'aident à se déplacer jusqu'aux toilettes, mais ils ne peuvent pas assurer les deux.

En somme, la bientraitance ou la maltraitance est d'abord liée au taux d'encadrement. Il nous faut retrouver l'esprit de la loi ASV, c'est-à-dire, pour les résidents les plus dépendants, un rapport d'un personnel pour un résident. Dans certains pays, c'est 1,2 - ou en tous cas beaucoup plus que notre moyenne de 0,6.

Il faut élever les qualifications, ce qui implique une reconnaissance salariale. Quoi qu'on pense du conflit qui a eu lieu, et qui n'est pas terminé, il y a un problème de souffrance au travail dans les Ehpad. Personne ne le conteste. Lorsque le personnel sent que sa mission est remise en cause et se transforme en actes stéréotypés effectués à la chaîne, sans plus avoir le temps ni le sens d'une relation humaine, les parlementaires que nous sommes sont inquiets. J'ajoute que le taux d'accidents du travail en Ehpad est supérieur à celui constaté dans le secteur du bâtiment et des travaux publics - comme pour l'aide à domicile.

Anticiper dès la fin de la vie active ? Non, car nous savons bien que la santé en fin de vie dépend largement des conditions de travail qu'on a eues tout au long de sa carrière professionnelle : il suffit d'observer l'écart entre l'espérance de vie d'un ouvrier et celle des professions libérales. C'est donc bien avant qu'il faut anticiper. Vous annoncez des efforts de prévention. En réalité, la Cnav réduit les moyens qui y sont consacrés, par exemple dans l'accompagnement des GIR 5 et des GIR 6, où les chutes sont responsables de 40 % des entrées en dépendance. Cet accompagnement, autrefois possible dès 65 ans, ne l'est plus qu'à partir de 75 ans, sauf circonstances exceptionnelles.

La transition à domicile est un sujet qui m'est cher. Vous voulez réserver les Ehpad aux personnes les plus dépendantes et généraliser le maintien à domicile, mais encore faut-il s'en donner les moyens ! La CNSA a récemment indiqué qu'il fallait rémunérer les services d'aide à domicile à 24 euros de l'heure ; la moyenne actuelle est de 21 euros. Autant parler d'une forme de maltraitance des personnes à domicile - est-ce cela que vous voulez généraliser ?

Contrairement au rapporteur, je pense qu'une réflexion de long terme est nécessaire pour déterminer le financement adéquat. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) nous indique que le nombre de plus 85 ans sera multiplié par 3, ce qui coûtera 20 milliards d'euros : à conditions constantes, nous devrons consacrer non plus 1,1 % mais 2 % de notre PIB à ce problème. Le Parlement doit réfléchir à la question. À mon avis, il faudra chercher le financement là où sont créées les richesses, c'est-à-dire dans l'entreprise, et gérer ces questions dans le cadre de solidarité constitué par la Sécurité sociale.

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