Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 21 mars 2006 à 10h00
Questions orales — Adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le sénateur de Corrèze, vous l'avez souligné à juste titre, les règles d'implantation des points d'eau servant à la défense contre l'incendie dans les communes rurales suscitent, chez les élus, de nombreuses et légitimes interrogations ainsi que des difficultés de mise en oeuvre.

Cela fait d'ailleurs plusieurs fois que vous appelez l'attention du ministre de l'intérieur sur ce sujet. Le ministre d'État connaît donc la particulière attention que vous portez à ce dossier important pour le développement du monde rural et m'a demandé de vous informer en détail de l'état d'avancement des travaux qui sont actuellement menés pour résoudre ces difficultés.

Comme l'engagement en avait été pris, lors de la discussion de la loi de modernisation de la sécurité civile en 2004, un projet de réforme des règles d'implantation des points d'eau servant à la défense contre l'incendie dans les communes rurales est en cours depuis le début de l'année 2005.

Un groupe de travail, mis en place sous l'égide de la direction de la défense et de la sécurité civiles, et composé de représentants de six services départementaux d'incendie et de secours, de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, de l'École nationale des officiers de sapeurs-pompiers, de la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur et de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction du ministère chargé de l'équipement, a rendu ses premières conclusions en juin 2005.

La modernisation envisagée passe par une remise à plat complète de l'ensemble du domaine d'action, en ce qui concerne tant la méthode de conception de la défense incendie que la vérification et l'entretien des points d'eau. Les circulaires du 10 décembre 1951, du 20 février 1957 et du 9 août 1967 seront ainsi abrogées.

Le ministre de l'intérieur souhaite inscrire la conception de la défense des communes contre le risque incendie dans le cadre de la décentralisation et de l'évolution des SDIS. À ce titre, une approche départementale et partenariale rassemblant les responsables élus et les techniciens permettrait, en cohérence avec la politique du SDIS et celle de la gestion générale des ressources en eau, d'arrêter des règles mieux adaptées pour lutter contre ce risque, notamment dans les communes rurales. La défense incendie repose sur toutes les capacités en eau mobilisables : réseaux d'eau, citernes fixes, bâches à eau, points d'eau naturels, réseaux d'irrigation agricole, moyens mobiles du SDIS.

Le projet de réforme prévoit ainsi la définition de règles à trois niveaux : un cadre national global fixant les principes essentiels, un règlement départemental de la défense incendie établi en liaison avec l'organisation du SDIS et un schéma communal ou intercommunal de la défense incendie. Ces règles reposent sur une méthode de conception de la défense incendie fondée sur l'analyse des risques.

Monsieur le sénateur, vous venez de souligner que le maire était le mieux placé pour proposer les réponses adaptées au niveau du territoire de sa commune. Or le cadre réglementaire en vigueur jusqu'à présent a été édicté au niveau national : cela laisse supposer que les modalités, notamment techniques, d'implantation des points d'eau doivent être identiques sur l'ensemble du territoire national.

Il est pourtant inconcevable, d'un côté, d'encourager la décentralisation, en réorganisant les SDIS pour leur donner des compétences particulières et en favorisant la création d'intercommunalités, et, de l'autre, de rester « ancrés » dans le respect de règles anciennes et inscrites dans le marbre qui ont été élaborées au niveau national.

Aujourd'hui, il faut faire confiance aux acteurs locaux dans le domaine de la défense contre les incendies, qui suppose l'utilisation de tous les moyens. En effet, les intercommunalités gèrent leurs propres réseaux d'irrigation selon des critères propres, eu égard à leur situation économique, à leur plan d'urbanisme et à la manière dont elles veulent diversifier l'attractivité de leur territoire. Bien évidemment, cela n'aurait aucun sens de ne pas tenir compte de telles spécificités. Si nous avons décidé de confier totalement, à partir de 2008, la gestion des SDIS aux conseils généraux, qui apporteront l'essentiel des financements, nous avons également souhaité que les maires puissent continuer de siéger au sein des conseils d'administration des SDIS. La question a d'ailleurs fait l'objet d'un important débat, ici même, au Sénat.

Nous avons ainsi démontré notre volonté de voir les maires jouer un rôle prédominant dans la lutte contre l'incendie. Acteurs du développement de leurs communes, ils peuvent apporter une contribution importante à la réflexion sur l'organisation des SDIS et sur l'implantation des centres de secours. Ils ont le pouvoir de décider de l'implantation d'un plan d'eau ou de l'aménagement d'un canal d'irrigation, pour développer une zone agricole ou alimenter un nouveau lotissement. Il serait donc complètement ridicule de ne pas inscrire toutes ces décisions dans le schéma des points d'eau mis à la disposition des services départementaux d'incendie et de secours. Ceux-ci doivent en effet pouvoir utiliser toutes les potentialités offertes par la commune pour lutter contre les incendies.

La réglementation actuelle, qui aboutit à une uniformisation de la gestion des points d'eau sur tout le territoire national, n'a donc plus de sens. C'est la raison pour laquelle le ministre a voulu s'appuyer, dans le cadre de la décentralisation, sur la réflexion des maires.

Monsieur le sénateur, s'il ne faut pas baisser le niveau d'exigence en matière de sécurité, il importe, comme vous le souhaitez, d'utiliser des moyens plus diversifiés et mieux adaptés aux contraintes du monde rural.

À ce titre, je le répète, le point de vue des maires doit être prédominant dans la réforme que nous sommes en train d'engager. Vous suggérez que des représentants de l'Association des maires de France puissent siéger dans la commission qui aura à réfléchir à ces sujets au niveau national. Je ne vois que des avantages à votre proposition et je la soumettrai au ministre de l'intérieur.

En tout état de cause, en termes de calendrier, nous devons désormais avancer très vite : avant la fin de l'année 2006, nos travaux doivent donc raisonnablement aboutir, sur la base de l'échange que nous venons d'avoir ensemble.

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