Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, « la sélection, selon Larousse, est notamment l’action de choisir les personnes qui conviennent le mieux. C’est donc une démarche positive et constructive. Mais elle impose aussi, lorsqu’il s’agit de notre jeunesse, de nos enfants, qu’aucun d’eux ne soit laissé seul et sans espérance. »
Cette belle formule – presque un programme ! – est celle par laquelle notre éminent ancien collègue Jean-Léonce Dupont concluait son propos, à cette même tribune, il y a à peine un an, lors de l’examen de la proposition de loi sur la sélection à l’entrée du master. Il a, par son initiative, très largement contribué à faire avancer le sujet de la sélection à l’université et je tenais à lui en rendre hommage aujourd’hui.
C’est ce même esprit qui nous anime aujourd’hui : la conviction que la sélection est bénéfique, qu’elle est une chance et que nous devons donner à chacun les moyens de la saisir. C’était le sens de la « sélection pour tous », pour laquelle plaidait Jean-Léonce Dupont et que je fais volontiers mienne aujourd’hui.
Sélection : ce n’est pas un mot que je prononce à la légère, tant je connais les réactions épidermiques qu’il suscite. L’échec du projet d’Alain Devaquet et, plus encore, le souvenir terrible du décès de Malik Oussekine l’ont fait entrer pour plus de trente ans au dictionnaire des mots tabous de la politique française. Vous-même, madame la ministre, vous n’avez pas vraiment osé le prononcer : le mot est introuvable dans le texte que nous examinons aujourd’hui et je ne l’ai pas entendu dans votre propos.
Je voudrais saisir cette occasion pour rendre hommage à Alain Devaquet, disparu récemment, qui fut l’un de vos illustres prédécesseurs. Il avait lancé une ambitieuse réforme de l’université que nous peinons encore aujourd’hui à mettre en musique.
Vingt ans plus tard, en 2007, nous avons avancé sur l’autonomie des universités. Et aujourd’hui, trente ans après le retrait du projet de loi Devaquet, la sélection à l’université refait son entrée dans notre droit, à la faveur de ce projet de loi. Et je m’en réjouis !
En effet, la sélection est juste et égalitaire, elle est profondément républicaine et est le gage de la réussite de nos étudiants. Permettez-moi de revenir sur cette idée forte : la sélection, ce n’est pas fermer les portes de l’université devant telle ou telle personne ; la sélection, c’est que chaque jeune puisse élaborer un parcours adapté à ses compétences et ambitions, mais aussi aux perspectives d’insertion professionnelle qui pourront être les siennes.
Pour cela, ces jeunes ne doivent pas être laissés seuls devant le choix de leur formation. Il est sain qu’ils soient, eux aussi, choisis par leur formation d’accueil, comme, une fois diplômés, ils choisiront leur voie professionnelle et comme ils seront aussi choisis par leur premier employeur.
Cessons nos fausses pudeurs de chaisières ! L’offre d’enseignement supérieur en France est déjà sélective à plus de 50 % et ce sont ces filières qui sont massivement plébiscitées par les étudiants : BTS, IUT, bilicences, classes préparatoires, IEP. Alors, soyons courageux et offrons la « sélection pour tous », afin que tous choisissent et soient choisis !
Malheureusement, au lieu de cela, pendant plus de trente ans, faute d’assumer la sélection à l’entrée de l’université, nous avons collectivement instauré – et j’en prends ma part de responsabilité – une sélection par l’échec, autrement plus cruelle et hypocrite !
Je ne reviendrai pas sur les – trop fameux – 60 % d’étudiants qui n’obtiennent pas leur licence en trois ans… Cette sélection par l’échec, que notre commission a inlassablement dénoncée, frappe de plein fouet les classes populaires et moyennes, ainsi que les bacheliers technologiques et professionnels. Elle génère déception, désillusion et amertume dans la société.
Dans le journal Le Monde daté d’aujourd’hui, un article montre toutes les difficultés que rencontre un professeur dans son enseignement. Interrogé par les journalistes, il explique notamment qu’il en est quasiment réduit à faire un cours d’alphabétisation pour adulte et qu’il ne dispose évidemment pas des outils pour cela. Une autre conclut : « Que de lâchetés et petites démissions de l’école pour en arriver là ! »
L’hypocrisie de cette prétendue absence de sélection a même été poussée jusqu’à son paroxysme avec le tirage au sort, qui trouva ses lettres de noblesse dans une circulaire de Mme Najat Vallaud-Belkacem, entre les deux tours de la dernière élection présidentielle.