Il paraît qu’il s’agissait d’un mode de sélection « juste », mais il a pourtant écarté de certaines formations des candidats qui avaient tout pour y réussir et a affecté, dans ces mêmes formations, des jeunes qui sont allés droit à l’échec.
Alors, madame la ministre, vous qui introduisez enfin la sélection à l’entrée dans notre enseignement supérieur, je dois vous reconnaître un certain courage politique et je tenais à le saluer, mais osez aller jusqu’au bout et assumez une réforme majeure de l’enseignement supérieur français, qui en a tant besoin ! Napoléon Bonaparte disait : « On ne peut pas faire semblant d’avoir du courage. »
Si l’introduction de la sélection dans l’enseignement supérieur constitue pour moi un satisfecit majeur, je reconnais aussi volontiers que le plan Étudiants présente d’autres avancées intéressantes : un début de concrétisation du continuum « bac+3 / bac–3 » ou encore l’amélioration de l’orientation en classe de terminale.
Ces efforts sont louables, mais ils devront être amplifiés. Une mission d’information, réunie sur l’initiative de notre présidente de commission, Catherine Morin-Desailly, et consacrée à l’orientation scolaire, avait adopté de nombreuses propositions à cet effet, qui mériteront un regard attentif.
Ce satisfecit étant donné, permettez-moi d’émettre de nombreuses inquiétudes sur ce projet de loi, Parcoursup et, plus généralement, le plan Étudiants !
La première de mes inquiétudes tient, bien entendu, à la vitesse avec laquelle cette réforme a été menée. Certes, madame la ministre, vous n’aviez pas vraiment le choix, la CNIL et le Conseil d’État vous ayant mise en demeure de changer le système d’entrée à l’université dès la rentrée 2018, mais quelque 830 000 candidats et leurs familles – nous savons tous à quel point ces dernières sont impliquées – vont peut-être essuyer les plâtres du nouveau dispositif.
Je crains en particulier que le mécanisme de « ruissellement » des places disponibles que vous avez choisi ne soit terriblement anxiogène pour 90 % des candidats, qui n’auront aucune réponse positive pendant de longues semaines d’attente.
Compte tenu de la disparition de la hiérarchisation des vœux, les établissements vont devoir examiner un nombre considérable de dossiers, en moyenne plus de 1 000 par licence, avec des pics probablement supérieurs à 15 000 pour les formations les plus demandées.
Ma deuxième inquiétude tient aux places qui devront être ouvertes à la prochaine rentrée : alors que plus de 30 000 candidats supplémentaires devraient se presser aux portes de l’enseignement supérieur l’an prochain, le Gouvernement prévoit l’ouverture de 22 000 places. Certes, 135 000 places étaient restées vacantes à la fin d’APB 2017, mais je vous demande solennellement, madame la ministre, une vigilance toute particulière sur les ouvertures que vous envisagez.
Il faut, en premier lieu, privilégier les ouvertures de places dans les IUT et les STS, afin de garantir aux bacheliers technologiques et professionnels des places adaptées à leur profil, à leurs souhaits et à leur insertion professionnelle. Sinon, ces bacheliers risquent d’être les grandes victimes de votre réforme. J’ai bien entendu les engagements que vous avez pris à cette tribune, madame la ministre, y compris sur les moyens.
Il faut ensuite ouvrir des places prioritairement dans les filières qui insèrent et préparent aux « métiers du futur », et, même si je sais que cela ne plaît pas sur toutes les travées lorsque je dis cette vérité toute simple, en fermer dans celles qui ne débouchent sur aucune insertion professionnelle. Il s’agit non pas d’instaurer des numerus clausus, comme je l’ai entendu dire, mais de mettre toutes les chances de réussite du côté de nos jeunes. C’est pourquoi notre commission a souhaité que les modifications des capacités d’accueil soient corrélées aux taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations. C’est du réalisme et du bon sens !
Ma troisième inquiétude, enfin, concerne la procédure dite « du dernier mot au candidat », qui obligera le recteur à faire une proposition de formation à tout candidat qui se trouvera sans inscription à l’issue de la procédure normale de Parcoursup. Ce dispositif ressemble au « droit à la poursuite d’études » en master, qui nous avait laissés très réservés voilà deux ans. En effet, les rectorats vont devoir traiter, en plein cœur de l’été et au cas par cas, tous les étudiants sans proposition de formation : il s’agira probablement de plusieurs milliers de dossiers. Notre commission a souhaité que l’établissement dont la formation est envisagée ait son mot à dire au cours de ce processus, c’est-à-dire non seulement qu’il soit partie prenante du dialogue entre le recteur et le candidat, mais aussi qu’il donne son accord explicite pour l’inscription du candidat. C’est en effet l’établissement qui sera le plus à même de vérifier que le profil du candidat qu’on lui propose correspond bien à la formation qu’il dispense.
Madame la ministre, j’ai bien entendu vos propos, et c’est dans un esprit également constructif, mais non complaisant, que notre commission a examiné le projet de loi qui nous était soumis. Nous y avons apporté notre marque, la marque du Sénat, et nous allons poursuivre ce travail dans cet hémicycle grâce aux amendements déposés par nos collègues. Je tiens à les remercier par avance des débats nourris et respectueux qui vont se dérouler.
Permettez-moi, en conclusion, de rappeler que notre commission a délégué l’examen au fond des articles 3 et 3 bis à la commission des affaires sociales, dont je veux ici saluer le président, Alain Milon, et la rapporteur pour avis, Frédérique Gerbaud, que je serai heureux d’entendre sur ces articles.