Intervention de Fabien Gay

Réunion du 7 février 2018 à 14h30
Orientation et réussite des étudiants — Exception d'irrecevabilité

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler quelques articles de notre Constitution, qui me semblent avoir été oubliés dans le processus législatif en cours : l’article 34 précise notamment que « la loi détermine les principes fondamentaux de l’enseignement » ; l’article 24 dispose quant à lui que « le Parlement vote la loi ».

Lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré, madame la ministre, que la plateforme serait la « face visible de la réforme », et que la nouvelle rédaction de l’article L. 612-3 du code de l’éducation apporterait « une base juridique solide à la nouvelle plateforme Parcoursup, qui va gérer les inscriptions pour la rentrée 2018 ».

Dans un sursaut de légalisme, vous avez même rappelé ce principe de droit en vertu duquel « on ne peut pas prendre des décrets ou des arrêtés avant d’avoir voté la loi ». Et pourtant, vous faites exactement l’inverse. Sans prendre le soin de nous le présenter lors de votre audition par la commission de la culture, vous avez promulgué, trois jours après, un arrêté qui organise la plateforme Parcoursup selon les dispositions de la loi dont nous commençons l’examen au Sénat seulement aujourd’hui.

Notre groupe a déposé un recours en annulation de ce texte auprès du Conseil d’État et vos explications lors de nos débats seront susceptibles d’être mises à profit par cette juridiction pour examiner notre requête. Notre Haute Assemblée se voit ainsi confier un rôle inattendu dans le contrôle de légalité d’un acte subalterne. Vous attaquez le bicamérisme par la base !

En déposant ce recours en annulation, nous défendons la règle constitutionnelle de la hiérarchie des normes, les prérogatives du Sénat et la nécessité d’une relation de confiance, qui doit nécessairement régir les relations du Gouvernement avec le Parlement. Nous souhaitons aussi éviter aux candidats et à leurs familles les risques de recours contentieux qui pourraient naître des décisions prises sur la base d’un acte juridique illégal.

De plus, à partir de cet arrêté litigieux, de nombreuses universités ont intégré dans Parcoursup des attendus qui mettent à profit les libertés qu’il offre, mais selon une interprétation que vous avez vous-même condamnée. Je pense notamment à l’exigence du BAFA. Que dire des lycéens qui découvrent en cours d’année scolaire, à la lecture de ces attendus, qu’ils n’ont pas choisi la bonne filière ? Tous ces problèmes pourraient légitimement déboucher sur des contentieux dont la gestion incombera aux universités et aux rectorats.

Plus grave encore, à l’Assemblée nationale, vous avez proféré la menace suivante, madame la ministre : « Si ce projet de loi n’est pas voté par le Parlement, nous procéderons l’an prochain comme cette année, par tirage au sort ».

Je vous rappelle qu’aux termes exprès de l’article L. 612-3 du code de l’éducation « les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection ». À ce titre, le tirage au sort est parfaitement illégal, et je ne comprends pas comment vous pouvez contraindre notre décision en nous menaçant d’appliquer des dispositions qui violent le droit.

La représentation nationale et les membres du Gouvernement, plus que quiconque, se doivent de respecter la loi et de la défendre. Je vous demande donc solennellement de ne pas nous forcer, dans la discussion, à un choix entre votre projet et des pratiques illégales. Nous ne manquerons pas de faire valoir nos droits au moyen de rappels au règlement pour imposer un débat respectueux de la loi.

Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une réflexion sur le rôle du Parlement, dont il veut simplifier le fonctionnement et accélérer le travail. Je m’étonne donc que ce légitime objectif ne s’applique pas à ce projet de loi. Nombre de ses dispositions relèvent en effet du décret ou de l’arrêté, mais il est vrai que votre pratique tend à abroger cette hiérarchie des normes.

Nous comprenons bien cette volonté tactique de dissimuler, par des développements amphigouriques, ce qui constitue l’objet principal de votre réforme, et que vous ne voulez pas assumer politiquement. En revanche, j’ai entendu que M. le rapporteur l’assumait pour vous…

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