Intervention de Antoine Karam

Réunion du 7 février 2018 à 14h30
Orientation et réussite des étudiants — Discussion générale

Photo de Antoine KaramAntoine Karam :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, le plan Étudiants, dont ce projet de loi est la pierre angulaire, relève enfin le défi de l’accompagnement vers la réussite de tous les jeunes, dans leur diversité.

Nous sommes dans une situation unique. En effet, le droit en vigueur n’est plus applicable en l’état, et nous devons donc définir, de toute urgence, un nouveau cadre légal. Je pense que nous mesurons tous ici l’ampleur de la tâche qui nous incombe.

Les difficultés rencontrées lors de la campagne 2017 d’APB ont révélé le caractère injuste, non seulement du recours au tirage au sort, mais aussi de ce système dans son ensemble. La plus grande injustice réside dans cette honteuse sélection par l’échec.

Alors, n’ayons pas peur de dire que ce texte apporte une réponse équilibrée et pragmatique à une situation, devenue insupportable, dont nous sommes collectivement responsables.

La première ambition de ce projet de loi est de replacer de l’humain et de la justice au bon endroit, par un accompagnement personnalisé vers la réussite.

En maintenant le principe de liberté de choix du candidat, nous ne fermons aucune porte à notre jeunesse à ce moment charnière qu’est le passage de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur. Mesurons bien la complexité de ce moment : c’est aussi le passage de l’adolescence à l’âge adulte, celui où nos enfants se construisent et où chacun d’entre eux affirme son identité et ses choix. Il nous faut donc aider chaque lycéen en le considérant comme une personne qui va réussir.

Par ailleurs, l’introduction d’attendus consultables sur la nouvelle plateforme Parcoursup offrira des garanties supplémentaires quant à la prise de conscience par les candidats des difficultés de telle ou telle filière. Il s’agit d’une logique de personnalisation des parcours et de responsabilisation des candidats, qui seront désormais davantage acteurs de leur réussite. Les futurs étudiants seront informés aussi bien sur le contenu de la formation que sur ses débouchés.

Un autre axe primordial de ce texte est la continuité du processus d’accompagnement des jeunes, qui doit être garantie par une meilleure coordination entre le lycée et l’enseignement supérieur.

Les dispositifs d’accompagnement de Parcoursup ne peuvent être hors sol, mais doivent s’inscrire au plus près des étudiants, dans une logique de parcours et d’élaboration d’un projet. L’orientation est un processus long que nous devrons enclencher dès l’entrée au lycée. À cet égard, l’introduction de « semaines de l’orientation » est une bonne chose. Le projet de loi prévoit qu’elles soient organisées en concertation avec les universités. Nous nous en félicitons, car le renforcement de la cohérence entre le lycée et l’enseignement supérieur est, de notre point de vue, essentiel.

En raison de leur éloignement et de leur isolement, les territoires ultramarins devront faire l’objet d’une attention particulière. En matière d’orientation, il nous faut y promouvoir les formations relatives aux filières d’avenir. Je pense à l’économie bleue, au bois, à la biodiversité, mais aussi aux ressources halieutiques et minières. Nous devons offrir une voie à ceux qui cherchent des débouchés sur leur territoire d’origine. Nous proposerons également de faciliter la poursuite des études de nos bacheliers ultramarins dans l’Hexagone, en particulier pour ceux dont la filière est en tension dans leur académie d’origine.

La seconde grande ambition de ce texte est d’améliorer les conditions de vie de nos étudiants.

Cela concerne d’abord – et c’est un vrai progrès – la santé étudiante. Nous ne pouvons que nous féliciter de la volonté de mettre fin aux dérives récurrentes de la sécurité sociale étudiante.

Le texte prévoit ensuite la création d’une contribution unique « vie étudiante » qui rendra le système plus lisible et plus cohérent. Du reste, l’Assemblée nationale a souhaité que cette contribution soit également destinée à l’accueil des étudiants et, en particulier, de ceux qui viennent d’outre-mer ou de l’étranger. Il s’agit là d’un point important, car les jeunes Ultramarins sont souvent en proie à de grandes difficultés d’adaptation et d’installation. Cette contribution suscite toutefois quelques interrogations autour de son fléchage, qui sera opéré d’abord par le CROUS, puis par chaque établissement. La programmation des actions financées devra donc faire l’objet d’une grande transparence.

Je souhaite aussi saluer le travail effectué, dans un esprit constructif, par notre commission et son rapporteur sur l’ensemble de ce texte.

Les avancées apportées, aussi bien au profit des bacheliers technologiques et professionnels que sur la plateforme Parcoursup, montrent bien l’importance du Sénat dans l’élaboration de la loi.

Notre groupe reste toutefois attaché à ce que ce projet de loi demeure fidèle à l’esprit du plan Étudiants.

Aussi, si certains considèrent le dispositif prévu trop sélectif, l’enseignant que je suis ne peut que leur faire part du désarroi de ces étudiants mal orientés qui se retrouvent en échec dès leur entrée à l’université.

Laisser ces jeunes perdre une année, voire deux, dans une filière qui ne leur correspond pas, ce n’est pas garantir leur liberté d’étudier, c’est négliger la responsabilité que nous avons de mieux les accompagner vers la réussite.

À l’inverse, ouvrir la voie à une sélection accrue pilotée par les établissements de l’enseignement supérieur, et ce au nom de leur autonomie, c’est prendre le risque d’entamer un mouvement vers une université à deux vitesses, une université qui discrimine alors qu’elle doit proposer à tous les étudiants une voie vers la réussite.

Nous pouvons ménager l’autonomie des établissements sans pour autant bloquer les procédures, en respectant le droit des élèves à être affectés dans l’université de leur choix en fonction de leurs compétences. Il s’agit là d’un point d’équilibre essentiel pour faire de ce texte une réforme juste et efficace. Les mouvements étudiants de 1986, qui ont vu la mort tragique de Malik Oussekine, cet étudiant comme tous les autres, dénonçaient déjà ces mêmes dérives.

Alors, profitons de ce débat, mes chers collègues, pour dire aux étudiants que non seulement nous les entendons, mais nous les écoutons. Plutôt que d’agiter des épouvantails, mettons-nous humblement à leur école, à l’école de leur vie, donc de leur avenir.

Vous l’aurez compris, notre groupe est favorable à ce texte indispensable. Nous le souhaitons aussi juste qu’efficace !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion