Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, très honnêtement, je ne sais pas s’il faut nous féliciter de l’examen de ce texte, ici, aujourd’hui, et je veux commencer en relayant une forme de frustration collective.
Le calendrier choisi par le Gouvernement néglige incontestablement la représentation nationale et nous prive ainsi d’un véritable débat démocratique et éclairé sur l’importante question de la formation et de l’orientation de nos jeunes.
La plateforme Parcoursup est lancée, les universités se préparent d’ores et déjà à la mise en place des parcours de formation personnalisés et certaines ont même déjà publié leurs attendus. Ce projet de loi est donc déjà, en grande partie, mis en application, avant toute consultation de notre assemblée.
Je vais vous faire une confidence, madame la ministre. J’ai croisé dans un colloque un député de la majorité présidentielle, qui a balayé d’un revers de main toute modification de ce texte, ici, au Sénat. Face à cette forme d’arrogance, j’ose croire néanmoins que certains amendements qui seront proposés tout à l’heure pourront obtenir un avis favorable du Gouvernement.
Bien sûr, nous gardons à l’esprit que le point de départ de la réforme est la crise du tirage au sort, dont le recours lors de la campagne d’affectation l’année précédente a été particulièrement injuste, contraire aux valeurs de la République, et par-dessus tout illégal.
C’est une certitude, il fallait trouver une solution pour éviter que cela ne se reproduise de nouveau cette année, et tout le monde, ici, est d’accord sur ce point.
Cependant, je regrette que ce texte ne soit pas présenté pour ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire une solution d’urgence, un pansement pour arrêter l’hémorragie et permettre aux quelque 850 000 futurs bacheliers de cette année d’être affectés, sans tirage au sort, dans les formations du premier cycle de l’enseignement supérieur.
Il s’agit, en définitive, de pallier l’absence totale d’anticipation du gouvernement précédent sur les augmentations d’effectifs. J’ai la faiblesse de croire qu’il faut moins de dix-huit ans pour construire une politique publique. Or, vous le savez, c’est le temps que met un nouveau-né pour arriver au niveau bac.
Cette précipitation nous contraint par ailleurs à prendre, me semble-t-il, le problème à l’envers, en travaillant sur l’affectation des lycéens et leur accès à l’enseignement supérieur avant de plancher sur la réforme du baccalauréat, en cours de préparation et sur laquelle nous aurons, je l’espère, l’occasion de débattre dans cette assemblée.
De manière tout à fait paradoxale, nous voulons établir un continuum bac-3/bac+3, en introduisant une vraie cohérence dans le parcours des jeunes et dans leur processus d’orientation, mais nous manquons nous-mêmes de cohérence dans la mise en place des dispositifs légaux et réglementaires.
Ainsi, comme un certain nombre de mes collègues l’ont dit précédemment, je crains que nous ne nous apprêtions à voter des dispositions qui devront de nouveau être modifiées avant 2021, première année d’obtention du bac réformé.
Sur le fond, la réforme aborde timidement la sélection implicite permise dans les formations dites en tension, où le nombre de candidatures excède la capacité d’accueil. Mais elle aurait pu nous permettre d’en finir avec le sacro-saint droit à l’université pour tous. Sur ce point, le projet de loi manque d’ambition et de responsabilité.
Je ne le nie pas, il y a des parcours scolaires atypiques, il faut laisser la place au droit à l’erreur d’aiguillage, au travers des passerelles mises en place, mais arrêtons de nier l’évidence des inscriptions fantaisistes dans certains cursus de nos universités. Vous avez fait un premier pas en mettant en place les attendus. Le vrai courage politique aurait été d’établir des prérequis.
En l’état, le texte ne corrige pas l’inadéquation entre l’offre de formation et les demandes, ne prépare pas les étudiants aux métiers d’avenir et ne renforce pas non plus l’autonomie des universités.
En ce qui concerne l’orientation, la mise en place de deux semaines dédiées et la nomination de deux professeurs principaux en classe de terminale représentent un premier pas intéressant, mais qui ne sera pas suffisant. Plus de 13 000 offres seront recensées dans Parcoursup. Pour digérer ce flot d’informations, il n’est pas raisonnable de préparer les élèves uniquement dans le cadre de leur dernière année de lycée. Cela doit intervenir bien plus tôt, dès la seconde probablement. De la même manière, on ne peut attendre des professeurs un accompagnement efficient s’ils ne sont pas formés aux problématiques de l’orientation. Cette question reste en suspens.
Une autre mesure ne me paraît pas satisfaisante et ne va pas, à mon sens, dans l’intérêt des lycéens : la non-hiérarchisation des vœux, et j’aurai l’occasion d’y revenir au travers d’un amendement d’appel.
Madame la ministre, vous comprendrez que, de notre point de vue, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux, mais nous serons extrêmement vigilants et attentifs à la considération qui sera portée à nos propositions.