Nous l’avons déjà dit, il nous semble pour le moins ardu de présupposer de la compétence de jeunes lycéens et lycéennes, alors même que les cursus du secondaire et du supérieur sont différents dans leurs contenus et leur pédagogie.
Dans les faits, la réforme proposée par le Gouvernement exige, avant l’entrée à l’université, de posséder des compétences qui sont enseignées en première année de licence.
Pascal Maillard, enseignant depuis vingt-cinq ans, l’a pointé dans la presse : les attendus édictés par le ministère en décembre dernier excluraient, en cas d’application stricte, les deux tiers des étudiants de première année de lettres qu’il côtoie au quotidien, justement parce que ces attendus sont, pour une partie non négligeable, des compétences demandées en fin de L1, voire en fin de L3.
Dans ce cadre, exiger du rectorat qu’il analyse plus finement que les universitaires les compétences des candidats et candidates recalés pose problème.
Pis, le présent texte ne laisse aucune place à ce que souhaiteraient ces jeunes. Avouez qu’il est un peu cocasse de faire toute la promotion sur les jeunes, acteurs de leur orientation, sans leur laisser leur mot à dire face aux propositions que le rectorat leur fera en cas de refus de tous leurs vœux ! Dès lors, le choix final revenant aux jeunes est d’un cynisme sans nom. Pensez-vous vraiment que les jeunes iront refuser une filière même s’ils n’ont aucune appétence pour celle-ci et qu’ils préféreront le chômage ?
Tel qu’il est prévu aujourd’hui, le dispositif souffre d’un autre manque important : l’absence totale de prise en compte des territoires de vie de ces candidats et candidates. De fait, une question se pose ici clairement, celle de la mobilité des jeunes. Cette dernière ne peut être que volontaire, et non subie, d’autant plus dans le contexte fortement précarisé que connaissent les dix-huit–vingt-cinq ans.
L’aide à la mobilité mise en place dans le cadre de la sélection à l’entrée en master a montré toutes ses limites. Elle est clairement insuffisante : elle est chiffrable à hauteur de 1 000 euros pour les non-boursiers et une revalorisation du point d’éloignement pour les boursiers. Elle ne permet même pas de couvrir un déménagement et la prise en charge d’un appartement dans une autre ville. Enfin, elle est inefficace, car peu promue et régulièrement demandée dans un délai très serré, la mobilité étant souvent le dernier recours des étudiants en cas d’impossibilité d’inscription dans leur académie d’origine.