Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la France ou l’indépendance ? L’indépendance ou la France ? Tel est le choix que les Calédoniens auront à faire avant la fin de cette année.
C’est dans ce contexte que nous sommes appelés aujourd’hui, une nouvelle fois, à modifier la loi organique de 1999. Il s’agit de traduire juridiquement le compromis politique sur le corps électoral qui a été trouvé, sous l’autorité du Premier ministre, lors du comité des signataires du mois de novembre dernier.
On ne peut que se réjouir, bien sûr, qu’un accord ait été trouvé sur la question délicate de la composition de la liste référendaire. Cela devrait contribuer à rendre ce scrutin incontestable.
Je me félicite par ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement présente un amendement visant à mieux encadrer l’usage des procurations. Je vous remercie de nous avoir entendus, ce qui n’était pas évident au départ, car le caractère de cette consultation exige que chacune et chacun d’entre nous s’expriment personnellement. Le vote par procuration doit rester l’exception. Il y va de la sincérité de ce scrutin d’autodétermination.
Je voterai donc en faveur de ce texte.
Voilà pour ce qui est de la préparation technique de cette consultation, mais l’essentiel n’est pas là.
Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, que vous accompagniez au congrès, madame la ministre, a affirmé devant la représentation territoriale – vous l’avez entendu comme moi – que le peuple calédonien serait amené à s’exprimer souverainement – j’insiste bien, car les mots ont un sens –, lors de la consultation d’autodétermination.
Que le Premier ministre de la France fasse référence dans son discours à un peuple distinct du peuple français qui, de surcroît, serait souverain, et ce à quelques mois du scrutin d’autodétermination, ne peut pas être une maladresse.
Une telle expression marque une orientation : inscrire d’ores et déjà la Nouvelle-Calédonie en marge de l’ensemble français ; donner des gages aux indépendantistes, que l’on sait pourtant minoritaires parmi les citoyens calédoniens.
C’est la poursuite de l’ambiguïté à laquelle nous ont déjà habitués les gouvernements de François Hollande pendant cinq ans. Signe des temps, d’ailleurs, comme sous la majorité précédente, c’est toujours l’ancien directeur de cabinet de François Hollande, haut fonctionnaire d’une grande respectabilité par ailleurs, qui représente l’État en Nouvelle-Calédonie et qui préside à nos échanges, dans une continuité tranquille, par-delà les alternances.
Cette ambiguïté, elle est partout dans la manière dont l’État aborde cette consultation.
Ne nous y trompons pas, dans cette affaire, les positions respectives des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et des indépendantistes sont parfaitement connues. Le seul acteur dont l’avis n’est pas connu, le seul qui refuse de s’engager dans ce débat, le seul qui ne veut pas dire ce qu’il veut, c’est l’État ! Comme s’il avait peur de dire que le fait que des centaines de milliers de Français pourraient quitter l’ensemble national ne lui est pas indifférent. Est-ce si difficile pour l’État de dire son attachement à une Nouvelle-Calédonie dans la France ?
Au lieu de prononcer ces mots simples, madame la ministre, vous nous demandez de nous réunir à Nouméa – j’ai bien entendu vos propos lors des vœux que vous avez prononcés en votre ministère – pour poursuivre le dialogue politique.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Pour ne contrarier personne, vous nous demandez de nous réunir en groupes de travail, afin de préparer, du moins est-ce ainsi que je l’interprète, l’hypothèse d’une Nouvelle-Calédonie dans la France, mais aussi celle d’une Nouvelle-Calédonie indépendante. Mais je ne tomberai pas dans ce piège !
Je n’ai certainement pas reçu mandat de préparer, même sous forme d’hypothèse de travail, le scénario d’une Nouvelle-Calédonie indépendante ou associée à la France. Toute l’histoire du parti politique que je préside, toute mon histoire personnelle tendent à permettre à la Nouvelle-Calédonie de rester française.
Et l’État, à quelques mois d’un référendum politiquement mal préparé – je le dis et le répète depuis tant d’années –, voudrait que je donne ma caution à cette démarche …
Mes chers collègues, je vous le dis très clairement : l’État n’a, par définition, aucune légitimité pour préparer l’indépendance, tout simplement parce que l’indépendance serait la fin du lien politique et juridique avec la France.
Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande solennellement, devant la représentation nationale, de préciser le cadre politique des groupes de travail animés par le représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie. Préparons-nous aussi l’indépendance, ou une solution qui s’y apparenterait ?
J’attends de votre part une réponse claire, pour permettre à chacun de se positionner en conscience : oui, l’État vous demande d’évoquer aussi l’hypothèse de l’indépendance ; ou non, l’État prépare la seule situation qui relève de sa compétence, le maintien dans la France. Il ne devrait pas être difficile pour un responsable national de répondre à cette question aussi clairement que je la formule.
S’il s’agit de préparer notre avenir dans la France, comme c’est la responsabilité première de l’État, dites-le, et je m’y engagerai de toutes mes forces. Mais s’il s’agit aussi de préparer l’hypothèse d’une indépendance, ou d’une indépendance-association, je vous combattrai résolument.
Madame la ministre, la première qualité d’un responsable politique est la lucidité. Or la lucidité, c’est de constater, comme je l’ai fait, que le temps de la recherche d’un nouvel accord politique est derrière nous.
Signataire des accords de Matignon, signataire de l’accord de Nouméa, j’ai tenté pendant près de dix ans – oui, dix ans – d’emprunter tous les chemins possibles, sans exception, pour empêcher qu’un référendum brutal et mal préparé ne vienne anéantir tout ce que nous avions patiemment construit.
Depuis six ans, au lieu de m’accompagner sur ce chemin et malgré les gestes que j’ai faits pour l’y encourager, l’État a choisi de gagner du temps, parfois même de me combattre. C’est sa responsabilité, mais qu’il assume désormais ses ambiguïtés successives.
Ce que je demande à l’État, tout simplement, car il le doit à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, c’est de la clarté à la veille de ce référendum.
Cela m’amène à ma seconde question. Il existe une grande crainte parmi nous, déjà évoquée par nombre d’orateurs : celle que l’État ne propose aux suffrages des Calédoniens une question alambiquée, une question ambiguë.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que votre intention est bien de demander aux Calédoniens s’ils souhaitent, ou non, le maintien dans la France, sans aller à la recherche de formulations susceptibles de biaiser l’expression de leur volonté ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez nous apporter, car, si le temps de la recherche d’un nouvel accord est passé, la période qui nous sépare de la consultation ne peut pas être celle de l’ambiguïté !