Séance en hémicycle du 13 février 2018 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (projet n° 152, texte de la commission n° 288, rapport n° 287).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dès le mois de juillet 2017, le Premier ministre était venu l’affirmer devant vous à l’occasion de sa déclaration de politique générale : la Nouvelle-Calédonie est une priorité pour le Gouvernement, et en particulier, bien sûr, pour le ministère des outre-mer.

Le projet de loi organique qu’il vous est proposé d’examiner constitue une illustration concrète de la volonté du Gouvernement d’accompagner au plus près la Nouvelle-Calédonie, quitte à bousculer les agendas.

Élaboré à l’issue du comité des signataires organisé au mois de novembre, soumis immédiatement à l’avis du Conseil d’État et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, avant son passage en conseil des ministres en décembre, il vous est présenté aujourd’hui.

Dès le mois prochain, l’Assemblée nationale l’étudiera à son tour. S’agissant d’un projet de loi organique, la loi qui sera adoptée par le Parlement sera, bien sûr, soumise au Conseil constitutionnel.

Avec ce texte, qui vient solder une difficulté apparue il y a plusieurs années dans les discussions relatives aux listes électorales, l’ensemble des institutions de la République auront démontré leur pleine mobilisation pour contribuer, chacune dans ses compétences, à soutenir la Nouvelle-Calédonie, à lui permettre d’avancer.

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie, depuis trente ans, est celle d’un dépassement des antagonismes, des barrières culturelles et identitaires, pour ériger un modèle politique unique au monde. Ce modèle repose sur la conviction qu’il appartient à tous de contribuer au vivre ensemble et à la définition de ce que doit être le destin commun de celles et ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie.

Sur le plan politique, cela a conduit à élaborer un schéma institutionnel profondément original. Localement d’abord, avec une architecture en trois provinces, un congrès et un gouvernement. Surtout, dans l’esprit de l’accord de Nouméa, et afin de bâtir tous ensemble la Nouvelle-Calédonie de demain, les membres de l’exécutif, élus à la proportionnelle, représentent toutes les tendances politiques. Majorité et opposition se côtoient au sein d’un collège dans lequel le consensus est au fondement de toutes les décisions.

Le fait majoritaire, comme principe de décision collective, a donc subi des aménagements forts pour que la majorité tienne compte des intérêts des autres groupes politiques minoritaires.

Cette organisation et la philosophie politique qui la sous-tend conduisent d’ailleurs à s’interroger sur la confusion que nous entretenons souvent, en particulier en France, entre démocratie et prise de décision majoritaire. La démocratie, c’est l’élection à la majorité. Mais la prise de décision majoritaire n’est pas le seul chemin que peut suivre la démocratie pour se déployer.

Cette approche particulière de la prise de décision est à l’œuvre avec le troisième partenaire des différents accords qu’est l’État. Lui aussi participe à la recherche permanente du compromis et du consensus.

L’État est le garant des accords conclus. Il est le partenaire qui, avec ses moyens et son expertise, accompagne la réflexion collective, rappelle aussi les limites de ce que le droit permet. L’État est un acteur de la discussion : il l’anime, il propose des solutions, des idées, des compromis.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre a conduit les travaux du comité des signataires du mois de novembre dernier. Les échanges ont permis d’aboutir, vous le savez, à un compromis politique sur la question sensible de l’inscription d’office sur les listes électorales de personnes résidant en Nouvelle-Calédonie et répondant à différents critères leur permettant d’aspirer à participer au référendum.

Le projet de loi organique qui vous est soumis transcrit cet accord politique fort. Il vise à garantir la légitimité et la sincérité des résultats du scrutin. Il a largement pris en compte les propositions émises par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, consulté à chaque étape sur l’ensemble des textes.

Je tiens à le rappeler, car la confusion est parfois entretenue dans les esprits : le présent texte ne modifie pas le corps électoral, dont la composition répond à des critères fixés en 1998 ; il ne traite que la question de l’inscription d’office d’électeurs remplissant a priori les conditions pour participer au scrutin, avec comme finalité d’inscrire le maximum d’électeurs potentiels sur la liste électorale spéciale pour la consultation, la LESC.

Environ 11 000 personnes, de statut civil coutumier ou de droit commun, sont potentiellement concernées par les nouvelles dispositions. Ce chiffre résulte de croisement de fichiers opéré en 2017 et le travail se poursuit pour l’affiner, en lien étroit avec le groupe de travail local, composé des experts de chaque parti, qui suit ce dossier depuis plusieurs années.

Pour inscrire ces personnes sur la liste électorale spéciale, une procédure d’inscription d’office sur la liste électorale générale était indispensable. L’avis du Conseil d’État, que le Gouvernement a consulté sur ce point, a permis de mettre en place une procédure adaptée.

Outre les inscriptions d’office sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale, le projet de loi organique ouvre la voie à la mise en place de bureaux de vote délocalisés, permettant aux électeurs des îles résidant à Nouméa de voter sur place.

Cette disposition répond à une demande forte exprimée à plusieurs reprises par les élus de Nouvelle-Calédonie qui craignaient que des électeurs ne doivent renoncer à participer au scrutin, faute de place dans les avions ou de moyens de s’offrir un tel déplacement.

En corollaire, parce que ce qui est privilégié est le vote personnel des électeurs, compte tenu de l’enjeu, un encadrement plus strict des procurations a été jugé pertinent par tous. Le dispositif de droit commun est aujourd’hui très peu encadré ; il semblait nécessaire de le renforcer. Je me félicite que la commission des lois du Sénat ait accepté le dispositif proposé par le Gouvernement, en accord avec l’ensemble des partenaires locaux.

Mais je reviens à mon propos sur les modalités particulières d’élaboration des décisions concernant la Nouvelle-Calédonie. Depuis trente ans, qu’observons-nous ? La procédure particulière d’élaboration de la décision publique à l’œuvre en Nouvelle-Calédonie a fini par irriguer les institutions nationales. Depuis trente ans, le sujet est préservé des querelles politiciennes, des coups d’un jour, de tout ce qui pourrait en réalité déstabiliser le territoire. Il faut s’en féliciter.

Chacun a pris la mesure de l’enjeu. Et chacun a pris conscience qu’il endosserait une responsabilité immense s’il ne s’inscrivait pas dans cette démarche engagée par d’illustres prédécesseurs. Cette démarche se veut respectueuse des opinions de chacun pour définir un chemin collectif qui réponde aux aspirations de tous.

Pierre Frogier me pardonnera l’usage d’un concept qui lui est cher, mais j’ai envie de dire que les palabres océaniens et, avec eux, le respect, l’écoute, la prise en compte sincère de l’autre et de ses contraintes ont fini par faire école jusqu’à Paris. Au moins lorsqu’il s’agit de la Nouvelle-Calédonie…

À ce titre, je me félicite que le travail conduit par le Gouvernement sur ce projet de loi ait avancé sereinement, dans un échange constructif avec le Parlement. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent en effet prendre toute leur part dans les réflexions en cours. C’est pourquoi il est important que vous ayez eu l’occasion, monsieur le rapporteur, de vous rendre en Nouvelle-Calédonie. La mission d’information de l’Assemblée nationale fera d’ailleurs de même la semaine prochaine.

Je me félicite également des améliorations que vous avez introduites dans le projet de loi organique déposé par le Gouvernement. Indéniablement, à l’issue de son examen par la commission des lois, ce texte est mieux rédigé. Je pense en particulier à la réécriture d’une partie du premier article, qui y a gagné en clarté, à laquelle, je le sais, vous veillez. Je pense aussi à l’harmonisation des écritures entre les deux premiers articles.

L’amendement du sénateur Poadja que vous avez adopté a permis d’introduire, selon le vœu du congrès de la Nouvelle-Calédonie, une consultation supplémentaire de cette institution sur le décret, décisif, qui convoquera l’élection. Ce décret contiendra des dispositions essentielles sur l’organisation de la campagne. Il fixera également les termes de la question posée. Le Gouvernement juge donc normal que le congrès, par dérogation aux principes habituels organisant les consultations, émette un avis.

Le texte est mieux écrit, par conséquent moins susceptible d’être remis en cause. C’est essentiel. Le plus important, c’est que ce travail a été conduit dans le strict respect des équilibres fixés lors du comité des signataires.

Les échanges informels entre nous ont également permis d’améliorer sensiblement la rédaction de l’amendement présenté par le Gouvernement concernant la répartition du temps de parole pour la campagne officielle, ainsi que les modalités d’intervention du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le sujet est important pour les partis politiques locaux. Je me permets de croire que les interrogations légitimes que vous avez soulevées ont été prises en considération et que des réponses auront pu y être apportées.

Par ailleurs, le Gouvernement vous présentera un amendement visant à introduire le principe d’un remboursement plafonné des frais de campagne. C’est l’usage en matière de référendum. Un dispositif identique avait d’ailleurs été mis en place pour le référendum sur l’accord de Nouméa en 1998. C’est aussi un vecteur pour assurer une forme d’égalité entre les partis, qui ne disposent pas tous des mêmes moyens.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de dire encore quelques mots sur la Nouvelle-Calédonie en guise de conclusion, au-delà du projet de loi dont nous allons entamer la discussion. Ce texte ne résume pas, tant s’en faut, l’ensemble des actions conduites par le Gouvernement.

La tâche importante que constitue la préparation de l’échéance référendaire suscite une mobilisation de l’ensemble des services de l’État.

Ainsi, comme vous l’aviez souhaité, le ministère de la justice vient-il de désigner une dizaine de magistrats pour permettre aux commissions électorales de fonctionner.

Nous travaillons également avec le ministère des affaires étrangères sur toutes les actions qui engagent les Nations unies. Ces dernières sont nombreuses : organisation d’une mission sur la constitution des listes électorales, préparation de la visite du Comité spécial de la décolonisation, ou C24, qui aura lieu en mars prochain, anticipation de la mission d’observation sollicitée par les signataires pendant le scrutin.

Surtout, la consultation n’est pas le seul horizon de notre action.

L’État a réaffirmé son soutien à la Nouvelle-Calédonie dans le financement et la mise en œuvre de politiques publiques essentielles. Une attention particulière a été portée aux crédits du budget opérationnel de programme, ou BOP 123, qui financent les contrats de développement et donc, concrètement, des investissements et des projets qui changent la vie quotidienne des Calédoniennes et des Calédoniens.

Nous conduisons également, dans le cadre des assises des outre-mer, une réflexion collective, regroupant l’État, les institutions locales, les associations et tous les citoyens qui souhaitent y prendre part, sur la question spécifique de la jeunesse calédonienne. J’attends beaucoup de ces travaux, qui manqueraient une partie de leur finalité s’ils ne devaient se résumer qu’à un agglomérat de mesures disparates. Ils pourraient – et devraient – être le premier temps d’une mobilisation politique et sociétale en faveur de ceux qui sont la Nouvelle-Calédonie de demain et qui parfois, isolés, désocialisés, partent à la dérive.

L’État a également souhaité que la Nouvelle-Calédonie, qui souffre de difficultés spécifiques pour ce qui concerne la sécurité, bénéficie d’un accompagnement dédié. Des efforts importants ont été consentis en matière de prévention de la délinquance, en lien avec le plan engagé par le gouvernement local, mais aussi en termes d’effectifs des forces de l’ordre et de matériels mis à leur disposition. Le ministre de l’intérieur a confirmé, la semaine dernière, que Nouméa bénéficierait de l’expérimentation de la police de sécurité du quotidien dans l’un de ses quartiers, avant – je le souhaite – un élargissement à l’ensemble de l’agglomération.

À travers toutes ces actions s’exprime la conviction que le référendum est une étape dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Mais comme le Premier ministre l’avait dit au Sénat, en août dernier, la question qui sera posée ne porte pas sur le destin commun, qui doit continuer de se construire. La Nouvelle-Calédonie doit continuer d’avancer et de porter des projets et des ambitions.

C’est pourquoi j’ai récemment rappelé la nécessité que, en parallèle de ces travaux préparatoires, se poursuive un dialogue politique, dont le Premier ministre a dessiné les contours lors de son déplacement à Nouméa. Il me semblait indispensable, avant de nous plonger dans la technicité de ce projet de loi organique, de le réaffirmer devant vous au nom du Gouvernement.

MM. Jean-Pierre Sueur, Jérôme Bignon, Gérard Poadja et Robert Laufoaulu applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la ministre, mes chers collègues, prendre la parole à cette tribune – sous votre autorité, madame la présidente, c’est un honneur pour moi – à propos de la Nouvelle-Calédonie, quand on est attaché à l’histoire, en particulier à celle de ce territoire, ne peut se faire sans être imprégné d’un sentiment de responsabilité.

En effet, la représentation nationale a une responsabilité vis-à-vis de la paix et de la concorde civile en Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour construire l’avenir de ce territoire.

Le scrutin d’autodétermination prévu pour l’automne prochain est, sans aucun doute, une étape, mais il n’est pas la fin de l’histoire.

Madame la ministre, vous avez évoqué un destin commun qui se prolongera, quelle que soit l’issue du scrutin. Je voudrais dire, pour être plus exact de mon point de vue, que le destin est commun tant que l’appartenance à la nation française est maintenue. Si cette appartenance n’est plus, nous serons en présence de pays qui ont vocation à être amis, mais qui sont souverains et devront discuter des coopérations qu’ils veulent développer. Il n’y a alors plus véritablement de destin commun, de même qu’il n’y en a plus avec un seul territoire français ayant choisi l’indépendance.

C’est d’ailleurs tout l’enjeu du scrutin de cette année de décider où ira la Nouvelle-Calédonie. Conscients de l’importance de cet enjeu, nous devons, au moment où il s’agit de déterminer la composition de la liste électorale permettant aux citoyens de Nouvelle-Calédonie de se prononcer sur l’avenir du territoire, être attentifs à ce que le résultat du scrutin ne puisse jamais être entaché de contestation au motif que des Calédoniens ayant vocation à s’exprimer n’auraient pas été admis à voter.

C’était déjà l’enjeu de la loi organique de 2015, dont j’étais également le rapporteur et qui a permis l’inscription sur la liste électorale spéciale de nombreux Calédoniens, qui n’auraient pas forcément pris l’initiative de demander cette inscription. Nous avons inauguré cette politique d’inscription d’office il y a maintenant près de trois ans.

Lors des entretiens de Matignon qui ont réuni, le 2 novembre dernier, tous les signataires ou leurs héritiers de l’accord de Nouméa de 1998, la décision a été prise d’aller plus loin dans le processus d’inscription d’office, afin de n’oublier personne.

C’est l’objet du texte qui nous est présenté. Il prévoit tout d’abord, parce que c’est la condition pour pouvoir être inscrit sur la liste électorale spéciale, que des inscriptions d’office pourront être faites sur la liste électorale générale pour tous les résidents de Nouvelle-Calédonie dont la résidence est ancienne d’au moins six mois.

Cette première opération effectuée, le texte dont nous avons à discuter permet l’inscription d’office, sur la liste électorale spéciale, de Calédoniens dont le centre des intérêts matériels et moraux sera présumé du fait que, premièrement, ils seront natifs de Nouvelle-Calédonie et, deuxièmement, ils y auront résidé au moins trois ans.

Le texte indique que cette inscription d’office n’est pas automatique, ce qui pose naturellement la question de savoir ce que peut être une inscription d’office non automatique. Le texte y répond, autant qu’il peut le faire et sans aller au-delà de l’accord qui a été conclu entre les parties calédoniennes sous les auspices du Premier ministre le 2 novembre dernier : il prévoit que la présomption de détention des intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie, dès lors qu’on y est né et y réside depuis au moins trois ans, est une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle n’est pas irréfragable.

En outre, l’inscription par les commissions administratives spéciales, si elle n’est pas automatique, ne peut être refusée qu’en fonction des éléments fournis par l’État. Ces éléments proviennent d’un certain nombre de fichiers, le principal étant celui de l’organisme de sécurité sociale propre à la Nouvelle-Calédonie, lequel va pouvoir établir qu’une personne est résidente depuis au moins trois ans, tout simplement parce que des cotisations sociales auront été versées pendant cette période.

Voilà ce qui fait l’objet de l’accord et qui est fidèlement retranscrit dans le présent texte. Si j’ai tenu à me rendre en Nouvelle-Calédonie, ce que j’ai fait avec Jacques Bigot, c’est pour entendre toutes les parties calédoniennes et vérifier, à partir de là, que le projet de loi organique correspond bien à la volonté commune des parties.

Je n’assurerais pas que toutes les parties calédoniennes font exactement la même interprétation de ce texte, mais je suis sûr qu’il correspond bien à leur volonté commune, avec sa force, mais aussi avec ses limites.

Il me semble qu’il ne nous appartient pas de modifier l’équilibre de ce texte, car nous risquerions, si nous le faisions, de nous écarter de cet accord et de provoquer nous-mêmes des tensions inutiles en Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi organique prévoit aussi que les personnes inscrites sur les listes électorales des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa, mais qui n’y vivent pas, puissent voter à Nouméa. Il ne leur sera donc pas demandé de revenir dans leur commune d’origine pour voter, ce qui est un point très important. Pour cela seront créés à Nouméa des bureaux décentralisés dépendant de ces communes, où les électeurs concernés pourront se prononcer sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

En lien avec cette facilité offerte aux électeurs des îles, il est prévu de restreindre le recours aux procurations, dont on a observé qu’il était excessif en Nouvelle-Calédonie. Alors même que le régime des procurations a été libéralisé en France il y a quelques années, ce texte prévoit de limiter les conditions d’un empêchement justifiant d’y avoir recours. S’il est, par exemple, possible aux électeurs des îles de voter à Nouméa, pourquoi leur accorder la possibilité de voter par procuration ?

Le Gouvernement a également déposé deux amendements sur ce texte, dont je viens de décrire l’architecture générale. Le premier de ces amendements concerne la répartition équitable du temps de parole entre les forces politiques représentées au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le second vise à insérer des dispositions permettant de faciliter le remboursement des frais engagés pour la campagne électorale.

Au final, ce projet de loi organique permet de faire le chemin qui nous sépare du référendum d’autodétermination, dans des conditions qui évitent les tensions inutiles. Nous pouvons ainsi espérer que, quel qu’en soit le résultat, ce scrutin sera validé par toutes les forces calédoniennes.

Encore faudra-t-il, au lendemain de cette consultation, savoir prendre les initiatives qui rassembleront les Calédoniens. Incontestablement, la République et son gouvernement auront un rôle majeur à jouer pour éclairer le chemin et permettre à tous les Calédoniens de se retrouver, afin de forger une nouvelle entente, qui vaudra pour les décennies à venir. C’est en tout cas le vœu que je forme, à cette tribune, au moment d’ouvrir le débat sur ce projet de loi organique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Jacques Bigot, Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a trente ans, les accords de Matignon mettaient fin aux événements sanglants qui avaient endeuillé la Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988 et culminé lors du drame atroce d’Ouvéa. Trente ans ! C’est à la fois long et dérisoire à l’échelle de l’histoire de 165 ans entre l’État français et cet archipel.

Le 24 septembre 1853, à Balade, la France de Napoléon III, qui cherchait alors une terre nouvelle, libre de toute occupation européenne, pour y fonder une colonie pénitentiaire, parvint à ses fins, en proclamant la Nouvelle-Calédonie colonie française. De la grande révolte des Kanaks de 1878 au massacre d’Ouvéa, comment effacer de notre mémoire le sang versé inutilement à des milliers de kilomètres de la France ?

Comment, trente ans plus tard, oublier la grande leçon de fierté et d’humanisme léguée par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ?

Aujourd’hui, le groupe politique que je représente confirme toutes ses positions antérieures. Comme nous approuvions la loi organique de 1999, qui a traduit dans notre droit les dispositions de l’accord de Nouméa, nous approuverons aujourd’hui ce projet de loi organique, qui précise l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie et qui marquerait – a priori – la fin d’un long processus institutionnel.

Le texte que nous examinons fait consensus, en traduisant l’accord politique trouvé lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa. Les articles proposés permettent essentiellement de constituer le corps électoral de cette consultation avec l’inscription automatique de 11 000 personnes sur les listes électorales générale et spéciale.

Nous soutiendrons le texte qui nous est soumis et qui est attendu en Nouvelle-Calédonie. Cependant, nous veillerons à ce que toutes les parties soient respectées, en particulier les indépendantistes. La résistance de certains à l’idée même d’une indépendance et la menace d’une coupure totale en cas de victoire indépendantiste seraient contraires à la volonté de laisser aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider de leur avenir.

En novembre dernier, lors d’une rencontre avec une délégation du parti anti-indépendantiste Le Rassemblement, Emmanuel Macron a insisté sur le fait que, en cas d’indépendance, la Nouvelle-Calédonie serait pleinement responsable des compétences qui lui reviendraient. « C’est une façon de fermer la porte à quelque solution d’indépendance-association que ce soit, ce qui nous satisfait », déclarait alors le leader de ce parti.

Or, aujourd’hui, comme l’affirme Sarah Mohamed-Gaillard, spécialiste de l’histoire de la France dans le Pacifique, si l’indépendance reste un objectif, le contexte de la décolonisation dans le monde a beaucoup évolué ; elle indique que « les indépendantistes veulent construire une indépendance pas seulement souveraine, mais viable, et s’en donner les moyens, notamment économiques. Certains d’entre eux sont moins fermés que dans les années 1970. »

Aussi, la France n’a nul intérêt à se recroqueviller sur des solutions passéistes. Mes chers collègues, ne sous-estimons pas un ressentiment bien légitime des populations kanakes ! Ne sous-estimons pas non plus les inégalités prodigieuses entre une classe très dominante, qui a notamment bâti sa richesse sur l’or vert, et une classe de laissés-pour-compte dans l’extrême pauvreté !

Certes, la question identitaire est au cœur de ce projet, mais il paraît difficile de discuter de l’avenir du pays sans parler aux populations d’économie.

La Nouvelle-Calédonie est-elle prête pour être autonome sur le plan économique sans les aides de la métropole encore importantes aujourd’hui ?

De son côté, la métropole aurait-elle encore quelques intérêts à garder un pied sur le territoire – nickel, paradis fiscal… ? Ne va-t-on pas lâcher une dépendance politique pour une dépendance économique ?

Ces questions doivent être posées et des réponses adaptées apportées. N’oublions pas que, en cas de victoire du « non » cette année, l’accord de Nouméa prévoit l’organisation de deux autres scrutins similaires à deux ans d’intervalle. Potentiellement, les Néo-Calédoniens pourraient donc être amenés à se prononcer de nouveau en 2020 et 2022.

D’ici là, il est du devoir et de la responsabilité de l’État français d’accompagner la Nouvelle-Calédonie et de créer les conditions d’un développement pérenne, notamment en prenant en compte les atouts de l’archipel pour faire face au défi de la dépendance, que ce soit grâce à la ressource du nickel ou aux économies verte et bleue qu’il est possible d’exploiter pour valoriser le patrimoine intrinsèque de l’archipel, ou dans le cadre de partenariats et d’accords avec les territoires du bassin de l’océan Pacifique.

Dans la limite de son nouveau rôle à l’issue du scrutin, l’État français devra continuer à contribuer à la lutte contre les inégalités, à aider les provinces les plus fragiles à gagner la bataille du développement et, à terme, à faire en sorte que les différentes communautés ne réfléchissent plus par rapport à la France.

Aujourd’hui, au-delà du référendum qui se prépare – nous serons très attentifs au bon déroulement de la campagne qui le précédera –, il s’agit d’anticiper l’issue du scrutin pour que les tensions endormies ou apaisées sur l’archipel ne se réveillent pas, si le respect des communautés composant le territoire venait à faiblir.

Finalement, il s’agit d’être à la hauteur de cet événement historique et, au-delà des réserves que j’ai émises, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte et des amendements qui ont été déposés.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en juillet 2013, j’étais intervenu dans le débat sur l’actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et je reconnaissais bien volontiers mon ignorance des réalités sociologiques, historiques et politiques de ce territoire. Depuis, je pense m’être un peu rattrapé, notamment en me rendant sur place dans le cadre d’une étude triennale sur le foncier menée par la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Je suis toujours convaincu que la spécificité du modèle calédonien depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 est sans équivalent. Ce modèle est, néanmoins, l’héritage d’une histoire complexe, marquée par de violents affrontements entre communautés autour de la question de l’accession à l’indépendance.

La signature des accords de Matignon avait mis un terme à plusieurs années de tensions ayant atteint leur paroxysme lors de la tragédie de la grotte d’Ouvéa.

Ces accords ont été suivis par celui de Nouméa et par sa traduction juridique, la loi organique du 19 mars 1999, qui prévoyait des transferts progressifs de compétences de l’État vers la Nouvelle-Calédonie et la tenue d’une consultation de la population entre 2014 et 2018 pour décider de l’avenir institutionnel de cette collectivité.

Ce moment est aujourd’hui arrivé, mais l’une des questions essentielles de l’organisation de la consultation, qui devrait avoir lieu en novembre prochain, repose sur la composition du corps électoral qui y participera.

Il existe en Nouvelle-Calédonie trois listes électorales distinctes, selon les règles fixées par la loi organique précitée de 1999.

La première, dite liste électorale générale, regroupe les électeurs participant aux élections nationales françaises.

La deuxième, dite liste électorale spéciale, permet aux électeurs inscrits de participer à l’élection des assemblées délibérantes spécifiques de la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, pour la troisième liste, à savoir la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, les critères d’inscription sont plus restrictifs : les électeurs qui pourront participer au référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie doivent se trouver dans l’un des huit cas prévus à l’article 218 de la loi organique du 19 mars 1999.

C’est l’inscription sur cette troisième liste qui fait l’objet de difficultés. Aujourd’hui, environ 160 000 électeurs y sont inscrits, tandis qu’entre 10 000 et 22 000 personnes pourraient demander à y figurer, si elles étaient inscrites sur la liste électorale générale.

Le 2 novembre dernier, sous l’égide du Premier ministre, le XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa a trouvé un consensus sur les modalités d’organisation du référendum d’autodétermination.

Le présent projet de loi organique est la traduction de cet accord politique.

Il permettra d’inscrire d’office sur la liste électorale générale les électeurs qui n’y figurent pas et qui ont leur domicile réel dans une commune située en Nouvelle-Calédonie ou y habitent depuis six mois au moins, conformément au droit commun.

Il permettra également de procéder à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et domiciliés de manière continue pendant trois ans, lesquels seront réputés y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux.

Par ailleurs, il prévoit que les électeurs inscrits sur les listes électorales des communes éloignées de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa, mais résidant sur la Grande-Terre, pourront voter à Nouméa dans des bureaux de vote communaux délocalisés.

Enfin, il rendra possible l’ouverture d’une période de révision complémentaire de la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province, la présence sur cette liste étant également l’un des critères au titre duquel il est possible d’être inscrit sur la liste électorale spéciale.

Ce texte, qui est d’une importance capitale pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, marque l’engagement pris par ce gouvernement d’honorer sa parole et de permettre la plus large représentation à cette consultation, afin qu’elle se déroule dans des conditions sereines et transparentes et que le résultat qui en découle se révèle par conséquent incontestable.

Ce résultat, quel qu’il soit, ne devra pas opposer deux camps : celui du « oui » et celui du « non ». Il devra permettre de continuer la construction de cette communauté de destin des Calédoniens, chère aux élus de ce territoire, notamment mes collègues et amis, Pierre Frogier et Gérard Poadja.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce projet de loi organique.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Patrick Kanner, Jean-Pierre Sueur et Jean-Claude Requier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis très ému de m’adresser à vous aujourd’hui, parce que le projet de loi organique que nous examinons me donne l’occasion de vous parler de mon histoire et, au travers d’elle, de l’histoire du pays.

Vous me connaissez sous le nom de Gérard Poadja. Mon nom en païci – l’une des vingt-huit langues kanakes de la Nouvelle-Calédonie – est Pounou ; c’était le nom du frère de mon père. Mon père est Auguste Poadja, grand chef du district de Poindah.

Tous deux ont été engagés volontaires §au sein du Bataillon du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle pas moins de 2 000 Calédoniens, dont un millier de Kanaks, ont participé à la défense du monde libre.

Mon père était stockman, ces cow-boys calédoniens qui, à l’époque, dans les années 1930 à 1950, conduisaient sur plusieurs centaines de kilomètres les troupeaux de bovins de la province Nord jusqu’à Nouméa, afin d’alimenter la capitale en viande.

Il a ensuite été éleveur sur sa propriété. C’était la concrétisation d’un rêve, mais ce rêve s’est fracassé à partir de 1983-1984 sur ce que l’on appelle pudiquement chez nous « les événements ». Nuit après nuit, notre cheptel a été abattu à coup de sabre et de tamioc ; nos champs ont été saccagés, nos barrières coupées, notre famille menacée.

Nous avons dû abandonner notre propriété, comme beaucoup d’autres Calédoniens de toutes origines de la Grande-Terre et des îles. Nous avons dû le faire, parce que, à ce moment-là de l’histoire, nous n’étions pas, politiquement, du bon côté ; nous étions du côté de la France, de la République.

Aujourd’hui, presque quarante ans après, je continue de défendre les convictions de mes vieux au sein de Calédonie Ensemble, principale formation politique non indépendantiste de Nouvelle-Calédonie.

Madame la ministre, mes chers collègues, si je délivre devant vous aujourd’hui cette part d’intimité qui n’a pas souvent sa place dans les palais de la République, c’est parce que mon engagement pour que la Nouvelle-Calédonie demeure au sein de la République française est un engagement de longue date, dont ma famille a payé le prix dans sa chair et dans son sang.

Peut-être comprenez-vous mieux maintenant mon attachement viscéral à la paix ! Celle qui a été tissée depuis que deux hommes d’exception, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont su se serrer la main au lendemain du terrible drame d’Ouvéa.

Cette paix qui, trente années durant, au travers des accords de Matignon et de Nouméa, nous a permis de bâtir un vivre ensemble calédonien, dans lequel chacun, quelle que soit son origine ethnique, a appris, au fil du temps, à comprendre l’autre et à le respecter.

Nous arrivons aujourd’hui au terme de cet accord. Une consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté doit être organisée au plus tard en novembre 2018.

Cette consultation majeure pour l’avenir de notre pays aboutira à un résultat, dont ni la légitimité ni la sincérité ne doivent pouvoir être remises en cause.

C’est pourquoi, lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, les partenaires politiques se sont unanimement mis d’accord sur trois points majeurs : inscrire d’office sur les listes électorales générale et référendaire tous les natifs du pays, qu’ils soient kanaks ou non kanaks ; favoriser le vote personnel des électeurs, en créant des bureaux de vote décentralisés pour les inscrits des îles qui résident sur la Grande-Terre ; encadrer de manière plus rigoureuse le recours au vote par procuration.

Chacun de ces engagements a été respecté et, autant que nécessaire, repris dans les amendements que j’ai moi-même présentés lors de la réunion de la commission des lois.

Pour autant, cette consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté porte en elle un vice originel : elle réduit de manière frontale les Calédoniens à ce qui les oppose, avec les risques de tensions ethniques, politiques et sociales qui en découlent.

Comment, dès lors, poursuivre l’œuvre de réconciliation et de paix de ceux qui nous ont précédés, tout en respectant cette échéance prévue par l’accord de Nouméa ?

En conscience, nous, indépendantistes et non-indépendantistes, avons proposé d’adopter, avant le référendum, une déclaration solennelle sur le patrimoine commun de tous les Calédoniens.

Une déclaration qui nous permettrait de sceller nos convergences sur le destin commun, afin d’assumer plus sereinement nos divergences sur l’avenir du pays lors de la consultation.

Une déclaration sur ce qui fait notre ciment, nos acquis de ces trente dernières années, parmi lesquels le processus de décolonisation et d’émancipation, les valeurs calédoniennes qui nous lient, des institutions singulières à l’échelle de la République, des mémoires heurtées devenues au fil du temps une mémoire commune, et tout ce qui fait que l’on se sent calédonien.

Cette déclaration permettra ainsi d’affirmer ce qui nous rassemble avant de nous prononcer sur ce qui nous divise.

C’est ainsi que nous pourrons maintenir ce que nous avons de plus cher dans notre pays : la paix !

Chers amis, chers collègues, celui qui s’exprime à la tribune est un Kanak, qui appartient à une civilisation millénaire. Il est calédonien, aussi, parce qu’il a décidé de partager son pays avec celles et ceux qui, depuis 165 ans, ont contribué à sa mise en valeur. Il est français, enfin, parce que la grande histoire du monde a voulu que ce soit la France qui, en 1853, prenne possession de cette petite île du Pacifique.

Ce Kanak, ce Calédonien, ce Français aujourd’hui devant vous revendique toutes ces appartenances qu’une grande partie des Calédoniens a appris à conjuguer.

Je souhaite plus que jamais que, au lendemain du référendum, nous soyons capables de continuer à les conjuguer, ensemble, dans la France et dans la paix. Comme l’a dit mon grand frère coutumier Élie Poigoune, leader indépendantiste historique, « la Nouvelle-Calédonie a besoin d’un grand frère, et ce grand frère, c’est la France ».

Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la République ! Vive la France !

Applaudissements nourris sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur félicite chaleureusement l ’ orateur à sa descente de la tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, rapporteur de ce projet de loi organique, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après Gérard Poadja, qui a parlé avec son cœur de son histoire, de ce qu’il vit en Nouvelle-Calédonie.

En ce qui me concerne, je dois au hasard de la décision du président de la commission des lois de se rendre en Nouvelle-Calédonie pour procéder à des auditions afin de s’assurer que le texte qui nous est proposé est bien conforme à ce que souhaite le peuple de Nouvelle-Calédonie d’avoir découvert ce territoire. Je le reconnais, j’y ai fait des rencontres tout à fait riches et intéressantes.

Mon cher collègue, je pense que ce que vous venez de dire doit nous inspirer dans l’approche de ce projet de loi organique.

Je ne peux pas m’empêcher, fidèle à mes valeurs et à mes origines politiques, de penser en cet instant à Michel Rocard, Premier ministre, qui, confronté à ces moments de tension dont vous venez de parler, a réussi dans la concertation et le consensus à bâtir les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie. Grâce à lui, trente ans plus tard, les choses sont peut-être apaisées et un destin commun est possible, même si rien n’est facile.

De ce point de vue, les accords sont très clairs : un scrutin d’autodétermination doit avoir lieu, parce que c’est l’engagement que la République a pris. Dix ans après, et notre collègue Pierre Frogier pourra en parler naturellement mieux que moi, les signataires ont décidé qu’il était trop tôt pour organiser le référendum et qu’il fallait de nouveau vingt années, d’où l’accord de Nouméa. Ce dernier a également mis en place le transfert de toute une série de compétences de l’État vers le congrès de la Nouvelle-Calédonie ou les provinces pour faire en sorte que cette terre si lointaine de la métropole – 17 000 kilomètres – puisse s’organiser de manière plus libre et plus conforme aux besoins du territoire.

Dans le cadre de la recherche d’un consensus, il était même prévu que le référendum devait d’abord être en quelque sorte dessiné par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, à partir de 2014, c’est-à-dire au cours du dernier mandat de ce congrès. Une majorité des trois cinquièmes du congrès ne s’étant pas dégagée pour organiser le référendum, il incombe à l’État, conformément aux termes très clairs de la loi organique votée en 1999, d’organiser à présent cette consultation, madame la ministre, dans des délais contraints et compliqués, pour s’assurer que nul ne vienne dire que l’accord de Nouméa n’a pas été respecté.

La question à poser reste compliquée, et nous attendrons avec impatience le décret du Gouvernement. Nous avons parfois été interrogés sur ce point lors de nos entretiens, mais il appartient au Gouvernement de prendre la décision. Fort heureusement, vous avez accepté l’idée de la consultation préalable du congrès, ce qui est de bonne démocratie.

L’organisation de ce référendum doit être totalement incontestable. Il est fondamental que nul ne puisse, au lendemain du scrutin, dire que les dés étaient pipés, que le scrutin n’a pas été bien organisé. C’est le sens de la présence très forte de l’ONU ; c’est le sens également de la présence de magistrats, qui vont être chargés de contrôler les opérations ; c’est le sens aussi de la demande initiale des indépendantistes qu’il y ait des inscriptions d’office, ce qui est une exception dans notre organisation républicaine.

Ce dernier point, notamment, a fait l’objet d’un débat au sein du comité des signataires, qui a abouti à un accord le 2 novembre dernier, et d’un avis du congrès, qui s’est prononcé en faveur de l’inscription d’office des natifs de Nouvelle-Calédonie qui ont le statut coutumier, bien évidemment, mais aussi de ceux qui, n’ayant pas le statut coutumier, peuvent néanmoins justifier d’une présomption, qui n’est pas irréfragable, comme l’a rappelé le président Bas, que leur centre d’intérêts matériels et moraux se trouve bien en Nouvelle-Calédonie.

Tout cela, comme il nous l’a été rappelé, doit être tout à fait conforme à l’accord de Nouméa, lequel stipulait que le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie serait restreint aux personnes établies depuis une certaine durée, c’est-à-dire à celles qui, effectivement, ont leur centre d’intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie, de par leur histoire, de par leur naissance, de par leur implantation. Elles seules pourront dire si elles souhaitent que la Nouvelle-Calédonie accède à la souveraineté, à un statut international, et qu’une nationalité néo-calédonienne remplace la citoyenneté calédonienne, etc.

Il faut aussi que chacun ait la possibilité de voter. C’est pourquoi il importe que les personnes inscrites dans les îles ne soient pas obligées d’y retourner ou de donner procuration et qu’elles puissent voter à Nouméa. C’est aussi une exception néo-calédonienne.

Il a également été introduit une limite pour les procurations. Certains le demandaient fortement lorsque nous les avons rencontrés ; d’autres étaient plus sceptiques. Pour ma part, je pense que vous avez bien fait, madame la ministre, de proposer un amendement sur ce point. Nous en avions discuté avec le président de la commission des lois dans l’avion qui nous ramenait de Nouvelle-Calédonie – on a le temps de discuter, lors de ce long voyage –, et nous nous étions demandé comment nous pouvions répondre à cette demande, malgré l’avis négatif du Conseil d’État. Selon moi, il est bon que nous allions au-delà de cet avis.

Enfin, et c’est le sens de votre dernier amendement, il faut que la campagne électorale puisse s’organiser du mieux possible, ces débats, qui ont lieu depuis des années, devant pouvoir continuer sereinement.

Après, que se passera-t-il ?

Si le référendum aboutit à l’autodétermination, la France devra sans doute accompagner l’assemblée constituante, permettre de constituer cet État de Nouvelle-Calédonie, et voir quels sont les partenariats que nous pourrons nouer avec ce territoire.

Dans le cas contraire, et nul ne peut aujourd’hui anticiper sur un tel scrutin, car cela serait la pire des choses, surtout dans cet hémicycle, si la Nouvelle-Calédonie choisit de rester dans la République, elle demeurera néanmoins naturellement un territoire au statut particulier. Comme vous l’avez rappelé, deux autres référendums sont possibles, à condition qu’un tiers du congrès le demande, mais, dans l’intervalle, si le référendum n’aboutit pas à l’autodétermination, il nous faudra bien travailler, sans doute aussi dans cet hémicycle et dans nos commissions, sur la pérennisation du statut particulier pour réussir cette phase.

Ce sera une expérience tout à fait intéressante pour la République.

Je veux vous dire, madame la ministre, en espérant que vous en fassiez part à vos collègues du Gouvernement, que nous avons là une démonstration très claire de l’importance qui doit être donnée aux élus en démocratie. Je me plais à le rappeler au moment où, au sommet de l’État, il me semble que l’on réfléchit à la manière, en quelque sorte, de vider le Parlement de sa substance, alors que l’on voit bien que, en démocratie, les élus ont un rôle fondamental. Sans les élus qui se rencontrent au congrès, sans les élus qui œuvrent au consensus, sans cette capacité de travailler ensemble, malgré des désaccords, on ne réussira pas. Si l’on veut travailler ensemble, il faut un Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Nous en sommes tous ici convaincus, en même temps…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je le répète, si la Nouvelle-Calédonie choisit de rester dans la République, elle doit continuer à bénéficier d’un statut particulier, parce que sa situation est particulière. J’en suis convaincu, les articles 76 et 77 de la Constitution ne sont en rien transposables à d’autres territoires de la République, même si, en tant qu’Alsacien, je suis issu d’un territoire où certains, parfois, réclament un statut particulier. La République a du sens et, à cet égard, cher collègue Gérard Poadja, nous avons des expériences à partager, car nous savons aussi, en Alsace, quel est le prix de la paix !

Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà près de trente ans maintenant, les accords Matignon-Oudinot mettaient fin à une période de tensions sévères entre la communauté kanake et la communauté européenne sur le territoire calédonien ; trente ans, et derrière nous déjà, une longue série de négociations vers l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Ces accords Matignon-Oudinot avaient prévu un temps de réflexion de dix ans, période de développement supposée instaurer des garanties institutionnelles et économiques pour le peuple kanak, dans l’attente de sa prochaine indépendance. À l’issue de ces dix années, le 5 mai 1998, le Gouvernement a signé l’accord de Nouméa prévoyant le transfert d’un certain nombre de compétences vers la Nouvelle-Calédonie. Faisant exception de domaines clés comme la défense, la sécurité, la justice, ou encore la diplomatie, ce transfert de compétences a marqué la première étape d’une reconnaissance de l’autonomie du territoire calédonien. À Nouméa encore, gouvernement français et représentants kanaks s’étaient entendus sur l’échéance de 2018 pour l’organisation d’un référendum sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

Le présent projet de loi organique a pour objet d’apporter les modifications législatives nécessaires pour faciliter les opérations de vote lors de cette consultation et pour favoriser l’inscription sur les listes électorales.

Il vise notamment à mettre en place une procédure exceptionnelle d’inscription d’office sur les listes électorales générales des communes de la Nouvelle-Calédonie pour tous les électeurs, qui, n’étant pas déjà inscrits sur une liste électorale, ont leur domicile réel dans une commune de la Nouvelle-Calédonie ou y habitent depuis six mois au moins. Il prévoit d’inscrire d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation les électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans, appréciés à la date de la clôture définitive de la liste électorale spéciale. Ce texte permettra également, s’il est adopté, aux électeurs inscrits sur les listes électorales des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa de voter à Nouméa pour ce scrutin.

Enfin, il élargit la possibilité d’ouvrir une période complémentaire de révision des listes électorales l’année du scrutin et garantit la sécurité juridique de l’organisation de la consultation.

La commission des lois a enrichi ce projet de loi organique sans en modifier l’équilibre. En effet, deux nouvelles dispositions ont été insérées : l’une encadrant plus strictement le droit de vote par procuration ; l’autre précisant que le décret de convocation des électeurs est pris après consultation à la fois du congrès et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Pour conclure, je dirai qu’il est primordial que ce processus de consultation référendaire se déroule le mieux possible. Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce projet de loi organique, dont les dispositions ont été adoptées, il faut le souligner, à l’unanimité par la commission des lois du Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, président de la commission des lois, mes chers collègues, prévue par l’accord de Nouméa de 1998, la mise en œuvre de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie nécessite de transcrire dans la loi organique du 19 mars 1999 le résultat de l’accord politique obtenu au sein du comité des signataires de l’accord de Nouméa, tenu le 2 novembre 2017.

Le dépôt tardif du texte sur le bureau du Sénat introduit une importante contrainte temporelle avec laquelle nous devons composer, compte tenu du nombre important de mesures réglementaires à publier et des délais de recours à respecter avant l’expiration du délai prévu par l’accord, en novembre 2018. Le Conseil d’État n’a pas manqué de souligner, dans son avis du 30 novembre 2017, un calendrier particulièrement serré.

Depuis 1998, les tensions se cristallisent essentiellement autour de la composition de la liste électorale spéciale rassemblant les électeurs habilités à prendre part à la consultation sur la pleine souveraineté, ses partisans dénonçant l’exclusion de près de 23 000 Kanaks sur 90 000 en âge de voter, soit une part non négligeable du corps électoral total de près de 160 000 personnes.

C’est pourquoi nos collègues Gérard Poadja, Pierre Frogier, ainsi que les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, plaident auprès des partenaires politiques locaux et de l’État la nécessité de procéder à l’inscription d’office de ces quelque 11 000 natifs du pays sur les listes électorales.

La conciliation entre cette préoccupation et la nécessité de permettre aux nouveaux résidents français de prendre part à la vie démocratique explique la coexistence de trois listes électorales distinctes en Nouvelle-Calédonie.

Conformément à la volonté exprimée lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, le projet de loi organique soumis à notre examen comprend diverses mesures pour garantir la légitimité du scrutin et favoriser la plus large participation des « populations intéressées » à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, garantissant ainsi la sincérité de la consultation à venir.

Ce texte traduit par conséquent fidèlement la volonté commune des signataires de l’accord de Nouméa, des représentants des institutions calédoniennes et des formations politiques locales. La commission des lois l’a approuvé, moyennant quelques améliorations auxquelles le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a souscrit. Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour évoquer deux propositions d’amendement émanant du président de mon groupe, Jean-Claude Requier, concernant, d’une part, l’information des électeurs, que nous considérons nécessaire, sur les modalités d’exercice du droit d’option, afin de garantir la sincérité du scrutin, et, d’autre part, les meilleures conditions d’information des électeurs quant aux modalités d’exercice du droit de vote par procuration.

Sur ce point, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis le souhait, dans son avis du 23 novembre 2017, de voir préciser le vote par procuration. Je rappellerai, pour clore ce débat, que l’avis du Conseil d’État souligne une fois encore les lacunes de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement concernant les mesures relatives au régime des procurations.

Madame la ministre, sur le plan strictement législatif, votre projet de loi organique entre dans le cadre légal en vigueur. Pourtant, mon groupe attire l’attention du Gouvernement sur l’exercice même qui va se traduire concrètement par l’organisation de la consultation.

Le président de la commission des lois, dont je salue l’engagement sur ce dossier, s’est rendu personnellement en Nouvelle-Calédonie début janvier, avec Jacques Bigot, pour s’assurer que le dispositif prévu correspondait bien à la volonté de toutes les forces en présence.

Monsieur le président, vous avez souligné en commission des lois, le 7 février, que cette consultation comportait des risques pour la concorde civile en Nouvelle-Calédonie. Notre collègue Gérard Poadja, auditionné par cette même commission, indiquait également qu’une consultation mal préparée pourrait provoquer des tensions ethniques et politiques. Ainsi, en contribuant à rendre le résultat incontestable, les dispositions de ce projet de loi organique sont de nature à favoriser une consultation référendaire apaisée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

… certes, mais j’aimerais ajouter une autre préconisation, qui concerne le texte même de la question posée. Je me suis personnellement confronté pendant deux ans à certains élus de mon territoire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

… dont la volonté, relayée par le Gouvernement, était de vouloir introduire par voie référendaire une modification du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement a finalement fait le choix de reculer, mais la question posée était, de mon point de vue, extrêmement ambiguë.

Loin de vouloir ouvrir une polémique avec le Gouvernement, j’insiste néanmoins sur l’impérieuse nécessité de faire en sorte que la question posée pour la Nouvelle-Calédonie soit claire et sans aucune ambiguïté. La réponse doit être oui ou non.

La formulation de la question ne doit pas être l’occasion d’ouvrir un nouveau débat sur l’avenir institutionnel, sinon les efforts déployés pour rendre incontestable cette consultation voleraient en éclats, et nous risquerions d’ouvrir une crise politique majeure que ce territoire n’a pas le luxe de s’offrir aujourd’hui.

Je sais combien le congrès de la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des forces politiques seront vigilants sur ce point.

Mais, ne nous y trompons pas, cette consultation ne réglera pas le sujet de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ne se résume pas à savoir si la Nouvelle-Calédonie doit ou non devenir un État souverain ; la réalité est beaucoup plus complexe.

En fait, ce qui se joue depuis quelques décennies en Nouvelle-Calédonie, c’est le vivre ensemble, que j’associe au troisième pilier de notre devise républicaine : la fraternité. Dans un contexte que nos collègues calédoniens pourraient mieux décrire que moi, cette consultation risque de créer une nouvelle fracture entre des populations qui cherchent une nouvelle voie pour mieux vivre ensemble. J’y insiste, indépendamment de l’aspect strictement législatif et institutionnel, tout doit être fait pour que cela n’arrive pas.

Au-delà de la loi se joue là le destin de populations qui souhaitent, avant tout, trouver un juste équilibre dans le respect de leurs réalités respectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution, et je crois que, sur ce sujet, il appartient aux Calédoniens eux-mêmes de construire cette troisième voie du vivre ensemble. Or celle-ci ne passe pas seulement par la loi ; elle passe par l’intelligence collective, qui irrigue la Nouvelle-Calédonie, et qui s’est traduite voilà quelques minutes dans les propos de notre collègue Gérard Poadja, Kanak, Calédonien et Français. Faisons en sorte que cette triple appartenance perdure en toute sérénité dans notre République.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la France ou l’indépendance ? L’indépendance ou la France ? Tel est le choix que les Calédoniens auront à faire avant la fin de cette année.

C’est dans ce contexte que nous sommes appelés aujourd’hui, une nouvelle fois, à modifier la loi organique de 1999. Il s’agit de traduire juridiquement le compromis politique sur le corps électoral qui a été trouvé, sous l’autorité du Premier ministre, lors du comité des signataires du mois de novembre dernier.

On ne peut que se réjouir, bien sûr, qu’un accord ait été trouvé sur la question délicate de la composition de la liste référendaire. Cela devrait contribuer à rendre ce scrutin incontestable.

Je me félicite par ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement présente un amendement visant à mieux encadrer l’usage des procurations. Je vous remercie de nous avoir entendus, ce qui n’était pas évident au départ, car le caractère de cette consultation exige que chacune et chacun d’entre nous s’expriment personnellement. Le vote par procuration doit rester l’exception. Il y va de la sincérité de ce scrutin d’autodétermination.

Je voterai donc en faveur de ce texte.

Voilà pour ce qui est de la préparation technique de cette consultation, mais l’essentiel n’est pas là.

Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, que vous accompagniez au congrès, madame la ministre, a affirmé devant la représentation territoriale – vous l’avez entendu comme moi – que le peuple calédonien serait amené à s’exprimer souverainement – j’insiste bien, car les mots ont un sens –, lors de la consultation d’autodétermination.

Que le Premier ministre de la France fasse référence dans son discours à un peuple distinct du peuple français qui, de surcroît, serait souverain, et ce à quelques mois du scrutin d’autodétermination, ne peut pas être une maladresse.

Une telle expression marque une orientation : inscrire d’ores et déjà la Nouvelle-Calédonie en marge de l’ensemble français ; donner des gages aux indépendantistes, que l’on sait pourtant minoritaires parmi les citoyens calédoniens.

C’est la poursuite de l’ambiguïté à laquelle nous ont déjà habitués les gouvernements de François Hollande pendant cinq ans. Signe des temps, d’ailleurs, comme sous la majorité précédente, c’est toujours l’ancien directeur de cabinet de François Hollande, haut fonctionnaire d’une grande respectabilité par ailleurs, qui représente l’État en Nouvelle-Calédonie et qui préside à nos échanges, dans une continuité tranquille, par-delà les alternances.

Cette ambiguïté, elle est partout dans la manière dont l’État aborde cette consultation.

Ne nous y trompons pas, dans cette affaire, les positions respectives des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et des indépendantistes sont parfaitement connues. Le seul acteur dont l’avis n’est pas connu, le seul qui refuse de s’engager dans ce débat, le seul qui ne veut pas dire ce qu’il veut, c’est l’État ! Comme s’il avait peur de dire que le fait que des centaines de milliers de Français pourraient quitter l’ensemble national ne lui est pas indifférent. Est-ce si difficile pour l’État de dire son attachement à une Nouvelle-Calédonie dans la France ?

Au lieu de prononcer ces mots simples, madame la ministre, vous nous demandez de nous réunir à Nouméa – j’ai bien entendu vos propos lors des vœux que vous avez prononcés en votre ministère – pour poursuivre le dialogue politique.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Pour ne contrarier personne, vous nous demandez de nous réunir en groupes de travail, afin de préparer, du moins est-ce ainsi que je l’interprète, l’hypothèse d’une Nouvelle-Calédonie dans la France, mais aussi celle d’une Nouvelle-Calédonie indépendante. Mais je ne tomberai pas dans ce piège !

Je n’ai certainement pas reçu mandat de préparer, même sous forme d’hypothèse de travail, le scénario d’une Nouvelle-Calédonie indépendante ou associée à la France. Toute l’histoire du parti politique que je préside, toute mon histoire personnelle tendent à permettre à la Nouvelle-Calédonie de rester française.

Et l’État, à quelques mois d’un référendum politiquement mal préparé – je le dis et le répète depuis tant d’années –, voudrait que je donne ma caution à cette démarche …

Mes chers collègues, je vous le dis très clairement : l’État n’a, par définition, aucune légitimité pour préparer l’indépendance, tout simplement parce que l’indépendance serait la fin du lien politique et juridique avec la France.

Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande solennellement, devant la représentation nationale, de préciser le cadre politique des groupes de travail animés par le représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie. Préparons-nous aussi l’indépendance, ou une solution qui s’y apparenterait ?

J’attends de votre part une réponse claire, pour permettre à chacun de se positionner en conscience : oui, l’État vous demande d’évoquer aussi l’hypothèse de l’indépendance ; ou non, l’État prépare la seule situation qui relève de sa compétence, le maintien dans la France. Il ne devrait pas être difficile pour un responsable national de répondre à cette question aussi clairement que je la formule.

S’il s’agit de préparer notre avenir dans la France, comme c’est la responsabilité première de l’État, dites-le, et je m’y engagerai de toutes mes forces. Mais s’il s’agit aussi de préparer l’hypothèse d’une indépendance, ou d’une indépendance-association, je vous combattrai résolument.

Madame la ministre, la première qualité d’un responsable politique est la lucidité. Or la lucidité, c’est de constater, comme je l’ai fait, que le temps de la recherche d’un nouvel accord politique est derrière nous.

Signataire des accords de Matignon, signataire de l’accord de Nouméa, j’ai tenté pendant près de dix ans – oui, dix ans – d’emprunter tous les chemins possibles, sans exception, pour empêcher qu’un référendum brutal et mal préparé ne vienne anéantir tout ce que nous avions patiemment construit.

Depuis six ans, au lieu de m’accompagner sur ce chemin et malgré les gestes que j’ai faits pour l’y encourager, l’État a choisi de gagner du temps, parfois même de me combattre. C’est sa responsabilité, mais qu’il assume désormais ses ambiguïtés successives.

Ce que je demande à l’État, tout simplement, car il le doit à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, c’est de la clarté à la veille de ce référendum.

Cela m’amène à ma seconde question. Il existe une grande crainte parmi nous, déjà évoquée par nombre d’orateurs : celle que l’État ne propose aux suffrages des Calédoniens une question alambiquée, une question ambiguë.

Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que votre intention est bien de demander aux Calédoniens s’ils souhaitent, ou non, le maintien dans la France, sans aller à la recherche de formulations susceptibles de biaiser l’expression de leur volonté ?

Je vous remercie des réponses que vous pourrez nous apporter, car, si le temps de la recherche d’un nouvel accord est passé, la période qui nous sépare de la consultation ne peut pas être celle de l’ambiguïté !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean-Louis Lagourgue l’a rappelé avec des mots pleins de sens : la Nouvelle-Calédonie s’apprête à tourner une page décisive de son histoire.

En novembre prochain, trente ans après les accords de Matignon, vingt ans après celui de Nouméa, le référendum devra bien ouvrir une nouvelle étape pour construire l’avenir de ce territoire. La page, aujourd’hui encore blanche, devra alors s’écrire avec l’aide et la participation de tous.

Quelle sera-t-elle ? Nul à cet instant ne le sait, mais, en raison des accords intervenus, le référendum est inéluctable.

On peut comprendre – je l’avais écrit avant de l’entendre – que Pierre Frogier et d’autres auraient préféré l’éviter, en raison de son caractère binaire.

Trouver une solution consensuelle, sans gagnant ni perdant, avant le référendum, en profitant des traditions encore vivaces, de la palabre, de la coutume pour y parvenir, était une option raisonnable, certainement très sage. Mais cela ne s’est pas fait. L’esprit qui avait inspiré Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou n’était pas au rendez-vous. On peut le regretter, mais il faut le constater. Dès lors, il fallait commencer par réussir cette consultation pour passer à l’étape suivante.

Je connais et salue l’esprit de responsabilité des deux sénateurs calédoniens, Pierre Frogier et Gérard Poadja ; nous avons besoin d’eux pour avancer dans la direction dans laquelle nous voulons tous aller ensemble.

Pour coconstruire et préserver l’équilibre fragile de ce référendum, un comité dit des signataires de l’accord de Nouméa s’est réuni régulièrement pendant deux décennies. Il a assuré, parfois difficilement, un dialogue continu entre l’ensemble des parties prenantes.

Il faudra, demain, avoir soin de consolider, sous une forme ou sous une autre, cette instance de dialogue, pour que les résultats de la consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, quelle qu’en soit l’issue, ne lèsent, ni ne blessent, ni n’écartent aucune des parties. Elle devra offrir à chacune une place autour de la table de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, pour construire la suite.

Pour ma part, j’aime l’idée, à laquelle Mme la ministre aussi a fait référence, de la grande palabre à l’océanienne, souvent évoquée par mon collègue Pierre Frogier, acteur essentiel et historique, au côté de Jacques Lafleur, de la vie calédonienne de ces dernières années.

Pour que cette consultation ne soit sujette à aucune remise en cause ni contestation, le projet de loi organique assure la mise en place de règles nouvelles ; je n’y reviens pas, tous les orateurs en ayant déjà parlé abondamment et méticuleusement.

Je salue le travail efficace du Premier ministre, Édouard Philippe, qui joue dans ce processus un rôle essentiel, loué par Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie, en ces termes : « C’était important d’avoir la bonne personne à ce moment de notre histoire, et je crois qu’Édouard Philippe est la bonne personne. » Cela suffit à résumer la responsabilité entière que le Premier ministre assume. Je ne doute pas, monsieur Frogier, que vous trouviez dans l’esprit de responsabilité qui l’anime sur ce sujet les réponses que vous attendez.

Ce qu’il faut désormais, c’est prévoir la suite. En effet, le référendum, quel que doive en être le résultat, ne permet pas de faire l’impasse sur les grands sujets d’avenir.

C’est la raison pour laquelle le comité des signataires de novembre 2017 – je l’ai constaté en lisant le compte rendu – a dressé une feuille de route préparant l’étape d’après. Des thématiques essentielles y sont abordées, comme l’économie liée au nickel ou la jeunesse calédonienne et les enjeux qu’elle représente.

Le Sénat est très sensible à cette approche. Le président Larcher avait mis en place, dès novembre 2015, un groupe de contact, qui existe toujours, chargé de réfléchir de façon large à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mon cher collègue, votre temps de parole est nettement dépassé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

M. Jérôme Bignon. Alors, je termine, madame la présidente, en disant que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera le projet de loi organique sans en toucher une ligne, comme nous y a invités notre rapporteur, avec la rigueur juridique qui le caractérise !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour discuter d’un projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie. C’est dire la place spéciale, unique et primordiale qu’occupe ce territoire.

Nous tous, responsables politiques, sommes tendus vers l’objectif fixé : organiser dans l’harmonie et la concorde le référendum inscrit dans la loi organique de 1999.

Les dirigeants calédoniens ont assumé avec conscience leur devoir, et la consultation se fera dans la transparence et la confiance.

Je veux m’associer aux salutations adressées à cette haute conscience des responsabilités dont font preuve les Calédoniens aux moments cruciaux de leur histoire : ils font le pari de l’intelligence, avec leur grande capacité à se rassembler lorsque les circonstances l’exigent et à se projeter ensemble dans l’avenir.

Je tiens à saluer aussi l’engagement de l’État, qui s’est mobilisé pour dégager, conjointement avec les responsables calédoniens, la route quelque peu chaotique du référendum.

Le Premier ministre, en présidant le dernier comité des signataires et lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie l’an passé, s’est inscrit dans la lignée politique des visionnaires éclairés et vigilants du dossier calédonien.

Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’accompagner la volonté des Calédoniens de tenir le référendum dans les termes du consensus qu’ils ont encadré. Avec le souci d’améliorer, peut-être, mais toujours, en tout cas, dans le respect fidèle de leurs décisions.

Les résultats de la consultation sont, de l’avis d’un grand nombre d’observateurs, connus d’avance et très certainement en défaveur de l’indépendance. Dès lors, était-il nécessaire d’en passer par cette étape, qui risque de raviver de mauvais souvenirs, de créer un sentiment d’humiliation chez certains, d’en tenter d’autres de retourner à la violence ?

Le questionnement sur un autre accord ou sur la déclaration commune pour le patrimoine commun était tout à fait légitime. Ce sont des questions qui me viennent à l’esprit, à moi qui ai connu, vécu les moments difficiles traversés par la Nouvelle-Calédonie durant la décennie quatre-vingt. Mais le choix des Calédoniens est d’aller aux urnes, et, encore une fois, nous avons grande confiance.

L’essentiel, désormais, sera la nécessaire poursuite de la route commune, après le référendum. Les trente années qu’on a voulu être celles du rééquilibrage et de la construction d’un destin commun n’ont pas donné satisfaction à tous. Les jugements reflètent les clivages traditionnels : les uns en font trop, les autres, pas assez.

Trente années suffisent-elles pour atteindre de telles ambitions, de telles aspirations ? Ce sont des modes de vie, des cultures qui se sont engagés à dialoguer et à partager afin de se construire un destin commun. C’est un pari difficile, pour lequel il faut des acteurs humbles, respectueux de l’autre, honnêtes dans le constat et dans la poursuite des nouveaux objectifs à fixer.

Je salue mes concitoyens originaires de Wallis-et-Futuna qui habitent en Nouvelle-Calédonie, où ils sont nombreux – près de 10 % de la population vivant sur ce territoire. Je les encourage à participer toujours avec ardeur, et dans le respect des autres, à la construction de leur terre d’accueil.

À travers Pierre Frogier et Gérard Poadja, je souhaite à tous les responsables politiques, coutumiers, religieux, administratifs et associatifs de cette belle contrée du Pacifique, à laquelle je suis si attaché, courage et succès dans la préparation du référendum.

À tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur origine, je veux redire la fidélité d’un homme qui a vécu sur cette terre qu’ils aiment pendant plus de trente années. J’ai toujours en tête l’appel du vieux Kanak qui vantait ses îles en affirmant : « Le paradis n’est pas loin, ne passez pas à côté ! »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Avant que nous n’entrions dans la partie technique du débat, je veux réaffirmer que le Gouvernement a conscience de son obligation d’être à la hauteur de ce scrutin historique. Nous le serons techniquement. Nous le serons aussi politiquement.

Je dois vous dire, monsieur Frogier, sans esprit de polémique, que j’ai du mal à accepter vos remarques sur le Haut-commissaire. Elles sont injustes, vis-à-vis d’un homme qui a voué une grande partie de sa vie à la Nouvelle-Calédonie, qu’il aime – vous le savez – et qui est à vos côtés tous les jours pour construire la Calédonie d’aujourd’hui et celle de demain. Il effectue le travail qu’on lui demande d’accomplir.

Pour répondre à votre question sur le dialogue politique, le climat doit être apaisé dès aujourd’hui. Les débats qui se déroulent sur le terrain, animés par le Haut-commissaire et à notre demande, ont pour objet de partager tout ce qui rassemble les Calédoniens, tout ce qui fait la force du dispositif qui se développe depuis trente ans. Ni plus, ni moins.

Il en va de même pour la notion de peuple. Je puis, moi aussi, l’utiliser, parce que, en fin de compte, elle est le corollaire de la citoyenneté calédonienne évoquée dans l’accord de Nouméa. Je dis donc aussi : « le peuple calédonien ».

Nous avons quelquefois, monsieur le sénateur, de grands débats sur ces sujets, et vous savez le plaisir que j’ai toujours à échanger avec vous. Au-delà de ce projet de loi organique, nous aurons de nombreuses occasions de le faire, et vous savez également que vous pouvez venir débattre avec moi de toutes ces questions – nous avons un différend ou deux sur la manière de présenter les choses…

Ne doutez pas que je suis totalement impliquée dans ma mission, sur un sujet qui est la priorité de mon ministère, comme l’a souhaité le Premier ministre, et qui le restera jusqu’au mois de novembre – peut-être un peu plus tôt… –, pour accompagner ce territoire dans l’organisation d’un moment qui, je le répète, sera historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Après le II bis de l’article 219 de loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un II ter ainsi rédigé :

« II ter. – L’année du scrutin, sans préjudice du droit pour les intéressés de demander volontairement leur inscription et sous réserve des vérifications nécessaires, la commission administrative mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 17 du code électoral et chargée, pour chaque bureau de vote de la Nouvelle-Calédonie, de dresser la liste électorale mentionnée au même alinéa inscrit d’office sur cette liste tout électeur qui, n’étant pas déjà inscrit sur une telle liste électorale, a son domicile réel dans la commune ou y habite depuis six mois au moins. La condition de résidence ou de domicile s’apprécie à la date de clôture définitive de ladite liste électorale.

« Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne portent aucune atteinte aux règles ci-dessus édictées pour l’inscription sur les listes électorales.

« Les conditions d’application du présent II ter sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ayant, voilà quelques années, mené, longtemps, une délégation en Nouvelle-Calédonie, je puis témoigner, à la suite de M. le rapporteur, Philippe Bas, et partageant pleinement ce qu’a dit, tout particulièrement, Jacques Bigot, que s’est opérée pendant ces trente années toute une maturation, à la faveur de nombreux dialogues et efforts de compréhension.

Vous me permettrez de citer, après Jacques Bigot, mon ami Michel Rocard. Mes chers collègues, il y avait tellement de violence, tellement d’incompréhensions, tellement de refus de se parler qu’il a fallu que quelqu’un adoptât dans la sphère politique une démarche inédite – beaucoup pensaient qu’elle ne réussirait jamais… –, de manière que, peu à peu, les esprits se rapprochent. Ainsi Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ont-ils pu accomplir ce qui, de part et d’autre, paraissait absolument impossible.

Cher Pierre Frogier, vous savez le grand respect que je vous porte, mais je crois que les choses doivent être claires : les accords de Matignon, en 1988, puis l’accord de Nouméa, en 1998, ont prévu qu’il y aurait un vrai choix. La République, l’État, se doit de proposer ce vrai choix. Ensuite, que votre oui soit oui et votre non soit non…

En tout état de cause, madame la ministre, il est absolument nécessaire – M. Frogier a tout à fait raison – que la question soit infiniment claire. Par respect pour tous ceux qui, ensemble, ont créé, déjà, quelle que soit l’issue de la consultation, une Calédonie nouvelle.

Ce qui est très émouvant, lorsqu’on va en Nouvelle-Calédonie, c’est d’aller à l’île des Pins et de penser aux Communards qui y sont enterrés, eux qu’on avait envoyés à 18 000 kilomètres de Paris pour qu’ils fussent le plus loin possible. Pendant ce temps, madame la présidente, Victor Hugo à cette tribune parlait pour l’amnistie, et Le Figaro écrivait : « M. Victor Hugo a enterré l’amnistie sous des flots d’éloquence extraordinaire »…Victor Hugo a obtenu sept voix, sept malheureuses voix, mais il a montré le chemin de la paix.

Ce que Michel Rocard et de nombreux autres, des Calédoniens de part et d’autre, construisent depuis trente ans – on a, oui, donné du temps au temps, comme disait un Président de la République auquel Michel Rocard s’est parfois opposé… –, nous devons le considérer, de même que le référendum ainsi aménagé grâce à l’accord de tous, comme une œuvre de paix !

L ’ article 1 er est adopté.

Après l’article 218-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, il est inséré un article 218-3 ainsi rédigé :

« Art. 218 -3. – À titre exceptionnel, l’année de la consultation qui sera organisée au cours du quatrième mandat du congrès et sans préjudice du droit, pour les intéressés, de demander volontairement leur inscription, la commission administrative spéciale procède à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux mentionnés au d de l’article 218, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans, appréciés à la date de la clôture définitive de la liste électorale spéciale et dans les conditions définies au dernier alinéa du même article 218.

« Cette durée de domiciliation, associée au fait d’être né en Nouvelle-Calédonie, constitue une présomption simple du fait qu’un électeur y détient le centre de ses intérêts matériels et moraux.

« L’inscription d’office n’a pas de caractère automatique et fait l’objet d’un examen par la commission administrative sur le fondement des éléments fournis par l’État.

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 5, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

administrative

insérer le mot :

spéciale

La parole est à M. le rapporteur.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 2 est adopté.

I. – Par dérogation aux 2° et 4° du II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa peuvent, à leur demande, participer à la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique dans les bureaux de vote ouverts à cet effet à Nouméa sous la responsabilité du maire de chaque commune concernée.

II. – Les modalités d’application du I du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce décret précise notamment les modalités d’exercice du droit d’option octroyé aux électeurs des communes mentionnées au même I, le délai durant lequel ce dernier est ouvert, la manière dont est vérifiée l’absence de double inscription, les modalités d’établissement des listes d’émargement, la composition des bureaux de vote institués en vertu du présent article et les modalités de transmission des résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les électeurs sont informés des modalités d’exercice du droit d’option au plus tard un mois avant la tenue de la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique.

La parole est à M. Stéphane Artano.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Pour les personnes inscrites sur les listes électorales des communes de Bélep, Lifou, Maré et Ouvéa, situées sur des îles environnantes, et de l’île des Pins, mais résidant en réalité à Nouméa, le projet de loi organique prévoit un droit d’option leur permettant d’exercer exceptionnellement leur droit de vote dans cette dernière commune.

Nous saluons ce dispositif, qui devrait permettre d’éviter des difficultés liées à l’exercice du droit de vote par procuration. Il devrait améliorer l’accès réel aux urnes des Néo-Calédoniens appelés à se prononcer sur un sujet aussi important.

Toutefois, il importe de prendre en compte très en amont les complications qui pourraient surgir lors de l’application d’un dispositif à ce point dérogatoire, au risque d’altérer la légitimité de la consultation. Pour cela, les électeurs concernés doivent être très largement informés des modalités d’exercice de ce droit d’option et de son articulation avec la procuration, et cela le plus tôt possible, afin de dissiper toute ambiguïté.

Compte tenu des délais particulièrement resserrés que le Conseil d’État a relevés, nous avons jugé utile de prévoir un délai incompressible d’information des électeurs d’un mois avant la tenue de la consultation, afin que cette nécessité concrète soit bien prise en compte par le Gouvernement lorsqu’il prendra les mesures réglementaires nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement et l’amendement n° 2 rectifié, qui vise l’article suivant, sont tout à fait voisins : ils ont trait à l’exigence d’information des électeurs de Nouvelle-Calédonie. L’amendement n° 1 rectifié porte sur le droit d’option pour voter dans les bureaux décentralisés dont nous avons parlé. L’amendement n° 2 rectifié concerne les règles du vote par procuration.

En réalité, ni l’un ni l’autre ne relève de la loi. Je comprends néanmoins tout l’intérêt de ces amendements : il est d’amener le Gouvernement à révéler toutes les dispositions qu’il entend prendre pour assurer la bonne information des électeurs de Nouvelle-Calédonie sur le vote par procuration et l’inscription dans les bureaux de vote décentralisés. Je pose donc la question de manière très précise à Mme la ministre.

Je pense, monsieur Artano, que si le Gouvernement a bien pris par avance toutes les dispositions d’information nécessaires, vous pourrez retirer vos amendements, parce que vous aurez toutes les garanties que vous en attendez.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Le Gouvernement est du même avis que la commission sur ces deux amendements, mais il est vrai que la question de l’information des électeurs est essentielle.

Il est important que je puisse m’expliquer ici sur l’implication du Gouvernement dans la mise en place de la campagne d’information, que celle-ci porte sur les bureaux de vote décentralisés ou le vote par procuration. Puisqu’il en est question, je souhaite que tous les commissariats de l’Hexagone puissent fournir des informations sur les modalités du vote par procuration : voter ainsi depuis la métropole n’est en effet pas si évident.

Le Gouvernement souhaite assurer les meilleures conditions d’information possibles pour les électeurs, qu’il s’agisse de l’information classique en pareil cas, ou d’une information plus spécifique. Mon ministère travaille actuellement avec le service d’information du Gouvernement sur une maquette de campagne d’information, qui sera prête dans les jours à venir. Cette maquette sera ensuite soumise au comité des signataires, parce qu’il importe là encore de continuer à travailler ensemble et à coconstruire ces outils d’information. Chacun appréciera ensuite quelle information il souhaite diffuser.

Cela étant, il est vrai que la détermination des différents aspects de cette campagne d’information ne relève pas du domaine de la loi. Si j’insiste sur le sujet, c’est que, lors de mon dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie, j’ai rencontré des jeunes qui m’ont parlé de leur île, de leur vie, de leurs projets d’avenir et que j’ai pu constater à cette occasion leur manque de connaissances à propos de ce rendez-vous référendaire.

C’est pourquoi nous avons lancé une opération avec des sportifs comme Teddy Riner, qui a justement appelé les jeunes Néo-Calédoniens à voter et rappelé l’importance qu’il y a à donner son avis, ou encore Jean-Marc Mormeck qui se rendra au début du mois de mars en Nouvelle-Calédonie dans le cadre des Assises des outre-mer pour travailler au côté des jeunes et les inciter à faire preuve de volontarisme en vue du référendum.

Cette consultation nécessite un accompagnement très spécifique au-delà des modalités d’information plus conventionnelles propres à ce type de scrutin. Monsieur le sénateur, j’espère que ma réponse vous satisfait et que vous accepterez de retirer vos deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Je voudrais remercier M. le président-rapporteur de la commission des lois de son soutien. Tout le monde l’aura compris : nous souhaitons avant tout une prise de conscience au sujet des modalités d’information des électeurs.

Je remercie également Mme la ministre des outre-mer pour la réponse très précise qu’elle vient d’apporter. Compte tenu de ces éléments, je retire l’amendement n° 1 rectifié, de même que l’amendement n° 2 rectifié sur l’article 3 bis, madame la présidente.

L ’ article 3 est adopté.

I. – Par dérogation au 4° du II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, pour la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique, ne peuvent exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration que :

1° Les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale ;

2° Les électeurs qui établissent que des obligations professionnelles, une formation, un handicap, des raisons de santé, une absence de Nouvelle-Calédonie, l’assistance apportée à une personne malade ou infirme les placent dans l’impossibilité d’être présents dans leur commune d’inscription le jour de la consultation prévue au titre IX de la même loi organique ou de participer au scrutin en dépit de leur présence dans la commune.

II. – Les personnes mentionnées au I doivent justifier de leur identité et fournir à l’appui de leur demande des justificatifs dûment établis.

III. – La liste des justificatifs à produire et les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les électeurs sont informés des conditions nécessaires pour exercer leur droit de vote par procuration au plus tard un mois avant la tenue de la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique.

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je mets aux voix l’article 3 bis.

L ’ article 3 bis est adopté.

Au deuxième alinéa du II bis de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, après les mots : « de la liste électorale en vigueur », sont insérés les mots : «, de la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province ». –

Adopté.

I. – Le II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sont applicables à la consultation le II de l’article 189 et, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° … du … relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, l’article L. 385 du code électoral ainsi que les dispositions suivantes du titre Ier du livre Ier du même code : » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du titre Ier du livre Ier du même code, il y a lieu de lire : “ parti ou groupement habilité à participer à la campagne ” au lieu de : “ candidat ”, “ binôme de candidats ” ou “ liste de candidats ”. »

II. – L’article 221 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée est ainsi modifié :

1° À la fin, la référence : « et au II bis de l’article 219 » est remplacée par les références : «, au dernier alinéa de l’article 218-3 et aux II bis et II ter de l’article 219 » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des dispositions du présent titre relatives aux inscriptions d’office sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs, les autorités gestionnaires de la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, des listes électorales générales de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française, du fichier national des électeurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des fichiers sociaux, et des fichiers d’état civil de droit commun et de droit coutumier transmettent aux commissions administratives d’une part, et aux commissions administratives spéciales prévues au II de l’article 189 d’autre part, les informations nominatives portant exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance, et adresse des personnes remplissant les conditions requises pour leur inscription d’office ainsi que les dates d’affiliation et durées de présence dans les fichiers sociaux. Les informations contenues dans les fichiers sont transmises aux commissions administratives ou aux commissions administratives spéciales par l’intermédiaire de l’institut de la statistique et des études économiques. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 6, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

de la Nouvelle-Calédonie

La parole est à M. le rapporteur.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 5 est adopté.

À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 216 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, après le mot : « gouvernement », sont insérés les mots : « et du congrès ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du premier alinéa du II de l’article 216 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les mots : « et les modalités d’organisation du scrutin » sont remplacés par les mots : «, les modalités d’organisation du scrutin et notamment les modalités de remboursement par l’État des dépenses faites pour la campagne par les partis ou groupements politiques habilités dans les conditions posées au 2° du III de l’article 219 ».

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Comme je l’ai fait lors de mon intervention liminaire, je souhaite aborder la question du financement de la campagne électorale, car celle-ci mérite d’être soulevée ici.

Cet amendement tend à remédier au fait que la loi organique est silencieuse en la matière. Bien sûr, beaucoup de dispositions de droit commun existent déjà et s’appliqueront lors de la consultation. Je veux parler des dispositions relatives au financement des partis et groupements politiques, notamment la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, récemment enrichie par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, ou encore des dispositions pénales du code électoral qui prévoient des sanctions lourdes pour quiconque tenterait d’influencer le vote en s’appuyant sur ses moyens financiers.

Cet amendement complète le cadre existant : il vise à renforcer la garantie d’une participation équitable à ce scrutin et à faire en sorte, comme je l’ai dit tout à l’heure, que chacun puisse obtenir le soutien qu’il mérite, sans qu’aucune différence soit faite entre les partis selon qu’ils sont plus ou moins bien soutenus financièrement.

C’est toujours dans un esprit de concertation locale que le Gouvernement présentera au groupe de travail du comité des signataires un projet de décret permettant de redéfinir précisément les modalités de remboursement des dépenses de campagne.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 5 bis.

L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième à cinquième alinéas du IV de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces temps d’antenne sont répartis, entre les partis ou groupements habilités à participer à la campagne, par accord entre les présidents des groupes au congrès, sans que cette répartition puisse conduire à octroyer à l’un de ces partis ou groupements un temps d’antenne hors de proportion avec leur représentation au congrès. À défaut d’accord constaté par la commission de contrôle, cette dernière fixe la répartition des temps d’antenne entre les partis ou groupements habilités en fonction du nombre de membres du congrès qui ont déclaré s’y rattacher, apprécié à la date à laquelle la décision de la commission de contrôle dressant la liste des partis ou groupements admis à participer à la campagne est publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne officielle ouverte en vue de la consultation.

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel adresse à l’ensemble des services de radio et de télévision à vocation nationale et locale, quel que soit leur mode de diffusion par tout procédé de communication électronique en Nouvelle-Calédonie, des recommandations pour l’application des principes définis à l’article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication à compter du début de la campagne et jusqu’à la veille du scrutin à zéro heure. Durant cette période, les mêmes services de radio et de télévision veillent, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à ce que les partis et groupements politiques bénéficient d’une présentation et d’un accès à l’antenne équitables en ce qui concerne la reproduction des déclarations et écrits émanant des représentants de chaque parti ou groupement politique.

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel délègue l’un de ses membres en Nouvelle-Calédonie à l’occasion de la campagne. »

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Cet amendement vise à modifier les dispositions relatives à la répartition des temps de parole. Il s’agit d’une attente forte des partis politiques locaux, qui nous ont alertés par courrier à ce sujet, comme l’indiquait Pierre Frogier tout à l’heure. Les différents groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie nous ont écrit pour que les dispositions figurant dans cet amendement soient précisées dans le texte.

Le Gouvernement laisse ainsi aux acteurs locaux une marge de manœuvre pour répartir le temps d’antenne dans le cadre de la campagne officielle. Il existe aujourd’hui un consensus local sur cette question, ce qui est une bonne chose. Offrir la possibilité au congrès de la Nouvelle-Calédonie de déterminer les temps de parole est en effet de bon augure dans la perspective de l’organisation du futur scrutin. Le dispositif que le Gouvernement vous propose aujourd’hui est en tout cas clair et sécurisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Gérard Poadja, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Les présidents des différents groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie ont émis un avis unanimement favorable sur cet amendement. Cet avis doit être pris en compte, afin de garantir la légitimité et la sincérité des résultats. C’est pourquoi je voterai cet amendement et encourage mes collègues à faire de même.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 5 bis.

La présente loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.

L ’ article 6 est adopté.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous avons achevé l’examen du texte de la commission sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble se dérouleront le mardi 20 février, à quinze heures. Le vote, par scrutin public solennel, aura lieu le même jour, de seize heures à seize heures trente, en salle des conférences.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite prendre la parole, tout d’abord pour remercier les sénateurs qui siègent sur toutes les travées de notre assemblée d’avoir compris la responsabilité qui est la nôtre de contribuer à la création des conditions d’un scrutin incontestable en Nouvelle-Calédonie. Je crois que nous avons fait cette démonstration dans les meilleures conditions.

Madame la ministre, après votre échange avec notre collègue Pierre Frogier sur le sujet, je voudrais également revenir un instant sur les notions de « souveraineté » et de « peuple », non pas pour débattre de l’appréciation politique de la question, mais pour évoquer sa dimension purement juridique.

Nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie sont des citoyens français, du moins jusqu’à ce qu’ils décident éventuellement du contraire au cours de la future consultation. En France, il n’existe pas deux nationalités différentes pour les citoyens français : nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie sont citoyens de Nouvelle-Calédonie, citoyens français et citoyens européens ! De la même manière que nous pouvons tous être à la fois citoyens européens et citoyens français, sans pour autant qu’il existe un peuple européen – personne ne conteste d’ailleurs le fait qu’il n’existe pas de peuple européen –, on ne peut pas aujourd’hui appartenir à un peuple calédonien quand on est citoyen de Nouvelle-Calédonie.

Il est très important de le rappeler ! Si je le fais, ce n’est pas pour prendre une position politique, mais pour expliquer ce qu’est la réalité du droit constitutionnel. Considérer que le scrutin des mois d’octobre ou de novembre prochains exprimera la volonté du peuple calédonien dans l’exercice de sa souveraineté est tout simplement une erreur juridique, même si cela peut correspondre à un point de vue politique ! D’un point de vue juridique, il ne pourrait exister de peuple calédonien que si les citoyens de la Nouvelle-Calédonie votaient « oui » au scrutin d’autodétermination.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, rapporteur. Dans ce cas, un État calédonien se constituerait et serait reconnu par un certain nombre de pays membres des Nations unies, voire par tous les pays progressivement, et la France la première, sans aucun doute. Toutefois, jusqu’à cette échéance éventuelle, nous ne pouvons en aucun cas parler de « peuple calédonien » du point de vue constitutionnel !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Je prends rapidement la parole pour remercier tous les sénateurs présents pour ce débat. J’aurai l’occasion de m’exprimer de nouveau lors des explications de vote et d’aller un peu plus loin, notamment pour rappeler combien la question posée lors de cette consultation devra être d’une indispensable clarté.

Monsieur le rapporteur, oui, en effet, employer le terme de « peuple », c’est prendre une position politique ! D’ailleurs, le président Gérard Larcher a lui-même utilisé ce mot ici. §Peut-être partageons-nous cette vision ? En tout cas, nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

Il est primordial de pouvoir débattre de ce rendez-vous important, qui est pourtant très ou trop insuffisamment connu aujourd’hui des médias nationaux. On parlait tout à l’heure de la nécessaire information des citoyens dans les territoires ; honnêtement, je crois que le Gouvernement, comme l’ensemble des parlementaires, a le devoir de faire de la pédagogie au niveau national, et ce suffisamment en amont d’un scrutin qui sera ensuite commenté par l’ensemble des médias nationaux au cours de la semaine pendant laquelle il aura lieu. Il est extrêmement important de parler davantage de ce rendez-vous sur la scène nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La suite de la discussion est renvoyée au mardi 20 février 2018, à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 14 février 2018, à quatorze heures trente et le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 119 rectifié, 2017-2018) ;

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission mixte paritaire (264, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 265, 2017-2018).

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (105, 2017-2018) ;

Rapport de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission mixte paritaire (274, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 275, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures vingt-cinq.