Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean-Louis Lagourgue l’a rappelé avec des mots pleins de sens : la Nouvelle-Calédonie s’apprête à tourner une page décisive de son histoire.
En novembre prochain, trente ans après les accords de Matignon, vingt ans après celui de Nouméa, le référendum devra bien ouvrir une nouvelle étape pour construire l’avenir de ce territoire. La page, aujourd’hui encore blanche, devra alors s’écrire avec l’aide et la participation de tous.
Quelle sera-t-elle ? Nul à cet instant ne le sait, mais, en raison des accords intervenus, le référendum est inéluctable.
On peut comprendre – je l’avais écrit avant de l’entendre – que Pierre Frogier et d’autres auraient préféré l’éviter, en raison de son caractère binaire.
Trouver une solution consensuelle, sans gagnant ni perdant, avant le référendum, en profitant des traditions encore vivaces, de la palabre, de la coutume pour y parvenir, était une option raisonnable, certainement très sage. Mais cela ne s’est pas fait. L’esprit qui avait inspiré Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou n’était pas au rendez-vous. On peut le regretter, mais il faut le constater. Dès lors, il fallait commencer par réussir cette consultation pour passer à l’étape suivante.
Je connais et salue l’esprit de responsabilité des deux sénateurs calédoniens, Pierre Frogier et Gérard Poadja ; nous avons besoin d’eux pour avancer dans la direction dans laquelle nous voulons tous aller ensemble.
Pour coconstruire et préserver l’équilibre fragile de ce référendum, un comité dit des signataires de l’accord de Nouméa s’est réuni régulièrement pendant deux décennies. Il a assuré, parfois difficilement, un dialogue continu entre l’ensemble des parties prenantes.
Il faudra, demain, avoir soin de consolider, sous une forme ou sous une autre, cette instance de dialogue, pour que les résultats de la consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, quelle qu’en soit l’issue, ne lèsent, ni ne blessent, ni n’écartent aucune des parties. Elle devra offrir à chacune une place autour de la table de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, pour construire la suite.
Pour ma part, j’aime l’idée, à laquelle Mme la ministre aussi a fait référence, de la grande palabre à l’océanienne, souvent évoquée par mon collègue Pierre Frogier, acteur essentiel et historique, au côté de Jacques Lafleur, de la vie calédonienne de ces dernières années.
Pour que cette consultation ne soit sujette à aucune remise en cause ni contestation, le projet de loi organique assure la mise en place de règles nouvelles ; je n’y reviens pas, tous les orateurs en ayant déjà parlé abondamment et méticuleusement.
Je salue le travail efficace du Premier ministre, Édouard Philippe, qui joue dans ce processus un rôle essentiel, loué par Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie, en ces termes : « C’était important d’avoir la bonne personne à ce moment de notre histoire, et je crois qu’Édouard Philippe est la bonne personne. » Cela suffit à résumer la responsabilité entière que le Premier ministre assume. Je ne doute pas, monsieur Frogier, que vous trouviez dans l’esprit de responsabilité qui l’anime sur ce sujet les réponses que vous attendez.
Ce qu’il faut désormais, c’est prévoir la suite. En effet, le référendum, quel que doive en être le résultat, ne permet pas de faire l’impasse sur les grands sujets d’avenir.
C’est la raison pour laquelle le comité des signataires de novembre 2017 – je l’ai constaté en lisant le compte rendu – a dressé une feuille de route préparant l’étape d’après. Des thématiques essentielles y sont abordées, comme l’économie liée au nickel ou la jeunesse calédonienne et les enjeux qu’elle représente.
Le Sénat est très sensible à cette approche. Le président Larcher avait mis en place, dès novembre 2015, un groupe de contact, qui existe toujours, chargé de réfléchir de façon large à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.