Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 14 février 2018 à 14h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la sécurité — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité. Ce texte vise à transposer deux directives européennes dans le domaine de la sécurité : une directive du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union, communément dénommée « directive NIS », et une directive du 17 mai 2017 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, dite « directive Armes ».

Ce projet s’attache également à tirer les conséquences, en droit français, d’une décision, ayant d’ailleurs valeur réglementaire, relative aux modalités d’accès au service public réglementé offert par le système mondial de radionavigation par satellite issu du programme Galileo, que l’on appelle « règlement Galileo » ou « directive Galileo ».

Mes chers collègues, vous savez que, en matière de transposition de directives, la marge de manœuvre du Parlement est limitée.

En première lecture, votre assemblée s’est efforcée, d’une part, d’assurer la conformité du projet de loi avec les directives, afin d’éviter toute sous-transposition et, d’autre part, d’améliorer la précision et l’intelligibilité du texte.

L’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, conservé les apports du Sénat sur ce projet de loi, l’enrichissant d’un certain nombre d’améliorations rédactionnelles.

Je précise que le résultat de la réunion de la commission mixte paritaire a été positif, si bien que je n’évoquerai devant vous que trois sujets. Sur le premier, le texte a été amélioré depuis l’examen du texte par le Sénat. Les deux autres continuaient de faire débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Le point qui a évolué par rapport à votre examen du texte en première lecture concerne l’article 6, relatif à la transposition de la directive NIS, donc à la sécurité liée au numérique, avec la définition des opérateurs de services essentiels.

Nous avions soulevé, sur l’initiative de la commission des lois, un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe à valeur constitutionnelle dit de légalité des délits et des peines que vous connaissez bien, puisqu’un système de sanction était prévu sans que les obligations s’imposant aux opérateurs de services essentiels aient été définies de manière suffisamment précise. Nous avons pu constater avec satisfaction que l’Assemblée nationale a tenu compte de cette remarque. Elle a complété l’article 6 de manière à lever cette réserve, les textes interprétatifs de la Commission européenne ayant été publiés après l’adoption du texte en première lecture par le Sénat.

De fait, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, les deux assemblées étaient quasiment d’accord sur la transposition de la directive NIS, et nous avions adopté dans les mêmes termes les dispositions qui concernaient Galileo. Il restait donc à examiner deux points, tous deux portant sur la directive Armes.

Le premier point était lié à l’introduction, par l’Assemblée nationale, de dispositions nouvelles étendant l’incrimination relative à la tentative d’acquisition, de cession ou de détention illégale d’armes, plus particulièrement de catégorie C. Pourquoi l’Assemblée nationale avait-elle introduit ces dispositions ? Parce qu’elle avait souhaité anticiper la mise en conformité de notre droit avec un protocole des Nations unies contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu.

Notre divergence avec l’Assemblée nationale se fondait sur le fait que cette incrimination supplémentaire ne figurait pas, par définition, dans la directive Armes. Comme je l’ai rappelé en préambule, l’exercice de transposition se fait, normalement, a minima. Considérant que le risque de cavalier législatif était assez élevé, le Sénat n’avait pas envisagé d’aller sur ce terrain.

La commission mixte paritaire a donné satisfaction à la position soutenue par l’Assemblée nationale, d’une part, parce qu’il y avait là un véhicule législatif qui permettait finalement de régler deux problèmes en un – la question soulevée, mais aussi la mise en conformité au regard du protocole des Nations unies – et, d’autre part, en raison de la pertinence des dispositions sur le fond, puisque l’incrimination de la tentative d’acquisition illégale d’armes paraît intéressante, au-delà de l’acquisition ou de la détention d’armes.

Le second point à examiner par la CMP était aussi celui qui avait entraîné le plus de discussions parmi les collectionneurs d’armes dites historiques, lesquels se sont beaucoup émus d’une disposition qui, de leur point de vue, réintégrait dans un cadre réglementaire les conditions de détention d’armes à caractère historique, de telle manière qu’ils estimaient perdre le bénéfice d’une libre détention qui figurait dans la loi.

Compte tenu de l’émotion créée par ce « déclassement », nous avions fait le choix de maintenir ces armes en catégorie D, celles dont l’acquisition et la détention sont libres, tout en prévoyant la possibilité, pour le ministère de l’intérieur, de surclasser les reproductions d’armes historiques qui pouvaient, selon lui, présenter une dangerosité avérée – là était le point de débat. Il s’agissait finalement de permettre, conformément à la directive, l’application d’un régime d’acquisition et de détention plus strict aux reproductions d’armes historiques, qui, en utilisant des techniques modernes, pouvaient être considérées comme plus dangereuses.

L’Assemblée nationale avait rétabli le texte initial du Gouvernement, suscitant l’émoi des collectionneurs. Il nous semblait que la version proposée par le Sénat avait pour mérite de garantir aux collectionneurs, qui sont des personnes parfaitement honorables, la liberté d’acquisition et de détention des armes historiques, tout en se conformant aux exigences de la directive.

La CMP a suivi votre position, à travers une rédaction que je qualifierais d’« intermédiaire » : le texte issu de sa réunion prévoit que les armes historiques et de collection seront par défaut classées en catégorie D, ce que les collectionneurs souhaitaient, à l’exception des armes neutralisées et des reproductions d’armes historiques, qui feront l’objet d’une classification par décret, pour laisser au ministère de l’intérieur, lorsque la nature des reproductions peut susciter des craintes, la possibilité de les classifier distinctement.

Mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le lundi 5 février a donc été positive. L’accord intervenu entre nos assemblées a fait l’objet d’un vote unanime, tant des députés que des sénateurs. Il vous est proposé d’agir de même aujourd’hui.

Je terminerai sinon par une boutade, du moins par un clin d’œil : alors que vous êtes nombreux à être très attentifs aux risques de surtransposition – c’est presque un mot tabou dans notre assemblée –, je dois vous avouer que, en faisant ce que je vous recommande, à savoir voter vous aussi les conclusions de la CMP à l’unanimité, vous adopterez une surtransposition chimiquement pure, la création de l’incrimination supplémentaire que je vous ai présentée tout à l’heure allant au-delà de la directive. Toutefois, cette création procède d’un bon sentiment, et le Gouvernement pourrait ajouter que ce n’est que l’anticipation d’une disposition qui, de toute façon, serait entrée dans notre droit par l’application d’autres mesures. Dès lors, mes chers collègues, cette surtransposition ne devrait pas poser trop de difficultés aux membres de notre assemblée.

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