Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur le secrétaire d'État, pour la première fois depuis votre nomination, pour une audition consacrée aux questions numériques.
L'aménagement numérique du territoire intéresse tout particulièrement le Sénat. En 2011 déjà, notre commission avait adopté un rapport d'information intitulé « Aménagement numérique du territoire : passer des paroles aux actes. » Puis, en 2015, avec Patrick Chaize, nous avons présenté un rapport d'information titré « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », que nous avons remis en mains propres à Emmanuel Macron, alors ministre.
Notre commission a été, en outre, à l'origine d'un certain nombre de modifications adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. La semaine prochaine, nous examinerons la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize relative aux investissements dans les réseaux à très haut débit, destinée à consolider les réseaux d'initiative publique (RIP) et à sécuriser les investissements. Marta de Cidrac a été nommée rapporteure de ce texte, qui sera examiné en séance publique au début du mois de mars. Tous deux vous interrogeront certainement sur les problématiques liées aux réseaux fixes.
Nous souhaitons également évoquer avec vous la question de la téléphonie mobile qui, vous le savez, représente un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens et nos territoires. Le Gouvernement a présenté en janvier dernier un accord, que vous avez qualifié d'« historique ». Ce dernier semble effectivement aller dans la bonne direction, puisque, pour la première fois, le critère d'aménagement du territoire, auquel nous sommes très attachés, prévaut sur la rentabilité financière. Il n'en pose pas moins un certain nombre d'interrogations, auxquelles nous aimerions obtenir des réponses et des précisions.
D'abord, et nous l'avons exprimé, nous avons un léger sentiment de déception dans la mesure où cet accord ne prévoit plus d'objectifs précis en termes de couverture du territoire et de calendrier. Pourtant, au mois de juin dernier, le Président de la République avait indiqué que la question de la téléphonie mobile serait réglée dans un délai de deux à trois ans, si je me souviens bien. D'ailleurs, plusieurs ministres, devant notre commission ou dans l'hémicycle - je pense notamment à MM. Mézard et Mahjoubi -, ont annoncé que 100 % de la population, voire du territoire, pourrait bénéficier de la 4G en 2020. Or l'accord ne fait nullement référence à cette échéance, sans, pour autant, en fixer d'autres, ce qui pose un problème de visibilité pour les citoyens comme pour les élus. Il fixe une obligation de moyens, sans établir clairement une obligation de résultat.
Prenons, par exemple, la mesure phare que constitue l'installation de 5 000 nouveaux sites par opérateur : il faudra attendre 2025 pour que l'identification des sites soit achevée. Quelle sera dès lors l'échéance de leur mise en service ? Comment, par ailleurs, vont-ils se répartir sur le territoire et qui décidera de cette répartition ? Dans ce dispositif, trois volets sont prévus, qui ne m'apparaissent pas d'une grande clarté, s'agissant notamment de la distinction entre les volets un et deux. J'espère que vous pourrez éclaircir ce point et nous préciser quel sera le rôle dévolu aux collectivités territoriales. Il semble y avoir une volonté de les associer à la mise en oeuvre de l'accord, mais selon quelles modalités ?
En outre, comment faire respecter les engagements pris par les opérateurs, alors que l'histoire récente et l'actualité regorgent d'exemples d'engagements non tenus ? Je n'en citerai qu'un seul : la loi dite « Macron » avait prévu que la couverture des zones blanches serait achevée au 31 décembre 2016 ; nous sommes en février 2018 et des territoires identifiés comme tels attendent toujours l'installation d'un pylône. Mais nous en reparlerons, car l'accord pose justement des questions sur le passage du dispositif de la loi Macron aux mesures que vous avez annoncées : certains territoires en phase d'installation de leur pylône risquent de voir encore reporter l'échéance promise. Des mesures positives peuvent parfois avoir des effets qui le sont beaucoup moins !
Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics doivent pouvoir être en capacité, dans les prochains mois, d'offrir une visibilité aux collectivités territoriales. Comme beaucoup de mes collègues sénateurs, je rencontre des maires qui s'inquiètent des délais dans lesquels leur commune sera couverte par la téléphonie mobile. Vous l'imaginez bien, leur annoncer qu'un pylône sera installé dans trois, quatre ou cinq ans ne constitue pas une réponse suffisamment précise ! Il faut plus de visibilité et de transparence sur le numérique comme sur la téléphonie mobile.