Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 14 février 2018 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur le secrétaire d'État, pour la première fois depuis votre nomination, pour une audition consacrée aux questions numériques.

L'aménagement numérique du territoire intéresse tout particulièrement le Sénat. En 2011 déjà, notre commission avait adopté un rapport d'information intitulé « Aménagement numérique du territoire : passer des paroles aux actes. » Puis, en 2015, avec Patrick Chaize, nous avons présenté un rapport d'information titré « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », que nous avons remis en mains propres à Emmanuel Macron, alors ministre.

Notre commission a été, en outre, à l'origine d'un certain nombre de modifications adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. La semaine prochaine, nous examinerons la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize relative aux investissements dans les réseaux à très haut débit, destinée à consolider les réseaux d'initiative publique (RIP) et à sécuriser les investissements. Marta de Cidrac a été nommée rapporteure de ce texte, qui sera examiné en séance publique au début du mois de mars. Tous deux vous interrogeront certainement sur les problématiques liées aux réseaux fixes.

Nous souhaitons également évoquer avec vous la question de la téléphonie mobile qui, vous le savez, représente un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens et nos territoires. Le Gouvernement a présenté en janvier dernier un accord, que vous avez qualifié d'« historique ». Ce dernier semble effectivement aller dans la bonne direction, puisque, pour la première fois, le critère d'aménagement du territoire, auquel nous sommes très attachés, prévaut sur la rentabilité financière. Il n'en pose pas moins un certain nombre d'interrogations, auxquelles nous aimerions obtenir des réponses et des précisions.

D'abord, et nous l'avons exprimé, nous avons un léger sentiment de déception dans la mesure où cet accord ne prévoit plus d'objectifs précis en termes de couverture du territoire et de calendrier. Pourtant, au mois de juin dernier, le Président de la République avait indiqué que la question de la téléphonie mobile serait réglée dans un délai de deux à trois ans, si je me souviens bien. D'ailleurs, plusieurs ministres, devant notre commission ou dans l'hémicycle - je pense notamment à MM. Mézard et Mahjoubi -, ont annoncé que 100 % de la population, voire du territoire, pourrait bénéficier de la 4G en 2020. Or l'accord ne fait nullement référence à cette échéance, sans, pour autant, en fixer d'autres, ce qui pose un problème de visibilité pour les citoyens comme pour les élus. Il fixe une obligation de moyens, sans établir clairement une obligation de résultat.

Prenons, par exemple, la mesure phare que constitue l'installation de 5 000 nouveaux sites par opérateur : il faudra attendre 2025 pour que l'identification des sites soit achevée. Quelle sera dès lors l'échéance de leur mise en service ? Comment, par ailleurs, vont-ils se répartir sur le territoire et qui décidera de cette répartition ? Dans ce dispositif, trois volets sont prévus, qui ne m'apparaissent pas d'une grande clarté, s'agissant notamment de la distinction entre les volets un et deux. J'espère que vous pourrez éclaircir ce point et nous préciser quel sera le rôle dévolu aux collectivités territoriales. Il semble y avoir une volonté de les associer à la mise en oeuvre de l'accord, mais selon quelles modalités ?

En outre, comment faire respecter les engagements pris par les opérateurs, alors que l'histoire récente et l'actualité regorgent d'exemples d'engagements non tenus ? Je n'en citerai qu'un seul : la loi dite « Macron » avait prévu que la couverture des zones blanches serait achevée au 31 décembre 2016 ; nous sommes en février 2018 et des territoires identifiés comme tels attendent toujours l'installation d'un pylône. Mais nous en reparlerons, car l'accord pose justement des questions sur le passage du dispositif de la loi Macron aux mesures que vous avez annoncées : certains territoires en phase d'installation de leur pylône risquent de voir encore reporter l'échéance promise. Des mesures positives peuvent parfois avoir des effets qui le sont beaucoup moins !

Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics doivent pouvoir être en capacité, dans les prochains mois, d'offrir une visibilité aux collectivités territoriales. Comme beaucoup de mes collègues sénateurs, je rencontre des maires qui s'inquiètent des délais dans lesquels leur commune sera couverte par la téléphonie mobile. Vous l'imaginez bien, leur annoncer qu'un pylône sera installé dans trois, quatre ou cinq ans ne constitue pas une réponse suffisamment précise ! Il faut plus de visibilité et de transparence sur le numérique comme sur la téléphonie mobile.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires

Je vous remercie pour votre invitation, qui me permet de répondre plus précisément à vos interrogations que lors des séances de questions d'actualité au Gouvernement.

L'accord que nous avons conclu place les collectivités territoriales au coeur de la décision d'identification des futures infrastructures. Le financement des pylônes, comme leur conception et leur réalisation, est, en outre, transféré aux opérateurs, dans un souci d'économie et de rapidité.

Nous partageons le même constat d'insatisfaction. Alors que le Parlement a adopté le droit opposable au télétravail et que le nombre de démarches administratives réalisées sur internet a plus que doublé en dix ans, seul un Français sur deux a accès au très haut débit. Dans certains territoires, ces démarches ne peuvent même pas techniquement être réalisées !

Par le passé, en tant qu'ingénieur agronome, j'ai eu l'occasion d'accompagner des agriculteurs dans le cadre de leurs démarches liées à la politique agricole commune (PAC) : alors qu'il leur est demandé d'effectuer des déclarations sur internet, il faut parfois une demi-heure pour télécharger le document nécessaire et espérer l'envoyer. Cette situation est inacceptable !

Pour ce qui concerne la téléphonie mobile, si, selon les chiffres officiels, 98 % de la population serait convenablement connectée, tel n'est pas, loin s'en faut, le sentiment de nos concitoyens. Nous avons tous en tête des scènes ubuesques : dans certains territoires, les habitants doivent aller au fond de leur jardin pour capter un réseau mobile. Nous aurons l'occasion de reparler de ces sujets, déjà abordés lors de la conférence de consensus, à l'occasion des débats sur le projet de loi « évolution du logement et aménagement numérique » (ELAN) et sur la proposition de loi de M. Chaize portant sur la nécessaire accélération du déploiement des infrastructures, qui représente un enjeu essentiel pour les territoires.

Je me suis rendu en Isère pour inaugurer un pylône de téléphonie mobile. Il avait fallu dix ans pour le construire, parce que le maire avait dû tester chaque montagne des environs pour savoir d'où le pylône serait le moins visible. Lassés de ne pas avoir accès au téléphone mobile, les jeunes avaient quitté le village.

Face à de telles situations, le Président de la République et le Premier ministre ont fixé des objectifs fermes et ambitieux en termes d'accès au numérique avec un bon débit pour tous en 2020, soit plus de huit mégabits par seconde, et un très bon débit pour tous en 2022, soit plus de trente mégabits. Il s'agit également de revoir en profondeur le système, en précisant les aspects contraignants et en définissant plus justement la notion de zone blanche.

Selon les critères actuels, les zones blanches sont au nombre de 500, ce qui semble très largement sous-estimé. En effet, cette définition ne prend pas en compte les territoires où l'opérateur présent ne délivre pas un service de qualité. Vous avez évoqué à plusieurs reprises cette contradiction dans vos rapports précités en 2011, en 2015 et, plus récemment, en septembre 2017. Dans vos derniers travaux, réalisés conjointement avec M. Chaize, vous insistiez d'ailleurs sur la nécessité de solidifier les réseaux actuels et d'accélérer la mise en oeuvre du très haut débit.

Ces objectifs ont été pris en considération dans la dernière loi de finances et dans le grand plan d'investissement présenté par le Premier ministre il y a quelques mois. Par ailleurs, vous appeliez de vos voeux un changement de paradigme s'agissant de la téléphonie mobile : le même état d'esprit a présidé aux négociations que nous avons menées, à compter du mois de juin, avec les quatre grands opérateurs et avec les opérateurs neutres et indépendants, qui oeuvrent dans la zone d'initiative publique.

L'accord auquel nous avons abouti comporte deux volets relatifs respectivement au numérique et à la téléphonie mobile.

S'agissant du numérique, notre objectif est d'offrir à tous un accès au haut débit en 2020 et au très haut débit en 2022. À cet effet, dans un réflexe très français, nous aurions pu mettre en place un nouveau système. Je considère, pour ma part, que beaucoup de RIP fonctionnent convenablement. Les réseaux en difficulté sont en réalité ceux qui furent précurseurs et subissent aujourd'hui les conséquences des changements de technologie. Nous avons préféré accélérer le déploiement numérique sur la base des réseaux existants. Il convient d'abord de sécuriser ce déploiement en s'assurant de sa conformité aux engagements pris par les opérateurs, conformément à l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques instauré par la loi pour une République numérique. Il faut ensuite consolider le plan très haut débit, piloté par l'Agence du numérique. Nous en avons sécurisé le financement dans le cadre de la loi de finances à hauteur de 3,3 milliards d'euros.

Par ailleurs, pour établir une « société du gigabit », selon la terminologie utilisée par la Commission européenne, nous devons accélérer le déploiement de la fibre sans renoncer brutalement à toute autre solution technologique (4G fixe, boucle hertzienne, etc.). Le Premier ministre a annoncé l'installation, en 2019, d'un guichet unique doté de 100 millions d'euros destinés, notamment, au financement des box et des antennes relevant de ces technologies.

Enfin, doit être mobilisé l'ensemble des investisseurs privés et des opérateurs, notamment pour l'accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des phases deux et trois des réseaux, sans déstabiliser les premières phases des RIP déjà installés. Les collectivités territoriales restent, en effet, donneurs d'ordre.

Le second volet de l'accord conclu avec les opérateurs porte sur la couverture mobile, annoncée finalisée à maintes reprises sans, pour autant, que les résultats aient jamais été à la hauteur des annonces. Nous avons cherché à changer de paradigme, en imposant enfin aux opérateurs des objectifs contraignants et en réfléchissant à une nouvelle définition de la qualité de réception et de celle, afférente, des zones blanches.

Pour imposer une contrainte forte, nous avons décidé d'utiliser les fréquences contrôlées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) : elles seront attribuées aux opérateurs en fonction de leurs engagements en matière de déploiement des infrastructures de téléphonie mobile. À rebours du mode d'enchères purement budgétaires d'autrefois, le cahier des charges pour la réattribution des fréquences prendra ces engagements comme critères de sélection. En conséquence, l'ARCEP disposera des moyens de pénaliser les opérateurs, qui ne tiendraient pas les engagements pris dans ce cadre.

Avec l'ARCEP et les opérateurs, nous avons reprécisé la notion de qualité de service, qui devient le coeur de la définition des zones blanches. Dès lors, il est évident que le nombre de zones qualifiées de « blanches » va sensiblement croître, en intégrant les actuelles zones grises où la réception existe, mais avec une qualité dégradée. Ce constat partagé, qui correspond à la perception de nos concitoyens, est essentiel.

Dans le cadre de cet accord, les opérateurs se sont engagés à investir, parfois de façon mutualisée, dans plus de 5 000 nouveaux sites, notamment dans les zones blanches et, plus largement, en milieu rural. Ils réaliseront en trois ans une avancée supérieure à celle qui a été enregistrée au cours de ces quinze dernières années. Ils s'engagent également à installer la 4G dans plus de 10 000 communes, actuellement en 2G ou en 3G, d'ici à 2020. Dans les zones blanches néanmoins, ce basculement ne se fera dans ce délai que pour 75 % des communes. Si la 4G n'améliore pas la réception téléphonique, elle permet un accès mobile à internet, ce qui représente une attente majeure des habitants.

Le troisième et dernier élément de cet accord concerne le déploiement de la téléphonie mobile le long des principaux axes de transports routiers et ferroviaires.

Ces objectifs sont contraignants, mais les collectivités territoriales, je le répète, restent les donneurs d'ordre.

À titre d'illustration, le choix des 5 000 sites pour les nouveaux pylônes ne revient pas unilatéralement aux opérateurs, mais dépendra des demandes des collectivités territoriales, qui relaient le ressenti et les besoins de leurs administrés. Il y a, enfin, la nécessité d'un véritable choc de transparence concernant la mise en oeuvre effective de cet accord. À cet effet, l'ARCEP publiera au cours du premier semestre de 2018 des cartographies de déploiement de la téléphonie mobile et des infrastructures numériques et les actualisera régulièrement.

Vous avez évoqué, monsieur le président, la question des délais, notamment l'année 2025 s'agissant de la téléphonie mobile.

Pour le numérique, l'objectif est clair : le haut débit pour tous en 2020, le très haut débit pour 2022. Concernant la téléphonie, dans la mesure où nous avons redéfini, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité, les critères de priorité sur la base de la qualité de service, le déploiement sera plus progressif, bien que rapide, puisque entre 600 et 800 nouveaux pylônes seront installés par opérateur chaque année. L'identification des sites par les collectivités territoriales débutera en 2018 ; nous travaillons d'ailleurs à la rédaction d'un mode d'emploi qui leur sera destiné pour les accompagner dans cette mission. Les associations d'élus seront prochainement consultées sur sa teneur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous sommes sensibles à la méthode, qui privilégie l'aménagement du territoire et considère la réalité de la couverture mobile. Pour autant, je rappelle que plusieurs ministres nous ont assuré que 100 % des zones blanches seraient couvertes à l'échéance de 2020. En réalité, il n'en sera rien.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Modulo le temps de construction des pylônes, ce sera au contraire le cas si les collectivités territoriales et l'État en décident ainsi ! Mais attention à ne pas confondre connexion technique et ressenti de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Je suis, pour ma part, assez satisfait de l'accord trouvé avec les opérateurs de téléphonie mobile, car le Gouvernement a tenu compte de plusieurs remarques du rapport d'information que j'ai commis avec le président Maurey. Vous avez désormais une obligation de réussite tant les attentes et les besoins de nos concitoyens sont grands. Il est donc urgent que le dispositif entre dans sa phase opérationnelle et, à cet effet, d'informer les élus sur la méthode à suivre. Souvenez-vous que la plateforme France Mobile, installée l'an passé, ne rencontre pas le succès escompté : il faut continuer à informer les maires de son existence et de son utilité.

Concernant les réseaux numériques, vous avez évoqué la garantie de financement à hauteur à 3,3 milliards d'euros pour leur déploiement. Cette somme permettra aux collectivités territoriales de réaliser les investissements de la première phase, mais pas en totalité. La fermeture en catimini de la plateforme dédiée à la fin de l'année 2017 inquiète les élus. Est-elle temporaire ? Dès lors, comment terminer les dessertes des territoires ruraux en très haut débit ? J'aimerais par ailleurs connaître votre opinion sur la proposition de loi que j'ai déposée concernant les réseaux fixes.

Vous avez souligné le caractère contraignant des engagements pris par les opérateurs. Pourtant, ils ne semblent pas si fermes lorsque nous interrogeons les entreprises concernées. Dans un souci de transparence, dont vous vous êtes fait l'écho, les élus aimeraient connaître, afin de pouvoir anticiper, la teneur exacte de ces engagements.

Pour accélérer le déploiement des infrastructures numériques, il convient également de lever un certain nombre de freins relatifs, notamment, aux réseaux électriques, aux servitudes et aux règles d'urbanisme. Des dispositions seront-elles prévues à cet effet dans le projet de loi ELAN ?

Enfin, je ne suis pas convaincu que l'extension de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) aux réseaux câble et fibre, votée par l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017, réponde aux attentes des opérateurs, qui souhaitent plutôt une limitation de leur imposition. Certaines collectivités territoriales pourraient même être amenées à la verser.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Monsieur le ministre, en tant que rapporteure sur la proposition de loi visant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, que nous examinerons la semaine prochaine, j'ai deux questions, l'une d'ordre général, l'autre plus ciblée.

Premier point : pourriez-vous nous faire part de vos observations sur cette proposition de loi, sur l'esprit du texte mais également sur les dispositions qui sont proposées ? Notre volonté, avec mon collègue Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi, est de pouvoir travailler de concert avec vous sur ce sujet, avec pour objectif d'apporter à nos concitoyens le service le plus qualitatif possible, dans tous nos territoires.

Ma seconde question porte sur un point plus précis que vous avez évoqué dans vos propos introductifs. La proposition de loi vise à formaliser la répartition des responsabilités entre opérateurs privés et publics, ainsi que les calendriers de déploiement, pour construire les réseaux en fibre optique. Comme vous le savez, la concrétisation des intentions d'investissement exprimées en 2011 est aujourd'hui incertaine, faute d'engagements précis et contrôlables. Vous avez indiqué que votre Gouvernement a été récemment destinataire d'engagements sur ce sujet de la part des opérateurs. Ma question est simple : pourrions-nous avoir ces engagements, pour que le Parlement ait les moyens d'exercer pleinement ses missions de contrôle et pour que nos travaux législatifs soient pleinement éclairés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Vous avez longuement abordé l'enjeu que constitue le déploiement des infrastructures numériques ; j'aimerais évoquer celui des usages.

Nous ne pouvons admettre que 15 % à 20 % de la population, pour des raisons techniques ou à cause d'un manque d'intérêt, soient exclus de cette révolution. Déjà, des initiatives sont prises en ce sens par les collectivités territoriales - je pense aux bus numériques ou aux chéquiers numériques -, mais la réponse apportée n'est pas toujours adaptée. Dans le Puy-de-Dôme, le seul service rural qui fonctionne six jours sur sept et recueille la pleine confiance de la population est La Poste. Or l'érosion de son activité courrier conduit à la réduction progressive des horaires d'ouverture et du nombre d'agents. Ne devrait-on pas confier aux agents de La Poste une mission de médiation numérique au plus près des habitants, afin de compenser la réduction de leur activité traditionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lanfranchi Dorgal

Le Gouvernement prévoit d'accélérer la couverture numérique par des appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL). Quelle sera la procédure, sachant que l'intervention des opérateurs privés est prévue dans les zones publiques ?

Par ailleurs, les deux observatoires, dont l'un va être mis en place par l'ARCEP en 2018, vont-ils cohabiter ou mutualiser leurs moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Monsieur le secrétaire d'État, je suis très heureux que vous ayez pris conscience des zones blanches en termes de téléphonie mobile et de haut débit lors de la dernière campagne électorale. Pour ma part, je constate que la fracture territoriale s'accentue, avec une France à deux vitesses - en témoigne le rapport Duron - : une France avec des moyens de transport grande vitesse entre les métropoles, la grande vitesse pour le très haut débit, sans bourse délier pour les collectivités, et la France des territoires oubliés, avec la petite vitesse pour le transport ferroviaire, la petite vitesse sur les routes départementales et la petite vitesse pour le numérique, alors que les collectivités locales doivent participer à hauteur de 20 % ou 30 %, ce qui représente parfois 1 million ou 1,5 million d'euros.

Comment allez-vous réduire les inégalités des territoires sur le plan technique, mais aussi sur le plan financier pour les collectivités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que les collectivités locales resteront des donneurs d'ordre. À quel degré allez-vous associer les maires ruraux, qui connaissent parfaitement leur territoire. Allez-vous les impliquer dans la définition des modalités d'évaluation ? Seront-ils des co-acteurs ?

Par ailleurs, vous avez souligné que l'ARCEP dispose de tout l'arsenal pour faire respecter les engagements. Comment cela va-t-il s'articuler avec les autorités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Je partage le point de vue de Rémy Pointereau sur le coût du très haut débit pour les collectivités territoriales : l'État, la région, le département et l'Europe participent, mais le solde à la charge des communautés de communes, notamment en milieu rural, est extrêmement important. Aussi, je ne suis pas sûr qu'elles pourront, à terme, assurer le financement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire.

Concernant la téléphonie mobile, j'aimerais être rassuré quant aux remontées faites par la plateforme France Mobile, au travers des préfectures de région, sur les zones blanches ou grises. Un certain de communes ont déjà été identifiées. Aussi, il ne faudrait pas repartir de zéro, car ces communes attendent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Je ferai d'abord un constat.

Voilà deux ans, le préfet m'avait sollicité pour que je lui fasse part des zones blanches qui existaient dans mon département. Depuis lors, il ne s'est rien passé. Vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement allait porter un véritable programme en la matière ; je n'en doute pas, mais permettez-moi de vous dire que vous serez jugé sur le résultat.

En outre, comme l'ont relevé mes collègues, une véritable fracture numérique existe.

Pour prendre un exemple, j'ai visité lundi dernier une entreprise comptant 75 salariés à Decazeville. Or pour pouvoir utiliser le portable, il faut sortir dans la cour. Je ne doute pas que les opérateurs aient de bonnes intentions, mais, eu égard aux difficultés de financement pour l'État et les collectivités locales, ne serait-il pas judicieux de créer un fonds de péréquation auquel participeraient les opérateurs, afin d'éviter cette France à deux vitesses ?

Enfin, il importe d'aller très vite. Si je puis me permettre, monsieur le secrétaire d'État, en toute modestie, je vous suggère de contractualiser avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : les maires ruraux et urbains connaissent mieux leur territoire que quiconque. Il faut être efficace pour obtenir de bons résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Se pose effectivement la problématique des maires ruraux, mais n'oublions pas celle des maires urbains.

Ces derniers doivent parfois faire face à la schizophrénie de nos concitoyens qui, s'ils demandent toujours de la rapidité dans le cadre de leurs échanges téléphoniques ou en matière d'accès à internet, sont les premiers à ne pas vouloir de pylônes et d'antennes près de chez eux. Je l'ai vécu à titre personnel en tant que maire d'Hellemmes.

Dans le cadre des mesures de simplification administrative à mettre en place pour faciliter la vie des élus locaux, des espaces de concertation avec nos concitoyens seraient bienvenus pour leur expliquer qu'on ne peut pas dire tout et n'importe quoi en matière de santé publique et de développement durable.

Je rejoins les propos de mon collègue Jean-Claude Luche, le maire est sans doute celui qui connaît le mieux sa commune. Sans imposer, il a la capacité de dire aux opérateurs où il faut mettre les installations, afin d'éviter les problèmes que l'on peut rencontrer en ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je constate que le déploiement du très haut débit est complexe et difficile. Permettez-moi de rappeler les vertus du service public, qui, en l'espèce, fait défaut.

Je salue, monsieur le secrétaire d'État, votre engagement très volontariste. Toutefois, j'exprimerai quelques inquiétudes dans la mesure où les communes et les collectivités doivent faire des demandes. Concrètement, comment cela va-t-il se passer ?

Par ailleurs, le Gouvernement devra faire preuve de cohérence. Certaines personnes habitent dans des zones blanches, ne sont pas équipées ou suffisamment formées pour naviguer sur le net. Or de nombreuses démarches administratives doivent être effectuées par internet. Il faut mener une réflexion sur ce sujet. Ont été évoquées comme référents les maisons de services au public, La Poste. Peut-on prévoir une mesure en ce sens ?

Enfin, où en est-on dans la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre exposé et votre volonté de faire en sorte que notre territoire soit couvert le mieux possible d'ici à quelques années. Mais la réalité est différente.

Sur le terrain, les élus locaux sont confrontés à des problèmes qu'ils ne peuvent pas résoudre. Je citerai un exemple. Pour éviter la zone blanche sur deux communes, il est prévu d'installer un pylône, à la demande de l'opérateur. Personne ne conteste l'endroit, mais personne ne veut prendre en charge l'alimentation en électricité. Résultat : le projet est abandonné. Deux ans après, la situation n'est toujours pas réglée. Dans ce genre de cas, pourquoi ne développe-t-on pas plus le satellite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

La couverture mobile et le développement du numérique sont essentiels pour l'attractivité de nos territoires. Il faut préparer « la société du gigabit », que vous avez évoquée, pour que ce soit une réalité dans les métropoles et dans les territoires ruraux.

À la fin de l'année 2017, vous avez assisté à la signature historique entre Orange, Free et mon département pour mettre en place un plan d'action afin de permettre au département de la Mayenne d'être le premier département fibré à l'horizon de 2021, un élément d'attractivité extrêmement important dont on peut se féliciter. Mais je veux revenir sur les orientations qui ont été prônées dans le cadre du comité interministériel de la transformation publique : le Premier ministre a annoncé une numérisation de la fonction publique. À côté de la transformation nécessaire de l'administration, il y a une certaine déshumanisation ainsi que la disparition de plusieurs services publics locaux. Mon département n'est pas épargné par la fermeture d'un certain nombre de bureaux de poste. Il faut prendre en compte la part significative de nos concitoyens qui ne peuvent pas utiliser internet.

Monsieur le secrétaire d'État, comment rassurez-vous les élus locaux face à la numérisation nécessaire et inéluctable de l'administration ? Il ne faut pas que celle-ci soit un élément supplémentaire de fracture sociale dans la période de transition.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Ma question a déjà été partiellement posée par mon collègue Jean-François Longeot.

Le département de la Haute-Savoie, eu égard à son relief et à sa zone frontalière, avec des conflits d'opérateurs, connaît bien la problématique du déploiement du numérique. Quelle est la position du Gouvernement sur le déploiement du satellite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

je veux saluer l'accord auxquels sont parvenus les différents opérateurs, car il y a urgence en la matière, notamment pour ce qui concerne toutes les zones qui ne sont pas desservies, ou peu.

Ma question porte sur la mutualisation et le partage des antennes entre les opérateurs, un point de blocage dans les négociations. Avec plus de 5 000 antennes supplémentaires, comment s'opérera la mutualisation pour éviter à la fois la multiplication des points et les blocages ?

Par ailleurs, comment allez-vous faire pour mieux associer les collectivités territoriales, qui jouent un rôle crucial ? Comment les besoins et les urgences en matière de téléphonie et de numérique seront-ils hiérarchisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Votre réponse sur l'échéance de 2020 était habile, mais n'était pas totalement rassurante. C'est donc plutôt à l'horizon de 2025 que l'ensemble des zones grises pourrait être résorbé. Non seulement cette échéance est extrêmement éloignée, mais, au vu des cycles techniques, de nouvelles technologies auront probablement été développées, telles que la 5G voire la 6G, ce qui est de nature à recréer des fractures. L'État est-il conscient de cette situation ? Va-t-on inverser l'ordre habituel, en commençant par les zones rurales et économiquement fragiles, pour finir par les zones les plus compétitives ?

Monsieur le secrétaire d'État, l'échéance est-elle celle de 2025 ? Et avez-vous déjà anticipé le processus pour éviter les mêmes difficultés que celles que l'on a connues avec le passage de la 3G à la 4G ?

Par ailleurs, vous associez les collectivités territoriales au choix des priorités. Mais qui décidera au final ?

Enfin, l'accord-cadre avec les opérateurs constitue un progrès. Vous avez évoqué la palette des sanctions allant jusqu'à la dissuasion nucléaire. Mais quelle est la réalité de la sanction financière pour les opérateurs qui ne jouent pas le jeu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Les enjeux sont importants. Je reviendrai sur les difficultés de certaines collectivités à faciliter l'implantation des antennes de téléphonie mobile. En 2015, une loi avait permis aux syndics de copropriété de faciliter ces implantations, en permettant que la décision soit prise à la majorité simple. Mais il importe également de mieux accompagner les collectivités. Aujourd'hui, il est toujours compliqué d'expliquer à la population que la téléphonie mobile n'est pas dangereuse pour la santé.

Plusieurs de mes collègues ont évoqué l'urgence d'implanter le très haut débit. Parallèlement, de nombreuses communes rurales déplorent le défaut d'entretien de la téléphonie fixe et des réseaux de cuivre. À cet égard, elles sont donc doublement pénalisées : non seulement les opérateurs n'entretiennent plus correctement la téléphonie fixe, mais ces habitants ne bénéficient pas de la téléphonie mobile, et encore moins du très haut débit.

Le Gouvernement ne pourrait-il pas inciter les opérateurs à entretenir ces réseaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

On ne peut que se féliciter des engagements pris par l'État, et nous espérons pouvoir vérifier dans un avenir proche qu'ils seront bien respectés.

Vous avez insisté sur les obligations faites aux opérateurs et sur l'accord qui les engage. Vous avez également parlé de l'association des collectivités territoriales, une association évidemment cruciale. Toutefois, la question reste posée sur les modalités et le calendrier de la consultation des collectivités pour la mise en oeuvre de l'accord.

Par ailleurs, l'ARCEP va annoncer des arbitrages en juin 2018. Disposez-vous d'éléments sur les critères qui seront pris en compte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Ma première question, qui est d'ordre sémantique, s'adresse autant à l'ingénieur qu'au ministre.

Depuis l'intervention du Président de la République, vous utilisez les termes - les mots ont leur importance ! - de bon débit et très bon débit, alors que l'on parle plutôt du haut débit et du très haut débit, qui sont des notions mesurables, quantifiables. Le bon débit est surtout lié à la perception de l'usager sur un territoire ; il n'est pas forcément satisfaisant pour les uns ou les autres, en fonction des besoins de chacun. C'est un point que je tenais à souligner.

Ma seconde question porte sur la 5G. Notre commission a également procédé à de nombreuses auditions concernant le véhicule autonome. À cet égard, permettez-moi de lire une déclaration du vice-président d'Intel : « La voiture autonome devra être guidée par un cerveau électronique infaillible nourri par des réseaux de télécommunications sûrs et ultrarapides. La 5G constitue un minimum. »

Or vous annoncez la 4G en 2020, alors que les véhicules autonomes seront quasiment prêts à cette période. N'a-t-on donc pas intérêt à accélérer le déploiement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

J'apprécie un certain nombre des avancées évoquées, qui dénotent un certain pragmatisme mais aussi un certain flou.

D'un point de vue juridique mais aussi en vue d'une sécurisation financière, lorsque les coûts résiduels pourraient être très élevés, il existe des zones RIP et des zones AMII. Comment sécuriser les démarches lorsque l'initiative publique fait tout ce qu'elle peut pour sauver un territoire ?

En outre, la définition de la bonne couverture de la téléphonie mobile est imprécise. Pour exercer notre fonction de contrôle, nous avons besoin d'avoir des critères beaucoup plus précis en termes de niveau de débit et de qualité de service apportée.

Enfin, j'aimerais avoir des précisions sur les donneurs d'ordres que sont les collectivités territoriales. Est-ce une libre organisation ? Est-ce que la subsidiarité prévaut ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Je voudrais vous faire part d'une inquiétude. La Bretagne a été l'une des régions les plus promptes à mettre en place une structure telle que Mégalis Bretagne. On déplore un retard important concernant la fibre optique dans l'Ouest. Le président Macron et le Gouvernement ont annoncé la couverture de l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici à 2022, mais Mégalis Bretagne parle de 2030 ! Ce n'est pas du tout pareil. Qui a raison ? Il y a là un véritable problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Toutes ces questions se rejoignent : nous avons le sentiment que le dispositif va dans le bon sens, mais nous nous interrogeons sur l'échéance, le calendrier et le rôle des collectivités locales.

Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais vous poser une question très précise sur l'internet fixe, que j'avais d'ailleurs posé au président de l'ARCEP. Que pensez-vous de l'attitude de l'opérateur historique qui fait monter en puissance son réseau cuivre au moment même où les RIP activent leurs réseaux ? Personnellement, je pense que cela n'est pas convenable. J'ai écrit deux fois au président d'Orange, qui n'a pas daigné me répondre. J'aimerais avoir votre sentiment officiel sur ce point.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, et je reste à votre disposition pour échanger avec vous après cette réunion si vous le souhaitez.

Monsieur Chaize, concernant la question des critères, un sujet abordé à plusieurs reprises, il convient de veiller à ce que chacun des opérateurs investisse dans 600 à 800 sites par an, avec l'objectif que chacun investisse dans 5 000 sites, certains sites pouvant être mutualisés. Quels sont les sites prioritaires et quels sont les critères pour les définir ?

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la liste n'est pas arrêtée. Nous essayons de déterminer les premiers critères, mais cette question fera l'objet d'échanges avec les collectivités locales. On pourrait prévoir que ce sont les zones blanches actuelles ancienne définition. L'enjeu est de redéfinir la qualité de service. Comme vous l'avez indiqué, on peut déjà retenir les informations qui ont été remontées par les plateformes, notamment la plateforme France Mobile. Mais on peut également imaginer d'autres critères. On pourrait, par exemple, déployer le numérique dans les zones où il y a beaucoup de jeunes, des universités, des écoles ou, inversement, des personnes en situation de dépendance. On pourrait tout aussi bien privilégier les zones à forte activité économique.

Il revient à l'État et aux collectivités de définir les critères et de déterminer les sites. Et ce sont les services de l'État qui communiqueront la liste des sites aux opérateurs.

Actuellement, nous sommes en train de faire un premier draft pour définir avec les associations d'élus un modus operandi. Je le redis, au moment où je vous parle, les critères ne sont pas encore arrêtés.

Concernant le financement du plan très haut débit, des sommes importantes sont prévues, y compris dans le cadre de la dernière loi de finances et du grand plan d'investissement, pour pouvoir tenir tous les engagements à propos du bon débit pour tous en 2020 et du très bon débit pour tous en 2022.

Le guichet est aussi lié à un certain nombre de contreparties. Si je puis dire, ce n'est pas open bar. Certes, on nous reproche que les décisions sont trop longues. Mais, considérant les sommes en jeu, un certain nombre de critères sont pris en compte.

Le plan très haut débit n'est pas un plan exclusivement FttH. C'est le plan très haut débit qui permet de financer l'ensemble des installations techniques permettant d'avoir du haut débit ou du très haut débit, mais pas forcément via la fibre. Cela ne signifie pas que l'État ne continuera pas accompagner le déploiement de la fibre, qui est l'enjeu prioritaire.

À cet égard, tous les opérateurs, dans les zones AMII ou RIP, se tournent de plus en plus vers la fibre. Cependant, tout le territoire ne sera pas fibré du jour au lendemain. En revanche, les objectifs sont très clairs : bon débit en 2020 et très haut débit en 2022, mais cela ne passe pas que par la fibre. À terme, la société du gigabit que vous connaissez très bien passera forcément par la fibre.

Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé sur les engagements que prennent les différents s'opérateurs, notamment sur le devenir de l'article L. 33-13.

Tous les nouveaux engagements pris les opérateurs doivent être conformes à l'article susmentionné dans les zones dites d'initiative privée. Il en sera de même dans les zones nouvelles que l'on appelle les zones AMEL. Dans les zones RIP, la contractualisation est réelle, avec des pénalités de retard.

Quid dans les zones où l'engagement a déjà été conclu, hors zones RIP ? Là est le sujet.

Les opérateurs concernés nous ont donné des engagements, mais, en émettant des réserves. Or, comme vous le savez, le diable est dans les détails. Nous avons donc des discussions extrêmement techniques avec eux. Ensuite, se pose la question de savoir s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Je ne puis vous apporter de réponse en cet instant. À certains égards, cela permettrait de revoir la notion de « zones peu denses » mentionnée dans la loi. Mais certains pourraient nous reprocher toute modification. Je vous le dirai très vite et en toute transparence.

Pour ce qui concerne la simplification, il faut y aller très franchement. Un certain nombre de simplifications figurent dans le projet de loi Élan. On ouvre une boîte de Pandore en prévoyant que l'avis conforme des architectes des bâtiments de France ne sera plus nécessaire pour les installations d'infrastructures de téléphonie mobile, un sujet tabou. Nous prévoyons aussi que la mise en concurrence des terrains pour les collectivités lorsqu'elles octroient des terrains pour réaliser des infrastructures n'est pas forcément nécessaire.

Dans le cadre du débat parlementaire, vous pourrez proposer toute simplification que vous jugez utile. Aucun sujet n'est tabou : plus on peut simplifier pour déployer rapidement, mieux c'est.

L'IFER est une taxe très compliquée : plus vous déployez plus vous payez. On propose donc que toutes les infrastructures supplémentaires soient exemptées de cette taxe pendant cinq ans.

Madame de Cidrac, vous me demandez quelle est ma position à l'égard de la proposition de loi. Sans vouloir faire preuve de flagornerie, ce texte arrive au bon moment. Il y a quelques mois, certains opérateurs faisaient des annonces quelque peu tonitruantes. Aussi, la proposition de loi expose la position des parlementaires et notamment des donneurs d'ordre en tant que représentant des collectivités locales. Aujourd'hui, le contexte est différent.

Je partage pleinement l'objectif poursuivi. Voyez la détermination qui est la mienne, celle de Jacques Mézard et du Gouvernement pour avancer. Le Gouvernement soutiendra-t-il ce texte ? Quelles dispositions figureront dans le projet de loi Élan ? Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Par ailleurs, faut-il transposer les dispositions du code européen des communications électroniques avant même que les discussions européennes ne soient finalisées ? Voilà les deux sujets principaux de la proposition de loi.

Monsieur Gold, vous avez évoqué l'usage. Aujourd'hui, 13 millions de Français voient passer le TGV en bas de leur jardin, mais ne peuvent y monter. Deux angles sont à prendre à considération, celui des personnes et celui des lieux.

Mounir Mahjoubi a annoncé à la fin de l'année dernière la stratégie et la planification du Gouvernement sur l'accompagnement pour l'usage du numérique. D'une part, il convient d'identifier territoire par territoire les entités susceptibles de faire cet accompagnement. La Poste ? Des associations ? Des structures ad hoc ? Des lieux de formation ? Tout dépend des territoires. D'autre part, dans quels lieux peut-on donner des formations sur le numérique ? J'ai la conviction que les maisons de services au public sont notamment le lieu où l'accès au numérique doit être privilégié. La Poste a évidemment un rôle croissant à jouer en la matière.

Madame Lanfranchi Dorgal, vous avez abordé la question de l'appel à manifestation d'engagements locaux.

Pour schématiser, il existe trois zones de développement du numérique : les zones dites totalement privées, là où c'est particulièrement rentable et tous les opérateurs s'y pressent ; les zones AMII, également d'initiative privée, qui sont suffisamment rentables - l'État et les collectivités locales n'ont pas besoin de participer financièrement - et qui attirent les opérateurs privés ; et les zones RIP, que vous connaissez par coeur.

On observe en ce moment une appétence plus en plus forte des opérateurs privés ou des investisseurs privés pour le financement de ces infrastructures. En Mayenne, le département a fait le choix de ne pas faire contribuer les communes alors que c'était prévu initialement. Par le biais des appels à manifestation d'engagements locaux, l'État accompagne les collectivités sur ce volet.

Deux garde-fous sont prévus. Premièrement, les collectivités doivent veiller à ne pas rompre l'équilibre des actions engagées, en veillant à ce que la première phase de travaux, même si elle est d'initiative publique, sera achevée. Deuxièmement, tous les engagements pris par les privés doivent être opposables, notamment en vertu de l'article L. 33-13.

Il est vrai que l'ARCEP va mettre en place deux observatoires, l'un sur le numérique et l'autre sur le mobile, parce que la transparence est essentielle. Les travaux se poursuivront dans les six prochains mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lanfranchi Dorgal

L'aménagement du numérique relève de la compétence de la communauté de communes ou d'agglomération, particulièrement dans mon territoire. Je suppose donc qu'elle sera l'interlocuteur. Or le schéma est départemental. Comment cela va-t-il s'articuler ?

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Il y a des RIP régionaux, départementaux, intercommunaux. C'est le donneur d'ordre, celui qui passe le contrat, qui prend la décision.

Monsieur Pointereau, vous avez évoqué le financement des collectivités locales, soulignant la différence entre les zones urbaines et les zones rurales et l'inégalité d'un point de vue financier.

Vous avez raison, l'inégalité financière existe. C'est pour cette raison que nous mettons en place le plan très haut débit, avec 3,3 milliards d'euros. De plus, nous avons lancé les zones AMEL. Les opérateurs privés peuvent nous aider à réduire la fracture financière dans la mesure où ils sont de plus en plus intéressés par le financement d'infrastructures dans de nouvelles zones.

Au niveau de la couverture mobile, se pose la question des collectivités qui auront accès à des technologies plus coûteuses. Une grande agglomération ne se pose pas la question de la couverture par satellite, contrairement aux collectivités rurales. En 2019, nous mettrons en place un guichet doté de 100 millions d'euros pour accompagner celles qui devront investir dans des technologies plus coûteuses.

Monsieur de Nicolaÿ, sur la question du financement des infrastructures, les pylônes ne seront plus financés par les élus locaux. Mais quid des contrats en cours de lancement ? La meilleure des solutions sera de ne pas arrêter les opérations lancées.

Il faut évidemment utiliser la plateforme France Mobile, comme vous l'avez évoqué.

Monsieur Luche, je reviendrai avec grand plaisir devant vous pour vous faire part des résultats. Je l'ai dit, l'accord est contraignant. Le gendarme des télécoms, l'ARCEP, a la capacité de contraindre si l'accord n'est pas respecté, soit par le biais d'amendes financières très dissuasives, soit au niveau de l'attribution ou du renouvellement de l'autorisation d'utilisation des fréquences.

Plusieurs d'entre vous ont soulevé la question de l'association des maires ou des collectivités locales. La question fondamentale est de savoir qui, au sein des collectivités locales, va nous aider à identifier chaque année les 600 à 800 sites. Les associations d'élus ? Les habitants eux-mêmes avec la plateforme ? L'ensemble des maires de France ? Les régions ? Les départements ? Là encore, notre position n'est pas arrêtée. Il ne me semble pas possible de faire appel à tous les maires de France : la probabilité qu'ils nous fassent part de problèmes est assez forte. Nous sommes en train de travailler sur cette question pour vous soumettre nos propositions.

Il est certain qu'il importe d'établir le plus grand nombre possible de critères pour fixer des priorités et pouvoir expliquer à une collectivité qu'elle sera prioritaire dans deux ans, afin d'éviter tout sentiment de frustration. N'hésitez pas à nous faire part de vos propositions en la matière.

Monsieur Marchand, vous avez évoqué les espaces de concertation. Vous avez mille fois raison, discutons-en pour amender la loi en conséquence. Aujourd'hui, on ne simplifie que les autorisations en matière d'urbanisme, mais on n'a pas traité de la concertation en amont.

Madame Préville, les demandes se font via les collectivités. Comme je l'ai dit, les maisons de services au public et les acteurs comme La Poste pourront les accompagner. L'Agence nationale de la cohésion des territoires vise à accompagner les collectivités notamment en matière d'ingénierie.

Monsieur Longeot, vous avez abordé un point essentiel, à savoir l'alimentation en électricité.

Aujourd'hui, l'opérateur financera le pylône, ainsi que le raccordement entre la ligne électrique et le pylône dans une distance de 100 mètres. Qu'en sera-t-il quand il faudra rallonger le réseau électrique ? La question est plus compliquée. Le syndicat d'électricité pourra être saisi, mais, dans quelques cas, l'opérateur pourrait être prêt à prendre en charge cette dépense. Nous sommes en train de voir ce qu'il est possible de faire juridiquement.

La question de la couverture par satellite est aussi en cours de discussion. Le guichet pourra notamment contribuer au financement des antennes.

Monsieur Chevrollier, la Mayenne est effectivement un exemple très innovant, avec la couverture de l'ensemble du territoire par la fibre. De plus, c'est l'un des premiers RIP accueillant Orange et Free, avec une diminution des financements publics et une augmentation des financements privés.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Les technologies ont évolué. Aujourd'hui, le numérique est plus rentable qu'il ne l'était auparavant.

Cap 2022, c'est l'engagement très clair de la dématérialisation des démarches administratives d'ici à la fin du quinquennat. Il faut permettre à celles et ceux qui veulent faire leurs démarches par internet de le faire, mais aussi offrir un accompagnement à celles et ceux qui le veulent. Cela nous renvoie aux maisons de services au public.

Monsieur Gontard, vous avez parlé de la mutualisation. Aujourd'hui seront mutualisés tous les pylônes considérés en zone blanche nouvelle définition. On renforce donc la mutualisation.

Monsieur Dantec, permettez-moi d'éclaircir un point. Il ne faut pas du tout retenir l'année 2025 pour le déploiement de la téléphonie mobile.

Voilà ce qu'il faut retenir. Tous les ans, à partir de cette année, entre 600 et 800 pylônes de plus seront installés, avec, par opérateur, 5 000 pylônes, dont un certain nombre seront mutualisés dans les zones blanches.

D'ici à la fin de l'année 2020, on assistera à une généralisation massive de la 4G. De plus, on connaîtra une progression massive de la couverture des grands axes de transport.

L'année 2025 qui figure dans l'accord correspond à un point très précis : l'amélioration de la qualité de service. Il ne s'agit pas d'une échéance pour la couverture.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Vous avez expliqué que toutes les zones grises ne seront pas couvertes en 2020. À cet égard, je vous remercie de refuser les postures de confort. Avez-vous des idées plus précises entre 2020 et 2025 ?

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Si les 600 à 800 sites retenus cette année appartiennent à des zones blanches, avec un temps de construction moyen d'un an ou de deux ans, toutes ces zones seront couvertes en 2020.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Comme on améliore parallèlement la qualité de service, que devient alors une zone grise ?

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

C'est la perception qu'en ont les Français.

Si la priorité est donnée aux anciennes zones blanches, elles seront couvertes fin 2020, puis nous améliorerons au fur et à mesure la qualité des réseaux sur tout le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour reprendre votre exemple, celui qui doit aller au fond de son jardin pour capter pourra-t-il voir sa situation s'améliorer en 2020, en 2022 ou 2023 ? Car il n'est pas dans une zone blanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Aujourd'hui, certaines communes ne sont pas identifiées en zone blanche, mais ne sont pas couvertes.

Dans le département de l'Eure, 150 communes ont répondu avoir une mauvaise couverture ou pas de couverture du tout. L'État en a retenu treize, me semble-t-il, eu égard aux critères applicables. Que dois-je répondre aux maires qui me demandent quand leur commune sera équipée en téléphonie mobile ?

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie, secrétaire d'État

Je vous ai déjà parlé des zones blanches. On redéfinit aujourd'hui toute la qualité de service dans les zones grises.

La personne que nous avons prise en exemple habite aujourd'hui dans une zone grise, mais elle sera demain considérée comme vivant en zone blanche. Comme nous modifions les critères, je ne sais pas s'il existe 1 000 ou 2 000 zones de ce type. Imaginons qu'il y en ait 1 000, avec les zones blanches actuelles, on aura 1 500 zones blanches. Avec 600 ou 800 sites par an, cela ira très vite. S'il y en a 4 000, cela ira moins vite. Nos experts parlent plutôt d'un écart de grandeur de 1 000 à 2 000. Mais je me méfie comme vous de tous ces chiffres.

Je prendrai un troisième cas de figure. Une grande partie d'un village est très bien couverte, mais, à quelque 300 mètres du village, les personnes ne captent pas. Elles ne seront pas pour autant prioritaires, par rapport à un village entier.

Notre objectif est de prioriser, avec les collectivités, les sites où la couverture est la plus nécessaire. Si l'on en croit nos experts, tout cela devrait aller assez vite. Mais j'attends les remontées qui vont nous être faites.

Autre engagement très clair : fin 2020, 10 000 communes passeront en 4G. C'est essentiel, car la 4G vous permet d'avoir accès à internet sur votre téléphone.

Comment s'assurer de l'effectivité ? Le contrôle sera réalisé par l'ARCEP. C'est pour cette raison que nous avons tenu à ce que cet accord soit signé sous le sceau de l'ARCEP.

Madame Bories, vous avez évoqué les difficultés engendrées par la présence de plusieurs opérateurs sur une même copropriété. Les règles en la matière pourraient utilement être simplifiées dans le cadre du projet de loi ELAN. S'agissant du défaut d'entretien, je vous rappelle que l'obligation d'entretien ressort du service universel de l'opérateur historique.

Madame Tocqueville, l'objectif est de disposer d'une première ébauche de document dans le courant du mois de mars, afin de pouvoir travailler avec les associations d'élus sur une version définitive du mode d'emploi disponible au printemps.

Monsieur Mandelli, le haut débit correspond à 8 mégabits et le très haut débit à 30. Nous expérimentons la 5G, en coopération avec le ministère de l'industrie et l'Arcep, mais son déploiement nécessitera l'attribution de fréquences spécifiques. Je crois avoir déjà répondu à M. Jacquin sur la sécurisation du financement des RIP. Je rappelle que les collectivités territoriales demeurent donneurs d'ordre, même s'il revient aux opérateurs d'investir et à l'État de faciliter les procédures.

M. Vaspart a évoqué la Bretagne et son plan visant à déployer la fibre sur l'ensemble du territoire régional à échéance 2030. Ce projet ne doit pas être confondu avec l'objectif gouvernemental de fournir le très haut débit à la totalité des Français d'ici 2022, qui s'appuie certes sur la fibre, comme en Mayenne ou dans l'Ain, mais également sur des technologies alternatives. Le déploiement universel de la fibre, correspondant à l'avènement de la société du gigabit appelée de ses voeux par Patrick Chaize, ne peut être que progressif.

Monsieur Maurey, l'attitude d'Orange, qui redynamise son réseau cuivre pour concurrencer la fibre, est incompréhensible ! Les autres opérateurs font au contraire, et de plus en plus, le choix de la fibre, comme en Mayenne ou en Essonne. Si la situation perdurait avec Orange, l'État pourrait agir en définissant, comme la loi l'y autorise, des zones où le développement de la fibre est prioritaire. Cela nécessitera néanmoins que soient publiés les décrets afférents à cette disposition relative au statut « zone fibrée ».