Intervention de Julien Denormandie

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 14 février 2018 à 11h00
Audition de M. Julien deNormandie secrétaire d'état auprès du ministre de la cohésion des territoires

Julien Denormandie, secrétaire d'État :

Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, et je reste à votre disposition pour échanger avec vous après cette réunion si vous le souhaitez.

Monsieur Chaize, concernant la question des critères, un sujet abordé à plusieurs reprises, il convient de veiller à ce que chacun des opérateurs investisse dans 600 à 800 sites par an, avec l'objectif que chacun investisse dans 5 000 sites, certains sites pouvant être mutualisés. Quels sont les sites prioritaires et quels sont les critères pour les définir ?

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la liste n'est pas arrêtée. Nous essayons de déterminer les premiers critères, mais cette question fera l'objet d'échanges avec les collectivités locales. On pourrait prévoir que ce sont les zones blanches actuelles ancienne définition. L'enjeu est de redéfinir la qualité de service. Comme vous l'avez indiqué, on peut déjà retenir les informations qui ont été remontées par les plateformes, notamment la plateforme France Mobile. Mais on peut également imaginer d'autres critères. On pourrait, par exemple, déployer le numérique dans les zones où il y a beaucoup de jeunes, des universités, des écoles ou, inversement, des personnes en situation de dépendance. On pourrait tout aussi bien privilégier les zones à forte activité économique.

Il revient à l'État et aux collectivités de définir les critères et de déterminer les sites. Et ce sont les services de l'État qui communiqueront la liste des sites aux opérateurs.

Actuellement, nous sommes en train de faire un premier draft pour définir avec les associations d'élus un modus operandi. Je le redis, au moment où je vous parle, les critères ne sont pas encore arrêtés.

Concernant le financement du plan très haut débit, des sommes importantes sont prévues, y compris dans le cadre de la dernière loi de finances et du grand plan d'investissement, pour pouvoir tenir tous les engagements à propos du bon débit pour tous en 2020 et du très bon débit pour tous en 2022.

Le guichet est aussi lié à un certain nombre de contreparties. Si je puis dire, ce n'est pas open bar. Certes, on nous reproche que les décisions sont trop longues. Mais, considérant les sommes en jeu, un certain nombre de critères sont pris en compte.

Le plan très haut débit n'est pas un plan exclusivement FttH. C'est le plan très haut débit qui permet de financer l'ensemble des installations techniques permettant d'avoir du haut débit ou du très haut débit, mais pas forcément via la fibre. Cela ne signifie pas que l'État ne continuera pas accompagner le déploiement de la fibre, qui est l'enjeu prioritaire.

À cet égard, tous les opérateurs, dans les zones AMII ou RIP, se tournent de plus en plus vers la fibre. Cependant, tout le territoire ne sera pas fibré du jour au lendemain. En revanche, les objectifs sont très clairs : bon débit en 2020 et très haut débit en 2022, mais cela ne passe pas que par la fibre. À terme, la société du gigabit que vous connaissez très bien passera forcément par la fibre.

Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé sur les engagements que prennent les différents s'opérateurs, notamment sur le devenir de l'article L. 33-13.

Tous les nouveaux engagements pris les opérateurs doivent être conformes à l'article susmentionné dans les zones dites d'initiative privée. Il en sera de même dans les zones nouvelles que l'on appelle les zones AMEL. Dans les zones RIP, la contractualisation est réelle, avec des pénalités de retard.

Quid dans les zones où l'engagement a déjà été conclu, hors zones RIP ? Là est le sujet.

Les opérateurs concernés nous ont donné des engagements, mais, en émettant des réserves. Or, comme vous le savez, le diable est dans les détails. Nous avons donc des discussions extrêmement techniques avec eux. Ensuite, se pose la question de savoir s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Je ne puis vous apporter de réponse en cet instant. À certains égards, cela permettrait de revoir la notion de « zones peu denses » mentionnée dans la loi. Mais certains pourraient nous reprocher toute modification. Je vous le dirai très vite et en toute transparence.

Pour ce qui concerne la simplification, il faut y aller très franchement. Un certain nombre de simplifications figurent dans le projet de loi Élan. On ouvre une boîte de Pandore en prévoyant que l'avis conforme des architectes des bâtiments de France ne sera plus nécessaire pour les installations d'infrastructures de téléphonie mobile, un sujet tabou. Nous prévoyons aussi que la mise en concurrence des terrains pour les collectivités lorsqu'elles octroient des terrains pour réaliser des infrastructures n'est pas forcément nécessaire.

Dans le cadre du débat parlementaire, vous pourrez proposer toute simplification que vous jugez utile. Aucun sujet n'est tabou : plus on peut simplifier pour déployer rapidement, mieux c'est.

L'IFER est une taxe très compliquée : plus vous déployez plus vous payez. On propose donc que toutes les infrastructures supplémentaires soient exemptées de cette taxe pendant cinq ans.

Madame de Cidrac, vous me demandez quelle est ma position à l'égard de la proposition de loi. Sans vouloir faire preuve de flagornerie, ce texte arrive au bon moment. Il y a quelques mois, certains opérateurs faisaient des annonces quelque peu tonitruantes. Aussi, la proposition de loi expose la position des parlementaires et notamment des donneurs d'ordre en tant que représentant des collectivités locales. Aujourd'hui, le contexte est différent.

Je partage pleinement l'objectif poursuivi. Voyez la détermination qui est la mienne, celle de Jacques Mézard et du Gouvernement pour avancer. Le Gouvernement soutiendra-t-il ce texte ? Quelles dispositions figureront dans le projet de loi Élan ? Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Par ailleurs, faut-il transposer les dispositions du code européen des communications électroniques avant même que les discussions européennes ne soient finalisées ? Voilà les deux sujets principaux de la proposition de loi.

Monsieur Gold, vous avez évoqué l'usage. Aujourd'hui, 13 millions de Français voient passer le TGV en bas de leur jardin, mais ne peuvent y monter. Deux angles sont à prendre à considération, celui des personnes et celui des lieux.

Mounir Mahjoubi a annoncé à la fin de l'année dernière la stratégie et la planification du Gouvernement sur l'accompagnement pour l'usage du numérique. D'une part, il convient d'identifier territoire par territoire les entités susceptibles de faire cet accompagnement. La Poste ? Des associations ? Des structures ad hoc ? Des lieux de formation ? Tout dépend des territoires. D'autre part, dans quels lieux peut-on donner des formations sur le numérique ? J'ai la conviction que les maisons de services au public sont notamment le lieu où l'accès au numérique doit être privilégié. La Poste a évidemment un rôle croissant à jouer en la matière.

Madame Lanfranchi Dorgal, vous avez abordé la question de l'appel à manifestation d'engagements locaux.

Pour schématiser, il existe trois zones de développement du numérique : les zones dites totalement privées, là où c'est particulièrement rentable et tous les opérateurs s'y pressent ; les zones AMII, également d'initiative privée, qui sont suffisamment rentables - l'État et les collectivités locales n'ont pas besoin de participer financièrement - et qui attirent les opérateurs privés ; et les zones RIP, que vous connaissez par coeur.

On observe en ce moment une appétence plus en plus forte des opérateurs privés ou des investisseurs privés pour le financement de ces infrastructures. En Mayenne, le département a fait le choix de ne pas faire contribuer les communes alors que c'était prévu initialement. Par le biais des appels à manifestation d'engagements locaux, l'État accompagne les collectivités sur ce volet.

Deux garde-fous sont prévus. Premièrement, les collectivités doivent veiller à ne pas rompre l'équilibre des actions engagées, en veillant à ce que la première phase de travaux, même si elle est d'initiative publique, sera achevée. Deuxièmement, tous les engagements pris par les privés doivent être opposables, notamment en vertu de l'article L. 33-13.

Il est vrai que l'ARCEP va mettre en place deux observatoires, l'un sur le numérique et l'autre sur le mobile, parce que la transparence est essentielle. Les travaux se poursuivront dans les six prochains mois.

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