Je viens d'une zone sous-dotée des Pyrénées, où les problèmes sont analogues. Lors de l'inauguration de l'IRM de l'hôpital de Saint-Gaudens, sous-préfecture du département, le professeur Lareng, l'un des pères du Samu, a quitté son fauteuil roulant pour monter à la tribune et clamer, en brandissant un poing rageur : « Des soins égaux pour tous ! » En dépit des alertes, la situation sur le terrain continue de se dégrader, l'accès aux soins recule et nous sommes à l'aube d'une catastrophe sanitaire.
La présence et la disponibilité des médecins généralistes sont la première condition de l'accès aux soins. Saint-Gaudens comptait 26 généralistes en 2010, ils ne sont plus que 16 aujourd'hui, dont il ne restera que 8 en 2020. Ceux qui exercent sont dans une situation déplorable et peuvent être amenés à faire plus de 60 actes par jour.
Nous comprenons que vous souhaitiez éviter le conflit avec les syndicats de médecins et que la coercition soit pour vous une ligne rouge, mais à force de céder sans cesse au corporatisme médical et de reculer devant les décisions difficiles, les déserts médicaux gagnent de plus en plus de terrain.
Parmi les mesures que vous proposez, la plus effective me semble être le doublement des maisons de santé. Nous ne doutons pas de votre volonté de les voir harmonieusement réparties sur le territoire, et bien dotées en médecins, mais n'est-ce pas là un premier pas vers une régulation dont vous ne voulez pas entendre parler ? L'ordre, les syndicats, la profession reconnaissent leur échec en matière de couverture du territoire. N'est-ce pas au législateur à prendre ses responsabilités, qui seront engagées en cas de crise sanitaire ? Comptez-vous faire passer l'intérêt des médecins devant celui de la population ? Ne pensez-vous pas qu'au-delà de l'augmentation du numerus clausus, il serait grand temps d'isoler une filière de généralistes dès la première année, avec des critères de sélection plus pragmatiques que les fameux QCM, comme le fait la Roumanie, où les stages de terrain sont nombreux et font fleurir des vocations ? Pourquoi, enfin, ne pas reconnaître le succès de certaines expériences de régulation, comme celle des pharmacies ?